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Chapitre XVI.
LES GUERRES D’ITALIE (1494-1559) .
Sous Charles
VIII.
En Castellata
Sous Louis
XII
.
Saluces,
avec la France.
Sous François
1er.
Vérification
de frontières en Castellata.
Succession
difficile à Saluces.
La France
occupe la Savoie.
Saluces et
ses deux frères, marquis ennemis.
Attaque
impériale en Provence.
Entrevue
, puis
siège
de Nice
.
Le Piémont, vu du Vatican
Les Vaudois
des Alpes descendent en Provence.
Leurs « Barbes ».
Les Vaudois deviennent protestants.
Les prétentions françaises sur Naples puis Milan déclenchent
une série de guerres que l’on nomme «Guerre d’Italie».
Elles durent 65 ans, sous trois règnes des rois de France : d’abord
sous Charles VIII, roi de France(1494-1496), puis sous Louis XII (1499-1512)
et enfin sous François Ier (1515-1525) contre Charles Quint.
Sous Charles VIII.
L’initiative de Charles VIII, en 1494, en Italie, ouvre cette période
de guerres, au cours desquelles le va-et-vient des armées étrangères
dans les Alpes est pratiquement continuel. Il passe le col du Lautaret,
Briançon, puis le Mont Genèvre, le 3 sept 1494 (le duc de Savoie
a accordé le libre passage aux troupes). Quant à l'artillerie,
les stratèges français n'ont garde de s'en encombrer. Elle
gagne les flots bleus de la Méditerranée, et par mer, est débarquée
à la Spezia. Charles est accueilli favorablement à Milan et
à Pise. Il entraîne la chute des Médicis à Florence
et le rétablissement d’une république, puis entre, le
31 décembre à Rome et le 21 février 1495 à Naples,
sans résistance.
Le roi de France aime bien
le marquis de Saluces Le marquis le lui rend bien, lorsqu’il l’attend à
Suse pour l’accompagner dans sa campagne d’Italie, jusqu’à Turin
et Asti.
Une “Sainte Ligue", en mars
1495, force le roi Charles VIII à reprendre la route du nord et il
doit forcer le passage à la bataille de Fornoue (juillet 1495). La
France conclut un armistice en 1497 et Naples repasse à la dynastie
aragonaise.
Au retour, le marquis aide le roi avec 500 de ses soldats à se
sortir du guêpier de la Sainte Ligue.
Le 6 février 1498,
le marquis rédige son testament qui laisse le pouvoir à son
épouse Marguerite de Foix et fait de son fils aîné Michel
Antoine son successeur.
En Castellata, le calme règne, à tel point que le châtelain
oublie de faire monter la garde aux châteaux de Casteldelfino et de
Bellino et porte à son propre crédit la somme de 140 florins
l’an qu’il aurait dû utiliser pour payer trois hommes d’armes. Dénoncé
au procureur général du Dauphiné, et après une
enquête d’un commissaire du parlement de Grenoble qui vérifie
les faits en avril 1505, le procureur ordonne au vice-châtelain
Eusebio Seyman de pourvoir immédiatement ces postes, comme prévu
par le décret du 2 juin 1486, et de rembourser les sommes indûment
payées.
Lors du renouvellement de
la reconnaissance delphinale faite le 21 septembre 1390, le noble Enrico
Bonnabel a reconnu, en présence du notaire Bouvier qu’il doit quelque
argent au dauphin. Décédé avant d’avoir remboursé,
l’affaire est portée en justice et après information du secrétaire
delphinal Guigo Bandet, la Chambre des Comptes décide que les héritiers
doivent rembourser le dauphin (septembre 1508).
Représentation
des villes, vers 1500. Carte Bianchinella, extrait.
Bibliothèque
de Cessole, d'après "Tende 1699-1792" de Marc Ortolani.
Sous Louis XII.
Charles VIII meurt d’apoplexie à 27 ans. Sans enfant, c’est le duc
d’Orléans qui lui succède sous le nom de Louis XII (1498-1515).
Le nouveau roi de France s’intitule d’emblée roi de Naples et duc
de Milan, sa grand-mère étant une Visconti. A Saluces, on souhaite
continuer les bonnes relations avec la France et on rend un hommage immédiat
au nouveau roi. Une puissante armée française passe en Lombardie,
occupe Milan (1499) et Gênes, puis descend sur Naples.
Le marquis de Saluces et
ses hommes suivent le roi de France et le marquis devient son lieutenant
général et vicaire du royaume de Naples où il fait
lever le siège de Gaète aux Espagnols. Il reprend Trajetto
et Fundi. Le roi l’honore de l’Ordre du Collier de Saint Michel en 1500.
Mais les Espagnols sont vainqueurs
de cette armée mal ravitaillée. Les exploits de Bayard sur
le Garigliano n’empêchent pas la capitulation française à
Gaéte (janvier 1504).
Le marquis de Saluces tombe
gravement malade pendant la retraite et meurt le 27 janvier 1504, à
65 ans. Transporté à Saluces, il repose dans un cercueil de
marbre blanc, dans l’église St Jean. Ces quatre fils vont successivement
occuper le trône du marquisat. Le dernier marquera la fin des marquis
de Saluces.
L’armistice de Lyon
abandonne Naples au roi d’Aragon, mais Louis XII garde le Milanais et Gênes.
En 1506, Gênes se révolte contre la France et Louis XII vient
personnellement remettre dans l’obéissance la ville rebelle.
Saluces, avec la France.
Michel Antoine, onzième marquis de Saluces, né en 1495, n’est
pas majeur à la mort de son père et sa mère Marguerite
de Foix, femme avisée et ambitieuse, devient tutrice. Elle lui donne
un précepteur érudit, le poète Bernardino Dardano de
Parme. A l’âge de dix ans, elle envoie le jeune marquis saluer le
roi de France à Asti lorsqu’il descend vers Gênes rebelle. A
cette occasion, l’enfant-marquis reçoit la médaille de l’ordre
de St Michel, est promu capitaine et gouverneur d’Asti.
Saluces est érigé
en évêché par le pape Guilio II, sur la demande acceptée
de la régente. Le 26 octobre 1511, la cathédrale de Saluces
est érigée en collégiale et une bulle pontificale du
29 octobre déclare l’évêque de Saluces indépendant
de la juridiction de Turin. Le nouveau diocèse regroupe 72 paroisses
du marquisat dont 58 dépendaient de Turin, 10 d’Alba et 4 d’Asti,
et parmi ces paroisses, les quatre de la Castellata. Mais ces quatre paroisses
resteront sous la juridiction de Turin jusqu’en 1788, probablement sur intervention
du gouverneur du Dauphiné, pour marquer leur indépendance
vis à vis du marquisat.
Le jeune marquis Michel Antoine
( il a 14 ans) participe à la Ligue de Cambrai, contre celle de Venise,
aux côtés du roi de France et participe à la bataille
de Giuradadda (19 mai 1509), une défaite des Vénitiens.
Le souverain pontife, reconnaissant
comme une erreur politique le fait d’avoir affaibli Venise, dernier rempart
contre les Turcs, souhaite revenir sur ses alliances. Il proclame une Sainte
Ligue qui regroupe, autour de Rome et de Venise, Ferdinand d’Aragon, les
cantons suisses et le roi d’Angleterre. Cette Sainte-Ligue s’oppose
à la France.
La France, et son allié
de Saluces, sont d’abord victorieux, mais battue à Ravenne (1512)
la Sainte Ligue réussit à envahir la Lombardie obligeant les
Français à repasser les Alpes.
Les vainqueurs en profitent
pour se tourner vers Saluces, obligent la régente à jurer
fidélité à la Sainte Ligue, à porter en tous
lieux du marquisat les couleurs de la Ligue et lui imposent une contribution
de guerre de 60.000 florins. Le marquis est contraint de rentrer à
Saluces.
Les Sforza prennent le contrôle
de Milan, qui s’agrandit d’Asti enlevée aux Français. Gênes
se libère de la tutelle française. Puis les Médicis
reprennent Milan.
Louis XII se dispose à
reprendre la guerre en Italie, pour ressaisir quelques lambeaux du Milanais
quand il meurt en 1515, laissant la couronne de France à son cousin
germain, François 1er , comte d’Angoulême et duc de Valois,
Il est aussi le neveu du duc Charles III de Savoie.
Notons le mariage, en 1502, d’un fils bâtard de Philippe II de Savoie,
René, avec Anne Lascaris de Tende. René de Tende participe
aux batailles d’Italie, aux côtés de la France, et est élu
grand sénéchal de Provence, par lettres patentes de Louis
XII.
Sous François 1er.
François Ier
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François 1er est roi de France de 1515 à 1547. Dès
1515, il décide d’attaquer la Lombardie. Il a 20 ans. Les confédérés
se préparent à arrêter cette armée, arrivent
en grand nombre en Piémont et sous prétexte que la marquise
n’a pas respecté ses devoirs envers la Ligue, 8 à 10.000
suisses s’installent dans Saluces, consomment les vivres et saccagent le
château. La marquise et son fils doivent se réfugier en Val
Macra, à Acceglio.
Les Suisses se considèrent
comme les véritables maîtres du Piémont et, avec
les troupes du duc Sforza de Milan, barrent les grands passages alpins,
de la Stura à Pinerolo. Ils s’avancent pour couper la route au roi
et s’emparent au passage de Cunéo, Pignerol, et Suse, en plus de
Saluces.
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François Ier oblige
la Savoie à rester sous son protectorat. Avec 40.000 hommes, et
son artillerie attelée, il franchit le col du Montgenèvre.
Le gros des troupes du Queyras part de Guillestre, en direction de Cunéo,
par les cols de Vars et de Larche (août 1515).
Le succès d'une telle entreprise exigeait que rien ne soit laissé
au hasard. Un certain maréchal Trivulzio, natif de Milan, mais
compromis avec les Français, établit ses quartiers à
Embrun, et de là, avec l'aide des gens du pays, reconnaît en
personne les itinéraires possibles.
Il visite les cols du Queyras, mais son choix final se porte sur Vars
et Larche. Par le col dédié plus tard à Bayard (lequel
faisait partie de l'expédition), l'armée, d'abord rassemblée
entre Grenoble et Lyon, parvient à Guillestre, au bas des pentes
qu'il faut aménager en de nombreux endroits.
Après les pionniers venait l'avant-garde avec Trivulzio et le Connétable
de Bourbon : "Composée de troupes légères à
pied et à chevaI, l'infanterie était armée d'arbalètes
et d'arquebuses. Elle comprenait un corps de 4.000 Dauphinois, ancêtres
des chasseurs alpins, et un autre de 6.000 Gascons... les meilleurs marcheurs
d'Europe. " (J. Perreau)
Ensuite vient le corps
de bataille : "D'abord, allant au son des tambours et des fifres,
8.000 fantassins français des vieilles bandes de Picardie ; puis,
leurs enseignes noires claquant au vent, 22.000 lansquenets allemands,
armés de hallebardes et de piques, habillés de culottes
bouffantes, ombragés de panaches multicolores... 2.500 lances garnies
de Ia gendarmerie d'ordonnance, représentant 10.000 cavaliers
avec les écuyers et les pages... le Roi, avec son état-major
de princes et de chevaliers, hommes et chevaux étincelants au soleil,
sous leurs armures dorées...
"
Bien persuadés que les Français utiliseront le Mont-Genèvre
, les troupes de la Ligue s'apprêtent à les bloquer
au Pas de Suse. Aux fins de les conforter dans cette profitable illusion,
le roi fait une feinte avec de la cavalerie qu'il envoie caracoler dans
ces parages tandis qu'à Vars, on s'occupe fébrilement de
choses sérieuses : faire passer la crête des Alpes à
72 canons de bronze, dont les plus lourds sont transportés par
un attelage de vingt-trois chevaux... Tantôt on se contente d'améliorer
la piste, tantôt on l'élargit en établissant des charpentes
de fortune, tantôt il faut faire jouer la mine. 3.000 pionniers
dirigés par Pedro Navarro s’en chargent. Cet Espagnol utilise la
poudre à canon pour se frayer passage parmi les roches.
Pour franchir certaines
ravines, les pièces séparées de leurs affûts
sont descendues et rehissées à grand renfort de câbles
et cabestans... Au soir du 8 août, l'avant-garde a traversé
Vars. Le 9 août, elle bivouaque dans les alpages de Larche. Les
deux jours suivants, les pionniers bataillent pour établir une voie
praticable dans l'étroit pasage des "Barricades" déjà
signalé. Le 14, la tête de l'armée est en vue de Coni,
où, le lendemain, arrive l'état-major.
Pendant ce temps, par le col Agnel, Bayard, le chevalier
sans peur et sans reproche, avec de l'infanterie et de la gendarmerie
d'ordonnance, débouche sur le versant oriental, descend la vallée
de la Varaïta, franchit un contrefort et se retrouve à quatre
lieues de Coni, couvrant ainsi le flanc gauche de l'armée. A
Melle, il franchit le col de la Dragonnière pour tomber sur Dronero
dans la vallée de la Maira. Ayant appris que Prosper Colonna vient,
en toute quiétude, de prendre ses quartiers, à Villafranca,
il fonce sur cette place, culbute un parti d'éclaireurs, pénètre
en ouragan dans la cité avant que la garde, sidérée,
ait eu le temps de relever les portes, et "cueille" littéralement
le généralissime ennemi au moment où celui-ci, la
serviette au cou et la fourchette en l'air, s'apprête à faire
honneur au premier plat ! Le même Colonna s'étant vanté
d'attraper Bayard "come pippione nella gabbia", comme un pigeon
dans la cage, on appréciera l'humour de la situation. Bayard récupère
un butin de 150.000 écus et fait de nombreux prisonniers.
Telles furent les
prémisses alpestres de la fameuse bataille de Marignan où
cette même artillerie que l'on avait eue tant de mal à passer
par les mauvais chemins, joue un rôle décisif.
Les Français remportent la bataille de Marignan les
13 et 14 septembre 1515 et annexent le Milanais, Parme et Plaisance.
Marguerite de Foix, marquise
de Saluces vient féliciter François Ier à Milan
et lui rendre hommage le 22 octobre 1515.
Après ce rapide
triomphe français, le pape Léon X propose la paix et un
traité est signé à Bologne avec le roi de France,
accompagné du marquis de Saluces.
René de Tende
est nommé gouverneur de Provence, grand maître de France
et grand-admiral de la Méditerranée, en 1515, par François
Ier.
Fin janvier 1516, le roi repasse les montagnes et le marquis de Saluces
rentre chez lui.
Notre jeune marquis de Saluces est en âge de prendre le pouvoir
dans son marquisat. Sa mère accepte mal d’être écartée
du pouvoir. Elle change son titre de tutrice en celui de gouverneur et
administrateur de l’état et expédie son fils en France.
Le duc de Savoie Charles III, qui est l’oncle de François Ier
et le beau-frère de Charles-Quint, souhaite rester neutre dans
ce conflit, mais malgré les bons offices qu’il rend à son
royal neveux François Ier, celui-ci revendique la part des biens
de sa mère Louise de Savoie, à savoir, Verceil et Nice. Le
duc refuse et cette querelle refroidit les relations entre les deux hommes.
[72]
Vérification
de frontières en Castellata.
Le gouverneur du Dauphiné et le Parlement confient à Fransesco
Marc du baillage de Briançon la mission de vérification
des frontières de la Castellata en 1519-1520. Par un contrat daté
du 12 mai 1522, le dauphin prend à son compte les revenus des péages
et de la mine de fer. Le péage lui rapporte 15 florins et 3 gros
et la fonderie, 6 florins. Une somme d’argent est réservée
à la réparation de la chapelle intérieure du château
de Casteldelfino.
Charles Quint
|
L’année 1519, le nouveau
roi d’Espagne, Charles Ier (qui sera, trois ans plus tard l’empereur
Charles Quint) accepte, à
son tour, l’implantation française en Milanais. Mais en 1521, la
Savoie s’allie avec Charles Quint et y gagne le marquisat de Dolce-Acqua
qui est rattaché au comté de Nice. En novembre 21, les impériaux
surgissent devant Milan qui se soulève et chasse les Français.
Fransesco Sforza revient sur le trône milanais. François Ier,
qui souhaite devenir empereur, s’oppose par la force à Charles Quint.
Le marquis de Saluces est à nouveau à ses côtés.
Par la victoire de
la Biccoca , Charles Quint devient maître du nord de l’Italie.
Les confédérés victorieux envahissent le marquisat
de Saluces et la marquise doit se réfugier à Sampeyre,
en Val Varaita. Elle souhaite épargner ses sujets et se soumet,
finalement en jurant fidélité à l’empereur, alors
que son fils proteste et parle de contrainte.
|
Deux mille cavaliers et 25.000 fantassins passent alors le col de Tende,
pendant que la flotte l’emporte sur la flotte française à
Villefranche. Le duc de Bourbon, passé à l’ennemi, franchit
le Var en juillet, envahit la Provence, soumet Toulon et Aix et va assiéger
Marseille, sans succès (1524). Puis les Impériaux
reculent jusqu’en Italie, par Tende, poursuivis par les Français
qui pillent Nice et massacrent l’arrière-garde. Les Espagnols reculent
jusqu’en Italie.
François Ier passe
à nouveau les Alpes, reprend Milan abandonnée par les Impériaux,
y nomme gouverneur le marquis de Saluces, met le siège devant
Pavie et envoie ses troupes conquérir le royaume de Naples.
Comme si les guerres ne suffisaient pas, la période est aussi marquée
par les luttes religieuses contre les Vaudois et les protestants.
L’année 1525 est marquée par un revers français et
François Ier est battu. Tombé de cheval et blessé,
il est fait prisonnier à Pavie et est enfermé à
Pizzighettone. 10.000 hommes périssent dans cette terrible bataille,
parmi lesquels les plus valeureux capitaines français. Fransesco,
frère du marquis de Saluces est lui aussi fait prisonnier.
Quinze jours après
cette bataille, il n’y a plus aucun français en Piémont.
Louise de Savoie, mère de François 1er,
prend les rênes, gère les affaires, rembourse les dettes pendant
que son fils est prisonnier. Celui-ci est conduit à Gênes,
puis en Espagne, par galères. André Doria assure la protection
de la flotte.
Le marquis de Saluces se retire
en France, et en récompense des services rendus, Louise de Savoie
le nomme gouverneur du Dauphiné. C’est ainsi que la Castellata retrouve
ses anciens seigneurs. Revenu dans sa capitale, il y trouve la peste et
doit se réfugier d’abord à Revello, puis en France. Cette
peste piémontaise anéantit un tiers de la population de Saluces
pendant la seule année 1525. Pour éviter de tout perdre, le
marquis charge son frère Jean-Louis de traiter avec les Impériaux,
pendant que la régente de France lui donne le 8 janvier 1526
le comté de Castres pour lui assurer des revenus.
L’empereur Charles Quint souhaite récupérer la Bourgogne,
en échange de la liberté de François Ier. La régente
de France traite avec lui. François 1er promet, donne ses enfants
en otage et rentre en France, pendant que Louise de Savoie dénonce
l’accord.
Cet accord prévoit aussi le retour
du marquisat de Saluces à son propriétaire. Mais le marquis
préfère rester en France et c’est sa mère qui, avec
joie, reprend le pouvoir à Saluces et fait enfermer pendant trois
ans son second fils au château de Verzuolo pour entente avec les impériaux
et parce qu’elle le considère comme simple d’esprit.
Pendant ce temps, François
1er, à peine libéré, avance en Italie, secondé
par le marquis Michel Antoine, contre le pape, Venise, l’Angleterre, Florence
et Milan, reconquiert le Milanais, puis Florence, met à sac Rome
(1527) et lance ses armées sur Naples.
Gênes devient cependant cité impériale (1528), grâce
à la présence de la flotte de Doria.
François 1er est assiégé
par les Impériaux à Aversa en 1528. Alors que le marquis
de Saluces, presque seul chef de l’armée française, défend
la place, il est mortellement touché au genou par un éclat
de boulet de canon. Transporté à Naples par Alfonso d’Avales,
marquis de Vasto, il fait son testament le 17 octobre 1528 en présence
de ses compagnons d’armes. Il déshérite son second frère
du pouvoir et nomme François, le troisième frère comme
marquis et à défaut le quatrième, Gabriel. Il meurt
à 33 ans et est enterré à Rome.
Par le traité de Cambrai
(1529), François 1er abandonne ses possessions et prétentions
en Italie, et Charles Quint renonce définitivement à la Bourgogne.
La Savoie, alliée de Charles
Quint, gagne Asti en 1531.
Succession
difficile à Saluces.
Ayant fait hommage à François Ier, le marquis Michel Antoine
désigne pour successeur, avant de mourir, son frère François
au détriment de son autre frère, Jean-Louis, qui devait recevoir
le marquisat.
Leur mère, la marquise,
pense que le salut ne peut venir que de France et qu’elle peut sauver son
pouvoir en soutenant François. Apprenant la nouvelle de la mort
de Michel Antoine et connaissant les dispositions testamentaires, elle
envoie un message à son fils François, en France, le priant
de rentrer immédiatement pour prendre possession du marquisat et
fait emprisonner Jean-Louis à Verzuolo..
Cette guerre fratricide
va amener la fin du marquisat. Les disputes d'Isabelle Doria de Gênes,
épouse de François, et de la mère Marguerite de Foix
vont affaiblir le marquisat, jusqu’à lui faire perdre son indépendance.
Le peuple de Saluces en a
assez de ces manigances, de ces intrigues, du despotisme de la marquise,
de l’injuste persécution de Jean-Louis et souhaite faire respecter
la tradition en ramenant sur le trône le fils légitime. En
secret, le 23 novembre 1528, la population se rassemble par petits groupes,
guidée par quelques nobles, près du château de Verzuolo.
Le châtelain Isnardi, doit abaisser le pont-levis et ouvrir les portes
de fer. Le comité entre dans la prison et trouve le marquis Jean-Louis,
qui n'est pas au courant, blotti derrière quelques personnes de
Verzuolo, apeuré devant ces hommes de Saluces qui arrivent dans
l’obscurité de sa porte. Il s’enfuit vers ses fidèles, essaie
d’escalader une fenêtre puis s’élance vers les gardes de la
porte principale, avant de se rendre à l’évidence : on n’est
pas venu là pour l’assassiner.
Sorti de prison, il est près
de minuit quand, l’épée à la main, Jean-Louis trouve
sa mère couchée dans sa chambre. Posant son épée,
il la traite avec respect, explique que la volonté du peuple est
de le voir régner et que, si elle veut bien, il restera son fils
obéissant et lui laissera le pouvoir suprême. La mère
gagne du temps, fait semblant d’accepter, puis appelant ses fidèles
serviteurs, elle s’enfuie et se réfugie à Revello où
elle cherche le moyen de supplanter ce fils illégitime à ses
yeux. Pour plus de sécurité, elle gagne Casteldelfino en haute
vallée Varaita, terre du roi de France. Elle n’y reste pas longtemps,
ayant trouvé un plan pour renverser son fils. Elle redescend dans
la plaine, entre en relation avec le capitaine français Saint Pol
qui a de nombreuses troupes près d’Alexandrie.
Pendant ce temps, le nouveau
marquis Jean-Louis prend le pouvoir et devant les menaces de sa mère
et de son frère François associés aux Français,
il ordonne l’arrestation du vicaire général du marquisat, Cavazza
et de ses partisans, les fait enfermer à Revello, tolère le
saccage du palais de son frère et l’incendie du couvent Saint Bernardin,
lieu de résidence du confesseur de sa mère, et par l’intermédiaire
de Jean-François de Saluces, co-seigneur de Manta, il traite avec
Saint Pol, lui promet beaucoup et envoie un ambassadeur au roi de France
pour plaider sa cause.
Le roi répond à
cet appel en envoyant une personne de confiance avec pour mission de rétablir
la paix dans la famille du marquis, de traiter avec la marquise et de faire
déposer les armes.
Ceci est inutile car François
avec troupes et canons se porte vers Saluces. Le premier assaut est repoussé
sous une pluie d’insultes des habitants de Saluces. Ne pouvant obtenir
par la force ce qu’il souhaite, François arrête le siège
et, sur les conseils de sa mère, passe les Alpes, se rend à
Grenoble où, en janvier 1529, il fait hommage du marquisat au roi
de France, déclare tenir de lui une promesse d’obtenir le marquisat
dans les six mois, avec toutes ses terres.
Sa mère use de son
influence de ses liens de parenté avec le roi pour soutenir son
fils François et faire condamner Jean-Louis. En présence
du roi, elle accuse Jean-Louis d’être désobéissant
envers sa mère, d’être un rebelle et l’accuse aussi du crime
de lèse-majesté. François énumère, lui,
les services qu’il a rendu à la France et démontre au roi
qu’il a besoin d’un marquis guerrier pour défendre les Alpes et
pas d’un enfant de chœur pacifique.
Le roi François Ier
trouve que cette intrigue est bien compliquée, écoute la mère
et le fils et demande à Jean-Louis de venir s’expliquer à
son tour et se disculper des délits dont on l’accuse. Jean-Louis.
qui a promis de respecter l’hommage au roi de France son souverain direct,
part de Saluces en mai 1529, passe par la vallée du Pô ou par
le Val Varaita, vers la France. A peine sur le sol français, il est
arrêté sur ordre du roi, conduit à Paris et enfermé
dans une tour de la Bastille et l’on commence un long procès contre
lui.
Du château de Verzuolo
à la Bastille, le pauvre marquis n’a pas eu le temps de respirer l’air
de la liberté.
Le roi de France donne l’investiture
du marquisat à François, sans attendre la fin du procès
et par lettre du 2 juin, le fait lieutenant général de son
Etat d’Italie.
François, fort de l’investiture
et de la protection du roi s’en retourne en Piémont, traverse le
col de Sutron en Val Macra, se heurte aux montagnards fidèles à
Jean-Louis, puis descend vers la plaine de Saluces où il rencontre
une forte résistance et il doit recourir à la force pour
arriver jusqu’à la cité de Saluces. Les combats durent plusieurs
jours, mais finalement les habitants de Saluces sont incapables de résister
à la volonté d’un roi de France si puissant, qui a donné
son investiture, et pour éviter de nouveaux déboires, ils
se soumettent au destin et reconnaissent François comme souverain.
Après 17 mois de prison,
sans jugement de Jean-Louis, François se rend à Paris et
obtient un jugement qui condamne le frère pour désobéissance
et félonie. Le marquisat dans son ensemble est sous le contrôle
de François et du roi de France.
Ainsi la basse vallée
Varaita est sous le contrôle de la France.
La France
occupe la Savoie.
La guerre reprend (1532-1536) entre François 1er et Charles Quint,
empereur. En février 1535, François Ier rassemble une puissante
armée près de Lyon, pour reconquérir le Milanais,
somme le duc de Savoie de lui donner Nice, Asti, Verceil et le Faucigny
et de lui laisser le passage sur ses terres. En même temps, et de
concert avec la France, les Suisses attaquent la Savoie qui perd les pays
de Vaud, de Gex et du Chablais [72].
Toujours neutre et installé
à Turin, Charles III de Savoie ne réagit pas. Du coup,
François Ier envahit la Bresse, puis toute la Savoie, sans rencontrer
la moindre résistance, sauf en Tarentaise (1536). L’occupation française
de la Savoie va durer de 1536 à 1559.
Ce n’est qu’en Piémont que Charles III se défend et attaque
les Français [72]. Dans les premiers mois de 1636, 25.000 français
se rendent dans le marquisat de Saluces pour aider le marquis Fransesco
à prendre Turin au duc de Savoie.
Saluces et ses deux frères, marquis ennemis.
Le roi de France exige du marquis François la reconnaissance de
son droit de souveraineté, mais celui-ci, ayant quelques espérances
du côté de l’empereur dans l’affaire de succession du marquisat
de Montferrat où il est opposé aux ducs de Savoie et de Mantoue,
décide de trahir le roi de France et de se ranger du côté
de Charles Quint. [72]
Jean-Louis, frère
du marquis est toujours en prison à la Bastille, cette année
là (1536), n’étant toujours pas jugé pour le crime
de lèse-majesté. Le roi de France fortement surpris et en
colère riposte à cette trahison en faisant libérer
Jean-Louis, qui de simple d’esprit, félon et rebelle, devient subitement
le vrai, l’unique seigneur du marquisat, le fidèle du roi de France.
On lui promet troupes et artillerie pour reconquérir son domaine perdu.
Jouet de la politique française, pions au milieu des grands, les frères-marquis
de Saluces se retrouvent face à face.
Jean-Louis
avec ses quelques milices passe le col Agnel. Il est bien accueilli par les
habitants du marquisat, et en compagnie de Guy Rangoni , Général
des Français, il se fait prêter serment de fidélité
par ceux de Saluces. Mais il tombe peu après entre les mains des
Impériaux est très rapidement fait prisonnier par son frère
François qui poursuit sa lutte contre le roi de France jusqu'au siège
de Carmagnole où il est tué (1537).
Il reste le troisième
frère, Gabriel, jusque là évêque d'Aire : il
est proclamé marquis de Saluces à son tour et fait hommage
au roi de France (1537).
Attaque impériale en Provence.
Pendant ce temps (1536), Charles Quint, qui n’aide pas
la Savoie, préfère attaquer du côté de la Provence.
Les Impériaux évitent les
troupes de François 1er qui attendent au col de Larche (Colle della
Maddalena), les trompent par une feinte, réussissent à passer
Tende, franchissent le Var à Saint-Laurent, le 25 juillet. Les milices
de Nice traversent aussi le Var et occupent Gattières, pendant que
Charles Quint s’installe à Villeneuve Loubet. Les troupes envahissent,
à nouveau, la Provence, où l’évêque de Nice sacre
Charles Quint, roi d’Arles. François 1er pratique la tactique de la
terre brûlée : 100 villes ou villages de Provence sont anéantis,
les moulins sont rasés, les champs sont desséchés.
L’invasion s’achève
par une retraite désastreuse vers l’Italie. François 1er et
le pape Clément VII se rencontrent à Marseille pour célébrer
le mariage d’Henri d’Orléans et de Catherine de Médicis.
Dans le duché de Savoie :
Ces vingt-trois années d’union
à la France exercent une influence profonde dans le duché de
Savoie. Un parlement est établi à Chambéry, peuplée
de magistrats français. La Savoie est tout imprégnée
de la civilisation du XVIe siècle, humaniste et raffinée. Cette
union au grand royaume des Valois est plus sensible encore en Genevois, que
le duc Charles III donne en apanage, en 1514, à son cadet Philippe.
[9]
Charles III de Savoie
se réfugie à Nice. Il ne lui reste plus que Nice, Aoste, Cunéo
et Verceil. Pendant ce temps Charles Quint hérite de Milan.
Entrevue de Nice.
En 1538, les belligérants
souhaitent en finir avec les guerres et ont recours au pape Paul III.
Celui ci décide de les réunir à Nice : François
1er, s’installe à Villeneuve (Loubet), le pape Paul III se déplace
jusqu’à Nice, et Charles Quint choisit Villefranche.
Voir la reconstitution de l'arrivée de François Ier à
Villeneuve-Loubet
Le comté de Nice intéresse le roi et l’empereur,
aussi Charles III de Savoie, qui est chez lui, se garde de répondre
aux trois prétendants. Les conférences ne donnent rien, en
particulier pour le contrôle du duché de Milan. L’entrevue
entre les ennemis n’aura pas lieu, personne ne voulant faire le premier pas,
malgré la médiation du pape. On en reste au statut-quo et la
France garde les terres occupées de la Maison de Savoie. On décide
cependant d’une trêve. [72]
L’entrevue
aura finalement lieu ailleurs, à Aigues-Mortes, François 1er
étant revenu vers Salon et Charles Quint repartant, par bateau, vers
l’Espagne.
La trêve
est de courte durée car elle est rompue en 1540, Charles Quint donnant
l’investiture du duché de Milan à son fils. En 1542, les hostilités
reprennent.
Siège de Nice.
L’année 1543 est marqué
par le siège de Nice par les Français du duc d’Enghien et par
les Turcs de Barberousse que François 1er a appelé à
l’aide. Les Niçois réfugiés au château résistent,
le consul Barthélémy Galléan “s’apprête à
mourir plutôt que de se rendre” et une lavandière, Catherine
Ségurane entre dans la légende en montant sur les remparts
et en montrant son... sa volonté de résistance. Elle arrache
un étendard aux turcs. La ville est pillée.
Barberousse, allié de François 1er, ravage tout le littoral.
Il incendie Menton, Roquebrune, va jusqu’à Oneille où il rencontre
une forte résistance des habitants. Le château résiste
jusqu’à l’arrivé du duc de Savoie avec 12.000 hommes. Le siège
est levé. Barberousse, mécontent, et en dépit du traité
signé avec François 1er lui interdisant le pillage, les razzias
et la prise de prisonniers, fait 5.000 prisonniers dans l’arrière-pays
niçois, prêt à les emporter comme esclaves. Mais il doit
finalement les libérer sous la pression du roi de France.
Le duc de Savoie fait son entrée
à Nice le 12 septembre 1543 et est reçu par Barthélémy
Gallian (?) qui l’accueille avec le discours suivant : « Prince,
vous voyez le reste de cette population fidèle qui a tant souffert
pour garder ses serments. Nos plaies sont encore saignantes et profondes.
Vos yeux vont voir le tableau affligeant de nos ruines ; mais vos bienfaits
sauront les réparer. »[52]
L’année suivante, les
Français sont vainqueurs à Cérisoles, contre les Espagnols,
et François 1er annexe la Savoie et le Piémont occidental,
alors que les Espagnols conservent le Piémont oriental. Le domaine
de la Maison de Savoie se limite alors à 6 villes (Cunéo, Asti,
Ivrée, Verceil, Aoste et Nice), pratiquement plus rien.
Il faut faire quelque chose pour
sauver cette Maison. Emmanuel Philibert de Savoie l’a compris et il décide
de passer dans l’armée de Charles Quint. En 1553, il en devient le
commandant en chef. La paix de Crécy en Valois (1544) laisse le Milanais
à l’empereur et la Savoie à la France.
Notre dernier marquis de Saluces,
Gabriel, le dernier des frères ennemis, ne reste pas longtemps souverain
de son marquisat. Suspect aux yeux des Français, il est arrêté
à Revello par Jacques Caraccioli et par Pierre Strozzi et conduit
à Pignerol où il meurt d’apoplexie en 1548, en mangeant un melon,
non sans soupçon de poison.
Le marquisat de Saluces, est alors purement et simplement
annexé à la France par Henri II, successeur de François
1er : c’est la fin de la dynastie des marquis de Saluces. Sa possession est
un atout pour la France, car le marquisat, avec ses cols alpins et son château
de Carmagnole, permet de passer les Alpes et d’installer une garnison française
à moins de 30 km de Turin. Henri II est aussi attiré par l’Italie
et il aide Sienne (52-55), contre Gênes et aussi le pape (51-54) contre
Naples.
La France envoie même une armée, avec François de
Guise, en Italie centrale, contre Naples. Mais en 1557, Emmanuel Philibert
bat les Français à St Quentin alors que Cunéo repousse
les Français après un siège de 2 mois. Ce désastre
de St Quentin (1557) oblige la France à rappeler ses troupes.
Tous ces événements
militaires, toutes ces conquêtes n’empêchent pas les braves gens
de nos vallées de traiter leurs problèmes, de penser à
leur éducation et aussi de changer leurs mœurs religieuses : en 1549,
les représentants de la Castellata sont devant la Chambre des Comptes
de Grenoble, pour se faire exempter du paiement des taxes sur les marchandises
de Briançon. Un décret est pris, dans ce sens, en 1554.
Dès le XVème
siècle, en Queyras, on note la présence de “recteurs” ou “régents”,
chargés d’instruire les jeunes générations. Les longues
journées d’hiver donnent du temps pour l’éducation, et beaucoup
apprennent à lire et à écrire.
Le Piémont, vu du Vatican
Carte du Piémont ; Galerie des cartes; Musée du Vatican.
Photo JG
Les Vaudois des Alpes descendent en Provence.
Les Vaudois s’étaient
perpétués dans les Alpes, avec prêtres et barbets,
depuis le XIIIe siècle. Les persécutions et les bûchers
élevés en 1475 ne dissipent pas la progression des croyances
Vaudoises.
Peu après cette
date, une grande émigration part des Alpes pour la Provence et
le Comtat Venaissin. Les calamités du XIVe siècle, peste,
guerre et routiers ont laissé une Provence exsangue : les villages
sont abandonnés, les seigneurs sont sans main d’œuvre alors que
les Alpes, plus calmes, connaissent une croissance importante de la population.
L’attrait d’une vie plus facile explique ce vaste mouvement. De nombreuses
familles seigneuriales provençales attirent des colonies de travailleurs
agricoles piémontais qui ne tardent pas à répandre
leurs idées [77].
Des vallées alpestres
du Piémont, en passant par Limone, Tende, Breil et Sospel, les
croyances vaudoises se répandent dans la vallée de Barcelonnette.
Mais c’est surtout la zone du Lubèron qui accueille 5.000 personnes
des diocèses d’Embrun ou de Turin entre 1470 et 1510. Nombreux
sont ceux qui arrivent des vallées vaudoises, fuyant pauvreté
et Inquisition, venant peut être aussi de nos vallées [77].
L’appellation de Vaudois
prend alors une connotation péjorative, s’applique seulement aux
disciples de Vaudès ( Pauvres de Lyon ) comme des « sectaires
». De là il n’y a qu’un pas, franchi au début du
XVe siècle, vers l’appellation de « sorciers ». L’Eglise
catholique encourage cette image et les Vaudois représentent Satan
et les forces du Mal, Il ne faut pas s’étonner si cette époque
est marquée par de nombreux procès en sorcellerie [77].
Nous avons déjà raconté une telle histoire de procès
en sorcellerie d’une personne de Bellino.
Leurs « Barbes ».
Voyons maintenant leurs prédicateurs,
les « barbes ». Leur recrutement se fait au sein du peuple
des adeptes, principalement parmi les bergers et les agriculteurs des vallées
piémontaises. Ceux qui ont une bonne réputation, vers leur
25ème année sont choisis, suivent une formation de 2 ou 3
ans, pendant les mois d’hiver, apprennent à lire et à écrire,
doivent connaître par cœur leur bible. Formés, ils sont alors
associés à un barbe plus ancien dans sa tournée pastorale
estivale, prennent un nouveau nom de barbe et commencent leur véritable
mission qui est d’évangéliser.
Ils sont envoyés,
toujours par deux, sur les routes en suivant des trajets précis
de maison connue en maison connue, parcourant des centaines, voire des
milliers de kilomètres, à pied, pour prêcher. Reconnus
par ceux d’une maison fidèle, les voisins vaudois sont vite rassemblés,
le soir au coin du feu pour entendre leurs prêches. Arrivés
de nuit, se cachant sous divers métiers (colporteurs, marchants,
artisans), ils repartent le lendemain matin à l’aube vers une autre
maison, une nouvelle assemblée. Après leur périple,
ils se réunissent une fois l’an dans les vallées alpines pour
traiter leurs affaires, rendre compte de leurs activités, de leurs
nouveaux adeptes et rapporter le fruit monétaire de leur collecte.
L’argent permet de préparer la saison suivante [77].
Les barbes sont porteurs
de livres, leur bible, manuscrite, de petit format, écrite en
langage populaire, en français ou plutôt en franco-provençal.
Plus de 200 manuscrits ont été retrouvés et identifiés
comme vaudois. Le livre leur apporte l’autorité du savoir ; la
langue populaire leur permet d’expliquer, avec les mots du peuple, les
messages à passer [77].
Les Vaudois deviennent
protestants.
Les premiers contacts avec
la Réforme datent de 1523, lorsque Luther écrit au duc
de Savoie pour lui demander de protéger les Vaudois du Piémont.
Dans les années qui suivent, les échanges sont constants,
en particulier par l’intermédiaire de Guillaume Farel, côté
Réforme. Troubles, doutes et drames de conscience, dialogues et
confrontation, réunion du synode des Pauvres de Lyon à Chanfran
(près du hameau de Serre), débouchent, en 1532, au règlement
des différents avec la Réforme, au renoncement des Vaudois
et finalement à l’intégration pure et simple dans le mouvement
réformé [77].
Guillaume Farel
S’en est fini des Vaudois,
c‘est à dire des Pauvres de Lyon : ils sont désormais protestants
et toute la diaspora « vaudoise » mettra quelques années
à digérer ce changement. Bien qu’il s’agisse d’une véritable
rupture avec le passé, la communauté adopte des habitudes
protestantes. Les études sur la population vaudoise du Lubèron
montrent avec quelle rapidité se fait ce changement : on adopte
les prénoms de l’Ancien Testament, on augmente le délai entre
naissance et baptême des nouveau-nés, on utilise les Temples
[77].
Si les Vaudois n’existent
plus, on continue cependant à appeler « Vaudois » ces
nouveaux protestants qui habitent les vallées alpines.
En 1535, Genève passe à la Réforme, sous l’influence
de Calvin, puis entre dans l'alliance helvétique
Mais, en France, les
persécutions ne sont pas terminées pour autant : en 1531,
François 1er a engagé les autorités civiles et religieuses
à rechercher les hérétiques. Dès 1536 la
persécution reprend et les habitants de Villelaure, Lourmarin
et Pertuis subissent le sort de certains Sospellois brûlés
en 1471 et dans les années suivantes : l’enquête provençale
découvre les villages du Lubèron et l’arrêt dit
de Mérindol, le 18 mars 1540, condamne 19 vaudois et Luthériens.
L’exécution tarde puis c’est le massacre de 1545 autorisé
par le pape qui craint pour ses terres du Comtat Venaissin tout proche,
et signé par le roi de France. Une véritable armée
catholique se forme et détruit 11 villages, tue, poursuit, ou emprisonne
les pauvres habitants de ces lieux, ex vaudois ou nouveaux protestants,
commet toutes les atrocités, pille et brûle. Au bilan, 2.700
morts, 600 hommes envoyés aux galères, des prisonniers et
des exilés. Un massacre à retentissement européen
qui, en réaction, fait gagner du terrain aux protestants dans toutes
les couches sociales. Cabrières, Mérindol, Lourmarin, Pertuis
restent gravés dans les esprits [77].
Malgré les édits
de 1560-1565 signés par Emmanuel Philibert, les protestants
deviennent très nombreux dans les Alpes.
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