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La campagne de 1744.
 

Les franco-espagnols partis, l’épidémie terminée, les habitants du haut val Varaita se retrouvèrent à l’entrée de l’hivers sans orge, sans foin pour leur bétail. Ils durent vendre leurs vaches : " Un chacun avait vendu son bétail, ils mangèrent l'argent, pour se secourir, il alla plus de quinze mille livres au marché de Venasque. Il était cependant bien étrange de ne voir dans ce quartier qu'une quarantaine de vaches, tandis qu'autres fois il s'en trouvait près de quatre cent, le monde s'assemblait dans les écuries plus réparés et passait le temps en se racontant ce qui leur était arrivé, et s'allait consolant dans leur misère " [105].

Le bois manquait aussi car les troupes avaient tout réquisitionné ( il leur fallait 500 bûches par jour ! ). L’hivers était rude pour toute la population qui se rassemblait dans les quelques étables où il restait quelques vaches pour bénéficier de la chaleur animale.

En janvier et février, une comète apparût dans le ciel et chacun y vit un mauvais présage. Certains allaient jusqu’à penser que la direction suivie par cet astre indiquait par où les troupes espagnoles allaient revenir au printemps : c’est par le sud, par la vallée de Bellino qu’on imaginait la prochaine invasion.

Dés février, un commissaire sarde arriva pour réquisitionner les restes de foin, passant de maison en maison, ne laissant même pas de quoi équiper les berceaux des enfants ou le minimum pour les quelques vaches encore à l’étable.

Aux premiers beaux jours, chaque camp pensait déjà à la prochaine campagne estivale.

Du côté sarde, les militaires préparaient les défenses de toutes les vallées des Alpes, s’appuyant sur les places fortes existantes. "  On jugeait à Turin que les Espagnols n'avaient d'autre chemin à prendre que celui de nôtre vallée, car du côté de Pignerol il y a des bonnes forteresses, par la vallée de Sture il y a Démont et Coni, par les vallées des Vaudois ils savent les défendre. Château Dauphin est la seule vallée qui puisse donne jour aux ennemis, il le faut fortifier, et boucher de telle sorte qu'une seconde fois repoussés il ne leur prenne plus l’envie de tenter le passage par le Piémont ".


Les travaux de fortification de l’armée piémontaise.

" Pour que tout réussit-il, y faut faire des ouvrages, c'est pourquoi à peine le mois de mars est arrivé, qu'il se porta dans cette vallée un grand nombre d'entrepreneurs qui pour des barracons, qui pour des retranchements, qui pour des fortifications. Chaque jour il paraissait de nouveaux visages.

On commença par faire lier une grande quantité d'arbres, qu'on abattit aux prés des Vignaces de différents particuliers. On fit donc une grande quantité des ais, et d'abord que la neige fût fondue on travailla au Château de Pont. Les mines y jouèrent pendant plus de deux mois pour escarper le rocher du côté du village et tous les champs qui étaient à l'entour du fort furent dans peu de temps couverts de pierre et d'autres rouilles, comme on ne bâtissait pas à pierre mais à bois, et à gazon il fallut une grande quantité de branches pour faire des saucissons, c'est pourquoi on a coupé toutes les branches de la Levé ou Bois Noir. Plus de six mille travailleurs furent employés pour cet ouvrage, chaque voyage qu'ils faisaient on leur donnait une marque qu'on leur payait au bout de la journée un sous la marque, le travail était immense, les uns portaient des pierres, les autres du bois, les autres de la terre, ce semblait la construction de la plus belle citadelle du monde ; on porta avec des paniers la terre des champs de derrière le village sur le roc et on la creusa jusqu'à un trabuc de profondeur. On estima bien ces pièces mais je crois qu'il en eût aucun payement car on ne peut point s'imaginer le nombre des arbres qui furent employés à cette fortification surtout de jeunes plantes pour les saucissons ; il faut qu'on en ait coupé plus de cinquante mille.

 

Les Fortifications piémontaises des vallées Varaita de Pont et de Bellino. p
Fond : Archivio di Stato di Torino Référence 0048531. Annotations de l'auteur


Ce fort ne fût pas plutôt achevé qu'on en commença un autre à la Vignace, qu'on nomma le fort Saint Charles . C'était le plus joli ouvrage qu'on ait jamais construit ; il avait des embrasures pour huit ou douze pièces de gros canons, entouré de ses fossés bien profonds et garnis de bonnes palissades ses portes et ses ponts-levis, tout comme une citadelle des mieux régulières ; il y avait les magasins à poudre, et plusieurs autres baracons faits avec des ais dans la dernière perfection.

Du côté des Alpiols on ne restait pas non plus oisif, on y construisit une redoute à la venue du col de Saint Chaffré, redoute toute crailée et couverte de planches, qui contenait presque trois cent hommes. Sur les Alpiols on en éleva une autre bâti sur la même place qui faisait face vers l'ombrenche, et de ces redoutes jusqu'au fort Saint Charles qu'était à la Vignasse, on avait élève une muraille continue de la hauteur d'un homme : qui peut s'imaginer le monde qu'il a fallu employer. Pour venir à bout d'un ouvrage si immense, aussi avait on fait venir presque tous les hommes du Piémont.

En étant cependant venu à bout, on jeta les yeux du côté des hubac, et on jugea à propos de les fortifier de la meilleure façon, on construisit donc un autre fort à la tête du pré daI Bosc, au pied de la plate du château qui fût appelé le fort Bertola, parce que Monsieur Bertola ingénieur général en avait été l'auteur, il avait aussi ses fossés, ses palissades, son chemin couvert tout comme celui de la Vignasse, et cela de plus que sa palissade venait jusqu'à l'eau  "[105].

" Au dessus en montant vers la montagne qui nous sépare d'avec Bellino, il y avait aussi une palissade avec son fossé par devant, qui allait presque sur la crête qu'on conte, si l'on peut, les pièces de bois qui furent employés à ces ouvrages, tout fût cependant pris dans cette communauté, on vint prendre les branches des arbres, des arcasses et au dessus jusqu'aux cortilons pour faire les fascines nécessaires à la construction de dits forts, qui devaient être garnis de vingt quatre pièces de gros canons, sans compter la petite artillerie.

Mais continuons à marquer tous nos beaux travaux. Sur le milieu du Serre de Julliart il y avait un barracon de toute magnificence, il n'était que de bois mais il pouvait contenir près de cinq cent personnes, qu'était toujours gardé par une bonne garde du régiment de Savoie qu'était campé aux champs de Tronchet.

Mais montons plus en haut, nous y verrons d'autres travaux dignes d'avoir ici leur place : comme l'année précédente les Espagnols avaient tenté de nous forcer et par la Bataïole, et par Bondormir, il fallait se préparer cette année à une défense plus vigoureuse. On commença par faire une redoute au bout des broussailles du château, c'est à dire entre le près du Sous et nous, endroit que nous appelons le Serré ou Bec de l'Aigle, et que ceux de Bellino appellent Mont Caval qui fût le nom que les troupes lui donnèrent, dans la suite. Cette redoute avait aussi son fossé et sa palissade à toute épreuve, en remontant vers le côté du château, sur une petite éminence on y a construit un fortin tout de pierres et gazons, fortin bâti avec toute la régularité possible car outre ses portes et son fossé il avait sa bonne palissade, on le garnit de deux pièces de canon, et d'une forte garde qui aurait dû tenir contre l'armée la plus nombreuse, et la plus déterminée.

Tous ces travaux étant achevés, pour mettre le camp des Espeyrasses à l'abri des attaques de l'ennemi on se porta sur la pointe de la Bataïole , et là on y bâtit encore un autre redoute, avec les mêmes précautions que dessus.

Il ne restait plus que le pas de Bondormir à boucher, on y court que dis-je, on y vole, pour y faire aussi les retranchements nécessaires, tout cela fût fait avec la dernière attention et ce poste qu'on craignait le plus d'être forcé n'ayant aucune communication avec les camps des Espeyrasses et autres qui étaient dans les prés de Bellino au dessous de Pierre Longue, le tour qu'il fallait faire était trop long qu'est-ce qu'on imagina ! Ce fût de construire un pont du bout de l'Aguillette de Bellino, qui coupant Pierre Longue montait facilement par dessus, par le moyen d'une colonne, extrêmement haute qui soutenait le pont sur le milieu ; ce pont qu'on jugeait impossible à construire était si commode qu'on y passait commodément à cheval, et au cas que l'ennemi parvint à forcer le poste de Bondormir on avait sous-miné le dit pont pour lui ôter cette commodité de descendre de Pierre Longue à la Bataïole.

Puisque tout ce qui regarde cette vallée nous intéresse, il est bon de nous avertir que craignant quelque invasion du côté de Bellino on avait aussi fait un petit fortin au dessus de la Ribierra avec une palissade qui allait jusqu'au pont et du pont jusqu'à la Bicoque, une autre palissade avec son fossé tout le long du Serre du Pic, ou l'on avait posté six pièces de canon ; sur la Bicoque , c'est à dire sur la montagne de Luc, il y avait aussi une forte redoute de sorte qu'on peut dire que le Mont Viso était joint avec le Pelvo de Bellino soit par palissade soit par murs, ou par fortins, le tout muni de leur chemins couverts, et dans des endroits qui nous paraissaient impraticables, car des champs des tronchets il y avait un chemin en zig-zag qui montait en haut du bois de Juillard, ou l'on y pouvait monter à cheval du puis à Mont Caval, il yen avait un autre aussi commode que le précédent.

Tout étant ainsi désigné, et même harraxé, il restait encore le chemin des canons à faire pour les conduire au fort Saint Charles, au château, et au fort Bertola, on les conduisit jusqu'à Saint Bernard par le grand chemin, là on les fit prendre celui de Bertines et passant au dessus de Rabiouse on les fit passer au Villaret ou était le quartier du Roi. Du Villaret on fit un chemin pour venir à la Vlgnasse, et un autre qui vint à la Chalme, les canons destinés pour le château prirent le grand chemin, et ceux du fort Bertola prirent en haut du pré de France, et au travers des champs des tronchets furent conduits au dit fort ; que de manœuvres ! [105] ".

Au total, 24 canons de calibre 8 et 16 furent installés par l’armée piémontaise, en plus de la petite artillerie de montagne.

" Quel travail, quelle peine, et quelle fatigue pour dresser tant de chemins, quel dommage ne causa-t-on pas aux pauvres particuliers, aux uns on leur coupait leur pré par le milieu, aux autres leurs champs même remplis de récolte, aux uns on leur coupait leurs arbres, aux autres on leur couvrait leurs possessions de pierres et autres rouilles, il ne se trouva presque personne du quartier du Château, qui n'ai souffert quelque dommage. Tout cela étant ainsi construit, on aurait dit qu'il ne restait plus rien à faire ; mais par malheur pour nous, un homme du Château Dauphin que je ne veux pas nommer afin que sa mémoire ne soit pas en éternelle exécration chez nous, cet homme dis-je fit comprendre que l'ennemi pouvait se cacher dans les bois des hubacs de Pont ; pour ne point lui donner cette retraite, il fallait faire couper ces bois, conseil diabolique pour ruiner entièrement cette communauté, communauté qu'il était obligé de mieux protéger, puisqu'il en avait tiré ce qu'il avait fait jusqu'alors son entretien et sa fortune. Ce conseil mal avisé fût goûté des officiers généraux qui fût sur le temps exécuté ; on ordonna de couper tous les arbres de depuis le combal du Sac, jusqu'au combal du château, et depuis les prés jusqu'au sommet de la montagne, les arbres des côtés de l'Églises ne furent pas épargnés, tout fût entièrement abattu ; et si on ne recourrait pas au Roi, celui de Romagne jusqu'au combal allait subir le même sort. Oh! Dieu qui peut estimer le dommage et le préjudice que cette coupe inutile causa à cette pauvre communauté [105].

cette perte fût inestimable, et quand il passerait dans ce pays des armées et armées, elles ne sauraient nous causer un plus grand mal, car c'étaient tous des arbres à haut futé propres pour la bâtisse, et tous furent réduits en bûches ; car outre cent quatre vingt mille bûches que cette communauté fût obligée de fournir pour nôtre armée, une pareille quantité fût prise dans nôtre terroir par celle de Bellino [105].

Soupçonné d’avoir le cœur français, le curé Tholosan essaya de se disculper, intervint auprès de l’archevêque et finit par rencontrer le roi de Sardaigne et sa cour, entre Château Dauphin et Villaret . Ce dernier lui demanda simplement de prier pour lui.

Le roi de Sardaigne passa la journée du 16 juillet à reconnaître la vallée de Bellino, à pied et à cheval, et fit renforcer les défenses en prélevant quelques bataillons sur les forces de la vallée de Pont.


Phase de préparation côté français

Du côté français, le prince Louis François de Conti préparait une attaque contre les forces de Charles-Emmanuel qui étaient principalement rassemblées entre la Stura et la Varaita. L’offensive française devait aller de la Tinée au sud, jusqu’au Queyras au nord, avec une infanterie de 60.000 hommes, soit 75 bataillons, et 54 escadrons de Dragons et de Cavalerie avec 10.000 hommes et 10.000 chevaux.

 

L'attaque française. p

Les Espagnols étaient toujours sous le commandement de l’Infant d’Espagne, sous la direction effective du général Las Minas.

L’armée piémontaise ne comptait, elle, que 35.000 fantassins, 24 bataillons de mercenaires étrangers et 30 escadrons de Dragons et de Cavalerie.

Le prince de Conti fit amasser de grandes quantités de vivres et du matériel dans les vallées du Briançonnais, de l’Ubaye et du Queyras, puis, au début du mois de juillet, divisa l’armée franco-espagnole en 9 colonnes opérationnelles et leur fit entreprendre quelques manœuvres de diversion pour que l’ennemi se porte en nombre vers les vallées les plus au nord de son dispositif.

Bailli de Givri, lieutenant général, à la tête de dix bataillons qui constituaient la 9ème colonne, avait quitté Barcelonnette et gagné le Montgenèvre, descendant la vallée de Cesana pour tromper le roi et pour attirer là son armée, feignant de vouloir attaquer la vallée de Suse et Pragelato.

Don Tholosan : " L'ennemi pour nous donner mieux le change, fit avancer un corps de ses troupes à Ville Vieille qui passant vers le Bourgit alla à Bosson dans les vallées de Pragelas faisant semblent d'attaquer là et revenant de montagne en montagne, se faisaient voir tous les jours sur nos frontières "

Neuf bataillons piémontais sous les ordres du baron de Leutrum vinrent à leur rencontre. Mais les Français repassèrent le col du Mont Genèvre et les troupes piémontaises se portèrent sur le Val Varaita.


L’offensive française.

Les premières colonnes de l’armée franco-espagnole prirent position au sommet des vallées Stura et Maira, tandis que trois autres colonnes, la 7 ème, la 8ème et la 9ème arrivèrent au sommet du Val Varaita.

La 7ème colonne, composée de six bataillons, sous les ordres du lieutenant général Don Louis Gandinga, quittèrent Guillestre et, traversant Saint-Paul et Maurin, prit position au sommet du col Agnel, menaçant la vallée de Château Dauphin, puis elle se retira pour gagner Acceglio dans le Val Maira, passant par le col de Marie, afin de venir en aide à la 6 ème colonne, sous les ordres du lieutenant général comte de Lautrec, qui avait l’ordre de gagner le village de Preit pour menacer le Val Maira.

Le marquis de Camposanto, lieutenant général, avec les cinq bataillons de la 8ème colonne, venant du camp de Pontcernières près de Briançon, traversa Ceillac et approcha du lac de praria. On nous dit que cette colonne rejoignit les Traversières de Bellino, sur la crête séparant les vallées Varaita et de Maira, afin de pouvoir intervenir dans une ou l’autre des vallées, suivant les besoins. Cette colonne était composée de 30 compagnies de grenadiers espagnols des deux bataillons de Tolède et des trois bataillons provinciaux. Le 15 juillet, elle passa par le col Albert (2.848 m) et le jour suivant monta au col de l’Autaret (2.875 m), par le vallon de Chabrières, pour venir camper aux granges de l’Autaret, au pied du pic de Bellino.

Bailli de Givri et sa 9ème colonne, revenant du Mont Genèvre par une longue marche, campèrent au col du Longuet et, le 16 juillet, passèrent le col de Malacoste (3.064 m) pour descendre dans la vallée de Bellino, au Plan de Ceiol, au dessus de la Gardetta.

Le brigadier Chevert commandait un corps de 1.500 hommes venant de plusieurs régiments et quatre compagnies de brigadiers de la brigade de Poitou. Il devait faciliter la préparation des attaques principales menées par Bailli de Givri et synchroniser ses opérations avec les siennes.

Ces neuf colonnes occupaient les positions assignées par le prince de Conti et avaient enduré de terribles souffrances dues aux longues marches de la veille pendant lesquelles la pluie ne s’était pas arrêtée de tomber pendant dix heures.


En vallée Stura.

Le prince de Conti et l’Infant d’Espagne, passant par le col de l’Argentera (Larche) à la tête de leur colonne, précédés par le marquis Las Minas et le lieutenant général d’Aramburu, prirent Bersezio dans le Val Stura, avant le rocher de la Barricade.

Le lieutenant général piémontais Pallavicini de Frabosa, informé par ses espions que trois corps ennemis approchaient en faisant une manœuvre d’encerclement autour de ses troupes, décida le retrait de ses huit bataillons pour éviter qu’ils soient battus ou faits prisonniers, abandonnant à ses ennemis la haute et la basse Lobbeira et le camp de la Montagnetta, lieux qui auraient donné la chair de poule à la meilleure armée s’il avait fallu les conquérir. Il battit en retraite jusqu’au fort de Demonte avec ses troupes, détruisant au passage tous les ponts et la route du val Stura afin d’arrêter l’avancée de l’ennemi.

Après son succès, le prince de Conti s’inquiéta de la situation des colonnes qui combattaient à sa gauche, puis le maréchal de camp de Villemur envoya un officier pour prendre des nouvelles au sujet de la victoire à droite, mais cet homme tombé dans une rivière avec son cheval, se noya. D’autres courriers furent envoyés au même moment vers Bailli de Givri.

Le marquis Pallavicini fit de même vers le roi, mais ils ne purent pas arriver à temps pour arrêter une sanglante et inutile bataille dans la haute vallée Varaita.

 


Passage en Queyras.

Don Tholosan rapporte, pour cet été 1744, les préparatifs effectués à Pont avant l’arrivée des troupes : " Tandis qu'on s'était si bien fortifié dans cette vallée, l'armée des Espagnols et Français en se formant, campait à la Bessé et à Guillestre. On les attendait donc ici de pied ferme, mais dans un bercail qui est ouvert de tout côté, et qui n'a que la porte de fermée, le loup peut facilement le ravager. Tandis que des troupes se montrent sur toutes les frontières, le gros de l'armée défilait à petit bruit du côté de Saint Paul dans la vallée de Barcelonnette. Enfin le quatorze juillet le corps détaché parut sur le col de l'Agnel, alors nos troupes ne doutèrent que toute l'armée ne descendit par cette vallée, il y avait alors un gros piquet de travailleurs dans la dite montagne pour y construire un barracon, mais ayant vu l'ennemi ils abandonnèrent l'ouvrage, et en descendant ils coupèrent le pont neuf qui était voûté et fait à la perfection, on rompit encore tous les chemins d'ici à Pont. Par cette alerte le fourragement qu'on faisait à nos prés fût interrompu, car cette année là on ne brûla pas ni foin, ni paille, parce que rien n'était pas encore mûr, mais on coupa les fourrages sur les prés, et on fit pasturer les mulets et les chevaux partout où l'on ne peut pas faucher. On voulait même faire couper nos seigles et nos orges en herbe, mais le cruel conseil ne fût pas exécuté. Le jour d'après le dit détachement parut sur le col de Saint Véran et ensuite sur celui de Longet ou il resta plus de vingt quatre heures " [105].

Il est vrai que les troupes françaises ont effectué de longues marches sur les frontières avant d’arriver sur les cols s’ouvrant sur la haute vallée Varaita.

Suivons le cheminement de ces diverses colonnes, tel qu’il est donné par C. Allais :

  • Le lieutenant général de Gandica, à la tête de la 7èmecolonne, suivant les mouvements de la 6 ème colonne, prit Acceglio, dans le Val Maira, puis sur ordre du prince de Conti, se rendit dans le Val Varaita, au sommet de Bondormir, pour aider les 8 ème et 9ème colonnes.
  • Le marquis de Camposanto, chef de la 8èmecolonne, parti de Briançon, était sur la montagne de la Traversiere avec ses cinq bataillons, sur la face nord de la vallée de Bellino. Pour y arriver, il marcha au pied du Mont Peirol, où il avança face aux soldats ennemis campés sur le col de la Bicocca. Son but n’était pas de faire un assaut général, même s’il y eut une tentative à grand renfort de tirs, mais ce fut pour faire du bruit et pour éviter de se retrouver dans les retranchements de Pierrelongue.
  • Bailli de Givri, lieutenant général, avait la responsabilité des opérations de la gauche de l’armée. Il avait sous ses ordres le comte de Danois, lieutenant général, et dix bataillons dont trois appartenaient au régiment de Poitou, sous les ordres du lieutenant-colonel M. de Morenne, un bataillon de Provence, un de Brie, deux de Conti, deux de mercenaires suisses de Travers Grison sous le marquis de Salis et un bataillon de la milice de Béziers et il avait une troupe sous les ordres du brigadier Chevert, lieutenant-colonel, qui commandait un détachement de 1.500 hommes des quatre compagnies de grenadiers.

Les armées à Bellino.

Le 16 juin, le brigadier Chevert attaqua le poste de Chayol, mais il se retira après quelques coups de fusil échangés avec l’ennemi près de la Gardetta.
Pendant la nuit du 16 au 17, les Français campèrent à Chayol tandis que leurs adversaires faisaient de même à la Gardetta.

 

Un traître de Bellino.

Dans ces pays montagneux, il n’y a pas de passage facile entre les vallées et établir des communications entre les troupes n’est pas chose aisée, surtout si l’on n’a pas la connaissance du terrain. Mais un traître à son pays fit connaître aux français les véritables positions piémontaises, leur permit d’éviter toute surprise et ils purent attaquer dans une meilleure position. Ce natif de Bellino fut accusé et arrêté pour espionnage. Alors qu’il descendait, enchaîné du haut de la montagne, escorté par deux soldats qui le menaient au tribunal militaire, lui, d’un coup rapide, dans un chemin très étroit surplombant un rocher, les surprit et les poussa dans le précipice où ils périrent. Ainsi put-il se sauver et atteindre le camp ennemi. Là, il rencontra le lieutenant-colonel de Modane, aide du commandant en chef, auquel non seulement il expliqua les chemins et les communications à travers les montagnes, mais en plus il souhaita devenir éclaireur. Le prince de Conti, en récompense, l’emmènera dans son château de l’Isle Adam et lui fera don d’une annuité. Là, il prit le nom de Doux Berger.

La légende de Bellino nous indique qu’il s’appelait Prin (Perrin) et que les français, après la bataille le jetèrent d’une falaise.

 


De Ste Anne à Bondormir.

Grâce aux informations communiquées, le brigadier Chevert savait que les troupes piémontaises retranchées dans les granges de la Gardetta, au pied de la montagne de la Combe, étaient de force égale à la sienne, mais il décida d’attaquer. Alors que ses hommes avançaient, les soldats piémontais tirèrent d’un feu nourri avec leurs mousquetons, protégés par les murs des granges dans lesquels ils avaient pratiqué de nombreuses ouvertures. Ce passage devait pourtant être franchi pour obéir aux ordres de Conti, afin d’atteindre le sommet du col de Bondormir, et venir face au corps principal ennemi. Aussi, il attaqua avec toute son énergie. Les grenadiers prirent la première maison avec de grosses difficultés, puis ils durent donner l’assaut à neuf ou dix autres maisons qui étaient défendues par les soldats piémontais avec grand courage. Le comte de Danois arriva avec sa brigade de Poitou. Chevert lui indiqua la position et fit une manœuvre sur le flanc extérieur pour éviter toute retraite à ses adversaires, mais ceux-ci devinèrent son plan et commencèrent une manœuvre de dégagement en bon ordre, soutenus par une arrière-garde composée de 300 dragons sans montures et armés de pistolets. Ils purent se dégager, évitant l’encerclement et se rendirent au col de la Bicocca ou au camp de l’Espeirase, ayant perdu 30 ou 40 hommes, blessés ou tués et laissant environ 80 prisonniers, dont beaucoup étaient blessés.

La colonne française descendit à Chazal puis à Celle de Bellino, après avoir détruit par le feu les maisons de la Gardetta.

 
Carte "Difesa della valle di Varaita e Blino..."
Archivio di Stato di Torino, référence 019541

Carte de grande taille.


Don Tholosan donne quelques précisions sur cette attaque entre Ste Anne (La Gardetta) et Celle : " Le matin l'ennemi fit trois colonnes, l'une passa au pied des Reichasses (Reisassa), l'autre à Laiseré, et l'autre au Melezé ; cette colonne du Melezé rencontra nos carabiniers, et là il se fit un grand feu de part et d'autre, et enfin les nôtres furent obligés d'abandonner le poste, celle du Laiseré battit nos milices et Vaudois avec quelque troupe d'ordonnance, de sorte que tout descendit aux Celles [105]. "

 


Bataille de Bondormir

" La colonne des Reisassa, après avoir brûlé toutes les granges des Combes, campa pendant la nuit du 17 au 18 juillet au lac de Reisassa, et, à l’aube du 18, passant au pied du Roc de Fer (Ferra), elle vint attaquer le poste de Bondormir où, après une vive résistance de la part de nos troupes ils se rendirent maîtres du poste et montèrent sur Pierre Longue ".

" La colonne française remonta la pente, le long du rocher de Fera pour venir en position d'attaque, face à la tranchée creusée au col de Bondormir. La défense fut féroce et efficace mais elle dût laisser la possession des lieux. De là, cette colonne monta jusqu’à Pierre Longue où elle retrouva les autres détachements arrivés de Celle, par un chemin parallèle, grâce aux indications du traître [105]. "

Les 200 piémontais du colonel Fazio qui occupaient la redoute de Pierre Longue évacuèrent en désordre par la passe de Puntet et l’artillerie fit sauter les rochers de cette passe lorsque le dernier soldat se fut replié.

Le brave Chevert, à Pierre Longue, voulut lancer l’attaque immédiatement mais Bailli de Givry lui dit qu’il souhaitait tenir un conseil de guerre avant l’affrontement. Le comte de Danois, Modane et d’autres colonels des régiments de la colonne furent présents à ce conseil et ils tombèrent d’accord pour attaquer le lendemain.

Pendant ce temps, la 8 éme colonne espagnole du marquis de Camposanto, qui était postée entre les vallées Maira et Varaita, était descendue à La Gardetta. Une partie de cette colonne passa par le vallon de Traversagn et monta jusqu’au col de Vers, puis au col de Sagne près du sommet de la Marquise, pendant que l’autre partie, par le Réou et le col de Sagnères arriva au sommet de la crête. La colonne entière se reforma et passa derrière le Pelvo de Bellino sur le versant sud, pour venir jusqu’au rocher du Pelvo, au dessus du col de la Bicoque où se tenaient 8 bataillons piémontais sous le commandement du général Corbeau.

Le 18 juillet le marquis de Camposanto donna l’ordre d’attaquer mais il fut repoussé. Ce même jour, Charles Emmanuel fit renforcer les défenses de la Ribiera par 1.200 grenadiers pris à la Bicoque ou venant du camp du Villaret et fit monter 2 nouveaux canons au fort Bertola.

" Les troupes piémontaises qui étaient au fond de Bellino se rendirent qui à la Bicoque, qui au camp des Espeyrasses, et les Français se tenaient sur Pierre Longue [105]. "
Carte : les batailles de Bondormir, Pierre Longue, Battagliola, Mont Cavallo et de Pont, Villaret et vallon de Vallante



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