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Mise à jour 4/03 Copyright JG © 2003
  
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XIX.   Pendant la Révolution.

Les premiers signes de la Révolution.



        Nous entrons dans une période sombre de l'histoire de Caromb. Charles Soulier dit que la commune de Caromb, «fournit la plus forte gerbe à cette moisson d'hommes». Quatre de nos compatriotes sont exécutés en Avignon et trente sept ont la tête tranchée à Orange. Trente sept autres doivent émigrer. Cent dix huit personnes sont enfermées dans les diverses prisons de Carpentras. Les révolutionnaires ont sept des leurs exécutés à la Malagronne, un à Carpentras, trois au quartier de l'Espine. Nous ne connaissons pas le nombre des victimes dans les armées des deux camps [58].

        Nous avons la chance de posséder des documents de l’époque qui permettent de retracer, dans le détail, les évènements de notre pays pendant la Révolution. L’abbé François-Xavier Gardiolle vicaire de Caromb nous a laissé un manuscrit autographe, « Caromb sous la Révolution », qui décrit les évènements jour par jour. Vu de l’intérieur du village, il est un témoin local d’importance. H Bonnaventure, dans son Livre II, rapporte les renseignements donnés par les ouvrages des abbés André, Bonnel, Guillon et dans ceux de MM. Baumefort, Soulier, Allègre, etc…, lesquels puisent à la même source. Pierre Fayot, par son étude des archives de Caromb, donne un complément de l’histoire locale et les références nécessaires dans les archives.
        François-Xavier Gardiolle est chanoine en 1786. Pendant la Révolution, il sera vicaire constitutionnel avec le chanoine Fauque et devra abdiquer avec lui sa dignité sacerdotale. Pendant la Terreur, il rachètera cet acte et fera preuve de courage en continuant, au péril de sa vie à administrer les sacrements et à célébrer la messe. Poursuivi par les ennemis de la religion, il sera même emprisonné au séminaire de Carpentras. Il reprendra normalement ses fonctions de vicaire après le rétablissement du culte et vivra encore une vingtaine d'années [120]. Il nous a laissé dans ses notes une histoire vivante dont l'intérêt historique dépasse largement notre commune.

        L’histoire locale à elle seule ne permet pas d’expliquer tous les évènements. Caromb est en Comtat Venaissin, enclavé dans une France qui bouge. Analysons d’abord l’environnement français, puis celui du Comtat.
        En France, les idées changent, la Révolution se prépare : le roi, Louis XVI, bravant le parlement, enregistre d’autorité des édits de Justice. La révolte parlementaire gagne la province. La gazette régionale de l’époque nous raconte deux épisodes marquants : à Grenoble, le 7 juin 1788, la journée des Tuiles, suivie, à Vizille, par la réunion des premiers états provinciaux, le 21 juillet 1788, avec les trois ordres.

        La situation générale dans le Comtat Venaissin est assez mauvaise, surtout en raison de la crise économique intense causée par le blocus français. L’administration pontificale a été incapable de réformer ce qui devait l’être faute de moyens. Le fonctionnement de la justice n’est pas fameux : il est trop lent. L’absence d’impôts d’Etat favorise le régime en place [3].

L’année 1789.



        Déjà, en 1788, des émeutes éclatent dans le Comtat Venaissin, provoquées par la grande misère du peuple et le chômage des ouvriers. L'Eglise fait beaucoup pour soulager ces maux et le pape Pie VI, lui-même, se soucie de cette ébauche de soulèvement général. Bien que l'on ne paie que de légers impôts, en Comtat, et que l'argent récolté serve uniquement au gouvernement local de la papauté [106], les temps sont durs pour tout le monde.
        L’hiver 1789 est terrible : les glaces interdisent la navigation sur le Rhône et Avignon n’est plus ravitaillée. Les légumes gèlent, et les paysans affamés et sans réserve rejoignent les villes.

        La remise en cause des privilèges en cette période agitée, entraîne une forte récession économique en France. Avignon et le Comtat Venaissin sont secoués économiquement. Il se produit une émigration importante des nobles, ecclésiastiques et officiers de l’armée vers "l’étranger”, vers Nice principalement.
        Le clergé, la noblesse et le Tiers Etat font leurs cahiers de doléances. Toute la France, Midi compris, est tournée vers Paris. On notera, fait remarquable, que les moindres nouvelles de la capitale arrivent très vite jusqu’au plus petit village du Midi [52].
        En France, le 5 mai 1789, les états généraux, espoir de tout un peuple, sont solennellement ouverts par le roi. Le clergé, la noblesse et le tiers état se réunissent.

Papistes et patriotes en Comtat Venaissin.



         A la veille de la Révolution, l’opinion publique du Comtat est divisée en trois courants [33] :
  •  - les papistes, dans le Haut Comtat et à Carpentras, sont traditionalistes. Ils sont moins touchés par la crise et quelque peu à l’écart des grands courants de pensée.
  •  - les Royalistes, partisans du rattachement à la couronne de France : on les trouve surtout dans la noblesse et la bourgeoisie d’Avignon, dans la vallée de la Durance et à Cavaillon.
  •  - quelques partisans des idées nouvelles, futurs républicains, à Avignon, recrutés dans la noblesse libérale, la bourgeoisie et le bas clergé.


Situation carombaise au début de la Révolution.



        La plupart des oliviers et des figuiers de Caromb ne résistent pas aux fortes gelées. La récolte de blé est déficitaire [52].
En mars 1789, éclate à Caromb, une émeute de plus de 600 personnes, par suite du manque de grains et les émeutiers munis de bâtons attaquent un riche habitant, détruisent les murs de son jardin sous les yeux du viguier et des maîtres de police qui ne peuvent les arrêter. Une vente de blé à bas prix les calme momentanément, mais l’émeute reprend la nuit et le jour suivant pour obliger ceux qui ont des grains à les vendre à bas prix.
        Le conseil décide l’achat de grains à l’extérieur, mais, en avril, constate qu’il n’y a plus de grains en vente, ni à Carpentras, ni à Avignon. Les consuls vont en chercher jusqu’à Valence, en vain. Là ils apprennent qu’il y a des émeutes partout, à Lyon comme en Dauphiné, pour empêcher les grains de sortir.
        En mars 89, le vice-légat a autorisé l’achat de grains à n’importe quel prix et à les vendre en dessous du prix, sous la pression du peuple. Grâce à ces mesures, nos carombais trouvent un peu de blé à Avignon et à Carpentras. De plus, on débloque de l’argent pour employer les pauvres à des travaux d’intérêt public [33].

        La population reste, en majorité, attachée aux Etats pontificaux et au Saint Père. Mais le mouvement patriotique, qui grossit chaque jour, a des adeptes. Quelques partisans actifs et dévoués, sous la conduite de M. Clément, présentent les idées nouvelles, faisant miroiter aux habitants les avantages et libertés qu’ouvriers et paysans français ont obtenus [39] et souhaitent déjà le rattachement à la France [52].
         Il va sans dire que les papistes carombais protestent énergiquement. Le village est calme, mais les esprits s’échauffent et les discussions vont bon train [52].

        Les Etats généraux français se transforment en Assemblée nationale, puis en Constituante (1789-1791). Celle-ci rejette le système de l’ancien régime, abolit les privilèges et oblige les prêtres à prêter serment à la constitution.
        Le 14 juillet 1789, à Paris, la Bastille, symbole de l’absolutisme royal, est prise par le peuple. Deux jours plus tard, on commence sa démolition "pour en faire disparaître jusqu'aux traces”.
         L’été 1789 est marqué par la Grande Peur, une période anti-seigneuriale, suite aux nouvelles alarmantes de Paris, et par peur de représailles des “privilégiés”.

        Le 26 août 1789, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare les droits de l'homme et du citoyen : Article 1er , "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, …"

        Par une lettre du vice-légat et par les consuls de Carpentras et de Malaucène, on donne avis qu’une troupe de 12.000 brigands ravage le Dauphiné et brûle le gerbes de blé, ce qui s'avèrera inexact. Le chevalier du Barroux, chevalier de la croix de Saint-Louis, s’offre avec patriotisme pour organiser une milice bourgeoise. Un vote par « ballotes secrètes » l’y autorise. Le médecin Bertrand force, malgré les valets, les portes du conseil pour apporter une motion de protestation contre ce qu’il appelle un conciliabule privé et déclare nulle la délibération. On répare d’urgence les quatre portes de la ville. Sur les conseils du vice-légat et afin d’éviter les émeutes, on décide d’acheter des grains au fermier du prieur décimateur et au seigneur de Caromb [AMC, 49].
         En octobre 1789, les oliviers sont gelés et une délégation d’habitants se présente au conseil et demande la suppression de tout bétail laineux qui mange les rejetons des souches. Le conseil accepte [49].

        A Carpentras, le 25 novembre 1789, les Papalins ou papistes s’opposent aux patriotes.  Le “parti français” ne manque pas  de  partisans.  Attirés  par  les  réformes en cours en  France, ces  patriotes demandent l'annexion pure et simple au royaume. Mais la proposition déposée au nom du droit historique de la France sur Avignon et le Comtat, se voit contrée.  L'assemblée  du Comtat réagit énergiquement à ses propos.[18].

        Artisans et paysans de la région de Carpentras demandent la convocation des Etats Généraux de la Province, qui doit se tenir le 14 septembre 1789. Il est demandé une assemblée des trois Ordres. Ils font admettre le baron de Ste Croix (Guillaume-Emmanuel-Joseph de Guilhelm) à cette réunion, bien qu’il ne soit député d’aucune communauté [33].
        Cette assemblée générale demande au pape la convocation des Etats Généraux, avec cahiers de doléances.

L’année 1790.



        Le pape adresse une lettre circulaire à toutes les communautés du Comtat afin de demander leur avis sur une réunion de l’assemblée générale de la Province. Caromb accepte la réunion de ces Etats Généraux de la Province où les doléances de chaque communauté seront présentées au pape.

        Dès le 22 février 1790, en Avignon, les consuls doivent renoncer à leurs fonctions : « II aura donc suffi de quelques cris pour mettre à bas le pouvoir séculaire du pape en Avignon. Celui-ci pouvait-il continuer à refuser à ses sujets ce que le roi de France accordait aux siens ? Déjà la dîme et les droits féodaux n'avaient plus cours dans la ville. Seules la récente garde nationale et l'assemblée spontanée des  corporations  apparaissaient comme représentatives. Pris entre l'obéissance à Rome et la pression populaire, le conseil a consenti à approuver un projet de réforme de l'organisation municipale. Mais le temps n'était déjà plus aux réformes. Désapprouvés par les corporations et hués par quelques patriotes, les consuls ont été contraints de renoncer à leurs fonctions. »[18].
        Les Avignonnais se soulèvent, imposent l'élection d'une nouvelle municipalité (le 14 mars 1790).

        Le pape refuse, le 22 février 1790, la convocation des Etats Généraux et envoie son agent, Jean Célestini, dans le Comtat. Le vice-légat accepte, au nom du pape, la réunion d’une assemblée générale. Un pacte fédératif crée une milice qui prête serment au pape.

        Alors que le 26 février 1790, la France est découpée en 83 départements et la Provence en 3 départements ( Basses Alpes, Var, Bouches du Rhône), nos carombais préparent leurs cahiers de doléances.

        Voici celles qui sont exposées par le conseil carombais [49] :

  • - au lieu des 30 personnes composant l’Assemblée générale des Etats et des 4 siégeant en conseil restreint, les 80 communautés doivent être représentées et le comité élargi à 8 personnes
  • - on demande la répartition du tabac oubliée depuis 15 ans.
  • - pour mettre fin à la longueur et au coût des procès, on demande que l’on établisse une cour à Carpentras qui soit souveraine, et une à Avignon pour le dernier ressort.
  • - on demande que la dîme de Caromb et de Saint-Hippolyte soit réduite au 50éme et affectée à une subsistance honnête des curés et vicaires « qui portent le poids du jour et de la chaleur ». On demande un vicaire, en plus du curé et des deux vicaires.
  • - on demande la franchise des terres et la propriété de tous les droits seigneuriaux pour mettre fin à l’exploitation des grands envers les pauvres. « La liberté personnelle et celle des biens étant le plus précieux avantage que l’Etre Suprême ait fait à l’homme en le créant, l’extrait de la présente délibération sera adressée à son Excellence le Vice-Légat et un extrait à Messieurs de la Province »


        L’abbé François-Xavier Gardiolle, papiste convaincu, n’est pas tendre pour cette assemblée générale, qu’il dit vouloir imiter ce qui se passe en France, bien que « le peuple ne paie aucune imposition envers son souverain, mais croit faire fortune et s’enrichir pour toujours » [33].
        Le 24 mai 1790, les 92 membres des Etats Généraux se réunissent à Carpentras, avec des représentants de la noblesse (15) et du clergé (15). Ayant aboli les Ordres, l'assemblée se déclare "Assemblée représentative du Comtat Venaissin" [33].

        L’assemblée est reconnue par la plus grande partie du Comtat, sauf par Avignon ; elle supprime l’administration en place, adopte les Droits de l’Homme et le système municipal français, mais reste soumise au Saint-Siège [33].

        A Caromb, le propriétaire qui a dû vendre son blé à bas prix lors du terrible hiver 1789, de la famine et des émeutes, demande réparation au conseil qui vote pour un arrangement à l’amiable. Une foule surexcitée assiège le conseil et réclame, à corps et à cris des grains à crédit. Le conseil est obligé de céder[49].
        Une nouvelle émeute a lieu au cours de la mise aux enchères, sur la place des moulins à farine (du Rieu) : la foule envahit le greffe et réclame que le droit de mouture soit diminué d’ ½ cosse. On réunit le Conseil extraordinaire (60 personnes) pour décider de réduire le droit de mouture à ½ cosse par émine. Au cours de la même délibération, dans un élan patriotique, les consuls renoncent à leurs chaperons et les conseillers à leur salaire. On crée un comité restreint qui recevra les doléances des habitants[49].

        La convocation de l’Assemblée générale du Comtat nécessite l’élection d’une assemblée primaire. La première élection carombaise doit être annulée pour fraude et irrégularité ; on expulse le président, le docteur Bertrand. Les consuls se plaignent des émeutes continuelles du peuple et rappellent l’ordonnance du vice-légat qui autorise la force pour rétablir l’ordre. On décide la levée d’une milice bourgeoise [49].
        On procède à de nouvelles élections de l’assemblée primaire et le président élu est le curé Jean-Baptiste Augustin Dubarroux. Mais l’évêque, président de l’assemblée des trois ordres, déclare ce nouvel élu irrecevable et le conseil décide de ne pas envoyer de représentant à l’assemblée. En plus de la milice bourgeoise, on désigne des groupes de dix citoyens, à tour de rôle, pour faire des patrouilles et interdire les attroupements. On achète 100 fusils à Carpentras . On procède à l’élection de l’assemblée primaire, et c’est à nouveau le curé Dubarroux qui est élu. Une assemblée de tous les citoyens actifs est tenue dans l’église, sous la présidence du curé Dubarroux afin d’élire le premier maire de Caromb et 5 officiers municipaux. C’est Pierre-Marie Gardiolle qui est élu au poste de maire. Conformément à un décret de l’assemblée représentative du Comtat, on élit un juge, son lieutenant et un greffier pour Caromb.
On achète à nouveau 200 fusils pour armer la garde citoyenne.

        En octobre, M. Dubarroux, nommé colonel de la garde citoyenne, demande que le corps de garde soit établi à la maison consulaire, qu’on achète un quintal de poudre et deux de plomb, qu’on répartisse quatre falots en ville pour éclairer les rues et pour la sûreté des habitants. Ils sont éclairés à l’huile et allumés tous les soirs par le valet de ville lorsqu’il ferme les portes. En novembre, tous les fonctionnaires publics de Caromb sont invités, par décret de l’assemblée représentative, à prêter serment civique : «  Je jure d’être fidèle à la Constitution, à la Loi, au Saint-Siège. » [49].

        Si, à Caromb, on s’arme, en Avignon, le 11 juin, c’est déjà l’émeute. La potence est dressée sur la place du Palais des Papes et on y pend M. de Rochegude, l’abbé Offray et l’ouvrier Aubert. Le bourreau est Pierre Eyme, qui ensuite vient se fixer à Caromb où il se glorifie de son « travail », entouré de l’admiration de ses partisans locaux et du mépris des autres. Il sera tué exactement un an plus tard par l’explosion d’une « boëtte » devant notre église [52].
        Le lendemain, après les troubles de la veille, les patriotes avignonnais convoquent en assemblée les habitants n'ayant pas fui la ville, afin qu'ils tirent eux-mêmes les conséquences des récents événements.
        La motion, votée à l'unanimité, constate avec cynisme l'incapacité du pouvoir pontifical à assurer la sécurité des citoyens et présente la réunion d'Avignon à la France comme conforme à l'intérêt public  [18].
        Les Avignonnais expulsent le vice-légat, Philippe Cassini (le 12 juin 1790) qui se réfugie à Carpentras,  et demandent la réunion de leur ville à la France.

        L’abbé Gardiolle, dans son sermon du 25 juillet donne l’état d’esprit du village. Il précise «Les honnêtes gens de la ville de Caromb y ont conservé le bon ordre, voulant vivre et mourir sous la domination du Saint Père Pie VI… Pour vous, chère Milice Bourgeoise de Caromb, je vous félicite de ce que l’amour du prochain et celui de la paix, vous a fait entreprendre tant de travaux militaires, soyez toujours sur vos gardes…»
         Mais chaque clan du village est prêt à se battre,…

        Le 27 août 1790, Avignon en appelle à la France et la démarche des envoyés avignonnais embarrasse bien le gouvernement qui ne souhaite pas indisposer le pape. De plus, la volonté de réunion est suspecte : est-il possible de réunir Avignon sans le Comtat,  qui y est hostile ? [18].

        L'Assemblée Nationale refuse par deux fois d'entériner l'annexion (le 27 août et le 20 novembre 1790).

        En novembre 1790, à Avignon, se crée une «société des amis de la Constitution ou Club patriotique» en réaction à l’Assemblée trop papiste et demande des réformes plus profondes.

        Vice-légat, recteur et envoyé du pape sont obligés de se réfugier à Carpentras, puis à Aubignan. Avignon a pris les armes du palais des papes et s’irrite de voir que le Comtat ne suit pas le même mouvement.

Saint-Hippolyte.



        Saint Hippolyte se sépare de Caromb et devient une commune indépendante : en 1790, 26 habitants de Saint-Hippolyte demandent l’érection en commune de Saint-Hippolyte, se référant à une nouvelle loi qui permet la création d’une commune si 20 citoyens actifs _c’est à dire des familles possédantes _ s’y trouvent présents. Une enquête est ouverte par les autorités, sur le bien-fondé de cette demande, et les officiers municipaux d’Aubignan en sont chargés. Ils dénombrent 22 chefs de famille avec un total de 118 personnes (*80 ).
        Malgré l’opposition de Caromb, un décret de l’Assemblée Représentative, daté du 12 octobre 1790, autorise la création de la commune de Saint Hippolyte. Sa superficie est de 494 hectares. Les premières élections donnent comme maire Vincent Falque, qui le reste jusqu’au 23 octobre 1792. Le conseil municipal se réunit soit devant l’église primitive, soit à la Tuilière…

        Hippolyte Falque donne à la commune de St-Hippolyte l’emplacement du cimetière actuel, et le fait entourer de murs.

L’année 1791.



        L’Assemblée représentative du Comtat Venaissin siège à Carpentras. La ville de Caromb juge que cette assemblée est incapable de produire aucun bien et refuse longtemps d'y envoyer son député. On l'y force ! M. Pierre-François Faure, homme très méritant est député, mais voyant par lui-même les «mals versations» (sic) de cette bande d'hommes, il laisse cette assemblée et se retire chez lui, plus d'un mois avant la fin des débats [52].

        A Caromb, on ne sait plus très bien où l’on en est. Mais la municipalité résiste à l’invitation pressante d’Avignon de se joindre à la fédération. On est attaché au pape, mais certains se portent en foule à la maison commune pour réclamer la réunion de tous les citoyens actifs afin de supplier l’assemblée nationale et le roi de devenir français. La réunion a lieu dans l’église : “Le parlement de tous les chefs de famille réunis dans l‘église émet le vœu de rattachement à la France, en se séparant du pape. On fait remettre les armes de France sur la principale porte de la ville” [49]. L’assemblée générale des citoyens actifs décide l’adhésion de la commune à la fédération d’Avignon et vote la nomination d’électeurs délégués à Avignon pour organiser la province en départements, districts et cantons. “Ceux qui sont pour les délégués resteront sur place, ceux qui sont contre passeront dans la chapelle de Madame”. A l’unanimité les citoyens passent dans la chapelle et donc, on ne procède à aucune élection [49].

        La municipalité conclut avec Carpentras un pacte de secours mutuel. En cas d’attaque, le signal sera le tir de 3 boëttes à Carpentras, auquel Caromb répondra par 3 boëttes ainsi que les autres villages et les secours envoyés se réuniront aux Capucins [49].

        Le bruit se répand qu’une troupe de brigands ravage le Comtat et on renforce la garde nationale. Une nouvelle émeute a lieu sur la place ; le maire doit demander à madame de Ligneville de diminuer sa cense sur l’huile [49].

        Les patriotes avignonnais ne sont pas inactifs et, le 10 janvier 1791, ils s’emparent de Cavaillon, pillent la ville, saccagent les maisons des contre-révolutionnaires, massacrent un prêtre, repartent avec une cinquantaine de prisonniers, et marchent sur Carpentras qui se prépare à la résistance [33].

        Le 14 janvier, la division règne dans l'assemblée de Carpentras et les deux factions en viennent aux armes. La troupe de Caromb ne pouvant se décider à se rendre à Carpentras, part très tard de notre village (déjà !). A peine cette troupe est-elle arrivée au cimetière des juifs de cette ville, qu'elle entend le bruit d'une fusillade et le tocsin et elle rebrousse chemin ; chacun s'en revient chez soi ! [52].

          Le 20 janvier, l'armée avignonnaise, dite des «Braves Brigands», forte de 4.000 hommes, arrive «toute son artillerie mèches fumantes» pour s'emparer de Carpentras. Elle n'y parvient pas, tire huit coups de canon, mais la pluie et la grêle arrête son ardeur et elle se retire à Monteux [33].
        Un déserteur enrôlé de force, M. Thibaud, vient se réfugier à Caromb chez sa tante Mlle Lombard, pour raconter l'évènement. L'abbé Gardiolle chante de tout son cœur une oraison d'action de grâce pour cette victoire ! Il reconnaît cependant que les luttes meurtrières ont lieu à Cavaillon, l'Isle et le Thor et que l'insécurité et le meurtre s'étendent à tout le Comtat [52].
        On arrive à s'entendre, malgré la guerre, pour proposer la création d'un département du Vaucluse (février 1791) [33].

        Sous l’étendard du baron de St Christol, les villes de Cavaillon, l’Isle-sur-Sorgues et Carpentras et les villages, forment alors une union de défense, l’ « Union de Sainte-Cécile », papiste.
        En mars, la ville de Caromb adhère, avec beaucoup de communautés du Haut-Comtat restées fidèles au pape, à cette assemblée. Elle y envoie deux députés : M. Dubarroux, fils du capitaine de la Garde citoyenne et M. Ladet  Esprit François, notaire et procureur de la commune [149]. Cette assemblée crée une force dite «Armée de Brantes», et de nombreux volontaires carombais vont renforcer cette troupe. Cependant, quelques autres Carombais gagnés aux idées nouvelles s'enrôlent sous la conduite de M. Félix-Augustin Durandi, notaire, dans l'armée «patriote» d'Avignon devenant ainsi des «coupe-jarrets» et des «braves brigands» [52].
        "On promettait aux volontaires un écu par jour, bombance continuelle et pillage partout". Ces belles propositions, lisons-nous dans le manuscrit de l'abbé Gardiolle, font sortir des coupe-jarrets de partout [149].

        L’Union papiste forme une armée de 5 à 6.000 hommes et reprend Vaison [33].

        Une réunion de 400 citoyens actifs a lieu dans le cimetière ; ils sont consultés sur le fermage des trois moulins à blés. On décide que, désormais, ces moulins seront exploités par des maîtres valets choisis par le Conseil général, les habitants obligés de faire moudre aux moulins de la commune à raison d'1/2 cosse par émine et de laisser la mouture dans les greniers de la commune [49].
     Malgré l’adhésion à la fédération de Sainte-Cécile, on confirme celle promise à la fédération d’Avignon [49]. Ne sachant pas comment cela va tourner, autant se prémunir de chaque côté.

        Une assemblée de citoyens actifs se réunit dans l’église des Cordeliers où le président est élu par acclamation : François Bertrand. Mais il y a ballottage pour le vote d’électeurs à envoyer à Avignon. Nouvelle assemblée des citoyens actifs dans l’église des Cordeliers, qui arrive à élire les 5 électeurs. Le procès-verbal est consigné dans un registre à part [49].

La guerre entre Carpentras et Avignon.



        Le 16 avril, à 10 heures du soir, des feux s'allument dans toutes les communes du Comtat. C'est le signal ! Les Avignonnais attaquent... Le lendemain, on descend à Carpentras et l'on distribue à tous ceux qui veulent combattre «cette infâme canaille» des munitions de guerre et de bouche. L'armée du Comtat engage le combat dans la plaine de Sarrians. Elle croit à la victoire, mais sur une erreur tactique une terreur panique s'empare d'elle et la retraite est sonnée. C'est la déroute pour l'Union du Haut Comtat, le 19 avril, et la fin de l'armée de l'Union. On rentre à Caromb, accablé de fatigue... cependant que Sarrians est pillée, brûlée, que les femmes sont violées et que de très nombreux assassinats y sont commis durant plusieurs jours [52].

        D’ailleurs, le 19 avril, tous les habitants de Caromb sont aux Aires pour voir brûler le village de Sarrians. On distingue les coups de canon et de fusil. Joseph Bonet, fermier, qui possède un bon cheval, est envoyé aux nouvelles. De retour, à son récit, tout le monde fond en larmes. On sonne le tocsin pour avertir de fuir, de sauver les effets et les meubles. Le jour suivant Caromb est désert [52].

        Trois jours plus tard (23 avril), les «coupe-jarrets» d'Avignon font le tour des villages et viennent recruter à Caromb. Ils sont bien reçus par leurs collègues qui deviennent de plus en plus nombreux. Le manuscrit de l'Abbé Gardiolle nous en donne les noms, que nous retrouverons dans les pages suivantes  [52].
        Le 23 avril, la troupe avignonnaise attaque Carpentras qui a eu le temps de s'équiper de quelques canons. Cinq heures durant, la ville est bombardée de 292 coups de canon de 8, 12 et 24, visant principalement l'hôpital, hors des murs de la ville. Lorsque celui-ci est attaqué, les Carpentrassiens dévoilent leurs batteries et les Avignonnais doivent reculer [33].


Siège de la ville de Carpentras par l'armée avignonnaise.
Dessin anonyme, 1791, bibliothèque municipale, Avignon.

        Le 25 avril, ils reviennent par Sarrians, mais c'est encore un échec [33].
        Le 27 avril, ils attaquent par le nord, du côté de l'aqueduc, coupant l'eau de la ville, tirent 234 coups de canons, puis se retirent sur Monteux, en bloquant la ville [33].
        Carpentras sera assiégée pendant 50 jours.

        Le 30 avril, à 2 heures du matin, M. Lombard, notaire à  Caromb, est réveillé par le domestique de son ami M. Meffre notaire à Aubignan. Celui-ci vient d'apprendre que plusieurs personnalités de Caromb doivent être assassinées par les hommes du nommé Durandi. Madame Lombard, en pleine nuit, sous une pluie battante, va prévenir ces personnes qui lui doivent leur salut [52].
        Parmi les personnes menacées qui doivent prendre la fuite, citons :

  •  - Maurice et Casimir Dubarroux,
  •  - leur frère Augustin, curé de la paroisse,
  •  - les quatres notaires : Faure, Lombard fils, Maurice Durand et François Marie Curnier,
  •  -MM. Marignane, médecin et Marignane François, prêtre ( *81 ),
  •  - les six bourgeois : Thiers Denis, Constantin Félix, Gondois l'aîné, Gaudibert Roch, Maffren Fons-Marie, Richard père. Morard cadet et Fournier se sont joints à Madame Lombard pour alerter le pays.


        Le 1er mai, dimanche de Quasimodo, à 7h30 du matin, par le portail du Rieu, M. Félix Augustin Durandi, notaire dudit Caromb, fait son entrée triomphante dans Caromb. A cheval, sabre nu, fusil à l'épaule, pistolets dans les poches, il est escorté de 130 coupe-jarrets  avignonnais. Tambours battants, il remonte la Grande Rue[39]. A son collègue Bertrand, qui vient le recevoir, il dit :«Je viens faire danser une contredanse nouvelle aux habitants de Caromb». La sœur de R… lui répond : « tu as raison, notre bon ami, les violons sont prêts et bien d'accord ».
        Arrivé au château, il fait dresser son «respecte-moi», c'est à dire une pièce de canon dont la mèche restera jour et nuit fumante. Cette arrivée jette la consternation et la désolation dans tout Caromb [52].

        "Cette opération faite, il commande à ses satellites de se porter de suite dans les différentes maisons proscrites. Heureusement, aucun proscrit ne se trouve chez lui, tous ayant sauvé leur vie par la fuite".
        On distribue aux coupe-jarrets leurs billets de logement ainsi conçus : "Nous, commandant des coupe-jarrets avignonais ; de notre part, M. … nourrira à discrétion le nombre de … A Caromb, dans le château, le 1er mai 1791".
        Ainsi,

M. Jérôme-Maurice Durand, notaire, loge 10 coupe-jarrets,
M. noble Augustin-Jean-Baptiste Dubarroux, curé de Caromb, en reçoit vingt-cinq,
M. Félix Constantin, bourgeois, en reçoit dix,
M. Ladet, bourgeois, cinq,
M. Bertrand Pons, bourgeois, cinq,
M. Faure, notaire, cinq,
MM. Jacques, bourgeois, cinq,
M. Richard, ménager, cinq,
M. Morard cadet, ménager, cinq,
M. Lombard, notaire, cinq,
M. Pons, chirurgien, cinq,
M. François-Marie Curnier, notaire, cinq,
M. Cazal, bourgeois, cinq,
M. Denis Tiers, bourgeois, cinq,
M. Malignane, médecin, cinq,
M. Pierre-Marie Gardiolle, apothycaire (sic), cinq. Il est quitte après un seul dîner parce qu'il est fort lié avec Durandy et Pastour.
        Les habitants sont soumis aux réquisitions de vivres et de vêtements tant que dure leur séjour à Caromb.
        L’état-major est nourri aux frais de la Maison de Ville. Les « coupe-jarrets » font "bombance sempiternelle" et invitent sans cérémonie ceux du pays. Ils se livrent ensemble à des agapes sans raison, à toute sorte de vexations [39].
        "Après chaque repas, tous ces goujats délibèrent sur ce qu'ils doivent manger dans le repas suivant. Ils donnent une carte (*82 ) aux domestiques qui les servent, où est contenu tout ce qu'il leur faut pour le repas suivant. Malgré leur diligence, les domestiques sont souvent menacés et insultés par ces goujats qui leur disent : nos sabres sont bien effilés ".
        "Les domestiques de MM. Durand et Dubarroux sont ceux qui souffrent le plus. Madeleine Franque a plus de cent fois le sabre levé sur elle, prêt à lui couper la gorge. Marion Blay est morte des suites des mauvais traitements qu'elle a essuyés".
        " Ajoutez à cela un pillage continuel en linges, étoffes, meubles et argent".
        Le lendemain, le nommé Bertrand Reynaud, médecin à Caromb, qui s'était fait chef de tous les patriotes de ce village et avait promis monts et merveilles, est nommé président de l'Assemblée municipale par cette «bande» toute dévouée. Durandi est nommé scrutateur. La Garde citoyenne est désarmée [52].

        Le 6 mai, une nouvelle attaque de Carpentras est contrée par les canons et les sorties des carpentrassiens.
        C'est la terreur dans les campagnes environnantes : 200 fermes sont incendiées, des localités sont rançonnées [33].

        Ce même 6 mai, les patriotes amènent un trophée de Carpentras à Caromb : la tête coupée de M. Vitalis est exposée sur les remparts de Caromb ! On affiche aux portes de l'église et aux tours du château l'interdiction, sous peine d'être pendu, de porter des vivres dans Carpentras assiégé. L'abbé Gardiolle déchire ces affiches. Durant tout ce mois de mai, les bourgeois continuent d'héberger et de nourrir ces troupes insolentes et grossières.
        L'exaspération des Carombais est portée à son comble, lorsque aux fêtes de Pentecôte, les Avignonnais menacent d'amener au camp de Monteux, tous les hommes valides. Ceux-ci s'enfuient et passent deux jours et deux nuits hors de leur maison. “ Les patriotes se livrent durant ce temps à des viols, des actes d'horreur et d'immoralité que nous ne pouvons décrire... mais qui feront partie du règlement de compte” [52].
        Beaucoup de femmes, de filles et de domestiques, sont violées par ces soldats et les religieuses du couvent des ursulines restées sur place subissent le même sort [39].

        Pendant ce temps, La France intervient dans la guerre civile entre Avignon, la révolutionnaire, et le Comtat Venaissin, fidèle au pape. L'Assemblée Nationale envoie des médiateurs (mai 1791) qui réunissent, à Bédarrides, des délégués des communes du Comtat et d'Avignon et demandent, le 9 juin, l'arrêt des hostilités.

        Le 10 juin, le nombre des « coupe-jarrets » grossit toujours : ils sont maintenant 250 à Caromb [39] et le lendemain on apprend avec très grand plaisir que les Avignonnais ont été chassés de Vaison, que le poste du Barroux a été surpris et dispersé par l'armée de Brantes. Onze «patriotes», ont été tués et trente sont prisonniers. Une terreur panique s'empare alors des soldats oppresseurs qui s'enfuient vers le camp de Monteux en emportant les fusils de la commune et des «boîtes» montées sur des affûts. Sur la place de notre église, une boîte, dédiée à Saint Maurice patron de notre paroisse, éclate, tuant trois soldats de l'infâme armée dont Eyme et ne faisant aucun mal aux femmes et aux enfants massés sur l'esplanade.
        H Bonnaventure pense qu’il s’agit d’une légende, car dit-il, « il a vu les six boîtes telles qu’elles existaient à cette époque et que, si l’une d’elles n’est plus utilisée, cela est dû à ce que la mairie, les ayant prêtées à la commune de La-Roque-Alaric, l’une d’elles se fendit et ne fut, par prudence, plus jamais employée. » [39].
        Le 13 juin, toute notre région est débarrassée des Avignonnais : le Barroux, Mazan, Aubignan et Malaucène respirent.

        Le lendemain, chose exceptionnelle, il neige dans la région ! [54].

        L'occupation, en plus de ses misères, a coûté 60.000 livres à la ville de Caromb [52].

        Le 14 juin, les préliminaires de paix entre Avignon et le Comtat sont signés à Orange, en présence des médiateurs français envoyés par Louis XVI. Les parties belligérantes prennent l'engagement de suspendre toute hostilité et de licencier les troupes [39].
        Le 19 juin, les médiateurs sont à Avignon, le 22, à Carpentras. Pendant quelques semaines, c'est l'anarchie, jusqu'à la fin juin où l'armée d'Avignon est "disbandée"[33].

        Le 2 juillet, huit «patriotes» libérés de leur emploi militaire reviennent de Monteux à Caromb. Ils avaient été les principaux auteurs des désordres commis dans la commune. A Carpentras, l'un d'eux est assassiné ( *83 ).

        Pour préserver les autres, un détachement commandé par Gabriel Meynard les escorte jusqu’au pays et les confie, dès leur arrivée à l'hôtel de ville, à une compagnie de canonniers (12 juillet). Mais le lendemain matin, tout Caromb, armé de fusils, de fourches, de faux, vient demander à grands cris qu'on lui livre les assassins des frères, des enfants, et veut faire prompte justice. Une populace furieuse pousse des cris de mort.
        M Marignane, ancien consul, veut la calmer. Il harangue la foule : «Justice sera fait, s'écrit-il, nous avons des lois, mais tuer des coupables sans jugement, c'est un horrible assassinat ». Menacé à son tour, il doit se retirer.
        La foule, armée de fusils, de faux et autres outils enfonce la porte de l'hôtel de ville, bouscule la garde, se jette sur les prisonniers et les attache deux à deux. Elle les entraîne en hurlant hors de la ville, vers la Malagronne. L'abbé Rigot, sur les lieux, parvient à faire accepter à ces malheureux le secours de son ministère. On force les patriotes à creuser leur propre fosse de leurs propres mains ; on les fait mettre à genoux au bord du gouffre béant et on les fusille sous les applaudissements de tous les «citoyens» (*84 ) . On jette les cadavres palpitants dans la fosse [52]. Cela se passe dans la terre de M. Peyroux [149].
        Nos papistes, et leurs femmes violées, sont vengés.

        D'après les registres de l'état civil, les victimes sont :

  •  - Félix-Augustin Durandi, 33 ans, qui a commandé la troupe avignonnaise lors de sa rentrée triomphale à Caromb ;
  •  - Arnoux Paris, 30 ans ;
  •  - Joseph Libérat Eydoux, 36 ans ;
  •  - François-Xavier Reynaud dit l'Espagnol, 30 ans ;
  •  - les trois frères Rabasse : Siffrein Dominique, 43 ans ; Jean-françois, 33 ans ; François-Xavier, 30 ans.


        Une patrouille parcourant ensuite la campagne rencontre dans sa ronde et fusille au quartier de l'Espine :
 - Joseph Tramier, 50 ans ;

 - Joseph Libérat Fériaud, 37 ans [39].

        Les corps sont jetés dans la rivière.
        “Ces assassinats trouvent des explications, mais ne peuvent être justifiés. Ils sont en partie à l'origine des drames qui surviendront en 1794” [52].

        Ces actes sont communiqués à l’administration départementale qui envoie deux médiateurs : Verninac-Saint-Maur et Le Scène-des-Maisons et, le 1er août, ils arrivent à Caromb avec une escorte de cinquante hussards, de dragons et de Soissonais, pour enquêter sur le meurtre de la Malagronne [39].
        La municipalité, coupable d'inertie, est mise en prison [33].

        Le 9 août, on oblige les hommes qu'on suppose avoir pris part à la vengeance populaire, à exhumer les cadavres, à leur demander pardon, à les embrasser en signe de réconciliation. On les porte ensuite en Terre-Sainte et on chante une messe pour chacun d'eux. Une trentaine des principaux coupables du meurtre de la Malagronne sont arrêtés et conduits dans les prisons de l'Isle. Mais, un des médiateurs, l'abbé Mulot, les fait élargir après le départ de ses collègues pour Paris [52].
        Les médiateurs font venir des gardes nationaux des départements voisins, à Caromb et à Malaucène [33].
 

        Nous possédons le compte rendu des deux commissaires médiateurs à l'Assemblée nationale : le 10 septembre 1791, MM. Le Scène des Maisons et Verminac-Saint-Maur sont introduits à la barre de l'Assemblée. M. Le Scène des Maisons fait un exposé sur la situation dans le Comtat et explique les évènements carombais.
            « Mais les haines étaient encore trop fraîches, les ressentiments trop actifs pour obtenir une tranquillité absolue. Caron avait été une des villes malheureuses qui, flottant dans ses opinions, avait fourni des détachements aux deux armées ennemies. Nous avions prévu cet inconvénient, et pour éviter l'effet de ces haines, nous avions écrit au commandant des Soissonnais de protéger sa rentrée par un détachement des troupes de ligne.
        En arrivant de Carpentras, ceux de Caron furent attaqués par le peuple ; un d'eux fut massacré malgré les efforts de nos troupes ; M. Desperon sauva le reste.
Il les fit conduire à Caron par 60 hommes de ligne, et remettre sous la protection d'une compagnie d'artillerie. Le peuple, excité par un nommé Clément, commandant de Brantes, et ancien déserteur français, dit-on, fut bientôt en insurrection. On arrache 11 de ces malheureux du château où on  les avait déposés, et sous les yeux du détachement français ; les officiers municipaux se cachent ou ne paraissent pas. Semblables aux cannibales, on les traîne hors des murs, on leur donne un confesseur, et là, on les assassine tous à coups de fusil : entre eux était un électeur.
        On dit, et on aura peine à le croire, mais, à la honte de l'humanité, le fait est certain, je l'ai vérifié : cet atroce Clément forçait les pères et mères de ces malheureuses victimes à aller assister à cet affreux assassinat. (Mouvement de l'Assemblé).
        Dès que la nouvelle nous parvint, nous courûmes en arrêter les suites ; mais, à l'instant, il fallut se multiplier : le complot paraissait formé d'assassiner ainsi tous les détachements de l'armée avignonnaise à leur rentrée paisible dans leur foyer ; cela arrivait dans les communes où il y avait eu le plus de division. L'humanité nous donna des ailes : nous nous trouvâmes à Piolène, à Lisle et dans d'autres communes à l'instant où les sacrifices humains allaient commencer ; et à force de soin, de prières, de raisons et de menaces, nous parvînmes à rétablir le calme. »( *85 )


 Suite : la chronologie historique (chapitre XX).


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