La fontaine
de la place du château.
Notre fontaine de la place du château est refaite en 1749, et deviendra
un Monument Historique (voir le chapitre sur les fontaines).
De nombreuses
confréries religieuses.
Nous avons vu la création des nombreuses confréries religieuses
de Caromb. Au XVIIIe siècle, avant leur décadence, ces confréries
comptent un grand nombre de personnes, avec les pénitents
blancs, gris et noirs (fondés le 26 mars 1592).
A côté des confréries, la place des compagnies n'est
pas négligeable et, bien que leurs activités soient plus restreintes,
elles témoignent, au sein de la communauté, d'une vivante sociabilité
et d'un esprit de dévotion persistant.
Les juifs.
Au cours du XVIIIème siècle, la situation économique
des juifs s'améliore. Les comtadins voyagent beaucoup dans tout
le sud de la France. L'usage du français se répand. Témoin
de cette prospérité nouvelle, la construction de la splendide
synagogue de Carpentras. Par contre, la vie quotidienne ne peut guère
refléter l'enrichissement des juifs du Pape, qui ne peuvent s'établir
hors des "carrières" surpeuplées où les maisons de
six ou sept étages apparaissent, aux yeux des voyageurs qui arrivent
à Carpentras, comme de véritables gratte-ciel [74].
Faits divers
(1751-1760).
- -
On fait réparer la grande vitre au-dessus de la porte principale
de l’église et mettre un tambour de bois contre le vent de la petite
porte.
- - On fait réparer l’horloge
qui est hors d’usage, par un horloger d’Avignon.
- - Suite à un incendie,
on décide de récompenser tous les maçons et les 200
personnes du menu peuple ayant porté secours et empêché
le feu de se propager à tout le quartier.
- - Les torrents des Malagronnes
ont débordé et l’eau a causé des dégâts
importants (août 1752). Un conseil extraordinaire classe les propriétés
touchées en trois catégories : celles touchées à
50%, à 33% et à 16%. On souhaite que le seigneur, qui possède
aussi des terres près des riailles des Malagronnes, contribue aux
réparations. Il accepte en août 1754 et le conseil fait démarrer
les travaux.
- - Notre auditeur des comptes
ne peut pas faire son travail parce que le vicaire refuse de lui rendre une
ombrelle servant à porter le St Sacrement aux malades. Il faut demander
la médiation de l’évêque.
- -On élit encore
4 surveillants de la boucherie ( Et oui, cela continue !).
- - Le vice-légat demande
qu’une femme démente soit enfermée dans les petites maisons.
Le conseil répond qu’elle est redevenue saine. Miracle !
- - L’hiver 1758, des
vols sont commis chaque nuit dans les maisons, aussi on organise une patrouille
nocturne et permanente de 16 habitants.
- - On demande à
l’évêque, en 1759, d’agrandir le passage entre la maison prieurale
et l’église en prenant 5 pans sur la maison, car les dais ne peuvent
pas passer.
- - Un cadran solaire
est dessiné contre le clocher des pénitents blancs et un autre
vient orner la façade ouest de notre église.
- - On évalue à
1.200 livres les réparations à faire d’urgence à la
voûte de l’église.
- - La relique en argent
portée aux Rogations est interdite et on décide d’utiliser l’argent
pour une châsse à la relique de St Maurice.
La chapelle
du Paty.
Nous avons vu l'émoi causé dans le village par la décision
communale d'annexer les terres du Paty. Ceux qui se sentaient propriétaires
de terres intentèrent un procès à la municipalité.
Les avocats plaidèrent et gagnèrent le procès contre
le conseil municipal. En remerciement de la bonté divine, les défricheurs
font bâtir un oratoire sur les lieux même du litige, dédié
à Notre-Dame-de-la-Victoire, la vierge Marie. [98].
Dans les années 1750, un abbé, M. Monnier de Prailly, jeune
et déjà supérieur du petit séminaire (il deviendra
évêque à Châlons sur Marne), est l'ami intime
de M. Du Barroux, curé de Caromb. Il vient souvent passer quelques
jours chez son collègue et en profite pour parcourir les montagnes
du Paty. Sur le plateau de l'Ouzière, presque au sommet, se trouvait
alors un oratoire dont on ignore les origines. De là, on a un coup
d'œil magnifique et la vue s'étend au-delà d'Avignon jusqu'aux
Cévennes.
Il suggère de construire une chapelle à la place de l’oratoire,
et grâce à sa générosité et à
celle de la population, la chapelle est bientôt construite (1756).
Les Carombais auront tôt fait d'y monter en procession, deux fois par
an, pour St Joseph (19 mars) et pour Notre-Dame ( 8 septembre), d'y célébrer
la messe et d'y manger sur l'herbe avant de redescendre avec des bouquets
de jonquilles, d'aspic et autre thym [39].
Caromb devient
ville.
Dès 1749, Caromb demande au vice-légat d’être érigé
en "Ville". Il doit y avoir quelques avantages à cela car la commune
va jusqu’à acheter ce titre au vice-légat, Grégoire
Salviati, en 1761. Un évènement d'importance : dorénavant,
c'est de la ville de Caromb qu'il faut parler. Et, pour marquer ce grand
moment, on plante le premier platane au portail du Rieu, devant une foule
de badauds. Enfin apparaissent, dans les endroits frais, la culture des haricots
et le "tian de fayous" va devenir le plat royal du village... pardon, de
la "Ville".
Le Mont-de-Piété, construit en 1662, vient d'être centenaire.
Cela lui est fatal car il est transféré à Carpentras
en 1764.
L'état des routes de la commune de Caromb n'est pas fameux. On le
signale dans les archives de 1762.
En janvier 1767, le vice-légat Salviati fait distribuer un tiers
de la répartition du tabac ( 333 livres) et cette somme est utilisée
pour fournir du travail aux chômeurs. Le conseil décide de
leur faire réparer le chemin allant de la porte de la fontaine au
bout du pavé de la porte de l’église. Un an plus tard, Caromb
reçoit les deux tiers manquants de la répartition du tabac
et fait réparer d’autres chemins.
A l'orgue, encore des changements : les organistes sont successivement :
Jean Touste en 1763, puis Pierre Bagnol en 1767 et enfin Antonin Roux
en 1782 [54]. Le salaire de l’organiste est augmenté en 1761, passant
de 36 à 48 livres, pour jouer tous les dimanches et jours de fête.
Troisième
rattachement à la France (1768-1774).
La pression française se fait plus insistante. Toute la politique
de l'administration française vise à étouffer l'économie
comtadine pour pouvoir l'intégrer, car elle ne supporte pas l'existence
de cette enclave au milieu du territoire français. En juin 1768,
sur ordre de Choiseul, les troupes françaises occupent pour la troisième
fois Avignon et le Comtat. Cette fois, c'est une dispute entre Louis XV
et le pape à propos des Jésuites, qui font circuler en France
des "libellés injurieux", et du duché de Parme où un
Bourbon a été condamné par une bulle du pape. Le roi
reproche aussi au Comtat d'être un refuge de déserteurs, de
contrebandiers, de Jésuites et d'imprimeurs chassés de France
[33].
Le pape Clément XIII ne veut rien savoir.
Le comte de Rochechouart se présente devant Avignon, le 11 juin 1768,
escorté de quelques troupes. Il va tout droit au vice-légat
et lui dit : « Monsieur, le roi m'ordonne de mettre la main sur cette
ville et vous êtes prié de vous retirer ».
Une assemblée extraordinaire du conseil carombais, ainsi que des chefs
de famille, écoute, en juin 1768, la lettre du procureur du roi au
Parlement de Provence proclamant la réunion de la ville d’Avignon
et du Comtat Venaissin à la couronne de France. Le conseil fait chanter
le Te Deum, fait allumer un feu de joie et force chaque maison, sous peine
d’amende, à illuminer les fenêtres avec deux chandelles aux
armes du roi.
La France installe son administration, sa procédure civile et criminelle,
sa sénéchaussée [33]. En 1769, c’est le Parlement
de Provence qui autorise un nouveau cadastre pour Serres, St Hippolyte et
St-Pierre-de-Vassols. De même, en 1772, ce Parlement autorise les
consuls de Caromb à faire démolir, aux frais des propriétaires,
les façades des maisons qui menacent ruine et, en 1774, c’est auprès
de lui que le conseil porte plainte contre le boucher du mouton : consuls,
viguier et maître de police ont fait une visite à la boucherie,
ont saisi un mouton maigre et ont décidé de le brûler
au milieu de la place. Le boucher les a empêchés et les a injuriés.
Le conseil décide de faire marquer les bons gros moutons qui seront
les seuls candidats à la boucherie.
La boucherie était un métier à risques sous Louis XV...
Ce n'est qu'en 1774 que le nouveau pape Clément XIV supprime l'ordre
des Jésuites, origine du contentieux, et rentre en possession du
Comtat. Le parti pro-français, apparu lors des précédentes
annexions, s'étoffe, surtout parmi les industriels et les commerciaux
du Comtat [33].
Redevenus papaux, la vie reprend sans problème jusqu’à la fête
de St Maurice qui est très animée cette année là
: l’usage veut que, la veille de la fête, le viguier et les deux consuls
se rendent dans la maison consulaire où les consuls mettent leur
chaperon et où chacun se munit d’un flambeau aux armes de la ville
pour aller, ensemble, allumer le feu de joie, accompagnés des tambours
et des violons. En septembre 1775, le second consul ne respecte pas le protocole
et ordonne le feu de joie à l’insu de son collègue et, au lieu
de partir de la maison consulaire, il démarre du château en
compagnie du viguier, de la musique et des flambeaux. Crime de lèse-majesté
et colère du 1er consul. On s’en souvient encore deux ans plus tard
car il faut trois tours aux élections du second consul et une intervention
du vice-légat.
Vie quotidienne
à Caromb avant la Révolution.
La vie reprend peu à peu ses droits et l'on s'active à des
travaux divers. Les dépenses montrent que l'on tente d'améliorer
le niveau de vie et le confort des habitants [58].
On
souhaite boire frais et conserver les aliments dans des glacières.
Les fermiers de Bédoin, profitant de la présence du Mont Ventoux,
montent une industrie de stockage de la neige, en hiver, dans de grands réservoirs
de pierre, pour former, par pression, de la glace qu'ils vendent l'été
(1707-1776) [33].
On éclaire les villes avec des lanternes à huile : Carpentras
est équipée en 1762.
Les différents rattachements politiques du Comtat ont engendré
un problème de change dans les monnaies locales et dans les poids
et mesures. On satisfait à la demande des habitants qui réclament
l'égalisation des poids et mesures. On
améliore également la circulation piétonne dans le village
: ainsi on répare la rue de la tour du château devenue impraticable,
jusqu'à la maison de F. Gallien. On décide de refaire le plancher
de l'école qui menace ruine au-dessus du moulin des os. On répare
la prise d'eau du moulin à blé, lequel rapporte beaucoup d'argent
à la commune [58].
Les cabarets.
Comme ailleurs dans les villages de Provence, de nombreux cabarets contribuent
efficacement à l’animation du village. Lieu de rendez-vous sur les
terrasses ombragées, lieu de rencontre, d’échange, c’est
là que l’on discute de tous les petits évènements locaux
et que se situe le débat politique. Parfois la parole devient reine,
le ton monte, les débats s’animent et les disputes éclatent.
Dans notre environnement papal, le clergé supporte mal ce tapage,
surtout aux heures des offices car cela gêne les messes et retient les
hommes en dehors de l’église.
A la suite de désordres nocturnes, une ordonnance du vice-légat
du 25 avril 1741 interdit à tout cabaretier, hôte ou bouchon,
d’être élu au conseil. Leur métier n’est pas recommandable
!
Ils doivent fermer leur commerce à 21 heures l'hiver et à 22
heures l'été.
Etat sanitaire
du village.
En septembre 1758, à la suite d'une inondation et parce qu'on ne respecte
toujours pas le règlement interdisant le fumier dans les rues, on
ne peut plus circuler sans avoir de l'eau puante à mi-jambe. On interdit
désormais de faire du fumier dans toutes les rues du petit tour des
processions et, si on met de la paille dans d'autres rues pour faire du
fumier, il est défendu d'en mettre contre les murs en trop grande
quantité.
Souci d'hygiène publique !
Réceptions
des nobles et du clergé.
Après nos coseigneurs Esprit Melchior et Charles Ferdinand François,
il devient difficile de suivre la généalogie de cette famille.
Esprit Melchior a épousé Henriette Gertrude de Bourbon Malause.
Une de leurs filles a épousé un marquis de Ligneville.
Nos archives font référence à cette marquise en 1759
et 1774.
Nous possédons dans nos archives les rapports détaillés
de quelques réceptions.
1. En octobre 1759, madame
la marquise de la Baume-Montrevel, dame de Caromb, et son mari
M. le marquis de Ligneville arrivent à Caromb. Quelques décennies
avant la Révolution, notre population les reçoit dignement et
les couvre de cadeaux :
« Noter que le 25 dudit
mois le seigneur et sa dame sont arrivés incognito. Nous y avons été
le lendemain après dîner faire visite avec le corps de ville
et y faire porter le présent ci-contre (un tonneau de vin vieux du
pays de sept barraux, douze pains de sucre de une livre pièce, douze
livres de confiture en boîtes, douze livres de bougies de table en
cire blanche). Ils se sont tenus debout et sont venus nous accompagner en
sortant, à savoir madame jusqu'à la porte qui est au bas de
l'escalier et qui donne dans la cour et monsieur jusqu'à la grande
porte du château.
Le dimanche suivant, ils ont fait
leur entrée. La compagnie levée à cette occasion a été
au-devant d'eux jusqu'à Saint-Marc et elle a fait une décharge,
on a tiré des boëttes et nous Consuls avec le corps de ville
avons attendu le seigneur et sa dame à la porte de la ville proche
le corps de garde et dès que nous avons aperçu le carrosse,
nous nous sommes avancés jusque vers le poids de farine, les avons
salués et complimentés, et cela fait, lesdits seigneur et
dame ont continué leur entrée au son des cloches et, précédés
par quatre tambours et la compagnie des fustiers à laquelle ils ont
donné vingt écus d'étrenne. Et nous, Consuls, ayant
aussitôt quitté les chaperons après le compliment, sommes
revenus chez nous.
Au reste, la communauté et
tous ses habitants n'ont eu qu'à se louer des politesses et honnêtetés
desdits seigneur et dame qui, de leur côté, ont été
très satisfaits et plus contents de voir le bon cœur de tous les
particuliers et habitants du pays. En foi de quoi, Camaret, Consul.»
2. Le 1er
août 1755, Henriette-Gertrude de Bourbon Malauze, dame de Caromb,
épouse d'Esprit Melchior de la Baume-Montrevel, seigneur de Caromb,
fait don à la commune «pour service de cimetière»,
d'un terrain situé non loin de l'église, mais hors de l'agglomération.
Il est en usage jusqu'en 1869. Le cimetière ancien est donc transféré
sur ce nouveau terrain, car il doit vraisemblablement déranger la
dame de Caromb [54].
3. L’évêque
de Carpentras, haute autorité religieuse nous fait une visite
pastorale (1759) et le consul le réceptionne dignement :
«Réception à
faire à monseigneur l'évêque de Carpentras. Monseigneur
est arrivé le 8 avril suivant. La compagnie ou bravade a été
au-devant de lui jusqu'à Saint-Marc, précédée
des tambours. On n'a point tiré des boëttes. Nous, Consuls, l'avons
reçu et complimenté à la porte de la ville lorsqu'il
est descendu et l'avons conduit jusqu'à l'église sous le dais
que nous avons porté. Et le lendemain, y avons osé faire visite,
en chaperons avec le corps de ville et y avons fait le présent accoutumé
de six flambeaux de deux livres pièces et six boîtes de confitures
d'une livre aussi pièce ; avons fait donner à sa famille le
présent ordinaire de 21 livres 13 sols roy. Camaret, consul ».
4.Le
vice-légat vient en inspection à Caromb (1761) et assemble
le conseil. Il constate qu’il n’y a pas de procès en cours, aborde
le sujet du péage des carrières du Paty et de ses difficultés
( Caromb souhaite établir un péage à la sortie des
carrières du Paty, ce qui n’est pas du goût des communes environnantes
). Il vérifie si les maîtres de police (presque tous anciens
consuls) font bien la visite de la boulangerie close, aux boucheries, aux
poids et mesures. C’est à l’occasion de cette visite qu’il annonce
sa décision de faire de Caromb une Ville.
Avec toutes ces visites, la communauté se sent obligée de repeindre,
une fois de plus, les armoiries du pape, du vice-légat et du seigneur,
mais on change de support : c’est la façade nouvellement blanchie
de la porte publique de l’église qui supporte tous ces beaux dessins.
Puisqu’on y est, on change aussi la croix de mission, en bois.
5. En 1766,
lorsque l'on termine la construction du barrage du Paty, la seigneurie de
Caromb, dite baronnie, est possédée par Jeanne-Marguerite
de la Beaume-Montrevel, épouse d'Esprit François Pierre,
marquis de Ligneville.
En octobre 1774, la marquise de Ligneville entre en contestation avec le
conseil. Elle veut que son viguier ait, comme les consuls, un tapis sur sa
chaise à l’église. Ceux-ci, ne voulant pas céder devant
un nouveau privilège, acceptent de se passer de leur propre tapis.
La dame demande alors que son viguier se place sur le banc des consuls. Ceux-ci
protestent que le banc n’a que deux places. Elle prétend en outre
acheter, et achète la viande à la boucherie 2 patas de moins
la livre. En août 1776, la communauté fait appel en cour de
Rome contre la dame de Caromb. En novembre, l’affaire continue mais les consuls
refusent de signer les mandats nécessaires aux frais du procès
en cour de Rome. Le vice-légat suggère que le viguier prenne
place au milieu des consuls à l’église. Le conseil refuse et
maintient la sentence contre la marquise.
A la veille de la Révolution, les us et coutumes de l'ancien régime
sont encore bien ancrés dans la mentalité des Carombais et
même si les rapports avec le seigneur sont parfois difficiles, si
on ne supporte plus les règlements féodaux, les habitants
sont encore respectueux des lois.
Chapelles particulières.
L'esprit religieux domine encore le peuple et les familles vivant dans l'aisance,
à la campagne, demandent l'autorisation de construire leur propre
chapelle, à l'intérieur ou à l'extérieur de
leur ferme. Les permissions sont accordées. C'est ainsi que Joseph
Henri des Jonards et son épouse Marie Anne d'Estuard sont autorisés
à en construire une, le long de leur grange, le 11 août 1769,
ainsi que Vincent Joseph Eydoux, notaire à Carpentras, au quartier
de la Combe, le 11 août 1779.
Ces renseignements sont mentionnés dans “Caromb spirituale” de la
Bibliothèque d'Avignon. Aujourd'hui il ne reste plus rien de ces chapelles
[39].
Le Campanile.
Entre décembre 1783 et janvier 1784, on surélève de
14 pans la cloche de la tour de l'hôtel de ville qui était enfermée
entre deux murs et que l'on entendait mal, pour la placer dans une cage
en fer. Dépense : 2000 livres. Le plan de la cloche est dessiné
par monsieur Sabarot, architecte de Carpentras. La cage en fer est, elle,
dessinée par un serrurier de Caromb, Joseph Favetier, estimée
au prix de 33 livres le quintal, et sa réalisation est de Charles
Guyon. La maçonnerie est montée par Joseph Philippe Bernus,
maçon de Mazan, pour 597 livres roy.
La cage en fer pèse 47 quintaux et 96 livres, soit près
de deux tonnes (1.931,5 Kg exactement).
En décembre 1784, la cage de l’horloge est terminée : on aura
payé aux maçons, serruriers, et à l’"horlogeur" un
total de 702 livres.
Faits divers
en ville à la veille de la Révolution.
Un jeune homme est tombé dans la démence : le conseil autorise
les parents à le mettre dans une chambre et à acheter une
chaîne pour l'attacher : il accorde une pension de neuf livres par
mois aux parents (1784).
La statue de Saint-Maurice, qui vient d'être faite par le sculpteur
d'Avignon M. Buffardin, au prix de 300 francs avec la dorure, a été
inaugurée sous un arc de triomphe de fleurs dressé à
l'esplanade de la porte de Rieu, et ramenée en cortège à
l'angle du chœur de l’église, du côté de l'épître
[58].
On baptise trois nouvelles cloches achetées pour l'église paroissiale.
On prend des mesures sévères (amendes, saisie de bétail)
contre ceux qui défrichent bois et garrigue au Paty sans autorisation
et occasionnent des coulées de gravier (1786).
Le barrage
et l'écluse du Paty.
La construction du barrage du Paty est un événement majeur
pour le village. Les dépenses engendrées sont telles que tout
est détaillé dans nos archives.
J'ai volontairement donné les références des textes
qui suivent afin que chacun puisse constater la richesse de nos archives
municipales. On se reportera aux folios référencés en
note.
Caromb doit son écluse au père Morand, professeur de mathématiques
au collège des jésuites d'Avignon. D'après le dictionnaire
topographique de Barjavel (1841), le père Morand, revenant un jour
du printemps 1762 de Malaucène, par la vallée du Brégoux,
fut frappé par la convergence de la vallée assez grande,
et qui se rétrécissait au sud au point que les rochers formaient
presque eux-mêmes une barrière naturelle. II se rendit compte
de suite de l'immense utilité qu'aurait pour Caromb la construction
d'un barrage pour retenir l'eau fournie par plusieurs sources, sortant
en amont dans cette vallée, ainsi que les eaux de pluie de l'hiver.
Il fit part de son idée au consul de la commune. Celui-ci en saisit
le conseil de ville (*64
).
Les archives municipales précisent qu'en juin 1762, on décide
de faire dresser un devis pour établir cette écluse au Paty,
qui retiendrait toutes les eaux de source. Un architecte de Carpentras
établit un devis et un plan de l'écluse à bâtir
entre deux grands rochers au pied de la montagne du Paty. Sa muraille aurait
sept cannes d'épaisseur, le coût total des travaux semble s'élever
à 36.000 livres, montant ayant servi de base à l'acceptation
du projet par le conseil. Le vice-légat, pour l'exécution
d'un tel ouvrage, accordera son autorisation à la condition que le
père Morand, ingénieur expérimenté, soit l'auteur
du projet ( *65
).
En octobre 1762, sur la demande du conseil, le vice-légat fait venir
du Languedoc le père Morand pour examiner les plans de l'écluse
à faire au torrent du Lauron. Le projet du père Morand prévoyait
trois vannes mobiles superposées pour la distribution de l'eau en
été, et celle du fond, la plus basse, pour effectuer les vidanges
et faire évacuer les boues(
*66
) .
En août 1763, on va poser des affiches dans les villes du Comtat pour
la mise aux enchères de l'écluse (
*67
). La charge de la construction est principalement
à la commune, qui, comme d’autres communes du Comtat, est assez riche
pour entreprendre un tel ouvrage, moyennant quelques emprunts [134].
On nomme un inspecteur des travaux, payé trente sols par jour. On
devra emprunter 6.000 livres, dont 1.000 seront données en avance à
l'entrepreneur qui devra commencer dès septembre.
On demande à un niveleur de mesurer la quantité d'eau que l'écluse
pourra contenir. Il donne une estime de 24.410 cannes, à comparer
aux 40 cannes pour l’écluse du moulin plus haut, soit 610 fois cette
écluse. Les 1.000 livres de la répartition du tabac iront à
la construction de l'écluse. On fait élever un jas sur la montagne
du Paty et on fait mettre aux enchères, à concurrence de cinquante
livres, la construction d'un four au-devant du jas (
*68
).
En mars 1764, on avance 3.000 livres au prix facteur pour les matériaux
: pour avoir tiré des pierres, acheté de la chaux et réparé
le chemin (*69
).
Les travaux durent deux ans ( de
1764 à 1766). En juillet 1764, le travail de l'écluse a commencé
et il y a aussitôt contestation avec l'entrepreneur sur la solidité
des pierres de taille des revêtements intérieurs et extérieurs.
Pour une nouvelle avance sur le prix de l'écluse, on emprunte 3.000
livres à 4 % (*70
).
Le cubage est estimé entre
320.000 et 400.000 mètres cubes. D'après Hilaire, le père
Morand l'évalue à 40.000 toises cubes. Jules Achard, dans ses
monographies des communes du Vaucluse, accuse 400.000 m³. Adolphe Joannus,
dans sa géographie du Vaucluse donne 320.000 m³.
En novembre 1766, l'entrepreneur de l'écluse du Paty réclame
une augmentation pour agrandir une guérite et réparer des
dégâts causés par les eaux (
*71
).
L'écluse du Paty a été mal construite (juin 1767) et
l'eau se perd dans les jointures et fentes de la muraille : le retard de
sa construction cause un grand préjudice (
*72
) .
La dépense prévue au devis initial était de 36.000 livres,
elle atteignit alors le double, soit 60.000 francs. Le barrage est entièrement
construit sous toutes ses faces en pierre de taille, la partie supérieure
en pierre de Caromb. Sa longueur est de 78m son épaisseur de 6m d'un
côté, 7m de l’autre, sa hauteur de 20m. La partie immergée
se termine par une base débordant de 4m.
Vue amont du barrage du Paty.
En juin 1768, la communauté intente un procès à l'entrepreneur
de l'écluse pour malfaçon des travaux (
*73
).
On décide de surélever
l'écluse du Paty, le 19 mars 1769 (
*74
) .
En janvier 1772, un chaudronnier spécialiste venu des Grisons place
une «palette» ou «soupape» que l'on peut ouvrir
ou fermer aisément par serrure. La clé est placée dans
la guérite au-dessus des murailles de l'écluse du Paty afin
que l'eau puisse être donnée au fur et à mesure des besoins
(*75
).
En mai 1773, les consuls vont sur les lieux de l'écluse pour surveiller
et hâter les travaux de surélévation du massif, pour
alimenter les moulins. Un patriote zélé leur prête 1.200
livres sur un billet privé qu'on lui remboursera dans l'année
(*76
).
La retenue d'eau, l'écluse comme on dit dans le village, permet
l'arrosage des terres du village et est un apport précieux pendant
la période sèche.
En septembre 1784, des vandales forcent la serrure ou palette de l’écluse
et l’eau se répand au préjudice de la ville (
*77
) .
Le mois suivant, on constate un fort envasement de l'écluse, car on
a négligé de réserver un puits (“coup perdu”) à
la base de l'ouvrage et l’eau a fortement diminué. Des ouvriers,
sous les yeux du second consul ayant de la boue à mi-corps, essaient
de creuser un puits dans ce bourbier en s'entourant de pieux, de planches
et de fagots, mais on doit appeler en renfort des ouvriers de Monteux et
de Sarrians qui sont plus experts en la matière. On dépense
1.000 livres à cet indispensable ouvrage (
*78
).
En février 1786, un maçon vient présenter un modèle
réduit d’une machine ingénieuse qui peut fermer et ouvrir
commodément l’écluse. On lui donne 12 livres et on lui en promet
12 autres dans un an, si sa machine réussit (
*79
).
On élèvera une statue à la mémoire du père
Morand.
Augmentation
de la population.
En 1791, on plante les ormeaux et les platanes sur le Cours, pour avoir un
peu d'ombre et de fraîcheur pendant les mois d'été.
Les temps changent : autour de 1770, on atteint le maximum de population
enregistrés à la fin du XVIIe, avant la peste. Cela est en grande
partie la conséquence d'une reprise de la natalité entre 1730
et 1750. Les villes s’agrandissent. C’est le début du tourisme
et du thermalisme, des premiers anglais sur la Côte d'Azur. Le savon
“de Marseille”, fabriqué à partir de l’huile d’olive, se répand
dans nos campagnes.
A la veille de la Révolution, du point de vue linguistique la situation
est loin d’être claire : on parle le provençal, mais les actes
administratifs sont en français.
Le progrès est là et de grands travaux sont entrepris : on
projette la construction d’un grand canal pour arroser les terres du Comtat
(voir figure) . On établit une carte de France à grande échelle,
la carte de Cassini, y compris pour le Comtat (voir figure). Enfin, le
réseau routier s’améliore, au moins pour les grandes voies
de communication dans la vallée du Rhône : ce n’est pas encore
la Nationale 7 ; mais on réduit considérablement le temps
nécessaire pour se rendre dans la capitale de la France.
Quelques faits divers encore :
- deux maisons s’écroulent
de vétusté dans la rue de Beau Regard et ensevelissent les
propriétaires et leur famille (1772)
- on fait expulser un
juif de Caromb qui avait prêté de l’argent avec usure et qui
a mis ses débiteurs sur la paille.
Les eaux de
la Tuilière.
Quelques sources indiquent la présence de nos seigneurs et il est
bien difficile de replacer chaque personne dans la généalogie
de la famille de La Baume-Montrevel».
Le 16 avril 1773, Madame Jeanne-Marguerite, comtesse de la Beaume-Montrevel,
Marquise de Ligniville, dame et baronne de Caromb, St Hippolyte et autres
lieux, impose au propriétaire de la Tuilière une cense de
2.106 livres royales, à payer aux dames de Sainte Ursule de Caromb,
pour les eaux de la Tuilière.
Le 2 juillet 1774, ce même propriétaire se présente dans
la salle haute du château de Caromb devant le procureur général
de Madame la baronne de Caromb et St Hippolyte, à savoir le prêtre
Honoré François Roch Gaudibert, pour demander l’autorisation
de construire une écluse. L’autorisation est accordée sous
la cense annuelle et perpétuelle d’un denier à la Noël
en faveur de la Baronne.
Le privilège accordé par le pape Inocent VIII à Etienne
de Vesc, de juger les affaires de Caromb localement, a traversé
les siècles et est toujours exercé par les seigneurs à
la veille de la Révolution.
En 1737, notons encore l’installation d’un moulin à huile à
la Tuilière avec « deux presses majestueuses en bois et une
meule lourde et large ».
Derniers seigneurs
de Caromb.
Avant d’en finir avec la famille de la Baume-Montrevel, indiquons encore
qu’un Paul-Antoine, marquis de Montrevel, est avocat au Parlement de Nîmes
pendant la Révolution. Incarcéré pendant la Terreur,
il est libéré la veille du jour fixé pour son exécution.
Il ne mourra qu’en 1813. De son épouse Mazoyer, il a un fils, Louis
Eugène-Antonin de la Baume, né en 1783 qui deviendra aide
du camp du général Beauharnais et épousera en 1812 une
demoiselle de la Place, fille du célèbre mathématicien,
de qui il aura 4 fils et 2 filles. Un de ses enfants émigrera en
Amérique.
En 1789, la seigneurie de Caromb est passée aux mains de trois personnes
:
- - Marguerite de la
Baume-Montrevel, épouse du marquis de Ligneville, dernière
descendante des Vesc et des Baume-Montrevel,
- - la marquise de Marnier,
proche parente,
- - le duc de Choiseul
(1789-1818).
Les de Choiseul sont aussi originaires de Bourgogne. Sous Louis XIV, c’est
un duc de Choiseul qui a fait occuper Avignon et le Comtat Venaissin (1768),
en ordonnant, pour le roi, la mise en exécution d’un arrêt
du Parlement de Provence de 1688 rattachant Avignon et le Comtat à
la couronne. Le pape avait osé excommunier le duc de Parme ( un Bourbon
!) et un désaccord sur l’ordre des Jésuites avait envenimé
les relations entre les deux pouvoirs. Ce duc avait connu la disgrâce
et l’exil pour s’être opposé à la du Barry, nouvelle
courtisane du roi (1770). Le troisième seigneur de Caromb, duc de Choiseul
est son descendant direct.
Les Ligneville (ou Lignéville) sont originaires de Lorraine. Les Lignéville
sont un des quatre Grands Chevaux de Lorraine qui montaient ensemble, à
cheval, de front, tout harnachés, le grand escalier du Palais ducal
de Nancy pour aller aux Etats. Leur grand état de noblesse fut anéanti
par Louis XIV en même temps que tombaient les derniers ducs de Lorraine.
Il y a bien longtemps que les seigneurs ne possèdent plus les terres,
sauf quelques parcelles sur la colline du Paty, mais il leur reste le château
féodal et quelques redevances [39].
Au moment où vont disparaître nos derniers seigneurs, dont
les titres et les privilèges vont être abolis par la Révolution
française, il reste un grand nombre de nobles dans notre région.
On se reportera utilement au chapitre sur la noblesse de nos villages.
Les impôts
de l’administration papale.
Juste avant la Révolution, et au moment où nos terres vont
être rattachées à la France, il est intéressant
de faire le point sur les impôts payés par les comtadins. Nous
savons que l’impôt direct ou les taxes sur la consommation n’existaient
pas en Comtat. Le pillage du Palais des Papes ayant détruit toute
comptabilité, les chiffres disponibles sont des évaluations
post-révolutionnaires.
Les ressources de la papauté proviennent principalement des lods et
ventes, sur les mutations de propriétés, qui étaient
du douzième du prix et d’un droit de componende qui se payait à
chaque mutation d’office [126]
Le clergé percevait la dîme, souvent égale au vingtième.
En mai 1789, la taille imposée à Caromb est de 3 deniers par
florin et le capage de 20 sols par chef de famille.
Les terres de nos villages étaient soumises à un impôt
foncier réduit dont le produit servait à payer les dépenses
du pays, comme l’entretien des routes, le traitement des employés,
… [126].
Un seul chiffre : un bien qui, en 1788 était imposé pour 73
francs verra ce montant porté à 424 francs après le
rattachement à la France, pour s’aligner sur ce qui se pratiquait
normalement dans les départements voisins, soit 6 fois plus. [126]
Heureux contadins et carombais.
On comprendra que le choc soit rude !
La carte de
Cassini (fin du XVIIIe siècle).
Etablie à la demande du roi, cette carte de la France couvre aussi
le Comtat Venaissin. On notera les noms des quartiers de la commune, juste
avant la Révolution.
Saint-Hippolyte n'est pas encore une commune séparée de Caromb.
Carte de Cassini (fin du XVIIIe
siècle) pour Caromb.