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Chapitre XVII.
Napoléon III et l’Italie.
Napoléon III.
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Napoléon III en uniforme
militaire
peinture d'Hippolyte Flandrin.
Château de Versailles
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Après le coup d'État du 2 décembre 1851, le Prince-Président
Louis Napoléon Bonaparte met fin à la Seconde République
et établit son pouvoir personnel. Quelques mois plus tard, il rétablit
l'empire et se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III
(1852).
Il fait peser sur la France un régime autoritaire qui dure jusqu'en
1859. Mais le nouvel empereur est acquis au libéralisme dans le
domaine économique et pendant tout son règne, la France participe
à la prospérité générale.
Le Second Empire est marqué par une grande prospérité
en France : une économie prospère, le libéralisme
et l’ouverture des frontières douanières, la création
des grandes banques, et le regroupement/fusion des entreprises sont des éléments
remarquables.
La poste, bien organisée, et le télégraphe électrique,
dont les premiers bureaux ouvrent en 1850 : 42 000 kilomètres seront
achevés en 1870 -, rapprochent brusquement parents ou clients éloignés.
Les routes, bien que de plus en plus délaissées, ne sont pas
oubliées. Les principaux bénéficiaires sont les chemins
vicinaux qui aideront à l'évolution des campagnes.
Les transports maritimes sont organisés. Des lignes régulières
vont vers l’Amérique, Marseille compte seulement 30 navires en 1851,
puis 201 en 1869.
Les chemins de fer connaissent l'essor le plus remarquable : la longueur
des voies passe de 1.000 kilomètres en 1848 à 18.000 en 1870.
Emigration italienne en France
.
Pourcentage d'italiens vivant en France par rapport à la population
totale (en pourcentage). |
En 1851, on recense en France, environ 380.000 étrangers, dont 120.000
belges et 62.000 italiens, principalement dans le Sud-est de la France,
où ils représentent moins de 1% de la population.
Une différence démographique importante entre la France et
les pays limitrophes, et une croissance économique soutenue en France,
de 1850 à 1880, vont créer un mouvement migratoire important
: en 1876, on compte déjà 800.000 étrangers. Pour
les italiens, c’est une émigration lente jusqu’à la fin du
Second Empire (1870) qui s’accélère jusqu’à la première
guerre mondiale. |
Entre 1851 et 1866, c’est tout un monde nomade qui exerce de petits métiers,
savetiers, rémouleurs, tourneurs, vitriers et rempailleurs de chaises.
Ils sont aussi maçons, terrassiers ou plâtriers. Ils franchissent
les cols alpins au printemps pour les repasser à l’automne. Très
mobiles, ils s’adaptent aux besoins du marché du travail, vont où
ils trouvent ce travail. Fratries et cousinages les regroupent souvent
dans un même lieu. Autour d’une famille installée, on
voit souvent tout un village émigrer : la solidarité ne fait
pas défaut. En 1866, 11% de la population de Marseille est italienne
.
De la région de Cunéo, on va vers les Alpes de Hautes Provence.
La mobilité reste régionale, même si, dès 1866
quelques centaines de Garibaldiens passent le col de Fréjus pour
gagner l’Argentine et si d’autres prennent le bateau au Havre ou à
Gênes.
Période difficile pour les
habitants de nos vallées, qui s’expatrient pour mieux vivre. D’autres
fléaux s’abattent sur eux, comme, en 1854, le choléra en
Queyras.
Les huit communes du Queyras se dépeuplent. en 1836, on compte 8.500
habitants, seulement 5.400 en 1886. Château-Villevieille passe de
1329 à 852 habitants entre 1836 et 1901, alors que Molines, pour la
même période voit sa population se réduire de 1.050 à
731 habitants. Les départs saisonniers se muent en exil définitif.[53]
L'UNITE
ITALIENNE
La situation de l'Italie en 1856-58.
L'Italie restait morcelée après la victoire de la réaction
en 1849-50, mais le sentiment national était développé.
Dès avant 1848, le Risorgimento avait préparé la libération
en même temps que la modernisation du pays. Mazzini avait communiqué
à beaucoup de jeunes Italiens sa foi dans la démocratie,
dans la liberté, et un amour sans égoïsme de la patrie,
puisqu'il exhortait les nations au progrès civil, social, à
la paix, et concevait une fédération européenne. Les
événements de 1848 avaient montré que l'Italie avait
échoué dans son effort pour naître sans secours. La
plus dure réaction sévissait partout. Or, le Piémont,
grâce à la loyauté - et à l'habileté -
de son roi, conservait seul la constitution accordée en 1848. On se
souvenait qu'il avait pris la tête du mouvement de libération.
Vers ce royaume, convergeaient toutes les espérances des Italiens
libéraux et patriotes.
Il le peut, grâce à son souverain, Victor-Emmanuel II, il re
galantuomo : rude, laid, intelligent, fin politique, d'une folle bravoure
à la guerre ; et surtout grâce à son premier ministre,
Camille Benso, comte Cavour. Petit homme gros et gai, profondément
patriote, d'une activité prodigieuse, habile diplomate avant tout,
Cavour n'a qu'un but : l'unité par le Piémont.
Malgré des difficultés politiques, il pratique une politique
économique active, accélère la transformation de l'agriculture,
conclut avec les pays voisins des traités libre-échangistes,
pousse à la construction des chemins de fer, équipe le port
de Gênes. II augmente les forces militaires. Son ministre de la Guerre,
La Marmora, réorganise l'armée, fait fortifier Alexandrie,
crée un arsenal maritime à La Spezia. II mobilise “les forces
vives du pays”, pour grouper les patriotes de l'Italie tout entière.
Les républicains eux-mêmes, sauf Mazzini, se rallient à
la cause piémontaise.
Cavour anime un régime libéral dans le royaume sarde et, par
sa politique économique, arrive à mettre le royaume de Piémont-Sardaigne
nettement au dessus des autres états italiens. La consommation double
entre 1849 et 1859. Le commerce extérieur de ce royaume représente,
à lui seul, le tiers de celui de toute l’Italie. L’essor du commerce
est dû principalement au réseau de chemin de fer piémontais,
premier d’Italie, qui atteint 800 Km en 1859. Le port de Gênes surclasse
nettement celui de Venise ou de Naples. Le Piémont devient la région
la plus industrialisée de l’Italie.[54]
Pour se rapprocher de Napoléon III, Cavour engage son pays dans
la guerre de Crimée. Ainsi siège-t-il au congrès de
Paris, et emporte-t-il une promesse, assez vague, de l'empereur. Pendant
longtemps, celui-ci hésite, avant de se décider brusquement.
Les hésitations de Napoléon III s'expliquent
- par la gravité
du problème : d'un côté, les avantages : devancer l'Angleterre
; se faire, du Piémont agrandi, un client et un ami ; reprendre Nice
et la Savoie ; apporter, par des victoires, un surcroît de prestige
à la dynastie. De l'autre, les inconvénients :
une guerre avec l'Autriche est dangereuse ; la victoire n'est pas sûre.
La question romaine, surtout, va se poser : si Napoléon III intervient
en faveur de la liberté en Italie, le pape, que les troupes françaises
maintiennent dans ses États, ne sera-t-il pas victime du mouvement
déclenché ? Quelle sera la répercussion de ces événements
sur l'attitude du clergé français, jusqu'ici favorable à
l'Empire ?
- par les pressions de
l'entourage : d'un côté se placent les capitalistes, les catholiques,
favorables à la paix et amis de l'Autriche, représentés
par l'Impératrice, par la plupart des ambassadeurs, par le personnel
gouvernemental. De l'autre, le camp piémontais, où
prennent place, avec la princesse Mathilde et le prince Jérôme,
quelques familiers de Napoléon III comme la bellissima comtesse de
Castiglione.
La décision paraît soudaine. Pourtant elle est précédée
d'une intervention diplomatique auprès du pape, pour l'amener à
faire des réformes dans ses États. Napoléon III est
mécontent du net refus que lui oppose Pie IX. Elle est justifiée
par l’attentat d’Orsini, est annoncée par l’entrevue secrète
de Napoléon III et de Cavour à Plombières, le 21 juillet
1858. Les deux hommes jettent les bases d'un accord militaire et d'une réorganisation
de l'Italie.
Elle est rendue publique enfin par le mariage du prince Jérôme
et de la princesse Clotilde, fille de Victor-Emmanuel ; par le mot de Napoléon
III à l'ambassadeur d'Autriche : “Je regrette que mes relations
avec votre pays ne soient pas aussi bonnes que par le passé”; par
le traité franco-piémontais du 26 janvier 1859. Le traité
contient une alliance militaire contre l'Autriche, promet l'érection
d'un royaume de Haute-Italie de 11 millions d'habitants, en échange
de la cession de Nice et de la Savoie.
La souveraineté du pape doit être maintenue. Napoléon
III veut donc affranchir l'Italie de l'influence autrichienne ; il n'a
pas l'intention de faire l'unité. Tout au plus envisage-t-il - on
en a parlé à Plombières - de favoriser la naissance
d'une confédération italienne.
Au moment où, devant l'inquiétude des financiers, Napoléon
III, malgré la colère de Cavour, va accepter une médiation
russe, une maladresse autrichienne précipite le conflit. Le Piémont
menacé par un ultimatum (23 avril), la France vient à son
secours (27 avril).
La campagne, en mai-juin, est très dure. Des deux côtés,
le haut commandement est médiocre. C'est la bravoure des hommes
qui détermine les succès français de Palestro (31 mai),
de Turbigo, la victoire difficile de Magenta, obtenue au dernier moment par
l'arrivée de Mac-Mahon (4 juin), enfin celle de Solférino (
24 juin), où les deux armées se heurtent front contre front,
sans esquisser la moindre manoeuvre.
On s'attend à la bataille décisive lorsqu'on apprend que Napoléon
III, vainqueur, a proposé à François-Joseph l'armistice
de Villafranca (12 juillet).
Napoléon III, peu satisfait de l'état d'esprit à l'intérieur,
fâché de voir la révolution italienne gagner partout
à la faveur de la guerre et craignant d'être débordé,
inquiet de la mobilisation prussienne sur le Rhin qui laisse prévoir
une intervention prochaine, a décidé de s'arrêter.
Les succès français avaient suscité dans les états
allemands une méfiance réelle à l'égard de
la France dont on craignait la politique d'annexion. Après la crise,
Napoléon III rencontra à Bade les princes allemands et s'efforça
de les rassurer (juin 1860).
Cavour, désespéré, donne sa démission. Le Piémont
gagne le riche Milanais, mais l’Autriche garde la Vénétie.
Le traité de Zurich (11 novembre 1859) confirme ces préliminaires.
Le pape sera le président de la Confédération italienne
et les ducs de Parme Modène et Toscane, chassés par la révolution,
seront restaurés sans l’emploi de la force.
Cavour est décidé à empêcher l'exécution
de cette dernière partie du traité. De sa retraite, il inspire
ses successeurs, encourage des soulèvements dans toute l’Italie.
Sa tactique est de mettre Napoléon III devant le fait accompli et
de le décider, par des concessions, et aussi par la menace d'un rapprochement
avec la Grande-Bretagne, au moins à laisser faire. Il réussira
ainsi, en deux étapes, à réaliser l'essentiel de l'unité
italienne.
Les ducs, malgré le traité de Zurich, ne peuvent rentrer
dans leurs États. Là, comme dans les Romagnes soulevées
contre le pape, des dictateurs ont pris le pouvoir. Les populations encouragées
par les envoyés de Cavour, demandent le rattachement au Piémont.
Napoléon III conseille au pape de faire «le sacrifice
des provinces révoltées» et autorise un publiciste,
La Guéronnière, à faire paraître une brochure
: le pape et le Congrès, qui contient cette phrase : «Plus le
territoire sera petit, plus le Souverain Pontife sera grand.» Il appelle
aux Affaires étrangères Thouvenel, favorable au Piémont.
Rassuré, Cavour revient au pouvoir (20 janvier 1860).
Des pourparlers s'engagent. A la suite d'un plébiscite, la Toscane
et l'Émilie, c'est-à-dire les duchés de Parme, de Modène
et les Légations appartenant au pape, obtiennent leur rattachement
au Piémont qui devient, avec 12 millions d'habitants, le royaume de
Haute-Italie (mars 1860).
Napoléon III demande, en échange de sa bonne volonté,
Nice et la Savoie, qu'il reçoit en avril 1860.
Pendant ce temps, la Provence et le Piémont s’équipent
: c’est la grande époque de construction du chemin de Fer.
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