|
La Famille "de Caromb"
L'origine des noms patronymes
est très variée. Les noms de lieux devinrent souvent des noms
de famille. Ce fut probablement le cas pour les Mourmoiron, les Cavaillon,
et aussi pour les « Caromb ». Suivons les traces de cette famille
de chez nous.
Ricaud ou Rican, de Caromb, un
chevalier.
Un Ricavo de Cariumpo est mentionné
en 1209 dans une lettre d’Innocent III. A la même date, une autre
lettre, du même pape, parle de Ricavus de Cariumpo. Ces lettres
sont données en Annexe, sous leur forme latine, et concernent les
barons du marquisat de Provence.
[168] Migne III,
95-6 Lettre d’Innocent III de 1209.
Ces lettres sont disponibles à
la Bibliothèque Nationale de France, dans la «
Patrologiæ Latina Database » , Innocentuis III Regesta siva
epistolae, Volume 216.
Nous savons déjà
que ce chevalier Rican de Caromb existe depuis la fin du XIIe siècle
puisqu’il marie sa fille Isabelle de Caromb, dame en partie de Causans
en principauté d'Orange, vers l'an 1200. Elle épouse Giraud
de Vincens qualifié, dans un manuscrit de la Bibliothèque
du Roi, de chevalier, seigneur de Brantes, de Savoillans et de Saint Lèger".
Cette Isabelle de Caromb signera son testament le 20 avril 1247 en faveur
de son fils Raimond de Vincens, juste après que son mari Giraud
ait fait le sien le 18 novembre 1246. Les Vincens seront seigneurs, barons,
puis marquis de Causans jusqu’au XXe siècle.
Ce sont les références
les plus anciennes au nom de Caromb et ces actes introduisent un personnage
légendaire de notre village :
En janvier
1202, Guillaume Ier des Baux, prince d’Orange, donne en fief le château
de Suze avec ses dépendances à Ricau de Caromb et aux siens,
à la charge par ledit Ricau de faire reconnaissance, prêter
hommage au prince et à ses successeurs, l’aider en cas de guerre,
ou lui remettre le château muni d’armes et de vivres. Le prince promet,
la guerre finie, de le rendre muni de semblables munitions .
L
Barthélémy, Chartes des Baux, N° 103, page 27.
Le chevalier
Rican de Caromb est ainsi nommé "d’un bourg considérable
situé à une lieue de Carpentras".
Pithon-Curt Tome III page550
et suivantes
Il assista
avec quinze autres barons du Venaissin au serment de fidélité
prêté au Légat Milon dans l’église de Saint-Gilles
par Raimond VI, comte de Toulouse, après que ce prince eut été
absous des censures qu’il avait encourues. Ce serment est de la fin du mois
de juin 1209.
Nous retrouvons ce Ricaud de Caromb en 1216, pendant la croisade des Albigeois
:
Nous avons vu dans le
tome 1er de l’Histoire de Caromb que ce chevalier participa à la
défense de Beaucaire du côté des comtes de Toulouse
et contre les ‘ Français’ de Simon de Montfort. Son nom nous
est parvenu par la " Chanson de la croisade albigeoise, aux vers N°
3850 et suivants " :
3854. Gui, ms Ucs. Réd en pr.
E d'autra part son venguts
devers Marselba, Deliba,
Peyralada, una granda armada et compania ben en point.
Item, d'autre cartier son venguts una granda compania de
gens ben armats, la ont era ung appelat Guy de Cabalhos,
et Guilhem Arnaut d'Andie, loqual era un grand ric home et valen ;
et Bernard de Murens et Guraud Azemard, Ramon de Montalba
et en Dragonet le pros, et Malvernod de Fesc, et Bertrand Porcelet,
et Pons de Mondrago, et Rigault de Cayro,
et Pons de S. Just ; tots aquestes son venguts
per donar secors aldit comte Ramon et a son filh lo comte jove (page
65).
Texte traduit en 1879 par Paul Meyer [151] :
« Avec Raymondet
sont Tarascon, Marseille,
l’Isle, Pierrelatte et Guy de Cavaillon,
Adhémar de Poitiers, son garçon Guillaumet,
L’intrépide et puissant Guillaume Artaud de Die
Et Bernis de Murel avec sa troupe alerte,
Raymond de Montauban, Dragonnet le Vaillant,
Eléazar d’Uzes, le bon sire Albaros,
Le cher Pons de St Just et Ricaud de Caromb,
Et Bertrand Porcellet et Pons de Mondragon. »
Figure : Chanson de la croisade contre les Albigeois.
Si l’on reprend les textes de
l’époque et les nombreuses analyses effectuées sur ce célèbre
texte franco-provençal, nous trouvons quelques commentaires supplémentaires
:
Paul Meyer a publié en
1879 une édition en deux volumes pour le compte de la Société
de l’Histoire de France. En ce qui concerne Ricaud de Caromb, cité
ci-dessus, il précise que c’est sûrement le même qui
est appelé plus loin, au vers 4434, Ricart de Carro. Il traduit
ce nom , en français, par Richart de Caron et précise : «
ce Ricals ou Ricartz de Carro » est sans doute le même qu’un
Ricauus de Cariumpo mentioné en 1209 dans une lettre d’Innocent
III, Migne III, 95-6, Caromb, arr. et cant. De Carpentras.
Ce même auteur, professeur
au Collége de France et à l’Ecole des chartes donne la liste
des premières communes qui se rallièrent aux comtes de Toulouse,
en 1216 :
« Et coms
joves s’en intra en Veneisi cochos,
Per recebre Paernas e metre establizos,
Malaucene e Balmas e maintz castels dels sos ».
La chanson de la croisade donne
plus de détails sur les exploits de ce brave chevalier carombais
et cela vaut d’être raconté :
Rappelons les faits : le comte
de Toulouse, excommunié par le pape, a perdu ses terres au profit
de Simon de Monfort, chef des « Français ». Le comte
et son fils Raimondet (Ramunset), sont allés voir le pape à
Rome et ce dernier leur a concédé le Venaissin, la terre d’Argence
et Beaucaire. De retour, Marseille leur est favorable, Avignon remet les
clefs de la ville et, en Venaissin, Pernes, Malaucène, Beaumes et maints
châteaux leur rendent hommage, alors qu’Orange leur est opposé.
Ricau de Carro est cité parmi les personnalités qui se rangent
du côté des comtes de Toulouse.
Le comte de Toulouse part alors
en Espagne, pour chercher de l’aide et laisse à son jeune fils Raimondet
le soin de reconquérir Beaucaire . Les chevaliers du Venaissin
prennent la ville et assiègent le château, mais Simon de
Montfort arrive et encercle à son tour les assiégeants.
Chacun se range sous sa bannière et ceux de la ville crient :
«
Toulouse ! Beaucaire ! Avignon ! … Malaucène ! Caron ! »
.
en provençal de l’époque :
« … Tolosa
! Belcaire ! e Avinho !
« Valabrega ! Eldessa ! Malausenna ! Caro !
« E an passada l’aiga aisels de Tarasco.
On sait qu’il y avait là
tous les contingents du Venaissin qui devaient le service féodal
au comte de Toulouse. On y trouve au moins 15 nobles de Malaucène
[163]. Combien sont-ils de Caromb ?
Les arrivants crient «
Montfort ! ».
Quelques escarmouches marquent les premiers contacts : «
R. Belarot avec Aimon de Caron allèrent, en avant des lignes,
frapper chacun son homme. Les lances se brisent et les éclats en
volent. Sauf eux, personne ne reçut, ni ne donna de coup ».
Les défenseurs du fort
de Beaucaire, « ayant mangé jusqu’à leurs chevaux
et manquant de toutes choses, le livrèrent aux partisans de Toulouse
[152] »
Ainsi protégés
à l’abri du château, ceux-ci subirent les assauts de Simon
de Montfort. Ses catapultes brisèrent une des portes du château.
Richart de Caromb est encore là pour défendre cette porte.
Ecoutons le, lorsqu’il motive
ses troupes, en vieux provençal :
Ditz Ricartz
de Caro : «Franc cavaler senhor,
Sil cons Simons fazia tant d’orgolh ni temor
Que vengues a la porta sins defendam de lor,
Que de sanc ab cervelas e de carn al suzor
Y aia tant esparsa quel romanens ne plor »
La Chanson des Albigeois, vers 4435.
Il dit : « Francs chevaliers,
si le comte Simon avait l’audace de venir assaillir la porte, défendons-nous
contre lui et les siens ; que de sang et de cervelles, de chair et de
sueur, il y ait telle effusion que les survivants en pleurent ».
On sait que les Toulousains et
ce Ricaud / Rican de Caromb l’emportèrent et que Beaucaire fut sauvé.
Cela lui donna une belle renommée
parmi les dignitaires et notable du pays car on le retrouve signataire
ou témoin de nombreux actes dans les années qui suivent :
Le voilà tuteur des enfants
de Raymond d’Agoult en février 1222, nommé par une assemblée
de parents tenue à Manosque à la demande du comte de Provence
Raymond-Bérenger, au même titre que le seigneur Latil de
Mormoiron et le chevalier Guillaume Laugier. Il semble qu’un différent
opposait alors ces enfants mineurs à leur oncle Isnard d’Entrevennes,
qui leur disputait la propriété des châteaux de St-Martin,
de Bonnieux, de Voilet ( ?), de Simiane et de Lacoste .
Pithon-Curt II, p284 et III p551.
A peine quelques années
plus tard, Rican de Caromb est cité dans un acte passé devant
Ollivier, notaire d’Avignon, le XV des Kalendes de juin 1225, pour l’achat,
par Isnard d’Agoult d’Entrevennes, IIème du nom, du seigneur de
la vallée de Sault, à Guy de Cavaillon, de tout ce qu’il avait
à Roussillon. Rican est un des témoins de cette vente et
est « caution » de cette vente de 7.000 sols avec quelques
autres grands seigneurs comtadins : Guiran de Simiane, Arnault d’Avignon,
Lambert de Reillane.
de Caromb ou de Mauléon
?
Le 4 septembre 1266, Bertrand
de Mauléon est dit fils de feu Ricau de Caromb, dans un acte signé
à Joncquières. Bertrand prête hommage, reconnaissance
et serment de fidélité à Raymond Ier des Baux, prince
d’Orange, pour les châteaux, villes et territoires de Causans et
Montmirail. Le prince le reconnaît comme seigneur, à la condition
qu’il fasse les cavalcades, sans jamais se dispenser de cette obligation.
L Barthélémy, Chartes des Baux, N° 517, page 148.
Deux mois après l’acte
d’hommage entre Bertrand de Mauléon et le prince d’Orange, il y a
procès entre eux au sujet des limites des territoires de Jonquières,
Causans, Gigondas et Montmirail. Cette affaire se termine le 26 novembre
1266 par un arbitrage et la définition des limites des territoires
concernés.
Comment Ricau de Caromb et les
siens passèrent-ils du fief de Suze, donné en janvier
1202, aux fiefs de Causans et Montmirail qu’ils possèdent en 1266
? Cela restera un mystère, car les actes ne donnent rien sur une
possible transaction avec le prince.
Nous savons qu’en 1265 le seigneur
de Suze est alors Raymond II des Baux, neveu du prince d’Orange Raymond
Ier des Baux.
Le prince d’Orange avait récupéré
la totalité de l’héritage de son autre neveu, Guillaume
III des Baux, qui était en conflit avec son père et son
frère, n’avait pas respecté son testament de 1248 et avait
donné une partie de ses biens aux Templiers. Le prince rétablit
les droits de son neveu Raymond II en lui laissant sa part d’héritage
.
Agnès, de Caromb :
On trouve une Agnès de
Caromb, femme de Raymond Aucel, en 1266. Le 18 décembre 1266, elle
est à Orange où elle reconnaît tenir en fief du prince
d’Orange la cinquième partie des châteaux et villes de Causans,
Jonquières et Montmirail. Elle prête hommage et serment de
fidélité au prince et rappelle qu’elle lui doit les cavalcades
comme tous ses vassaux et son devoir de l’aider en temps de guerre, contre
ses ennemis, excepté contre le comte de Toulouse et Barral des Baux,
seigneur des Baux et de nombreux fiefs en Venaissin, dont Caromb, et leurs
descendants. Le prince déclare reconnaître à la dame
Agnès et aux siens leur droit de juridiction sur les châteaux
précités .
Le
seigneur majoritaire doit toujours être Bertrand de Mauléon.
On sait que la seigneurie
de Causans fait partie du domaine de la principauté d’Orange et
qu’elle fut donnée, en 1141 à Tiburgette des Baux lors de
son mariage avec Adhémar de Morvieux.
Qui est cette Agnès
de Caromb ? Comment est-elle entrée en possession, même partielle
de cette seigneurie ? est-elle une fille de Ricau et donc une sœur de
Bertrand de Mauléon ?
Nous avons
déjà noté le mariage d’Isabelle de Caromb, fille de
Rican avec Giraud de Vincens [106]. Il est probable qu’Agnès de Caromb,
Isabelle de Caromb et Bertrand de Mauléon sont de la même famille.
L Barthélémy, Chartes des Baux,
N° 501, page 143.
N° 519, p. 149
Rolland, Raimond,
Catherine, autre Rican, Isnard de Caromb :
Rolland de Caromb est aussi
un Chevalier de chez nous ! Il est appelé « Rolandus de
Carombo » dans l’hommage qu’il rend pour Caromb en mai 1251 à
Alphonse de Poitiers .
Trésor des Chartes :
N° 52 de la layette J314.
Il est pris pour arbitre avec
Raimond Gaucelin, seigneur de Lunel, et Rostain de Venasque pour terminer
les contestations que les communautés de Flassan et de Bédoin
avaient avec Raimond d’Agoult, seigneur de la vallée de Sault, au
sujet des bornes de leurs territoires et qui furent réglées
dans l’Albergue du comte de Toulouse à Mourmoiron, le sur-lendemain
de l’Octave de Saint-Jean de l’an 1262.
Il avait pour contemporain et
peut-être pour frère Raimond de Caromb, l’un des premiers religieux
du couvent des Carmes d’Avignon qui transigèrent avec les chanoines
de la Cathédrale au sujet de leur établissement dans cette
ville le 14 octobre 1267.
Catherine de Caromb, possède
une partie de Villes (sur Auzon) puisqu’elle est dame de cette ville.
Mariée au sieur du Puy, ils ont un fils, Jacques du Puy, qui rend
hommage le 16 mai 1285 à l’évêque de Carpentras Raymond
de Mazan, seigneur de ce fief.
Rican de Caromb, fils de Raibaud,
co-seigneur de Villes-sur-Auzon, rend hommage à l’évêque
de Carpentras le 30 août 1334 et vend au sieur Geoffroy une partie
de ce fief, en 1357.
Isnard de Caromb, prieur de Gardanne,
est témoin à l’hommage rendu à Bérenger, évêque
de Carpentras par le seigneur de Murs, Raymond d’Agoult, en 1312.
Le troubadour Rambaud de Vacqueyras
nous raconte un tournoi entre chevaliers qui a lieu dans la ville d’Arles
vers 1209. Hugues des Baux, vicomte de Marseille par son mariage avec
Barrale, fils du prince d’Orange Bertrand Ier et seigneur de Caromb comme
de Malaucène, y participe. Il fut vainqueur, ayant renversé
par terre, avec sa lance, le brave Raymond d’Agoult, seigneur de Sault
[163].
Rambauld de
Caromb, chevalier du Temple.
Dans la liste des templiers arrêtés
à Paris le 13 octobre 1307, aux côtés du grand-maître
Jacques de Molay, on trouve Rambaud ou Raimbaud de Caromb. Ce grand-précepteur
de Chypre était un chevalier du Temple provençal : il est
dit "Raymbaudus de Caron" ou "Ranbaldus de Ciaren" et aussi «de l’ancienne
Maison de Causans ».
Reçu jadis en la maison
de Richerenches, ce personnage était précepteur de Chypre
dès 1302, car il aurait assisté comme tel à cette époque
à une réception faite par le grand-maître à Famagouste.
Il avait soixante ans en 1307, et avait été reçu,
en cette maison de Richerenches, dans le Comtat Venaissin, vers l'an 1265,
à la Pentecôte, par le commandeur de Provence, frère
Ronssolin de Fos. Ces réceptions de chevaliers se faisaient souvent
avec un certain apparat ; des parents ou des amis accompagnaient le jeune
chevalier en vue de la cérémonie de profession et Raymbaud
nous apprend que son oncle, l'évêque de Carpentras, était
au nombre des assistants. La commanderie du Temple de Richerenches était
d'ancienne fondation, puisqu'elle aurait été créée
vers les années 1135-1136.
Rambauld de Caromb, chevalier
du Temple, subit l’Interrogatoire sur les crimes dont cet Ordre était
accusé, devant Guillaume de Paris, l’Inquisiteur de la Foi, dès
le 10 novembre 1307, et avoua tout. C’est le 97ème des 140 chevaliers
du Temple de Paris qui furent examinés par ce même Inquisiteur
.
Pithon-Curt III 551, qui donnent ses références dans l’Histoire
des Templiers,
Histoire du Languedoc,
Peiresc.
Sur ces 140 chevaliers, 126 déclarèrent
avoir renoncé à la religion chrétienne en crachant
sur la croix lorsqu'ils furent reçus ; vingt d'entre-eux jugèrent
sur leur âme qu'ils ne s'étaient décidés à
commettre ce sacrilège qu'après avoir supporté pendant
plusieurs jours les plus mauvais traitements. Raimbaud de Caromb fit des
aveux dont la précision portait le cachet de la véracité
; ils furent d'un grand poids dans l'instruction de la procédure
.
Vies des grands capitaines français du moyen âge: pour servir
de complément à l'histoire de France ...Page 327 de Alexandre
Mazas - Paris-1828
Qui aurait pensé en voyant
"les rois maudits" au cinéma ou à la télévision,
qu’un personnage de la famille "de Caromb" avait participé à
cette célèbre histoire de la fin des Templiers.
|
|