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Chapitre XIX.
GUERRES DE RELIGION .
Début
des guerres de religions en France
Guerre de religion
en Provence.
Dans nos montagnes.
En Dauphiné.
La Savoie dans
le comté de Tende.
Début des guerres
de religions en France.
L’année 1562 et le massacre de Vassy marque le début des
guerres de religions en France et un an plus tard, elles atteignent la
Provence : protestants et catholiques s’affrontent jusqu’en 1598, date de
signature de l’Edit de Nantes.
En 43 ans, de 1516 à
1559, la Réforme se développe en France, dans un royaume constamment
en guerre, sous des rois hésitants qui ne songent pas à
extirper l’hérésie. La doctrine de Calvin, partie de
Genève, se diffuse rapidement. [76]
A cette époque, les
gens de l’Eglise catholique sont bénéficiaires du système
des privilèges : le clergé se distribue les droits sur les
terres et les hommes. Il ne paie pas les tailles, règne sur les
consciences, soigne, enseigne, a le pouvoir d’envoyer en enfer qui bon
lui semble ou régit la diffusion des livres. Les abus sont nombreux
: les prêtres n’occupent pas leur charge, vivent en ville, se marient,
ont des enfants et se partagent les rentes de leur situation privilégiée.
Dans ces conditions, la Réforme n’a aucune peine à se rendre
populaire. [76]
Le culte protestant était
généralement toléré, tant qu’il ne remettait
pas en question ces privilèges. En 1560, les protestants français
sont environ deux millions, dans un pays qui compte seize millions d’habitants.
Mais dès 1520, ils s’attaquent à l’Eglise catholique et
sont alors persécutés.
Guerre de
religion en Provence.
Après l’affaire de Mérindol, l’agitation gagne toutes les
provinces françaises. Et en particulier la Provence, le Comtat Venaissin
et la principauté d’Orange.
Après Cateau-Cambrésis,
une furieuse réaction des catholiques contre la Réforme
enflamme la Provence les gibets se dressent à Manosque,
à Valensole, à Marseille. Des routiers saccagent les villes
jusqu''à ce qu’ils soient chassés par les Provençaux.
[76]
Dans nos
montagnes.
Sur le plan religieux, le duc de Savoie Emmanuel Philibert mène une
double politique avec les Vaudois : répression dans la plaine piémontaise
où ils sont peu nombreux et isolés, tractations dans les
vallées « vaudoises » où ils sont très
nombreux. Depuis quelques temps les Vaudois de Pragelas, de Luzerne et de
St Martin prêchent de plus en plus loin de leurs vallées et
la Réforme gagne du terrain. Mais, en septembre 1560, le duc change
d’attitude et ordonne de rétablir l’ordre catholique dans ces vallées.
[77]
Il décide d’envoyer
un corps de troupes commandé par Philippe, bâtard d’Achaïe.
L’expédition militaire se heurte à la résistance
des paysans vaudois qui, avec l’aide de leurs coreligionnaires français
passent à l’attaque (1561), pillent une église et incendient
des forts. Les Vaudois cachent femmes, enfants et vieillards dans des cavernes
de la montagne et mènent une guerre d’usure qui dure plus d’une
année. La paix se fait à condition que les barbes quittent
les vallées. Déguisés en pâtres ou en muletiers,
ils sont obligés de fuir vers Genève ou vers l’Allemagne.
[72]
La bravoure et le courage
des réformés vaudois obligent cependant le duc à signer
un accord, le 5 juin 1561, à Cavour : il pardonne, signe un accord
de tolérance, autorise le culte public dans certaines vallées,
confirme franchises et libertés et va jusqu ‘à indemniser
les combattants de 10 000 écus. [77]
En 1561 une communauté réformée
est fondée à Abries en Queyras. Entre 1574 et 1583 des accrochages
ont lieu en Queyras et en 1587 la vallée entière est aux mains
des protestants. [77]
Le premier pasteur protestant
est nommé en 1609 et le premier temple est construit en 1616.
L'église de Chianale
: un ancien temple protestant.
En Dauphiné.
En Dauphiné, les deux communautés ennemies manifestent une
extrême agressivité. Le baron des Adrets se montre d’une cruauté
particulièrement odieuse, rançonne férocement les
principales villes du Dauphiné et son raid de 1562 se solde par
d’irréparables destructions à Valence, Romans, Grenoble ou
Vienne.
Après le siège de
Sisteron (1562), les protestants de cette ville commandés par Paul
de Richieud de Mouvans fuient devant les catholiques provençaux,
traversent le Queyras, passent en Ubaye, puis par le col de Maurin, gagnent
la Chenal avant de trouver refuge auprès des Vaudois de la vallée
de Pragelas..
Le conflit se poursuit après les massacres de la Saint-Barthélémy
(1572), y compris dans nos montagnes.
En 1577, Molines est passé du côté des protestants et
son brave curé Claude Arnaud, revenant de Château-Dauphin,
est pris et après plusieurs tourments qu'ilsouffrit,
finalement il fut décapité et sa teste portée à
la pointe de la hallebarde jusqu'à la place de Ville-Vieille, où
l'on dressa un jeu de quilles et au lieu de boule, on s'y servit de la teste
de ce prêtre (33).
Ces guerres, sur fond religieux, font l’affaire des ambitieux :
en 1578, Lesdiguiéres, huguenot, qui souhaite prendre le marquisat
de Saluces traverse le Col Agnel à la tête de
400 hommes auxquels s'est jointe la compagnie des Bigarrés
et s'empare de la forteresse de Château-Dauphin dans le Val Varaita,
après avoir saccagé le Queyras catholique. Il nomme
Jean Nel, notaire du lieu, gouverneur et capitaine de la milice et son secrétaire
pour la châtellenie.
Note
: Videl, Histoire du Connétable de Lesdiguières p 34. La
compagnie des Bigarrès avaient été organisée
par le ministre protestant de Molines Garin ; la diversité des habits
lui avait valu ce nom (33).
L'année suivante (janvier 1579), Lesdiguières
ordonne d'ouvrir le col Agnel impraticable à cause de la neige,
aux habitants du Queyras, pour permettre au maréchal de Bellegarde
de pénétrer dans le marquisat de Saluces afin d'en chasser
le gouverneur du roi de France.
En 1580, le capitaine Nel avec ses troupes protestantes
franchissent dans l'autre sens le col Agnel, puis le col Isoard, pour rentrer,
par trahison, dans Briançon. Ils en sont chassés peu apès
par les catholiques du capitaine la Cazette et repassent prestement le
col Agnel.
Un peu plus tard, c’est Charles
Emmanuel de Savoie qui conquiert le marquisat de Saluces (1588).
Une lettre du 25 mai 1588,
signée de Lesdiguières et adressée au gouverneur de
Château-Dauphin, le capitaine Beaumont est donnée en annexe.
Cette lettre est précédée de la copie des conditions
proposées par le capitaine Beaumont pour remettre Château-Dauphin,
dont il était gouverneur, entre les mains de Lesdiguières
[36].
On le voit, le passage des troupes dans nos vallées
est incessant et s'accompagne, comme toujours, de réquisitions,
de dépenses, de charges au bénéfice des armées
et au détriment des montagnards.
La Savoie
dans le comté de Tende.
Les ducs de Savoie achètent le comté à Honorat de Tende
(1579), au prix de 50.000 florins d'or, et contre quelques seigneuries en
Savoie et en France, et s'empressent d'aménager ou de réparer
les tronçons d'une bonne sente muletière dont le tracé,
de Nice à Coni, précédait à peu près
celui de la route moderne.
Une telle voie de communication
se révélait d'intérêt majeur pour les ultramontains
puisqu'elle unissait par-dessus la montagne les possessions italiennes
à l'unique partie du domaine donnant accès à la mer,
par un col moins élevé (1908 m) que ceux qui existaient, à
l’époque. En outre, elle favorisait les échanges commerciaux
entre le comté de Nice et le Piémont, permettait un ravitaillement
direct du premier en produits agricoles et cheptel, libérait enfin
l’état d'une tutelle étrangère sur un point de première
importance : l'importation du sel, presque un monopole jusqu'alors du grand
voisin de l'ouest, fournissant à la diplomatie française un
excellent moyen de pression. Le voyage de Nice à Cunéo, par
la vallée de la Roya, dure cependant près d’une semaine.
Par la prise de Grenoble en 1590, Lesdiguières est maître
du Dauphiné. Fin politique, il cesse d’être un partisan pour
servir Henri de Navarre devenu roi de France. Il impose le calme et défend
sa province contre les assauts que Victor Amédée de Savoie,
profitant des circonstances, lance contre lui.[55]
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