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Chapitre II.
Emigrations.
L’émigration continue. De 1866 à 1876, l’«invasion »
pacifique de la France s’accélère. Plus de 800.000 étrangers
en 1876, et 200.000 de plus entre 1876 et 1881. Une croissance de 25%,
qui porte le pourcentage d’étrangers à 3% de la population
française. Maçons, bûcherons ou tâcherons dans
l’agriculture, surtout dans le Sud Est. Des Abbruzzes on part vers le Comtat
Venaissin cueillir les fruits. De Calabre, on se fait bûcheron en Savoie.
De Romagne, on vient travailler dans les pépinières de Sorgues
et d’Entraigues. Du Piémont et de Toscane, c’est vers Sète
que l’on se dirige, alors que le Val d’Aoste et Saluces fournissent les
tisseurs de soie de Lyon. On trouve, en 1880, des Piémontaises employées
comme tisseuses à Lyon ou comme fileuses dans les pays du Rhône
moyen. De Pise, Luque, Naples ou Salernes, la direction est plutôt
vers Marseille.
La France s’équipe : le chemin de fer Chambéry-Grenoble (1864),
s’allonge vers Albertville (1878), et le tronçon Chambéry-Lyon
est opérationnel en 1884, raccourcissant d’autant les distances
pour cette immigration. On perce le tunnel de Fréjus , en Maurienne
(1870).
Le Pelvo, vue des villages "d'en bas".
En 1871, Bellino compte 977 habitants et a déjà perdu 10%
de sa population, en une trentaine d’années.
La fin de la guerre franco-prusse ou la proclamation de la République
n’améliorent pas encore les conditions de vie de nos montagnards
: les loups sont toujours là ; en 1870, en Ubaye, au pied du col
de l’Autaret, on raconte l’histoire de personnes ayant échappé
à la mort grâce à des chiens de berger équipés
de collier à pointes de fer justement porté pour la défense
contre les loups [66]
A l’heure du chemin de fer, les
chemins de nos Alpes ne sont pas encore très sûrs.
La décennie 1890-1900 est marqué par l’essor industriel et
touristique de la Savoie. Outre les nouvelles voies de communication, la
houille blanche favorise l’implantation des usines électrochimiques
ou électrométallurgiques à Chedde, Ugine, en Maurienne,
puis en Tarentaise. Les coopératives laitières et fromagères
se créent, exportant les produits jusqu’à Paris. Le thermalisme,
en 1895, attire 100.000 clients à Aix les Bains, Challes, Thonon ou
Brides. L’alpinisme à Chamonix se développe et les sports d’hiver
font leur apparition à Megève ou Chamonix.
L’émigration continue, à 40% vers Paris, vers Genève
ou vers le Midi. Parfois vers l’Algérie ou le Canada. L’expansion
des constructions engendrée par le développement des villes
côtières attire aussi les Piémontais
En 1890, les italiens sont plusieurs centaines à La Mure, et la moitié
de l’effectif de Gardanne. De la région de Turin et de celle d’Udine,
la terre d’accueil est Saint Jean de Maurienne. De Trévise,
c’est Cluses.
Mais, revenons à notre chronologie et à nos chères
vallées alpines.
Le tourisme naissant n’est pas encore suffisant pour retenir les jeunes
au pays. En 1875, la première section du Club Alpin Français
se crée à Gap, ainsi que la “Société des Touristes
du Dauphiné”. La montagne va devenir un territoire pour sportifs
et une zone de loisirs de luxe.
Mais la montagne reste une zone difficile. Les catastrophes y sont toujours
nombreuses : avalanches, crues, incendies se succèdent en Queyras,
par exemple [53].
Alors que se crée l’Italie, la population de Bellino atteint, en
1881, son maximum : 1.051 personnes vivent dans notre vallée et la
croissance est forte. La crise de maladie des années 40 et 50 est
terminée. 35 bébés naissent chaque année à
Bellino et l’accroissement annuel serait d’une douzaine de personnes s’il
n’y avait pas l’émigration.
La décennie 1861-1871 a vu partir une centaine de personnes vers
d’autres lieux, principalement français et souvent provençaux.
Après un ralentissement dans la décennie suivante, une grande
vague migratoire de 250 personnes marque les 20 dernières années
du siècle. La population de Bellino repasse en dessous du millier
de personnes, vers 1900. C’est le début d’une longue décroissance
qui va durer jusqu’à nos jours.
Ce phénomène migratoire n’est pas particulier à nos
vallées : il s’inscrit dans un double mouvement qui va de l’Italie
vers la France et des Alpes vers les plaines.
Si l’on part souvent à pied, le baluchon sur le dos, par le col de
l’Autaret, les nouvelles routes, par les fonds des vallées, raccourcissent
les trajets vers les nouveaux lieux d’habitation. Les nouveaux moyens
de locomotion sont encore trop chers pour les bourses bellinoises et la
marche reste le moyen le plus utilisé.
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Peintures murales de Bellino (Celle).
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Emigration en Amérique
Si la destination principale reste le midi de la France, certains n’hésitent
pas à partir au loin. On a vu les mexicains de Barcelonnette. A
Bellino aussi, on trouve un Gallian Williams R, né en 1890 immigrant
aux Etats Unis. Son nom est gravé sur le "mur d'honneur des
immigrants américains" sur l’île d'Ellis Island à New
York.
Ellis Island était le centre d'immigration principal en Amérique.
Entre 1892 et 1954, 12 millions de personnes sont passées dans
ce centre, dont 2,5 millions d'italiens.
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Un autre Gallian, dit “Provençal”,
embarque à Antibes vers le Canada. Son nom est cité parmi les
pionniers du Canada.
Peu après 1900, nous savons qu’un jeune Louis Gallian quitte l’Italie
(région de Piaggione) pour Buenos Aires, Argentine, y épouse
une italienne, Agatha Brandano. En 1922, cette famille émigre vers
les Etats Unis, et est actuellement localisée dans l’Idaho, le
Nevada et la région de Chicago. Ceux là n’ont aucun lien
connu avec nos ancêtres de Bellino.
Tremblement de terre.
En 1887, un grave tremblement
de terre secoue la Riviéra italienne et le sud des Alpes. On compte
plus d’un millier de tués ou blessés entre Gènes et
Nice. De force X ou XI sur la côte, il atteint VIII dans nos vallées.
Tremblement de terre
du 23 février 1887.
640 tués et 566 blessés sur la Riviéra italienne
et quelques dizaines en France.
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