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Chapitre IV.
LA CASTELLATA A L’ARRIVÉE DES DAUPHINS .
Fortifications de la Castellata.
En Castellata, la menace savoyarde se traduit par des travaux importants
: Humbert, lors d’un voyage aux frontières du Briançonnais
avait remarqué qu’il était facile d’envahir la ville de S.
Eusébio et le Dauphiné cisalpin et avait reconnu la nécessité
de fortifier cette place ainsi que de réparer le château
antique fondé par le dauphin Guigues Andréa à Ribiera
de Bellino. Il ordonne ces constructions sans épargner sur les
dépenses.
La forteresse de Château
Dauphin ( 1336 -1690)
construite sur un éperon rocheux
dominant l'église de St Eusebe.
(
Documentation communiquée par le Musée de Chateau Dauphin,
association "ier a la vito")
(JL Bernard)
Les ruines actuelles du château
de St Eusebe.
Il y a alors un châtelain dans le Dauphiné cisalpin, un
certain Raimondo Chabert, juge à Briançon, procurateur
à Embrun et dans la châtellenie (Castellania) de Ponte-Bellino
et S. Eusébio qui est chargé de suivre les travaux,
percevant pour ce travail 100 «soldi» annuel, et qui présente
la facture des dépenses à la chambre delphinale le 15 septembre
1336. Cette note nous est parvenue, à travers les siècles,
et nous fait connaître, par le détail, les travaux effectués
: le site est au nord ouest de la ville, dans le triangle formé par
les deux Varaita. Les terres privées sont achetées au nom
du souverain, le terrain rocheux est aplani pour obtenir une esplanade plate
et large. Le château de S. Eusébio y est construit : c’est
une construction “mastodontique” : au rez de chaussée, il y avait
une étable. Au premier étage, une cuisine et une chambre
aux fenêtres “barbelées”. Au second, une grande pièce
avec 16 fenêtres, diverses portes avec serrures et clés.
Au troisième se trouve un grenier avec des étagères,
un plafond en bois, avec, au-dessus, une poutraison et une couverture
en mélèze. Il y avait même, à côté
de la porte d’entrée, la chapelle dédiée à St
Michele. La cour était fermée par un mur crénelé
du côté de Bellino ; dans l’épaisseur du mur on avait
installé le four et des cabinets pour le châtelain. A côté
s’élevait une tour de trois étages, de plus de 15 mètres,
avec des meurtrières et un pont-levis, au premier étage. Des
échelles permettent l’accès aux étages. En tout, l’édifice
avait 9 portes avec meurtrières, barres de fer et chaînes,
18 fenêtres et il mesurait plus de 22 mètres de hauteur : à
l’intérieur, une citerne avec de l’eau, ramenée de la bourgade
de Quiot-Garin, grâce à des “garbes”, petits canaux de bois,
assurait l’approvisionnement hydraulique. Le gros mur d’enceinte, encore
visible aujourd’hui au Nord, est un rajout postérieur, et il renfermait
un périmètre de plus de 30 mètres. [4]
Le texte latin est
donné en Annexe.
Le château précédent, à Ribiera di Bellino,
sur les contreforts de Piétralunga, est aussi consolidé.
Ce qui est édifiant,
c’est que les deux toitures des châteaux de Ribiera et de S. Eusébio
sont en bois. Contrairement à ce qui se faisait dans le Queyras,
où le bois était l’élément principal de l’architecture
locale, à Blins, les montants verticaux de soutènement du
toit étaient construits en pierres, à cause de la destruction
des forêts par les soldats durant les diverses guerres. Mais le patrimoine
forestier était déjà compromis, tant et si bien qu’à
la fin du XVe siècle, les statuts des communes de Pont et de Casteldelfino
contenaient des normes très sévères pour la défense
et la préservation du patrimoine forestier. [4]
Voir deux exposés vidéos, (+ de 50 mn chacun) concernant
les deux châteaux de la Castellata :
-
Les bâties du Gapençais, de l'Embrunais et du Briançonnais
- Le compte de la construction
de la bâtie de Pontechianale
Actes du Regeste dauphinois :
R.D. 26911 Pont, 20 juin 1334-
Hommages liges rendus au dauphin Humbert par les habilanls (populares)
de Bellino (Bellinis), jadis hommes de François de Bardonnêche,
chev., condamnés au baisement des pieds comme rebelles, 5. Act. ap.
Pontem, en l'hospice des enfants d'Usoard Aste ; présent : Nycholas
Constancii, s. de C. de B., Jacques Riverie, Guill. de Bésignan,
chevaliers, et Aymaron Alamandi, de Beauvoir, dam.
Arch. de l'Isère, B. 2962, V° vij'.
R.D. 26912 Pont, 20 juin 1334.
Hommagesliges rendus au dauphin Humbert par les habitants (populares) de
la châtelleniedu Pont; h. de la paroisse de St-Eusèbe(Eusabii),châtelleniedu
Pont, 78.
Arch. de l'Isère, B. 2962, V° vij.
R.D. 26914 Pont, 21 juin 1334-
Hommages liges des habitants (populares) de Bellino (Bellinis), jadis à
François de Bardonnêche, more plebeyo, avec baiser des
pouces, 158 ; h. de la paroisse de St-Eusèbe( S. Esubii), 47. Acta
ap. Pontem, sur la place de l'hospice des enfants d'Usoard Aste ; présents
: Disdier de Sassenage, Nych. Constancii. s. de C. de B.. Guill. de Bésignan,
chevaliers, etc.
Arch. de l'Isère, B. 2962, V° vij-iij.
R.D. 26915 Pont, 21 juin 1334.
...ind. 2... Hommage rendu au dauphin Humbert par les nobles du château
et châtellenie du Pont, 29.
Acta ap. Pontem, au bailliage de Briançonnais, sur la place de l'hospice
des enfants d'Usoard Aste; présents: nobles Disdier de Sassenage,
Guillaume de Bésignan, Nycholas Constancii, etc.
Arch. de l'Isère, B. 2962, V° iiij-v.
R.D. 35366 Grenoble, 25 septembre 1347;
Concession de nouveaux privilèges par Humbert, dauphin de Viennois,
à ses hommes et sujets du mandement de Château-Dauphin, et des
lieux de Pont-St-Eusèbe et Bellino, « in jocundo adveniente
nostro de partibus transmarinîs nobis dona largifera festorum »
; ces hommes resteront libres et le dauphin défendra leurs bonnes coutumes
(10 déc. 1344) ; dispense de data, pour les dettes librement
reconnues devant le juge du Briançonnais, le châtelain ou autres
officiers ; les châtelains lèveront les redevances en monnaie
delphinale courante, si les hommes ne peuvent payer en florins (d'or) ou
gros Tournois d'argent ; les proches parents des décédés
administreront les personnes et les biens des pupilles, jusqu'à ce
qu'ils soient pourvus de tuteurs légitimes par le juge de Briançonnais;
il sera dû seulement pour cette provision 1 gros d'argent au juge et
1 au notaire. Dat. Gronopol.per d.oreth., assisté de Guigues
Costani, chevalier;expéd. Jean Mathey.
Arch. de l'Isère, B. 2994(Alius liber copiar. Briançz.,etc.),
lxij, 914-6; B. 3711, reg. (Invent. III, 148). Invent. Briançonnais,
418.
Hommage de la Castellata
au dauphin.
Ayant fortifié la Castellata, le dauphin doit aussi s’assurer
de la fidélité de ses sujets. Pour cela, il leur demande
l’hommage, par acte public et notarié, acte qui nous est parvenu
et qui est consultable aux Archives de Grenoble. Il porte le titre «
Recognitiones antiquæ Castri-Delphini
», est daté de 1335, et nous montre la reconnaissance de la
souveraineté du Dauphin par les habitants de la Castellata, leur
acceptation de cette dépendance au seigneur avec l’obligation de
payer les impôts associés à cet état. Ce manuscrit
compte 71 feuillets, depuis l’acte de reconnaissance légal jusqu’aux
signatures. Le procurateur dauphinois est Guigo Borrelli et l’acte indique
tous ceux qui cotisent d’un denier viennois chacun aux dépenses locales,
ceux de Sampeyre qui ont quelques biens sur les communes de Casteldelphino,
les héritiers de Espina, Enrico Espina, Guigo Isoard, Giovanni Tolozan,
les héritiers d’Enrico Nazaria, Gioanni Doeta, Gionni Demichelis
de Doeta, Enrico et Antonio Giraud.
Les impôts du dauphin.
A
partir des comptes annuels présentés à la Chambre
Delphinale en 1315 par Almérico Leuczon, châtelain de Ponte-Bellino
et du Queyras, et de ceux présentés par Raimondo Chabert
en 1336, nous connaissons les types d’impôts qui pèsent
sur la Castellata :
- l’impôt «prédiale»
ou impôt sur la «cavalcade» ;
- la décime
(dixième) sur le seigle, l’orge et sur l’élevage des agneaux.
- sont taxés
aussi les produits des abeilles, d’auberge, les fours et les moulins,
le poids public de San Eusébio, le transit sur le territoire de
Pont et les pâturages communaux, ainsi que le bétail. L’investiture
et l’hommage sont occasion à d’autres taxes. Enfin, la forge et
les mines de la Castellata sont propriété du Dauphin qui
fait payer ses services et empoche des profits. Il a, à son service,
un châtelain, un juge, un procurateur et un inquisiteur («inquisitore»).
Lorsque l’on dit que les populations alpines sont moins assujetties à
la pression féodale que les populations des plaines, on a du mal
à imaginer comment les seigneurs pouvaient faire plus !
Le texte latin des actes donnant ces informations est donné en
annexe du présent document.
Les comptes de Bellino
sont séparés des autres comptes, mais sont présentés
sous la même forme.
En 1339, la Castellata doit payer, en impôts annuels au Dauphin
: 12 sétiers de seigle, 12 d’orge, 20 agneaux, 30 lires d’impôt
comtal, 30 lires de chevauchée, 28 lires et 5 sous d’autres impôts,
8 lires et 10 sous pour la police rurale, 80 lires d’argent de péage,
10 lires de garde et pâturages, pour un total de 400 florins (C
Allais).
Les actes énumèrent les dépenses : 10 « soldi
grossi » au Vice-Bailly Mattéo de Heriis, au signor Guigo
Borrelli et divers nobles, à encaisser au château, 3 soldi
au signor Nicola de Giant pour ses déplacements, 12 deniers «
denario » et un « nunzio » pour le voyage à la Chambre
Delphinale de Briançon afin de faire certifier les comptes de recettes
et dépenses, 61 sol et 3 deniers pour l’acquisition d’un cheval
sarde afin de l’offrir au dauphin, payés à Pietro et Giovanni
Nugaris.
Les bourgs de la Castellata.
Sous Humbert II, la Castellata compte 489 feux ou familles et regroupe
les vallées de Bellino avec 160 familles et 800 habitants, la vallée
de Chianale (167 feux à Pont), et Casteldelfino (162 feux).
Un document, rédigé en 1339, actuellement aux Archives
grenobloises, « Primus liber computorum particularium antiquorum
1329 » nous donne de précieux renseignements sur les
châteaux, bourgs et granges de nos vallées.
Les châteaux de Ponte Bellino et celui de S. Eusébio
ont déjà été décrits. D’eux dépendent
un certain nombre de bourgs :
- sur la commune de Pontechianale,
- Canal, Chianale,
dernières habitations vers la frontière française
actuelle de la vallée de Pont,
- Chalmetes, réunion
de quelques maisons, aujourd’hui détruites, sur la rive droite
de la Varaita, face au bourg de Rueitos di Pont
- Les Payens, Cellette,
dernier bourg de Pont, vers Chianale, sur le versant méridional,
- Chabran, village
situé entre Preclos et Chianale, sur le versant méridional,
qui fut emporté et détruit par une avalanche,
- Preclos, en langage
local Prachiaus, bourg de la paroisse de Pont, entre Genzana et Chianale,
qui n’existe plus, mais dont il reste les fondations d’une chapelle dédiée
à S. Claudio
- Gensanes, Rua Genzana,
dernier bourg de Pont, sur la route communale, vers Chianale,
- Les Clos, agglomération
entre Maddalena di Pont et le bourg antique de Rueitos
- Cayses ou Cayres,
probablement le site actuel de Pont,
- sur la commune de
Casteldelphino,
- Torettes premières
habitations de Casteldelfino, en venant de Sampeyre,
- Les Michels, Bertines
inférieure,
- Les Mathieu, Le
Molinet, Les Bonnelles, Talsanes , diverses granges des Bertines,
- L’ancien Château,
Castello di Pont, sur la rive droite du vallon Vallanta, près
du barrage actuel
- Le Villard, Villaret,
bourg de Pont aux limites de la commune avec Casteldelphino, sur le versant
méridional.
- Chaudanes
bourg supérieur de Torrette
- Les Lamberts Pra
Lamber, trois ou quatre granges au-dessus de Rabioux, habitées seulement
pendant l’été
- Les Berards, Chalglises,
Isabelles, habitations estivales pour garder les vaches, sur les hauteurs
du versant méridional, entre Bertines et Pontechianale.
- Albeyne, Arbuin,
bourg près de Bertines
- Rabiou, Rabioux,
au nord ouest de Casteldelphino
- Saint Eusèbe
L’antique ville de Casteldelphino, lieu central de l’actuelle cité,
- Posterle bourg sur
la route de Bellino,
- sur la commune de
Bellino,
- Rives, Rebiera,
bourg situé sur la rive gauche de la Varaita, premier bourg rencontré
en allant à Bellino.
- Carines lieu
situé à l’est de l’antique château de Bellino,
- L’Alpe, granges
situées au-dessus de ce château
- L’Eglise S. Giacomo
di Bellino, bourg principal de la partie inférieure de Bellino,
une paroisse,
- Fontanel , Fontanile,
bourg situé près de l’Eglise, sur la rive droite de la
Varaita
- Les deux Pleynet,
le Pyeinè et le Bals, rive gauche, en montant vers les quartiers
supérieurs,
- Tavernière
, l’actuel Celle di Bellino, paroisse des quartiers supérieurs
- Chazal , Chiasale,
dernier bourg de cette vallée,
- Pré Faucenes
, Prâ Faucier, bourg séparé de Celle par un ruisseau,
- Bannes, Gayet, Bonetes
lieux des quartiers supérieurs de Bellino, inconnus actuellement
Cette longue énumération des bourgs
et granges, a pour but de déterminer avec précision les
limites du domaine delphinal sur la châtellenie et de bien séparer
les terres que d’autres possèdent probablement sur les trois communes.
Les noms de la Castellata.
L’acte
d’hommage nous donne les signatures de nombreuses personnes de la Castellata
: parmi ces personnes,
- 10 portent le nom
d’Asta,
- 10 celui de Rode,
- 8 de Falcon,
- 5 de Chalmet et
- 4 de Bonnabel.
Ces noms
sont tous éteints de nos jours mais, pour Asta, on se souvient
d’un lieu de Pont qui portait le nom d’Asti
Parmi les familles qui existent aujourd’hui, il y a
- des Berard (4),
- des Roux (4)
- des Jarsaud (3),
aujourd'hui Gerthoux,
- des Baudoin (2),
- des Morel (2),
- un Chaix,
- un Canal ou Chanal
et
- un Genzana.
Quatre sont simplement
indiqués par le bourg qu’ils habitent :
- un Guigues,
- un Pons,
- un Jean et
- un Jacques de Pré
Clos.
Un autre s’appelle Jean
de Romagne (Romagne est un lieu de la commune de Pont, qui comptait quelques
granges).
Et encore
- des Leydiens (2),
- un Bazan,
- un Fraise,
- un Jusiane,
- un Fabry,
- un Reynard et
- un Dau.
Un notaire à Château-Dauphin
(1364). [27]
Dans l’inventaire des documents du Moyen Âge concernant le
Dauphiné, inventaire effectué par Joseph Hyppolite
Roman, on trouve les lettres, du 5 janvier 1364, de Raoul de Louppy,
gouverneur du Dauphiné, nommant Guillaume Janselme, notaire en Queyras
et à Château-Dauphin, moyennant une redevance de 6 florins
d’or par an.
Fait à Briançon.
[27]
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