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L'Histoire :
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 III  1713-1861
 IV  >1861

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Chapitre V.    RIVALITES A SALUCES .
Thomas II et son oncle Manfred.

       Le marquis de Saluces, Thomas II, né en 1304, a 32 ans quand il succède à son père Frédéric, et est déjà père de 3 fils, Frédéric, Galeas et Azon, qu’il a procréé avec son épouse Ricciarda Visconti de Milan. Son règne est bref, perturbé par une guerre continuelle contre son oncle Manfred, seigneur de Cardé, qui, avide de pouvoir et homme sans cœur, l’attaque sans arrêt. Pour se défendre, Thomas tente de s’allier avec les Visconti de Milan, avec Robert, roi de Naples, et avec d’autres sans succès. Déçu dans ses espérances et abandonné de tous, il est assailli par surprise par Manfred, accompagné de Jacques, Prince d’Achaïe et de Bertrand des Baux, sénéchal du Piémont, sous les murs de Saluces, le 14 avril 1341 et la ville est prise, dévastée et incendiée. Plus de 200 personnes sont passées par les armes, et les Archives de la Maison de Saluces sont détruites. Thomas II et ses fils, qui se sont renfermés dans le château, sont obligés de se rendre. Thomas est fait prisonnier par le Sénéchal, est conduit au château de Cardè, puis à Savigliano, puis à Pignerol et enfin à Cunéo. Après 13 mois de dure captivité, il retrouve la liberté, avec celles de ses fils, contre une rançon de 60.000 florins d’or collectée en grande partie par son épouse Ricciarda.
        L’intervention de Giovanni, marquis de Monferrat, ramène la paix entre Thomas et Manfred, le 25 avril 1343. Paix de courte durée car Manfred, se sentant le plus fort, ne respecte pas sa parole. Thomas, sans moyens financiers, sans les secours extérieurs sollicités, et abandonné de ses troupes, abandonne sa résidence habituelle de Saluces et, en octobre 1343, trouve refuge dans la haute vallée Varaita, où il est très bien accueilli et réconforté par les habitants de S. Eusébio, Bellino et Pont. L’Histoire ne donne aucune indication sur la longueur de son séjour en Castellata. Pour reconquérir son domaine, il lègue au Dauphin Humbert II, son parent proche, le marquisat tout entier. Pour traiter l’affaire, il nomme procurateur Nicolas Vernetti de Saluces et Giovanni di Villa de Turin par acte légal du 16 septembre 1343.

        La réunion de ces derniers avec ceux du Dauphin a lieu aux environs d’Avignon et il est conclu que Thomas fait donation de tout le marquisat au dauphin, à la condition de le recevoir en fief et moyennant le paiement de seize milles florins de la part du dauphin. Cet accord est rédigé à Villeneuve les Avignon et porte la date du 31 octobre 1343. Cet acte nomme les châteaux, les villes, les paroisses et les lieux qui appartiennent de plein droit au marquis. Sont aussi citées les villes de Brossasco, Melle et Frassino de la vallée Varaita et il est précisé que les villes de Saluces et de Dronero sont alors occupées par les rivaux du marquis, que les terres de Piasco et de Villanova sont en usufruit du grand-oncle du marquis, Giorgio de Saluces, et que Costigliole et Sampeyre sont des fiefs du marquis, « una etiam cum parte et pareria, quas habet ipse dominus marchio in territoriis et mandamentis Pontis-Bellini » signifie que certaines terres de Pont-Bellino sont des fiefs de plein droit du marquis, par tradition : la partie qui appartient au marquis Thomas sur le territoire de Pont-Bellino s’étend sur la rive droite de la Varaita et comprend les 2 bourgs de S Giacomo et de Fontanile. Cet acte de reconnaissance du Dauphiné cisalpin mentionne que ces deux bourgs passent du marquis au dauphin. Ceci explique facilement qu’une grande partie des habitants de Ponte-Bellino, vu l’agitation et la discorde qui règnent dans le marquisat, et par désir d’avoir un accès plus aisé et une communication facile sur les deux rives de la vallée préfèrent un assujettissement direct au dauphin. Le marquis qui n’a pas signé personnellement cet acte le spoliant de ces possessions pourra, à juste raison, reprendre ses propriétés.
        L’acte précise un paiement de 11 000 florins dauphinois, d’or de bon poids par le dauphin prévu le premier dimanche du prochain carême au Château de St Eusébio (Casteldelphino), à condition expresse que le marquis approuve et certifie lui-même l’acte, dans un lieu public et en présence des nobles du dauphin ou du procurateur le châtelain de Melle et que tous les sujets, bourgs, villes  et territoires concernés soient représentés,  de même que les bourgs de Brossasco et les fiefs que le seigneur de Venasca tient du marquis et les autres lieux entre Venasca et Casteldelphino.
        Cet accord important pose les bases des droits de la couronne de France sur la Castellata et sur le marquisat de Saluces.

D'après le Regeste dauphinois : N° 32524, voici cet accord.
Villeneuve-St-André près d'Avignon,31 oct. 1343.
...Ind. 11, Nicholin Veyneti, de Saluces, et Jean de Villa, dioc. de Turin, procureursde Thomas, marquis de Saluces, assurent par serment à Humbert, dauphin de Viennois, que le marquisat de Saluces et les châteaux, villes et paroissesde Veroçolo, Lugnacio, Brossascio. Melo, Frayssino, Rochabruna, San Damiano, Pallerii.Draneyreli, Cartignano.Tecti (Loculide Celles),San Michèle de
Chaves, Ussolo, Pratiglione, Marmora, Perrezelre, Itroppi, Aielti, Castellomagno, Front, Rochetta, Robella, Corvese, Paysana, Castellaro Radulphioe, Valle Rayes et Mollisbrune  Lugnacii, Brocaschii,Meli, Frayssini; Roche Brune. S.Damiani, Pallerii, Dragoneyreli.Cartignani,
Tectnrum, Loculi, de Celles, S. Mich. de Chaves, Ussoli, Pracii, Marmovis, de Pereselve, Slroppi, Acelli,Castri Magni, S. Fronlis, Rochete, Robelle, Corvesii,Paysane, Castellarii, Radulphie, Vallisraye et Mollisbrune, appartiennent à leur maître en pur et franc alleu, que les châteaux et villes de Saluces
et Dronero (Dragonerii) sont également son fiéf, bien qu'occupés par ses rivaux, ainsi que
ceux Arpearchii et Villanova.dont son grand oncle, Georges de Saluces, a l'usufruit, qu'il en tient
33 autres en fief, qui n'ont été ni vendus ni engagés par lui : S. Pétri Coslilloliarum, Vanlignacii,
Ville Mante, Cervignacii, Rodulphie, Monostayroli. Caballarii,Leonis Vagnonis,
Patugnerie. de Solio, Fortis. Passi, Caramagne, Randisserii, Trevasii. Yssole Belle,
Vallis Fenerie, Circoli, Unitini, Gerbole, Dolhani, Marssalle, Lcc Rudini, Chissoni, Ugnoli,
Somani, Caslelleti, Montis Balqueiii, Camerarie, Burgi Mali, Berimelli et
Castilloni. En reconnaissance des services qu'il a reçus du dauphin et en espérance d'autres,
il les a chargés de lui transférer par donation entre vifs son marquisat et les châteaux ci-dessus;
ils en dévestissent leur maître et en investissent Humbert par la tradition d'une épée.
En rémunération et à raison des liens de consanguinité qui les unissent, le dauphin lui rend ces biens
en fief noble et antique, mais rendable, sous condition que le marquis lui viendraen aide en plaid et
en guerre contre tous, sauf l'empereur en communion avec le St-Siège.
On placera l'étendard aux armes du dauphin, à chaque mutation de seigneur et de vassal, pendant
8 jours sur les tours et forteresses; investiture par tradition d'un anneau, en signe de supériorité
et de haut domaine ; le dauphin se réserve les secondes appellations ; les troupes qui lui seront
fournies seront à ses dépens. Il donne au marquis en augment de fief la Vallouise (Vallis puta)
en Briançonnais, qui devra lui produire par an 700 flor. d'or delphinaux. Il promet 'en outre de
lui payer d'ici au 1er dimanche de Carême (23 févr.) 16000 flor. à Château-Dauphin,à condition
que le marquis ait ratifié ces donation et inféodation, et livré au dauphin ou à ses procureurs
le château de Melo dans la vallée de Vayretana, le bourg de Brozasco, le Val St-Pierre, tenu
en fief par le seigneur de Venasque (Venasla), et les autres propriétés à partir de Venasque
jusqu'à Château-Dauphin ; à condition aussi que son épouse, ses enfants, les vassaux, nobles
et communautés aient consenti à cette donation. Les revenus de ces fiefs seront remis à l'usufruitier, Georges de Saluces, après avoir défalqué 500 flor. pour les dépeuses et frais de garde
des châteaux, etc. Thomas obtiendra rengagement des ayant causes, sous peine de 10000 flor.
Dès que le marquis aura récupéré les châteaux de Saluces et de Dronero, il les recevra en fief
du dauphin. Les procureurs rendent hommage à celui-ci à la manière des nobles, en signe d'alliance
et d'affection perpétuelle, et jurent que leur maître sera bon et fidèle vassal.
Acta ap. Villam Novam S. Andrée près.Avignon ; présents : Jean évêque de Beauvais, Pierre évêque de Clermont, 3 conseillers du roi, Jacques Brunerii, doct. en droit,Jacques Riverie commandeurde Marseille, ordre de St-Antoinede Viennois, Guillaume seigneur de Bésignan,
Reymond de Montauban, sr de Montmaur, Guillaume de Roin l'ancien et Soffred d'Arces, chevaliers,
Reymond Chaberti, jurisc, 2 notaires. Humbert Pilati. Si le marquis ne peut obtenir l'engagement de Georges, Jean et Manfred de Saluces, et des nobles de Escalonibus, il n'encourra pas
pour cela la peine de 10000 flor.
Arch. de l'Isère, B. 2613 (Reg. Pilati 1343-4), j-vj, 172-7 ; B. 3622, 209. Allard(G.),Doc. VI, 195-201. Invent. Prov. étrang. 2i5, 228,- — VALBONNAYS, Mém. hist. Dauph. 511-4; Hist.
de Dauph II, 480-3. MULETTI,Mem. stor. Saluzzo, III, 298. — LÜNIG, Codex Ital. diplom. I, 653. MERKRL (Caro), dans Miscell. stor. Ital. XXVI, 320-5. = GEORG. II, 479.

        Gioffredo Della Chiesa nous indique que cette convention ne fut pas exécutée. De fait, dès novembre de cette année là, le marquis Thomas reçoit des troupes du dauphin, troupes connues sous le nom de «Compagnies di Ventura», pour libérer ses terres et entrer en possession de ses biens.
       Reconnaissant pour l’accueil chaleureux de la population de la Castellata, Thomas les récompense en leur accordant, de son palais de Revello, des libertés, privilèges et franchises spéciales. Une copie de l’acte est conservée, de nos jours aux Archives de Grenoble (voir annexe). Il est daté du 10 décembre 1344.
        Nous apprenons par cet acte que le notaire de Pont est un certain Bonifacio Asta que le marquis est confirmé dans ses possessions de Pont, Casteldelfino et Bellno par la reconnaissant du gouvernement delphinal de 1339 et que pour défendre la cause de ses sujets de Pont et des Bertines, sont désignés les syndics Giovanni Tholossan et Gerardo Vemardi de Pont et Pietro di Reymondia des Bertines.
        Notons qu’alors que les familles Vemardi et Reymondia n’existent plus, les descendants de Tholossan étaient encore à Pont et à Casteldelfino à la fin du XXe siècle.
        « Hommes ligues », investis par leur supérieur, ils reconnaissent le seigneur comme leur maître supérieur et représentent sa justice.
        Il se trouve à cette époque, diverses familles de Pont et des Bertines qui sont sujets du marquis de Saluces et celles ci sont citées dans l’acte avec les noms suivants : Giorgio, Raimondo, Pietro, Guigo, Guglielmo et Fransesco. Ils sont assujettis au paiement de 9 lires d’impôt prédiale et de 3 lires d’auberge pour la milice et la cavalcade. En reconnaissance, et répondant à leur demande, Thomas annule ces impôts et les déclare affranchis, libres et exempts des servitudes qu’ils lui devaient. Il promet de ne pas aliéner, découper, vendre ou échanger la seigneurie ou le domaine de ces hommes liges de Pont et des Bertines à condition qu’il jure le serment de fidélité, pleine et entière, neuve et antique, en leur nom et celui de leur représentant, en posant les mains sur l’évangile.
        Il confirme aussi aux syndics et autres individus qui le représentent les libertés, franchises sur le péage, les "pastures", la pêche et annule les dettes en son nom et au nom de ses descendants. De plus, il déclare réduire à 20 lires astesi le paiement annuel, à la fête de St Martin, pour l’impôt prédiale pour l’auberge et la cavalerie et se réserve seulement les autres impôts de décime, de droits de succession, des tiers et des amendes spéciales.

        Thomas II qui est le premier en Piémont à utiliser des troupes à sa solde, reconquiert les villes les uns après les autres jusqu’à être maître de tout le marquisat. Son oncle Manfred n’ayant pas obtenu l’aide demandée à Diégo Reforza, sénéchal de la reine-mère de Jeanne de Naples se résoud à un compromis. A la demande de la comtesse sont choisis Luchino et Giovanni Visconti, deux frères, le premier seigneur, le second archevêque de Milan pour trouver un arrangement entre les deux ennemis : il est ainsi décidé que celui qui perdrait ses droits recevrait 30 000 florins en compensation. La sentence est prononcée le 6 septembre 1346 et est favorable au marquis Thomas II qui est déclaré seul et véritable marquis de Saluces.
        En prenant enfin possession de son état, Thomas souhaite retrouver la paix, rétablir l’ordre  et œuvrer pour le bien-être de ses sujets. Mais ce n’est pas le cas à cause des prétentions du comte de Savoie : profitant du désordre et de la confusion, le comte Amédée VI de Savoie intervient car le décès du roi de Naples André, époux de la reine Jeanne d’Anjou, puissante en Piémont, lui laisse penser qu’il va pouvoir récupérer leurs terres. Il est allié avec Jacques de Savoie-Achaïe.
        Il faut la création d’une grande confédération en 1347, avec Luchino Visconti de Milan, le marquis de Saluces, Humbert dauphin de Vienne, et le marquis de Montferrat pour s’opposer à ces prétentions. L’intervention d’un évêque, Giovanni de Forli, délégué apostolique, évite un grave conflit en concluant en 1348, une trêve entre Milan et la Savoie, puis avec Saluces.
        Quelques années après, Saluces est à nouveau inquiétée pour le moindre prétexte par ses ennemis. Le marquis s’associe alors, en 1354, avec Jean le Bon, roi de France et avec le dauphin.
        Il envoie son fils aîné Frédéric à la cour de Charles IV pour s’attirer ses bonnes grâces, puis rompt avec les Visconti de Milan et fait la paix avec la Savoie en rendant hommage au comte pour les terres et les châteaux qu’il tient de lui. Il s’empare de Cunéo et des terres environnantes et en 1357, avec la médiation du comte, conclut la paix de Savigliano avec le prince de Savoie-Achaïe et le marquis de Montferrat.
        Epuisé par toutes ces guerres, le marquis Thomas remet ses armes à son fils aîné Frédéric, fait son testament et meurt le 15 août 1358 dans son château de Saluces. Il est inhumé au monastère de Revello.
        Il laisse de nombreux enfants. Frédérico devient marquis à son tour et prend possession du marquisat, de Cunéo et des terres environnantes.


        A Galéas, son deuxième fils, il lègue les terres qu’il tient de son bisaïeul Giorgio de Saluces, à savoir Brossasco, Melle, Frassino, Sampeyre, Saint Eusébio, Ponte, Chianale et Bellino, ce qui constitue la seigneurie de Venasca. Il reçoit aussi une pension annuelle de 300 florins d’or par testament du dauphin Humbert II en 1347.
        Au troisième fils, Azon, il lègue les lieux de Monasterolo, Castellar, Sanfront, Paesana, Crissolo, Oncino et Ostana. De cet héritage dérive les familles des comtes de Saluces de Paesana et Castellar qui s’épanouit encore dans la personne du IIIe marquis Frédéric de Saluces et des comtes de Casteldelfino qui se perpétuent dans la descendance de Costanzia de Costigliole de Saluces.
        Mais laissons pendant quelques pages les grandes dynasties et leurs histoires qui n’expliquent pas complètement la vie de nos peuples alpins. S’ils subissent comme ailleurs la loi féodale et les contraintes fiscales associées, ils ne vivent pas dans les plaines proches du pouvoir et dans leurs montagnes alpines, ils sont très attachés aux libertés, se défendent contre le poids trop lourd des taxes et autres impôts. Partout apparaissent des "chartes de liberté", des accords avantageux obtenus des souverains qu’ils s’empressent de faire certifier, renouveler à chaque changement de seigneur, et qu’ils conservent précieusement.
        Tel est le cas en Oisans, qui se protège par sa charte sur les libertés. De même dans le Vercors, où Lans, Villars de Lans et Autrans font reconnaître leurs droits par une charte afin de se protéger des accaparements territoriaux des féodaux.
        Mais c’est surtout autour de Briançon, en Queyras, comme à Casteldelfino qu’ils s’organisent dès qu’ils obtiennent des privilèges, avec les « Escartouns » véritable république autogérée pour résister aux pressions, faire valoir ses droits et répartir les charges financières.
 

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