Préambule
Le Col de
l’Autaret , est un col
qui sépare la haute Vallée Varaita, en Italie, où
se trouve Bellino (Blins), de la haute Ubaye française, ouverte
sur les vallées de la Durance et la Provence. Il est donc sur la
crête des Alpes.
Non, ce n'est pas un grand col des Alpes !
Comparé aux cols de Tende,
de Larche, du Montgenèvre, du Mont Cenis, et à bien d'autres
grandes traversées de la chaîne alpine, il fait piètre
figure. Mais je l'ai choisi car c'est le centre à cette histoire
: il est situé sur la crête des Alpes, au point de rencontre
entre le Dauphiné, la Provence et le Piémont, dans les Alpes
occidentales près du Mont Viso.
Son frère
jumeau, le col Agnel, sépare la haute vallée Varaita du
Queyras
Le
col de l'Autaret.
côté piémontais
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Alors, prenons place sur ce col de l'Autaret, installons nous confortablement
sur cette crête, calons notre dos contre la pierre gravée
d'un lys de France et d'une croix de Savoie. Nous resterons là,
sagement, pendant les 2.000 ans de cette histoire Nous regardons
vers le bas, alternativement vers l'est et le Val Varaita puis vers
l'Ouest et la vallée de l'Ubaye ou le Queyras. Nous regarderons
au loin tantôt vers la France, tantôt vers l'Italie.
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Nous regarderons passer ces pauvres gens qui de tout temps s'élançaient
à l'aventure vers une vie qu'ils espéraient meilleure.
C'est par ce col
frontière que mes ancêtres partaient pour aller travailler,
puis s’installer dans le sud de la France.
A Bellino (1600m),
au bas du col et à Sampeyre, un peu plus bas, se trouve le berceau
de ma famille.
Celle di Bellino
De ces villages alpins qu’ils quittaient en laissant leurs parents
et leurs amis, ils partaient, à pieds, pour franchir ce
col, à 2800 m, et redescendaient vers le premier village, Maljasset-Maurin.
Emportant seulement de quoi se nourrir pendant quelques jours et quelques
vêtements, ils émigraient lorsque la mauvaise saison arrivait,
pour le Sud de la France où ils exerçaient pendant tout
l’hiver les petits métiers de l’époque, étameur,
rémouleur, marchand de parapluie, gagnaient un peu d’argent et
rentraient au pays pour la bonne saison, la saison des foins.
Maljasset-Maurin en 1919...
Cette émigration temporaire se répétait chaque
année. Elle permettait de réduire le nombre de bouches
à nourrir pendant l’hiver dans la plupart des familles nombreuses
et contribuait, par l’argent rapporté, à mieux vivre toute
l’année. Cette émigration temporaire devint définitive.
Mon père m’a souvent raconté, qu’en 1919, alors qu’il avait
3 ans, il était parti ainsi, avec ses parents, de Bellino
(Blins), vers le col de l’Autaret. Agé, il se souvenait encore, de
cette traversée du col : installé dans un panier latéral
sur le dos du mulet, guidé par son père et sa mère,
ils partaient, quittaient Bellino, définitivement, pour Caromb,
Vaucluse, en France. Beaucoup d’autres familles de ces vallées,
ont suivi le même itinéraire, à peu près à
la même époque.
Vers 1919, donc, le premier
village rencontré était Maljasset-Maurin.
Bien accueillis par les montagnards locaux, ils forgèrent de
solides amitiés. C’est là, qu’ils laissaient, au
retour de leur migration temporaire, les meules à aiguiser
et autres outillages utilisés en Provence.
Cette première
traversée du col était généralement suivie
par un deuxième col, celui du Tronchet, qui descendait vers
Ceillac et donnait accès, directement, à la vallée
du Queyras et à la Durance, voie principale vers le Midi de
la France. Il fallait quelques jours pour se rendre, à pied,
dans les riches plaines du Vaucluse ou du Var.
Le col de l’Autaret fut très
fréquenté, bien avant nos parents, par les populations
celto-ligures ou romaines locales. Son nom dérive du latin “altaretum”
qui indique la présence d’un autel ou d’un lieu de sacrifice près
du col, preuve des croyances de l’époque et d’un besoin de protection
pour traverser ces montagnes. Ce n’est pas un grand col : seul un
sentier pédestre permet d’y parvenir, aussi bien du côté
français que du côté italien.
Mais c’est un symbole :
c’est un lien entre nos deux pays,
c’est un symbole historique, attaché aux émigrations,
c’est le bout de la vallée, le sommet des Alpes, la
crête de la montagne, la récompense après l’effort
de l’escalade, pour nous, estivants du mois d’août, heureux de
parcourir ce sentier plein d’histoire.
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