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Chapitre VII.  HISTOIRES PARALLELLES DE LA SAVOIE,
                       DU DAUPHINE, DE LA PROVENCE ET DE SALUCES .
La France convoite le Dauphiné.
La croisade du dauphin Humbert II.
Les conséquences en Castellata.
Le Dauphiné passe au fils du roi de France (1349).
Les grands comtes de Savoie.
La Grande Peste.
Inquisition
La reine Jeanne Ière d'Anjou, en Provence.
Guerres internes à Saluces / saccage de la Castellata.
La Castellata passe à la France ; hommage au dauphin.
L’état déplorable de la Castellata.
Saluces


La France convoite le Dauphiné.  

       Les Capétiens, rois de France, s’intéressent au Dauphiné, notamment à propos de conflits frontaliers ou d’hommages contestés. Philippe le Bel va jusqu’à infliger des amendes à des sujets du Dauphin. Il obtient, moyennant une pension, un contingent d’Humbert Ier devenu son homme lige. Guigues VIII épouse la fille du roi Philippe V le Long. Celui-ci trouve, dans la politique d’Humbert II, une occasion de s’accaparer les territoires du Dauphin. 

La croisade du dauphin Humbert II


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     Alors que les sujets du marquis Thomas II de Pont et des Bertines reçoivent des privilèges, le Dauphin Humbert II fait la même démarche en reconnaissance pour les subsides pécuniaires reçus de ses sujets à l’occasion d’une de ses croisades en Orient (1345) pour combattre les infidèles, et ne voulant pas faire moins que le Marquis Thomas, son prédécesseur, qui avait démontré bienveillance et générosité envers les populations de la Castellata. 
        Le document est rédigé à Grenoble le 25 septembre 1347. Il raconte d’abord son expédition en Orient : en 1345, le général turc Morbassan vient de détruire l’armée des croisés, s’est emparé de la cité de Smirne en Asie Mineure et en a fait une place défensive importante. Pour réparer ce désastre, le pape Clément VI proclame une nouvelle croisade de sa ville d’Avignon et le dauphin décide d’en prendre la tête. Il finance 300 hommes d’arme, mille arbalétriers, douze bannerettes , et cent cavaliers, fournit 5 navires et leur équipage pour le temps de l’expédition. L’offre acceptée,  le pape lui remet la crosse et l’étendard de l’Eglise dans la solennité du « Corpus Domini ». Hissant la crosse et déployant l’étendard, le dauphin quitte son palais accompagné d’un cortège de croisés et d’une immense population. 
        Il prend les mesures nécessaires à son expédition, vendant les terres qu’il possède en Languedoc, recevant un crédit de 100.000 florins du roi de France, récoltant des subsides à Lyon, Die, Vienne et Valence et imposant une taxe générale à ses sujets du Dauphiné, exonérant seulement les candidats à la croisade. 

L’ordonnance « pro passagio ultramorino faciendo » communiquée à toute la Castellata, prescrit une taxe de 140 florins (le florin de Vienne valait alors 24 sous de la Castellata) 
« Super Castellania Castri Delphini Pontis Bellini CXL florenos ».
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Sceau d' Humbert II
        Quand tout est réglé, il donne la régence de son état à Henri de Villars, évêque de Lyon, son parent et ami, et le 2 septembre 1345 il embarque à Marseille. 
        Il fait étape en Toscane, puis est bien accueilli à Florence où il recruta 400 croisés et autant de Sienne. A Venise, il est reçu par le doge Andréa Dandolo qui le couvre d’honneur. Devenu noble de Venise par décision du Sénat et ayant obtenu le droit de cité dans la ville, il embarque pour l’Orient. 
        Arrivé à destination, il se distingue particulièrement lors du siège de Caffa, mais, évaluant les difficultés rencontrées, il décide de faire la paix avec les infidèles dans l’intérêt des croisés, suivant les instructions reçues du pape. Les préliminaires d’accord approuvés par le roi de France, il signe l’acte de paix, congédie l’armée et s’en retourne vers son pays. Au retour, son épouse tombe gravement malade dans l’île de Rhode et y finit ses jours en mars 1347. Sa dépouille est transportée dans l’église du dauphin de Marseille. 

Les conséquences en Castellata.

        Revenu en Dauphiné, il reprend son pouvoir et remercie tous ceux qui l’ont aidé par leurs sacrifices. Le peuple de la Castellata, reçoit un diplôme (voir en annexe) et obtient les privilèges suivants : 

  • s’engage à conserver et à défendre à perpétuité les bonnes mœurs et coutumes de la Châtellenie (Il donne entière liberté de vivre selon les us et coutumes du pays),
  • exonère le paiement des impôts pour compenser l’argent fourni à titre d’aide pour sa croisade, et déclare les habitants de la Castellata insolvables devant la justice de Briançon, celle du châtelain et celle des représentants de son gouvernement (exception faite des impôts sur les pâturages et forêts, de la taxe de péage, et de la liberté d’exploiter la mine de la “Niera” de Pontechianale, et aussi exception faite du droit d’ouvrir les fours et les moulins (1347). [4]
  • concède une aide aux pupilles par la nomination d’un tuteur pour la gestion des biens jusqu’à ce que la justice de Briançon déclare la tutelle terminée, de façon légale,
  • ordonne qu’un gros tournois d’argent soit assigné à la justice pour régler ces problèmes de tutelle et qu’un autre, de pur argent, soit donné au notaire pour la rédaction des actes de tutelle.


        Durant cette période d’appartenance au Dauphiné, Bellino et les villages des alentours, comme ceux du côté français, profitent d’une autonomie de fait, probablement d’une origine plus ancienne, répartissant les tributs du pouvoir dominant au travers des Escartouns, qui comme nous l’avons vu, est un groupe homogène de communautés reliées pour la sauvegarde de leurs droits. [4]         Après la mort de son épouse Marie des Baux, sa fille unique Andréa se tue en tombant par une fenêtre de son palais en 1338. 

Le Dauphiné passe au fils du roi de France (1349).

        Sans descendants, il se résout quelques années plus tard à faire un second mariage et réclame en secret la main de Jeanne (Giovanna), fille aînée de Pietro duc de Bourgogne (Borbone) par l’intermédiaire de l’évêque Chiaffredo de Carpentras, d’Amédée de Roussillon et d’autres nobles du Dauphiné. L’union est prête à se réaliser, en 1348, lorsque le roi de France s’oppose à ce projet, impose au duc de ne pas accorder la main de sa fille sous prétexte qu’il souhaite l’épouser. Déçu et subissant la pression du puissant comte de Savoie qui lui cherche querelle continuellement, il décide de faire donation du Dauphiné au fils du roi de France s’il meurt sans enfant.

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        Malade et souhaitant finir ses jours en paix, Humbert II, en 1349, se laisse convaincre par Giovanni Birel, général de Certosini de se retirer dans un couvent. En juillet 1349, devant une solennelle assemblée de Lyon, il cède purement et simplement son état au Prince Charles (âgé de douze ans), fils du duc de Normandie et lui remet son sceptre, son anneau, son épée et l’antique bannière  du Dauphiné. Il cède en même temps le droit de transmettre le titre de Dauphin au premier fils du roi de France. Comtes, barons et seigneurs du Dauphiné qui sont présents à la cérémonie prêtent hommage de fidélité au nouveau dauphin. Mais c’est le roi qui prend en main l’administration du Dauphiné jusqu’à ce que son fils soit nommé officiellement dauphin, en grandes pompes, à Reims, l’année suivante. 
Dans son acte de donation, Humbert II a ajouté une clause qui demande que la France et le Dauphiné soient administrés comme deux entités séparées et que le fils aîné du roi porte le nom de dauphin et gouverne cet état. Cette clause est scrupuleusement respectée comme le prouve la déclaration du roi de France de 1408 devant une assemblée de clercs qui reconnaît que les évêques du Dauphiné ne peuvent pas appartenir à l’église «gallicane» car le Dauphiné est un corps séparé de la France. 
        Humbert II prend l’habit religieux des Dominicains. A Noël de cette même année, le pape Clément VI le fait patriarche d’Alexandrie. Les auteurs Du Chesne et Guichenon nous indiquent qu’il reçoit aussi l’administration de l’archevêché de Reims. 

        Il laisse donc, par cet acte de 1349, ses droits sur le Dauphiné Cisalpin. Le sort d’une partie de la Castellata devient celui de la couronne de France [4]. Une France qui comprend immédiatement l’avantage de cette possession, de l’autre côté des Alpes, pour passer sur le sol italien.

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        Le titre de Dauphin revient, à partir de cette date, au premier fils du roi de France. Les “Briançonnais”, six ans seulement après l’octroi de leur Grande Charte des libertés par le dauphin, se retrouvent français. Le nouveau dauphin s'engage, pour lui et ses successeurs, à conserver à perpétuité, les  privilèges, coutumes et libertés du Dauphiné et à prendre les armes du Dauphiné, d'or au dauphin vif d'argent (?) écartelées avec celles de France.        Le Dauphiné rentre dans le royaume de France au moment où commence la difficile période de la guerre de Cent Ans.         Les rois de France achèvent l’unité du Dauphiné en échangeant, en 1355, le Faucigny avec le duc de Savoie contre leurs fiefs en Viennois. 

Les grands comtes de Savoie.

        L'apogée  de  l'État  féodal  savoyard  commence avec l’avènement d’Amédée VI en 1344  pour durer  jusqu'au milieu du XVe siècle. C'est alors que s'enlèvent, sur un décor de batailles, de croisades, de conquêtes et de tournois, les grands  comtes de Savoie


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        Amédée  VI  (1344-1383),  le  comte vert, ainsi nommé par la couleur favorite  de ses armes et de ses emblèmes, fondateur de l'ordre chevaleresque de l'Annonciade ; Il achève la constitution du Piémont savoyard : retardé par l’insurrection des Savoie-Achaïe de Piémont (1357) il doit lancer une campagne militaire pour réduire ses propres cousins (1358) et doit affronter les routiers installés dans la vallée du Pô qui réussissent même à le faire prisonnier et à obtenir une rançon pour le libérer. Il obtient du comte de Provence, Louis Ier , la partie angevine du Piémont et occupe enfin Coni, en 1382. Le marquis de Saluces est contraint à l’hommage en 1363. Amédée se taille une belle réputation en 1366-67, lors d’une croisade, par ses sucés à Constantinople et par son expédition en Bulgarie pour délivrer l’empereur de Byzance [67]. Il meurt en Italie pendant la campagne de reconquête du royaume de Sicile qu’organise Louis d’Anjou [67] 
        La région doit subir les affrontements Savoie-France, après l’acquisition du Dauphiné par la France. Après la victoire savoyarde aux Adrets, le Traité de Paris (1355) met fin au conflit : la Savoie gagne le Pays de Gex, le Beaufort , une partie de la Tarentaise (1358) et une partie de la Bresse. Alors allié au roi de France, Amédée VI (1343 - 1383)  étend sa domination sur le pays de Vaud, le Bugey et le Valmorey. Il fait la paix avec le Dauphiné en 1355, fixant la frontière sur le Guiers.

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          Amédée VII,  le comte rouge (1383-1391), qui, allié des rois de  France, conquiert son surnom en teignant son épée du sang des Anglais sur les champs de bataille de la guerre de Cent Ans et qui mourra des suites d un accident de chasse, dans les forêts du Chablais, vérité travestie par la rumeur publique en un empoisonnement mystérieux. [9]
Généalogiesimplifiée des comtes de Savoie
Amédée VI
       ! 
Amédée VIII
       !
Amédée VIII duc de savoie, anti-pape Félix V +1451
       !
------------------------------------------------------ 
Philippe                      Louis                                  Marie 
comte de Genève           x Anne de Chypre              x Filippo M. Visconti 
                                        ! 
--------------------------------------------------------------------------------------- 
Charlotte          Amédée IX         Louis de Chypre     Bonne de Savoie     Philippe II
x 1451              le Bienheureux                                    x 1468                      comte de Bresse 
Louis XI           x 1452                                               Galeazzo M Sforza    puis duc de Savoie 
                        Yolande de France                              duc de Milan                            ! 
                              !                                                                                                    ! 
----------------------------------------------------                     ----------------------------------- 
Philibert Ier      Anne                Charles Ier  + 1490      Philibert      Charles III le Bon + 1553 
                          x 1478                   x 1425                         le Beau                          ! 
                         Frédéric d'Aragon   Bianca de Montferrat                     Emmanuel Philibert
                                                                 !                                           Tête de Fer. + 1580 
                                                      Charles II + 1496


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Voir site sur la Maison de Savoie

   

La Grande Peste. 

       La malnutrition d’une grande partie de la population, due à de mauvaises récoltes et au poids des impôts, est sans doute responsable de l’ampleur foudroyante de la Grande Peste de 1348-49. Partie de Marseille, cette épidémie est la plus grave jamais recensée et la mortalité emporte plus du tiers des habitants du royaume français et certains villages sont complètement désertés. Cette peste fait mourir les 3/4 de la population du Briançonnais. 
        Nice perd 40% de sa population. En Savoie, 50% de la population est décimée ; il ne reste plus que 130 à 150.000 habitants par rapport aux 350 à 400.000 personnes qu’elle a connues. 
        En montagne, on abandonne les terres les plus hautes, on migre vers les zones plus basses, et parfois on émigre, au moins pour les longs hivers, vers des terres plus propices et peu peuplées. 
        Phénomène ancien, la crise fait de l’émigration un phénomène mesurable à partir du XIVe siècle. [72] 
        La peste reste latente jusqu’à la fin du XVe siècle, avec des réapparitions tous les 10 ans environ ; le pays manque d’hommes et subit le déclin. 

Inquisition 

       Le pape Grégoire XI (1370 – 1378), à Avignon, lance l’Inquisition contre les hérétiques parmi lesquels les Vaudois du Dauphiné, prêche la croisade et souhaite rentrer à Rome, malgré la guerre des « Huit Saints » qui enflamme toute l’Italie : les Visconti ont pris les armes, Venise et Padoue se disputent, Florence s’agite et la Savoie se dispute avec Saluces. La fin de son pontificat est marquée par un nouveau retour à Rome (1377). 

La reine Jeanne Ière d'Anjou, en Provence.

         Nous avons vu que Charles d’Anjou est devenu maître de la Provence par son mariage avec Béatrice, fille du comte Bérenger, puis roi de Naples. Robert d’Anjou, lui succède, amenant une période de prospérité pour son royaume. A sa mort, c’est Jeanne, sa petite-fille qui lui succède à la tête du royaume de Naples. [65]


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La reine Jeanne, 
comtesse de Provence
       Le règne de Jeanne Iere représente pour la monarchie angevine et pour la Provence en particulier un temps de troubles et de malheurs. Malgré le soutien actif du pape Clément V, suzerain du royaume de Sicile, le Piémont est perdu dès 1347 : les efforts de reconquête ultérieurs ne reconstituent jamais totalement le comté du roi Robert. Surtout, l'assassinat de son mari va mettre la reine à deux doigts de sa perte. Pour venger son frère et faire valoir ses droits au trône de Naples, le roi Louis de Hongrie envahit le royaume en 1348. Jeanne doit s'enfuir momentanément en Provence. Là, pour pouvoir rembourser ses dettes, elle vend Avignon au pape pour 80.000 florins. En outre, Gènes profite de ses embarras : en menaçant de prêter main-forte au roi de Hongrie, elle parvient à se faire rétrocéder Vintimille (1350). De tels précédents expliquent que les villes provençales avaient voulu, en 1352, arracher à la souveraine et à son nouvel époux, Louis de Tarente, associé au trône, la promesse de ne pas procéder à de nouvelles aliénations. [40]
        La reine Jeanne, ayant besoin d’argent, aliène le domaine royal et les seigneurs rachètent ses domaines, les villes gagnent des privilèges. 
        Le remariage de la reine avec l'un de ses cousins de la branche de Tarente déçoit les espérances des Duras. Leur rancœur se manifeste par la révolte de Robert de Duras, qui a pour cadre la Provence (1355). Cet épisode marque l'ouverture d'une période de troubles dans un pays déjà ravagé en 1348 par la Grande Peste. 

Guerres internes à Saluces / saccage de la Castellata.

        Mais revenons quelques années en arrière : le dauphin de Vienne ne s’était pas contenté des limites initiales de son Dauphiné cisalpin et avait petit à petit étendu sa domination dans la Castellata, au détriment du marquis de Saluces. Quelques membres de la famille du marquis y possédaient des terres et le dauphin n’avait pas eu besoin de recourir aux armes pour établir ses droits. En ces temps incertains, le dauphin n’avait pas réussi à obtenir la cession complète de la Castellata de la part du gouvernement du marquis. 
        Au marquis Thomas II succède Frédéric, le septième marquis de Saluces. A 25 ans il est encore trop jeune pour défendre son état devant les deux adversaires que sont le prince Jacques de Savoie-Achaïe et le sénéchal de la reine Jeanne, Gaspard Lescaro, qui envahissent partiellement ses terres. Il conclut cependant une paix avec eux, le 30 avril 1359 au prix d’un énorme sacrifice : le comte Amédée VI de Savoie, après avoir confisqué les terres des Savoie-Achaïe, lui demande de rendre hommage non seulement pour les terres dépendant de la Savoie, mais encore pour les terres des Savoie-Achaïe. Le marquis de Saluces refuse de rendre cet hommage et demande secours à Bernarbo Visconti de Milan, lui offrant le marquisat à condition de le recevoir en fief, en 1360.

 

        Ses frères Galeas, Azon, Eustache et Luchino, voyant les conséquences désastreuses de cet accord avec Milan décident de se désolidariser de leur frère Frédéric et de faire hommage au comte de Savoie. 
        Galéas a reçu les terres du Val Varaita en pleine propriété par testament de son père et souhaite affirmer son autorité dans la vallée : sans le consentement de son frère, le marquis, il décide d’affranchir les habitants de Sampeyre et de les rendre libres de services et de contraintes féodales et, se souvenant d’une vieille dette du dauphin envers la famille du marquis, envahit la haute vallée Varaita.  Cette dette de 20.000 lires venait de sa grand-mère Marquerite de Vienne car sa dot n’avait pas été payée par le dauphin. 
        Sans essayer de recouvrer cette somme par voie légale, sans préavis écrit ou oral au gouverneur delphinal local, Giacomo Constan, Galéas se porte à la tête de ses troupes, envahit la Castellata en 1362 et dévaste les territoires de Casteldelphino et de Ponte-Bellino, massacre les hommes, incendie les villages et rapporte animaux, mobilier, fromages et tout ce qui lui tombe sous la main. Il occupe le vieux château de Bellino avec ses hommes et le fortifie.
         Le marquis Frédéric qui n’approuve pas la façon de procéder de son frère et pour éviter des problèmes avec le Dauphin de France envoie un ambassadeur, Ugo de Gebenni, seigneur d’Anton et son vicaire général Bergadano Muricola auprès du gouverneur du Dauphiné Rodolphe de Loupy afin de réparer l’offense et les méfaits de son frère Galeas et trouver un accord. 
        La discussion est longue entre le dauphinois Loupy assisté du seigneur de Vinadio, Aimondo de la Tour et de deux militaires, Artaud et Pietro de Freynet et pour le marquis, Ugo de Gebenni et Bergadano. L’accord impose à Galéas de céder au dauphin les terres de Chaudanes, Saint Eusébio, Bellino, Pont et Chianale et tous les droits sur les châteaux de Casteldelphino et de Ponti-Bellino, en pleine propriété pour le dauphin, sans aucun hommage. En second lieu, le marquis garantit la libération du château de Bellino en donnant un de ses propres châteaux jusqu’à évacuation par Galéas. 
        Quant au paiement de la dot de 20.000 lires de la grand-mère Marguerite, il est convenu de procéder au paiement lors de l’accord final, aux soins d’Ugo de Gebenni et des autres seigneurs parmi lesquels Lanzone de Lemps, prévôt d’Oulx. 
        Le traité est conclu à Moirans dans l’Isère le 15 mars 1363, à deux pas de Grenoble. Son texte intégral est donné en annexe. 
        L’acte d’exécution signé au château de Beaucroissant engage le dauphin a payer la somme due en droits sur les nouveaux fiefs, jusqu’à l’extinction de la dette. Selon Muletti, le marquis Frédéric reçu en don le château de Beaucroissant de la part du dauphin.


 

La Castellata passe à la France ; hommage au dauphin.

        Par l’acte du 6 mai 1363,  le marquis de Saluces cède au Dauphin tous ses droits sur les châtellenies de Chaudiane, Bellino, Ponte Chianale et San Eusebio. Le gouverneur du Dauphiné fait exécuter le traité et, afin de montrer le nouveau pouvoir aux habitants de la Castellata, demande la prestation d’hommage de fidélité et d’obéissance et la reconnaissance de Charles, fils aîné du roi de France et dauphin de Vienne comme nouveau souverain. 

       De cette prestation d’hommage, il reste un intéressant document “ Homagium homninum Castellanie Castri Delphini et Pontis“ du 13 septembre  1363, signé au Queyras, qui distingue socialement la population du moment en trois catégories : 

  • 22 nobles (nobili),
  • 13 affranchis (franchi)
  • 167 hommes du peuple (popolani),

  • et qui décrit leurs prérogatives respectives : 
  • les nobles, les premiers reconnus comme tels dans nos vallées, disposent de leur liberté, exercent des professions libérales et se distinguent par leurs droits civiques. Ils rendent hommage debout en tenant la main du souverain et en la baissant en signe d’allégeance perpétuelle et d’amour.
  • les affranchis, anciens hommes du peuple ayant obtenu leur liberté par un hommage de fidélité doivent quand même s’agenouiller et baiser la main du seigneur.
  • l’homme du peuple, la majorité des personnes, travaille sur les terres de son seigneur. Il rend l’hommage  agenouillé en embrassant les pouces des deux mains du seigneur.
        La réunion du peuple de la Castellata a lieu le 3 septembre 1363 en Queyras, alors diocèse d’Embrun, dans un prés de Leutonius. Le seigneur de Loupy représente le dauphin et tous les chefs de famille signent l’acte, nous léguant ainsi un document d’importance sur les noms de famille de l’époque. L’acte se trouve aux Archives de Grenoble, classement «Briançonnais», Lettre B,N 2624 feuille LX.
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Reproduction soumise à autorisation
MENTION OBLIGATOIRE
Achives départementales de l’Isère B2624 R°. Photo Didier Gourbin pour Jean Gallian, Cagnes.

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        Les principaux noms de famille des chefs de famille signataires sont les suivants : 

        Nobles :  Aste,  Bauduini,  Beroardi,  Bonabelli,  Canalis,  De  Filia,  Falconis, Jartousi, Jausana, Jaussana, Leydeti, Loydeti, Morelli, Rodulphi.
        Affranchis :  Bessonis, Ceste, Chabaudi, Chays, De Filia, Donadei, Jarcousi, Viviani.
        Hommes du peuple : Abram, Adam, Affusi, Alamandi, Alaysi, Alaysie, Albergati, Albuini, Alexandri, Amfosi, Arnaudi, Bacallarij, Barberij, Baridan, Bealis, Belli, Beralis, Berardi, Bernardi, Bertrandi, Bessoni, Bessonis, Bigardi, Bomani, Bonardi, Botzon, Bruni, Bues, Caille, Capelli, Cavalerij, Caylle, Chavalerij, Dardisson, de Baudon, de Beali, de Chaudanis, de Confortin, de Garnier, de Guibaut de Jaymet, de Lec, de Menalvache, de Payrache, de Peyrache, de Pier, de Pyer, de Pyert, de Raussa, Do, Donete, Fabri, Falconi, Falconis, Garnerij, Gauteri, Georgij, Gondre, Guillermi, Helisie, Homo Hominis, Jarcousi, Jordani, Juvenis, Lamberti, Laurentij, Leonardi, Leonis, Leveti, Loneti, Magneti,  Maynardi,  Medici,  Meel,  Michaelis,  Molineri,  Molinerij,  Muleti,  Pascalis, Pauli, Payrani, Pelliceri, Pellicerij, Peroncelli,  Picha-Ferret, Poncij, Posterle, Provincialis, Pyer, Ranili, Reynaudi, Ricalis, Richardi, Rollandi, Romani, Rualis, Salvaiginus, Salvaing, Scemandi, Stemandi, Stephani, Tholosani, Tolosani, Varille, Vassallotti, Vercherie, Villa, Viviani, Ysoardi, Willermi. [4]

         L’acte, annexé à ce document sous sa forme latine, se termine par les chapitres suivants : 
 “ En ce qui concerne tous ceux qui ont été mentionnés plus haut, le seigneur (ou maître) désigné, exerçant sa fonction, demanda et réclama au nom du Dauphin, que lui soient fournis les documents officiels, par mon intermédiaire, moi, notaire mentionné plus bas.” 
 “ Et ensuite, le seigneur désigné, tenant son rôle, et les témoins inscrits étant absents, devant moi, notaire mentionné plus bas, Petrus Bergaugzni et Joannes Galiani jurèrent et prêtèrent le même serment de fidélité et d’hommage.” 
 “ Ces faits se passèrent au Quadracum (cadre ?) du diocèse d’Embrun, dans le pré du seigneur Lentjonis Leutionis, expert en droit, en présence des seigneurs nobles Guidone Coperii, Aymaro Alamandi, soldat, Lentjone Leutionis mentionné plus haut et Odon de Calma, administrateur de Vienne et de Valence, appelés et sollicités en vue d’être témoin de ce qui a été énoncé préalablement ” 
 “ Moi, Joannes Nicoleti, notaire public.” 

 

L’état déplorable de la Castellata.

        Lorsque la France devient propriétaire de la Castellata, son état est vraiment déplorable : deux administrations indépendantes n’ont apporté que confusion et perturbations dans la gestion des choses publiques. Il est nécessaire de revenir à une seule administration et le rattachement de l’entière Castellata au dauphin règle le problème. 
        Mais pas vraiment à l’avantage du peuple de la Castellata. Le marquis Thomas II avait favorisé ses sujets de Pont et des Bertines par les franchises, libertés et privilèges accordés par l’acte du 10 décembre 1344 de Revello. Plus tard, le 27 mai 1356, il avait encore réduit de moitié les droits et taxes que ceux de Bellino payaient en péage pour leurs bêtes descendant dans le marquisat de Saluces, mais avait conservé la gabelle et les droits sur les forêts. 
        Galéas, propriétaire de terres en Val Varaita, répondant à une requête du sieur Martini aumônier à Pont et de Giuglielmo Fillia syndic des communautés  de Pont, Chianale et des Bertines avait confirmé leurs privilèges par un acte fait à Sampeyre, bourg de Serre-Borrel, en présence de Giorgio Martin de Melle, du prêtre Giacomo Tousse et du notaire Martin Buzia de Sampeyre (voir annexes). 
        Tous ces privilèges accordés par la famille du marquis de Saluces sont annulés par la révolte de Galéas de 1362. L’incendie des villages, le saccage des maisons et des campagnes poussent nos ancêtres dans les bras du dauphin. 
        Les privilèges sont abolis par le dauphin : devenus vassaux, ils subissent un impôt spécial (taglia) de servitude. Ils perdent leurs libertés et leurs biens dont ils ne disposent plus sans le consentement de leur seigneur. 
        L’extrait des comptes présenté à la chambre delphinale en 1315 par le châtelain de Ponti-Bellino Américo Leucson et de ceux de Raimondo Chabert de 1331 montrent que la taxe de la Cavalcade existait encore de même que l’impôt foncier sur les terres des trois cantons de Casteldelfino, Bellino et Pont, propriété féodale. Ils doivent désormais utiliser les fours et les poids, propriétés du seigneur, et payer pour leur utilisation. Quant aux moulins, ils sont indirectement taxés par le dixième payé sur le seigle et l’orge. 
         En 1375, notons encore la cession de quelques terres près du col Agnel par le marquis de Saluces à la France.


        A la fin du XIVe siècle, malgré les franchises accordées par les évêques et les princes, souvent les uns pour nuire aux autres, le servage est à son apogée. Par exemple en Savoie, où l’on maintient un joug de fer sur la pauvre caste des serfs. Il faut le prix de trois paires de bœufs ou de 3 chevaux pour s’affranchir. Les serfs vivent encore dans des maisons de bois couvertes de chaume. La bougie est inconnue car on mange la cire avec le miel. La chandelle est un luxe et on s’éclaire avec des torches de bois résineux. Lorsque les hommes sont à la guerre, se sont les femmes qui s’occupent des rudes travaux des champs. [72]


 

Saluces

        Après l’hommage de la population de la Castellata du 3 septembre 1363, le gouverneur du Dauphiné Rodolphe de Loupy reçoit, le jour suivant, l’acte de reconnaissance de l’hommage du marquis de Saluces au dauphin. Il donne  quittance pour la promesse de donation d’Humbert au marquis Thomas pour le château de Vallouise et pour la somme de la dot de l’acte de 1343.  
        En retour le dauphin s’engage à prêter secours au marquis sur sa demande au capitaine du Briançonnais pour le débarrasser de ses ennemis occupant quelques terres du marquisat.  
        Le paiement de la dette s’effectue jusqu’au 10 octobre et le marquis se déclare pleinement satisfait sur ce problème de la dot de sa grand-mère.  
        L’année suivante le marquis Frédéric se rend à Montluelle dans la baronnie de la Tour du Pin et en présence de Rodolphe de Loupy et du comte Amédée de Savoie rend hommage à la Savoie pour les quelques biens du marquisat qui dépendent de lui. Il promet, à cette occasion de respecter le traité conclu avec lui le 5 août 1363.  
        Mais la Savoie, toujours égale à elle-même sème le désordre en Val d’Aoste et, malgré l’hommage, le marquis a décidé, on l’a vu, de s’associer à Bernabo Visconti de Milan, vicaire impérial et de lui léguer le marquisat tout entier, recevant de lui une investiture immédiate. Acte irréfléchi du marquis a fait monter les ressentiments à son égard, mais s’explique par les prétentions savoyardes qui ne sont rien d’autre que l’annexion du marquisat.  
        De fait, ce renversement stoppe l’avancée du comte de Savoie. Les troupes milanaises n’étant pas prêtes à secourir le marquis ; celui-ci s’adresse alors à la France par l’intermédiaire du gouverneur du Dauphiné Charles de Bovilla. Il se constitue vassal du dauphin par l’entremise de ses procurateurs Bergadamo Bonelli et Giuglielmo Laurenti, prête l’hommage le 11 avril 1375 pour tout le marquisat, au fils du roi de France, cédant à nouveau les terres de la Castellata, définitivement en exécution de la convention du 15 mars 1363 entre Frédéric et Rodolphe de Loupy.  
        Par cet acte, le marquis se reconnaît vassal du dauphin et promet de fortifier et armer en temps de guerre tous les lieux et châteaux du marquisat, promet de servir le roi, à condition qu’à la fin de la guerre lui soit restitué son bien. En signe de vassalité, chaque tour et forteresse du marquisat arbore l’étendard  du roi pendant huit jours. Le roi contrôle la cour de justice suprême, le droit de féodalité et s’engage à répondre aux appels au secours du marquis, à le protéger avec ses barons du Dauphiné. Le marquis ratifie toutes les clauses du traité  du 31 octobre 1343, par-là même renouvelle la soumission de la comtesse Alasie au dauphin Guigues de l’an 1210, qu’elle soit véritable ou bien ait été manipulée.  
        A l’annonce de ce traité, et à l’échéance de la trêve avec le marquis (le 23 avril 1375), le comte de Savoie fait afficher une déclaration chassant toutes les personnes natives du marquisat de son domaine, fait fortifier les places et fait monter la garde de jour comme de nuit. Devant la menace du comte, le marquis écrit une lettre de Saluces, le jour de l’arrêt de la trêve à Giacomo de Tolomei, capitaine de Bernabo Visconti de Milan expliquant les raisons de l’hommage à la France et justifiant sa conduite par les paroles suivantes : « ne sachant si vous êtes informé de l’offense qui nous est faite à nous et aux nôtres par le comte de Savoie, lequel, comme il est manifeste et sommes informés, se dispose à nous absorber, déraciner, ainsi que toute notre descendance,… »  
        Le gouverneur du Dauphiné prend immédiatement la défense du marquisat ce qui arrête à nouveau la guerre et le roi de France demande de trancher la controverse à son frère Louis, duc d’Anjou.  
        Le conseil delphinal publie, le 17 mai, un décret par lequel le marquisat tout entier est sous la sauvegarde du roi de France. Le comte de Savoie consent à ce que le conflit soit traité par la négociation et promet au marquis de ne pas garder d’otages pendant la négociation.  
La cause est transmise au parlement de Paris, qui tranchera plus tard en faveur du marquis.  
        Malgré la cession de la Castellata au dauphin, Galéas continue à percevoir la décime de la paroisse de Pont car il est débiteur par un contrat régulier qui arrive à échéance le 16 mars 1369. Pour éviter toute ingérence dans son Dauphiné cisalpin, le dauphin décide de racheter ce droit de décime (dixième)  au milieu de l’année 1368, au prix de sept sestriers de seigle et de sept sestriers d’orge.  
        Par acte passé entre le gouverneur du Dauphiné, Charles de Bovilla, représentant le roi de France, et Frédéric, marquis de Saluces, il est expressément convenu que le marquis doit confirmer, ratifier et observer tous les privilèges, franchises, immunités et libertés concédés aux habitants de "Bellino et Sancti Eusebii ettotuis Castellanioe Castri-Dalphini"  
        Le fils aîné du marquis, Thomas, se rend à Pont le 16 avril 1377 pour ratifier et confirmer cet acte en la maison du notaire local et en présence de Ponzio de la Cour et d’autres témoins. Il confirme l’accord de son père avec le gouverneur du Dauphiné. L’acte, en latin est donné en annexe.  
        Suite à cette ratification, plusieurs contestations surgissent sur les droits de pâturage, de passage et sur l’exploitation des forêts : Raimondo et Bruno Baudoin, Ugo et Antonio Allais, Aragone Gerthoux, Giovanni Roux, Raimondo Richard, Pietro Genzana, Pietro Morel et Antonio Gachet, propriétaires à Pont, et Raimondo Bernard, Giacomo Michel, Giovanni Garnier et Pietro Grosso, propriétaires à Bellino demandent le droit d’envoyer leurs bêtes paître sur le territoire de Saluces et s’opposent au Conseil communal de Saluces. Le différent est réglé par un arbitrage des juges et commissaires du marquis, Pietro Roba, Bergadano de Muriculis et Thomas Regnière, le 12 janvier 1378. Le conseil communal de Saluces est représenté par ses syndics Guglielmo Pelliceri et Riccardo Allione et par les délégués Giacomo de Mulazzano, Nicola de Perisseto et Mardino Vachani.  
        Les seigneurs de Costigliome, représenté par Antonio de Costigliole prétend obtenir un droit de passage pour les bêtes des gens de Bellino, qui n’ont rien à payer par faveur spéciale accordée par le marquis Frédéric en 1356 pour le transit des bêtes sur tout le marquisat. Bernardo de Bernadis soutien leur cause en justice et obtient une sentence favorable le 22 avril 1382.  
        Levet Chiaffredo, maire de Bellino, et le noble Pietro de Nauvacha, châtelain de Casteldelfino, mandatés par les habitants de Pont, Bellino et Casteldelfino, représentent la Castellata, en l’année 1386, à Saluces dans une contestation sur l’exploitation des forêts de la Castellata et les droits de pâturage réclamés par Giovanni de Saluces, fils naturel d’Eustachio, autre frère du marquis. Nouvelle sentence favorable à la Castellata signée par le représentant du marquis Pietro Riba, commissaire, le 28 juin 1386.

            => Acte en latin donné en annexe.


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