S’il est une activité carombaise abondamment décrite dans
les archives municipales, c’est celle liée au blé, aux grains,
aux moulins et au pain.
Du blé jusqu’au pain, nous trouvons le détail de chaque étape
de la transformation et nous pouvons découvrir combien nos ancêtres
savaient tirer partie des ressources naturelles et savaient gérer
méticuleusement leurs activités agricoles.
Blé, seigle et orge.
La commune produit du blé, du seigle et de l’orge, principalement
dans ses plaines, mais la colline du Paty est parfois semée, bien que
le vice-légat l’interdise (1679).
La préparation des terres commence par les labours longtemps effectués
avec l’araire commun (araïre) qui ne creusait pas vraiment le sol, alors
que les pauvres utilisent pendant longtemps l’“eissado”. L’araire sera remplacé,
vers 1770, par la charrue Coutrier qui permettra des labours plus profonds.
Les chevaux, équipés de muselières et d’œillères,
tirent la charrue, puis les rouleaux de bois ou de pierre.
Vient alors le temps de l’ensemencement : semailles de printemps et semailles
d’automne, qui doivent être terminées le 30 novembre pour la
Saint-Michel. « Qui premeido, garbeiro » dit-on en provençal.
Le rendement moyen n’est pas très important : de 4 à 5 fois
la semence.
Jusqu’en 1765, on moissonne à
la faucille (« la voulame ») dans tout le midi, puis à
la faux. La chronique du village signale un grand blessé, cette année
là : un paysan, utilisant pour la première fois la faux, se
blesse grièvement. Mais rapidement nos faucheurs comprennent la technique
et développent leur matériel pour aiguiser leur faux
: pierre à aiguiser rangée dans un coffin de bois ou de corne
que l’on garde humide pour adoucir la pierre, marteau (« marteou »)
et petite enclume ( ou aire, «encap, enchape,.. ») pour rebattre
la faux, c’est à dire l’étirer à froid et obtenir un
meilleur tranchant, et protège-doigts (« dédau »)
en bouts de roseaux enfilés comme des dés.
“Sous le Consulat et l’Empire, les activités d'élevage et l'agriculture
reprennent le dessus sur les activités politiques. L'outillage reste
traditionnel : l'araire et la charrue Brabant tirés par des chevaux
sont utilisés pour les labours, mais les outils à main, bêche,
bigo (pic), voulame (faucille), et fourche en bois de micocoulier sont les
outils principaux [33]”.
Le remplacement de la faucille par la faux pose de véritables problèmes
: Maxime de Séguin s’élève, en 1808, contre l’utilisation
de la faux “mal adaptée aux départements méridionaux,
qui égrène considérablement les épis, qui laisse
un chaume trop court et la terre plus exposée aux ardeurs du soleil
et de la sécheresse, qui laisse moins de nourriture pour les bestiaux”
[134]. D’autre part, le glanage est autorisé pour les pauvres et la
faux laisse plus de grains au sol que la faucille. Le préfet de Vaucluse,
en 1817, rappelle et précise le droit : il faut être reconnu
indigent par le maire, pour pouvoir glaner, et attendre que la récolte
soit complètement enlevée. Un évêque déclarait
déjà, en avril 1779, à l’assemblée générale
du Comtat que « bon nombre de personnes peuvent passer, après
fauchage, un grand râteau sur les terres pour ramasser le blé
raspay,… sans payer la dîme » et qui plus est que certains «
mal intentionnés font exprès une plus grande quantité
de blé raspay,… ». Caromb réglemente aussi : “glaneurs
et rapugneurs sont interdits de séjour dans les blés tant
que la récolte y est, dans les oliviers de la St Denis à la
Noël, dans les vignes jusqu’à la St Maurice”.
Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour voir les premières
moissonneuses.
Le blé est transporté près du village : en juin 1716,
on finit de réparer les murailles du “Jeu de ballon”, là où
les habitants mettent leur blé lors de la récolte. Les gerbiers
(“garbeiroun”, “marr?”) s’entassent aussi au quartier des Aires. La foulaison
sépare le grain de la paille en pressant les épis, soit par
les pieds des chevaux, soit par des rouleaux. En 1852, une statistique du
Vaucluse montre que l’on commence à utiliser le rouleau de pierre
dans le canton de Carpentras, que Malaucène l’essaie et que Pernes
l’ignore.
A Caromb, on commence à utiliser le rouleau cette année là,
mais les chevaux restent le moyen principal pour la foulaison. La journée
de cheval n’est pas chère : 1,5 Francs en 1841 ( contre 5 F dans le
Loiret à la même époque).
Le battage avec un fléau est peu utilisé : il est réservé
au seigle et aussi aux pois et aux haricots. Il est trop cher pour le blé
et occasionne plus de perte en grains.
Les râteaux de fenaison sont faits de bois de micocoulier, comme les
fourches à trois doigts (taillées pendant la croissance des
micocouliers en rameaux à trois bourgeons). Fourches et pelles de
bois sont utilisées après la foulaison pour venter ce qui reste
des gerbes. Projetés en l’air, sous l’effet du vent, les résidus
de foin sont éparpillés alors que le grain reste sur place.
Ces fourches de bois portent le nom de “ventadouiro”.
Dès 1447/1448, une quittance montre le prix du transport du blé
après foulaison. Beaucoup plus tard, le règlement de police
général de 1804 nous indique “qu’il est défendu de
battre ou fouler des gerbes aux aires des esplanades où on pourra
seulement nettoyer le grain. Les gerbiers ne pourront être formés
qu’à 3 mètres des maisons du quartier des Aires”.
Rien ne se perd : la paille sert à nourrir les animaux et à
la confection des paillasses et des paillassons, surtout la paille de seigle
que l’on travaille avec un « peigne à millet » pour conserver
la longueur des tiges.
Puis les blés sont nettoyés par une exposition au “Jeu de
Ballon” : le 11 mai 1727, on fait des réparations au “ Jeu de ballon
” pour permettre le nettoyage. Le 6 mai 1770, les archives nous indiquent
encore « le lieu appelé autrefois le Jeu de ballon, situé
entre la porte de l’église et celle du Rieu est un endroit excellent
pour venter et nettoyer les blés car il est à portée
des aires et qu’il y règne, pendant l’été, un vent régulier
chaque jour : on le réparera en relevant les murailles et en refaisant
le sol ».
De là, le grain est stocké dans les greniers communaux. Poulie,
cordes, « cro tiro fen » ou bigot sont utilisés pour monter
le foin aux greniers.
Le crible ou tamis n’est guère
utilisé que pour purger les grains destinés à servir
de semence ou pour les rendre propres à la vente. La mécanisation
apportera le « tarare » ou « diable volant », sorte
de grand ventilateur en bois et à manivelle, que l’on rencontre encore
dans quelques fermes.
Grenier à grains.
Le stockage est sous la responsabilité de la communauté et
la qualité des grains est contrôlée directement par le
conseil, car elle a une incidence sur le prix. En général,
le prix est celui du sextier (grenier épiscopal) de Carpentras.
Chaque année, le conseil organise la distribution et la vente des
grains. Parmi ces grains, le blé froment tient la première
place en Comtat ( blé touzelle ou seissette), puis vient le Méteil
( en langage du Comtat, le conségal ; dans nos archives, le conségail)
qui est un mélange de seigle et de blé seissette fine ayant
la propriété de murir très vite. La distribution se
passe généralement sans problème, sauf si le conségail
est gâté, comme en 1610, et qu’il faut le vendre en l’état
ou s’il y a des abus, comme en 1709, où, les trois clés du
grenier sont confiées une à chaque consul et une à un
député, tandis que le contrôleur des grains n’en a pas.
En mai 1641, c’est le vice-légat qui autorise la distribution du
grain aux particuliers, à charge de les rendre avant le 15 août.
Le grain est transporté aux moulins pour faire de la farine, ou est
distribué pour les prochaines semences.
En 1722, alors que la peste est contenue tout près de chez nous,
nos greniers à blé, au-dessus de la salle du conseil, sont
pleins et on doit louer un grenier au fermier du château. En juin,
il y a vraiment trop de blé dans les greniers et il risque de se
gâter, aussi, on demande aux boulangers d’en acheter selon leur contrat
et on annonce une vente aux habitants, au son de trompe.
En février 1726, le conseil va reconnaître la valeur du blé
engrangé dans les greniers de la ville : il est reconnu passable.
L’année suivante les fermiers règlent leur rente en grains,
mais les consuls constatent qu’il y a à peine un tiers de ce qu’ils
devaient payer. On engage des poursuites, mais, appuyés par une lettre
du vice-légat, ses fermiers obtiennent un délai. Le conseil
préfère un paiement en grains, plutôt qu’en argent. Vu
le retard dans le règlement, on fait saisir leurs biens. En 1731, l’affaire
n’est toujours pas terminée et le conseil vérifie à
nouveau les blés de la rente. Il demande aux fermiers de les passer
au crible ou vanner, puis, en 1738, d’exposer les grains pendant 8 jours
à l’air et de vanner pour engranger « sec ».
En juin 1734, les greniers débordent et on fait un nouvel appel au
château pour y entreposer le conségail, jusqu’en février
1735.
En mars 1739, un nouvel examen du grain des fermiers par les consuls ne
le trouve pas beau. On prévoit de le vendre moins cher qu’au sextier
de Carpentras. En décembre, le conségail se gâte et doit
être passé au crible par les fermiers, car il reste de la terre.
Heureusement le progrès est là et une « invention »,
faite avec les cordages, arrive à séparer le bon du mauvais
grain. Une nouvelle visite des consuls trouve le conségail acceptable,
sauf qu’il en manque encore un peu et chaque meunier doit ajouter 2 à
3 saumées de bon blé à son « moulon » (tas).
Avril 1750, l’affaire de la qualité des grains des meuniers revient
et, cette fois, on se fâche, les forçant, par voie de justice,
à changer leur blé. C’est la misère, avec ses distributions
de conségail et de pain. On profite du nouveau blé pour essayer
la nouvelle meule du moulin du Mitan.
La construction du barrage du Paty, en 1761 transforme l’agriculture
grâce à un arrosage fréquent et contrôlé.
Mai 1764, le vice-légat intervient pour l’achat du blé
nécessaire aux habitants, blé que l’on stockera dans les magasins
des cloches. Vu le prix proposé par le vice-légat, le conseil
refuse, mais reçoit l’ordre de s’exécuter.
De la bonne utilisation des
eaux.
La Prise du Lauron :
L’eau nécessaire aux moulins est captée sur le Lauron.
En décembre 1671, il faut deux journées avec mules, pour charroi
de bois afin de faire la prise, pour un coût de 8 Florins et
8 sols, et il faut payer les travailleurs qui refont la prise neuve ( 31 Fl.
8 sols)
En 1700, la communauté intente un procès à un particulier
qui a profité d’un resserrement du lit du Lauron, entre deux rochers,
pour y faire un barrage fait de grosses pierres, afin d’arroser ses terres,
privant les moulins de leur eau. On doit utiliser une « aiguille de
fer » pour mettre de la poudre dans les rochers et les faire sauter.
Le déblayage des pierres prend plusieurs journées.
Le 11 novembre 1725, les pluies ayant endommagé la « riaille
» du Lauron et crevassé la prise des eaux pour les moulins à
blé de la commune, lesquels rapportent les plus gros revenus de la
communauté, on décide de construire un nouveau canal.
En
septembre 1738, on fait appel à l’autorité du vice-légat
pour interdire à noble Guillaume du Barroux de faire des excavations
près de la prise du Lauron
En août 1747, il faut augmenter l’eau des moulins et d’arrosage, à
cause de la sécheresse, et chaque habitant est tenu de faire, par
corvée, des excavations dans la rivière du Lauron.
En octobre 1750, on fait refaire le massif de la prise des béals
par un maçon architecte de Carpentras.
Un particulier dérive les eaux venant de l’écluse, en février
1805, pour servir à un moulin qu’il a construit pour « gruer
» les grains et le commissaire de police est contraint de le faire
détruire. Mais le propriétaire le reconstruit aussitôt.
Les eaux étant communales, le conseil décide de le traduire
devant les tribunaux. Cette année là, le fermage des moulins
rapporte 120 francs.
Les moulins à blé.
L’eau du Lauron, est conduite par un canal (béal) jusqu’au sommet
du quartier de l’Arinier où elle descend vers une première
écluse d’alimentation du moulin Lamorier, dit aussi moulin «
Plus Haut ». Ce moulin est situé au-dessus du couvent des Cordeliers
(en 1663, ils ne sont séparés du moulin que par une étable)
et on nous dit qu’il « conforte le chemin de Caromb au Barroux ».
A la sortie du moulin, l’eau traverse le chemin par l’« aqueduc des
béals » et se divise en deux parties : un ruisseau descend la
rue de la Recluse, alors qu’une autre branche traverse le portail du Rieu
pour se jeter dans une grande écluse. Un lavoir communal utilise
une partie de cette eau.
De la grande écluse, l’eau est acheminée vers le moulin du
Mitan, situé au milieu de l’actuel boulevard des Moulins.
L’eau continue sa descente vers le moulin « Plus Bas » ou moulin
Neuf, lequel est situé face à la porte Neuve. Notons qu’à
proximité se trouve aussi un moulin Neuf à huile, dit Bolonguier,
lequel est peut-être alimenté par le deuxième ruisseau.
Longeant les remparts, l’eau continue
vers la porte de la Fontaine et vers le moulin St Georges « au chemin
tirant sur Bédoin ». A la sortie de ce dernier moulin, l’eau
est utilisée pour l’arrosage des terres des Près.
Bel exemple de l’utilisation de l’eau
et de la pente naturelle pour alimenter quatre moulins !
La propriété et
la gestion des moulins.
Les moulins à eau existent en Provence depuis les romains. Au Moyen
Âge, ces moulins sont la propriété du seigneur. Il nous
faut attendre le 8 novembre 1558 pour découvrir un bail (dit nouveau)
concédé par nos seigneurs, Messire François d’Agoult
et dame Jeanne de Vesc, sa femme, à la communauté de Caromb,
sous la cense de 35 charges de bon blé de mouture payable en trois
fois, à Pâques, à la Saint Jean-Baptiste et à
la Saint Michel. Sont cités dans cet acte les moulins plus haut ou
Lamorier, celui de saint Georges et d’autres moulins à huile dont
celui sur la Mède, au lieudit l’Antlas.
Cette concession des moulins à blé est ratifiée par
Madame la comtesse d’Agoult, le 28 avril 1559.
Le 6 décembre 1608, la commune achète, pour 10.000 écus,
les fours, moulin et grange du Bois, à la comtesse de Sault, Chrétienne
d’Aguerre : on lit « moulin et fours des Confines ( peut être
Molines pour Les Moulins ?) ». N’ayant pas cette somme, la commune
doit emprunter les 10.000 écus, le 8 février 1609.
Devenant propriétaire, la communauté doit employer un salarié,
le mesureur de blé, qu’elle rémunère 30 sols (
*108
) .
L’année suivante, une nouvelle
transaction a lieu entre la commune et la comtesse de Sault, Chrétienne
d’Aguerre, dame de Caromb et veuve de Louis d’Agoult, au sujet de l’annulation
d’une vente.
A partir de cette date et jusqu’à la Révolution, la commune
gère les moulins à blé directement et le trésorier
municipal _ l’exacteur des comptes _ note scrupuleusement toutes les
dépenses les concernant.
Dès 1610, la commune doit s’acquitter de ses dettes en arrentant
les fours à des particuliers, opération qui rapporte
500 écus dépensés immédiatement, pour 140 écus
de cense des moulins à blé au seigneur, et pour une partie
des 4.000 écus encore dus sur le fond racheté au seigneur.
Dès lors, la cense au seigneur, de 700 florins pour les moulins à
blé et 20 florins pour les pâtures de St Hippolyte, est payée
très régulièrement, au début de chaque année,
au fermier du seigneur : on en trouve trace pendant plus de deux siècles
dans les comptes communaux. A certaines époques, les frais de change
font monter cette somme jusqu’à 784 florins.
En 1681, la cense, dont le montant est toujours de 700 florins, est payée
à l’ «acheteur des droits du seigneur ».
Jusqu’au XVIIIe siècle, les moulins sont un souci constant de la
communauté, comme nous allons le voir pour chaque moulin.
Suite à la disette et aux pénuries de grains de la période
révolutionnaire, en 1789 et 90, l’assemblée du village, constituée
de 400 citoyens actifs, se réunit dans le cimetière. Elle est
consultée sur le fermage des trois moulins à blé et
elle décide que désormais ces moulins seront exploités
par des maîtres valets choisis par le conseil général,
et que les habitants seront obligés de faire moudre aux moulins de
la commune à raison de ½ cosse par émine et de laisser
la mouture dans les greniers de la commune.
En février 1801, la Révolution est déjà loin
et on afferme à nouveau les trois moulins à blé au même
taux de ½ cosse par émine. L’agriculture a changé :
on produit moins de blé, préférant les nouvelles cultures
plus rentables et les moulins vont disparaître de nos archives.
En 1835, un recensement nous apprend qu’il y a trois propriétaires
particuliers pour les moulins à farine : la Révolution est
passée par là et il n’y a plus de seigneur, la propriété
est privée.
On retrouve, en 1894, un Jules d’Aillaud, marquis de Caseneuve, propriétaire
du moulin "Plus Haut". Le moulin fonctionne encore.
Ce n’est qu’au début du XXe siècle, que Mme de Souto d’Aillaud
de Caseneuve met en vente son moulin dit d’en haut pour 10.000 francs (1910).
En avril 1911, la municipalité se porte acquéreur du moulin
pour « élargir le chemin, faire un abattoir et changer le bassin
de place ». En 1913, le matériel utile du moulin "Plus Haut"
est vendu à un meunier et ce qui reste du moulin est vendu, en 1920.
Nos moulins à eau fonctionnent tous sur le même principe :
une roue tourne sous l’effet d’une chute d’eau et actionne une meule qui
écrase le grain pour donner de la farine. Les archives regorgent
de pièces à changer, meules à remplacer, conduites
d’eau à refaire et de factures… Pour suivre ces activités
de maintenance des moulins, il est utile de se reporter au schéma
qui explique le vocabulaire de nos archives (pour celui que j'ai réussi
à comprendre…).
Chronique des moulins à
blé.
Au moulin Plus Haut
, dit aussi Lamourier
, on construit une habitation pour le meunier en 1610. Il faut cercler les
meules en 1613, changer les solives en 1614, arracher et planter des servies
et machottes, accommoder les licts (meule dormante) et coupes (bassin des
meules) en 1664, changer un durillon que l’on va acheter à Malaucène
en 1677, changer la meule (ou les meules) en 1676,1718,1721,1734,1735… une
nadilhe neuve en 1676, un rodet ou roudet (roue dentée) en 1755.
En 1660, on a accordé un coin de terre aux pères Cordeliers,
proche du moulin, pour construire leur église et cette proximité
pose problème : en 1663, la commune demande conseil à un avocat
de Carpentras pour échanger une étable mitoyenne, en cas de
peste, avec le moulin Plus Haut. L’année suivante il faut ôter
les racines dans la luzerne des pères Cordeliers, car elles ont cassé
le canal des fontaines. La communauté n’est pas très fâchée
car elle leur offre, en 1674, un présent de 150 florins pour les
vitres de leur église.
Mais ce n’est que le début d’une longue série de conflits,
jusqu’en novembre 1750 où les Cordeliers ont percé la muraille
des eaux et ont fait des excavations pour amener l’eau chez eux. De longues
délibérations sont nécessaires pour leur accorder finalement
un robinet d’eau provenant des eaux des fontaines, ce qui avait été
refusé 15 jours auparavant.
Le vice-légat est intervenu, par lettre, et une majorité s’est
décidée en faveur du robinet, avec beaucoup de réticences
car le Conseil rappelle les constantes contestations et oppositions entre
la communauté et les pères «depuis leur établissement
en 1641, déjà mal vécu par la communauté, et
qu’ils vont quêter le vin de maison en maison et l’huile de moulin en
moulin et qu’ils n’ont qu’à aller chercher l’eau à la fontaine
qui n’est qu’à 6 cannes, ou alors qu’ils creusent un puits comme les
autres religieux».
En décembre l’affaire n’est pas close, car une députation
va présenter au vice-légat l’extrait de la délibération
du parlement général autorisant le robinet. Le vice-légat
exige qu’un député du conseil vienne assister au verbal qui
sera dressé en présence des consuls. Il y a encore des opposants
au conseil sur cette exigence et on demande que le député qui
accepte ne soit pas payé par la communauté. On fixe par un
matricule l’endroit précis où les Cordeliers prendront l’eau,
plus haut et par derrière la fontaine qui coule devant le moulin.
Le moulin est aussi la maison du meunier, aménagée en portes
et fenêtres (1672), avec une cheminée (fougueiron ou âtre)
en 1672 et des serrures en 1687.
En 1687, on fait appel à un meunier de Mazan pour expertiser la meule,
qui visiblement n’en peut plus car le meunier va acheter une nouvelle meule
« française » à un marchand de Bourg-Saint-Andéol,
pour 846 florins. Le maréchal doit accommoder le cercle de fer de
la nouvelle meule et augmenter le cercle et le pal, puis le maçon fournit
le bois de l’encastre de la meule, la met en place et, pour finir,
le menuisier rhabille l’entremaille (trémie ?).
En 1719, les Cordeliers demandent de dévier les eaux de l’écluse
par un aqueduc.
Cela sans compter les travaux sur les gargareaux (tuyaux de canalisation)
en 1717, la muraille de l’écluse qu’il faut refaire en 1734, le cop-perdu
(déversoir) à changer, le pont rompu au passage montant au
couvent des pères Cordeliers en 1730.
En novembre 1726, la commune exige que «celui qui a ôté
le pont des béals des moulins le remette en place afin de traverser».
Pourtant le "passage au conseil " n’existait pas encore à l’époque
!
En 1732, la manche _ ou canal de déviation_ au bas du moulin est
refaite avec 4 planches bien ferrées et avec une garantie de 10 ans.
En 1735, le second consul va, avec un meunier d’Aubignan, reconnaître
la meule à Bourg St Andéol et l’achète au prix de 640
livres, voiturage compris, franche de tout droit, sur l’autre rive du Rhône.
On emprunte 600 livres.
En octobre 1755, on apprend «que les fermiers de ces moulins doivent
coucher au moulin, selon leur bail, et que, ne l’ayant pas fait, l’eau de
l’écluse s’est déversée hors de la muraille avec une
telle force qu’elle a sapé les fondations du bâtiment».
Les fermiers acceptent à l’amiable de réparer à leurs
frais.
En 1762 un procès oppose le marquis de l’Epine à la communauté
solidaire de son meunier, pour l’eau de l’écluse.
Au moulin du Mitan
, dès 1677, il faut 6 aix (planches) pour accommoder l’arescle, 2
alèves neuves en 1681, une nouvelle porte en 1685, refaite en 1690
; le menuisier change le roudet en 1688 ; en 1692, le fermier du moulin est
condamné à faire les dépenses des portes et fenêtres
de son moulin et un fondeur de Carpentras doit refondre le durillon ; le parlement
de Caromb, au grand complet (181 personnes) décide de l’achat de nouvelles
meules en 1711 ; il faut aussi réparer le pont devant l’écluse
du moulin du Mitan (1716).
On consacre 376 livres aux réparations urgentes : gourgandeaux, rodet,
manche vielle, en 1721, en pleine peste ; une palette neuve en 1729, de nouvelles
meules en 1741, 1760, 1766 (achetée à Lyon) et 1771 : cette
dernière année on change la meule car la farine est mal moulue
et les clients abandonnent le moulin.
Encore une réparation de l’écluse en 1744, car la muraille
s’est écroulée : le maçon reconstruit en moellons avec
de la chaux pour l’intérieur, en pierres de taille pour le dehors
et le dedans de l’épaisseur de 3 pans et d’une cane de hauteur, en
remettant les vieilles dalles. On nomme un surveillant des travaux, vu l’urgence
pour la communauté.
Le conseil propose, en janvier 1773 d’accepter la proposition de deux étrangers
de construire un moulin à grignons dans l’écurie du moulin
du Mitan et le local qui est derrière et qui s’appelle « luoque
des tripes »
Au moulin Plus Bas, dit aussi le Neuf
, les travaux n'arrêtent pas. En 1610, on cimente le puits et le couvert
du moulin et on installe une roue et une vanne ; en 1664, on change le «
rodet », on récure les béals, on les couvre les trois
grands bards ; en 1669, on achète une farinière en indemnisant
le meunier qui n’a pas pu travailler ; l’été suivant on refait
à neuf la muraille de l’écluse ; le rodet est changé
en 1683 ; en novembre 1686, le maréchal doit faire 66 points à
des marteaux pour accommoder le lict ; en 1691, on change les deux meules,
à nouveau en 1712 et 1714 ;
Le fermier réclame des dédommagements (octobre 1717) parce
que, faute de réparations à son moulin, il a manqué
d’eau et les habitants sont allés moudre aux autres moulins. On fait
vendre la vieille meule qui est en trois pièces.
En 1728, on emprunte 1000 livres pour la construction d’une muraille au
béal. En mai, le fermier se plaint car il constate que la muraille
neuve laisse perdre encore plus d’eau qu’avant la réparation. Les
consuls doivent aller à Avignon consulter le vice-légat à
ce sujet. En juin, le vice-légat désigne un architecte de Bédoin
comme expert. L’expert admet un certain paiement au prix facteur, plus 15
livres pour la martelière qu’il a faite. La communauté devra
reconstruire la muraille. Elle paiera une indemnité au meunier lésé
par manque d’eau, de ½ émine blé par jour.
Puis les réparations continuent comme, en 1772, un nouveau roudet.
Moulin Saint Georges.
Cité dans l’acte de 1558, il faut attendre février 1609 pour
entendre à nouveau parler de ce moulin : un serrurier de Caromb place
un anneau, puis on engage des travaux de maçonnerie pour 500 florins.
En décembre 1614, on achète à Mazan un rode neuf. Il
faut rhabiller le gargareau en 1673 : un maçon y travaille cinq journées
pour découvrir et déplacer la manche du gargareau avant l’écluse
et deux journées pour déplacer les pierres de taille au bout
du gargareau. Il est payé 16 florins, plus 4 pour charrier chaux
et arène avec deux ânes, plus 23 livres de ciment et 2 quarterons
d’huile pour faire le ciment. Enfin, il passe une journée pour couper
et arracher le chêne pour faire la manche, 20 florins de plus et encore
13 florins 4 sols pour le charroi et le sciage. Avec l’étoupe mise
aux joints, la commune en a pour plus de 86 florins.
Le moulin revient cher, d’autant plus qu’il faut changer les deux meules
la même année, payer les voyages à Tarascon, Beaucaire
et Bourg St Andéol, l’acheter pour 1.334 florins. L’une des meules
ne tient pas et on la change en 1676 pour 777 florins.
Trop cher. Les comptes communaux ne signalent plus ce moulin après
cette date et il est précisé que la commune ne possède
plus que trois moulins à blé.
Fermage des moulins.
Les moulins sont affermés à des meuniers ou fermiers contre
une rente qui est proportionnelle à leur production. Ils se chargent
sûrement du transport des grains depuis les greniers, car ils ont du
bétail « qui pourra boire à la fontaine de la tour carrée
du Rieu ».
Suivons la chronique de ce fermage.
- Un différend oppose
la communauté à deux meuniers qui ne se conforment pas à
la rente convenue (1710).
- Un règlement précise
qu’au cas où les meuniers n’auront pas moulu le blé d’un particulier
dans les 24 heures, celui-ci pourra le faire moudre où bon lui semblera
(juillet 1718).
- Un ancien meunier est
nommé vérificateur des moulins. On surveille (1722).
- Une ordonnance du vice-légat
autorise les consuls à adjuger la ferme des moulins à blé
à l’extinction des feux (1750).
- Le conseil poursuit les
meuniers qui, depuis 5 ans, ont mis des linges ou drapeaux entre les meules
et l’arescle (cercle qui entoure les meules), au moyen de quoi ils retiennent
la fleur de la farine de leurs clients (septembre 1756)..
- Les moulins sont loués
aux fermiers pour 4 ans (1769).
- On afferme les 3 moulins
à blé (1801).
- La farine n’est pas toujours
de bonne qualité : il faut parfois la “bluter”, c’est à dire
la passer au crible. On utilise pour cela un tamis à large voie appelé
“pisse-paille”(*109
) .
Le pesage.
En 1688, on achète une romaine tirant 2 quintaux ½ pour peser
la farine et en janvier 1672, nouvel achat à un juif de Carpentras,
d’une « romane » presque neuve de 5 quintaux pour le poids de
la farine. Le serrurier de Caromb fait l’ “alliélage” (étalonnage).
En mai 1701, le poids de la farine est installé à la porte
de l’église, mais la construction de la chapelle des pénitents
gris demande son transfert dans la grosse tour carrée de la porte
du Rieu.
En octobre 1720, ce n’est pas encore fait et on décide encore de
faire un poids de la farine à la tour de la porte du Rieu, «
pour la plus grande utilité des moulins qui sont tous trois proches
de la porte ». Le mois suivant, on fait vider la terre qui est dans
la tour, là où l’on veut placer le poids. La peste arrête
les travaux.
On est tenace à Caromb, car le 20 juin 1766, soit 46 ans plus tard,
un maçon de Beaumes, après expertise de la tour attenante à
la porte du Rieu, estime qu’elle est acceptable pour y établir le
poids, que cela coûterait 1272 livres roy dont on déduirait 500
livres, prix du poids actuel à la porte de l’église.
On sait que finalement le poids communal sera installé près
de la porte du Rieu.
Les finances.
Il y a beaucoup de chiffres dans nos archives : prix du blé, du seigle
et de l’orge, emprunts, achats et ventes, rente du fermage des moulins :
il serait fastidieux de les reproduire ici. Notons cependant que nos moulins
à blé ne rapportent pas tous la même chose : à
titre indicatif, voici une comparaison entre les moulins :
|
Moulin Plus Haut
|
Moulin du Mitan
|
Moulin Plus Bas
|
1722
|
52 s./émine
50% blè, 50% seigle
|
39 s./émine
|
26
|
1728
|
54
s./émine pour le blé
48 s/émine
pour conségail
|
|
|
1731
|
54
s./émine pour le blé
48 s/émine
pour conségail
|
|
|
1770
|
60
s./émine pour le blé
|
38
|
46
|
Dès 1502/3, puis en 1587/8 les chiffres sont enregistrés pour
achats et ventes de blé, des 1613, pour la rente des moulins (273
Florins).
En 1682, un créancier de la
commune fait mettre 3 paires de meules en gage
Nos financiers connaissent les problèmes de change : en mai 1717,
les ventes de blé se font en patas, mais l’exacteur doit donner jusqu’à
12% pour avoir des écus blancs, monnaie qui lui est nécessaire
pour payer les charges et dettes de la communauté, « tant pour
la monnaie du roy, que grosse monnaie, que monnaie courante ».
A travers tous ces comptes communaux, nous suivons les bonnes et les mauvaises
années : en février 1692, vu la disette, on distribue 40 saumées
aux pauvres, au prix coûtant, et en février 1694, on prête
de l’argent aux pauvres pour acheter le blé. L’année suivante,
les pauvres sont encore là, mais nous n’avons plus de blé et
il faut en acheter. L’opération se renouvelle en 1697.
Notons que l'on compte près de 200 moulins à huile en Comtat,
vers 1710-1715.
Changeant de siècle, en 1709, on emprunte 1000 écus pour acheter
le grain et éviter la disette, puis 2000 écus pour les grains
des nécessiteux. Les années sont dures puisqu’en 1710 la disette
est encore là et on distribue 1,5 émine d’orge par habitant,
puis des grains pour 300 écus (empruntés en 1713). Et cela continue
en 1718 et 1719, toujours pour les nécessiteux.
Mais il y a des limites à la solidarité et, juste avant la
peste de 1720, les choses se compliquent. La disette est là, l’hiver
a été dur. Plus personne ne veut vendre du blé à
Caromb et la communauté est obligée de distribuer ses réserves
aux indigents, sous condition qu’ils soient solvables. Le vice-légat
doit intervenir auprès des consuls pour « faire du pain à
vendre aux pauvres au juste prix (mars 1720) et il doit même demander
de perquisitionner avec le viguier chez quelques avares qui refusent de
vendre leur blé (avril). Le pain ne doit plus être vendu à
l’extérieur ou à des étrangers et il faut nommer 4
personnes pour tenir un registre des ventes journalières de pain
aux familles. La vente s’effectue dans les chambres du château pour
que le contrôle puisse se faire». Quelques-uns résistent,
veulent garder leurs grains, mais le vice-légat est ferme, ordonne
une contre-perquisition et des confiscations. Il assure un prix normal du
pain, accorde même des réductions pour les indigents. On définit
la valeur exacte du sextier de Caromb, plus petit que celui de Carpentras
d’une cosse.
Avec les précautions sanitaires, les nouveaux arrivants sont repoussés,
mais on donne du pain aux passants.
Le fermage des boulangeries.
Au Moyen Âge, chacun fait son pain, possède tamis et pétrins
et utilise le four communal pour la cuisson, en payant une redevance au seigneur.
Après rachat de ce droit, les fours appartiennent à la communauté.
Puis apparaît la boulangerie contrôlée par la communauté
et affermée. Le pain blanc (de froment) s’impose au détriment
du pain noir, du “moyen” ou du “rousset”.
Suivons la chronique de ce fermage.
- Dès 1691/2, le
seigneur a la prétention de faire assister ses officiers à
la visite du pain, avec les députés envoyés par les
consuls : on prend avocat à Carpentras et on fait procès. Le
parlement de Caromb, réuni le 16 décembre 1691, conclut, après
vote secret et à l’unanimité, qu’il faut poursuivre ce procès
(après un temps d’hésitation puisque, le 2 décembre,
ce même parlement était opposé à l’intention
des consuls d’intenter le procès).
- En mai 1711, le parlement décide
de mettre un seul boulanger pour le village, pour le pain blanc et le rousset
et que les taxes sur la vente du pain serviront à compenser les faibles
revenus dus à la mortalité des oliviers.
- En 1713, le fermage de
boulangerie est établi pour 4 ans, sauf pour le pain bis qui reste
libre. Au renouvellement du bail, en février 1718, personne ne s’offre
pour reprendre le fermage. Le conseil doit autoriser la vente libre du pain
et imposer une taxe sur le blé et le seigle, que les boulangers ou
« manganiers» feront moudre pour le pain à vendre.
- En août 1747, on
manque de pain et il faut se ravitailler à Carpentras. Si les boulangers
n’en cuisent pas suffisamment, le conseil mettra à l’enchère
une boulangerie « close ».
- Sur les 4 boulangers
obligés de fournir le pain blanc et rousset tous les jours, 3 démissionnent
et un seul doit fournir tout le pain (janvier 1756).
- La ferme de la boulangerie
est accordée avec la condition que seul le pain bis pourra être
vendu librement par d’autres « manguiers », et cela dans l’intérêt
des pauvres (septembre 1759).
- Décembre 1771,
la boulangerie « privative » est mise en fermage : elle fera
du pain blanc, du pain rousset et du bis. Les « mangagniers »
feront du pain bis au même prix.