En 1270, soit l'année précédant son décès,
Jeanne de Toulouse, épouse d'Alfonse de Poitiers, aurait cédé
par testament le Venaissin, ex-marquisat de Provence, à son beau-frère
Charles d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples. Mais le nouveau roi
de France, Philippe III le Hardi, successeur de Saint-Louis, ne respecte
pas ses dernières volontés et fait main basse sur tous les
Etats du comte de Toulouse, Comtat compris [33].
Le 21 septembre 1271, l'évêque de Carpentras prête serment
au roi.
Après tous les soubresauts qui suivirent la défaite des Albigeois,
la fin des comtes de Toulouse, la promesse de Saint-Louis en 1229 de remettre
le Comtat au pape, puis la domination du roi de France par frère
interposé, le Comtat revient à l'Eglise : en effet, en 1274,
le roi Philippe le Hardi, héritier de son oncle Alphonse de Poitiers,
mort sans descendance, fait définitivement don du Comtat Venaissin
à l'Eglise, comme promis par Saint-Louis. Il est vrai que le pape
Grégoire X lui a demandé instamment cette restitution.
Pendant cinq siècles il va rester terre papale, alors que toutes
les régions voisines vont passer d'un empire trop lointain à
la royauté française. Le Venaissin va devenir une enclave dépendante
de Rome.
Mais n'anticipons pas
trop. Pour l'instant, le pape prend le contrôle du Venaissin : deux
commissaires pontificaux font prêter serment aux Comtadins, chez
nous à Carpentras et à Malaucène. A Orange, le prince
Raymond le jeune des Baux prête aussi le serment au pape[33].
Avignon ne fait pas partie des terres d'Eglise et Philippe le Bel, successeur
de Philippe le Hardi, cède ses parts sur la ville, en 1290, au comte
de Provence (Charles II d'Anjou) qui devient alors le seul maître
d'Avignon. Avignon est en Provence, et les villages du Comtat sont dans
le domaine papal.
Début
des papes à Avignon.
Depuis longtemps déjà et surtout pendant la deuxième
moitié du XIIIe siècle, le pape a l'habitude de résider
hors de Rome. Innocent IV, par exemple, séjourne plusieurs années
à Lyon entre 1245 et 1251.
Quand le pape Clément
V arrive à Avignon, en 1309, accueilli par les Dominicains, il n'a
pas l'intention de s'y établir définitivement ni de faire de
cette ville une nouvelle capitale de la chrétienté. C'est pourtant
le rôle que la ville va jouer pendant près d’un siècle.
Il
a hésité longtemps en sillonnant pendant six années
le royaume de France, avant de s'arrêter à Avignon [100].
Le choix d'Avignon comme lieu de résidence permanent est dû
essentiellement à des considérations politiques. Le pape ne
veut plus résider dans une Rome déchirée par des clans
rivaux, en proie à des émeutes quasi permanentes. Depuis le
Schisme entre Église d'Orient et d'Occident, Rome se trouve excentrée
par rapport au centre de la chrétienté catholique dont les
royaumes de France et d'Angleterre sont les deux grandes puissances rivales.
Avignon jouxte le Comtat Venaissin, qui, comme on vient de le voir, est terre
de l'Eglise. La ville elle-même appartient au comte de Provence, un
vassal et fidèle allié du pape en tant que roi de Naples. La
Provence, pacifiée, jouit d'une paix complète depuis un demi-siècle.
La pression du roi de France Philippe le Bel, qui souhaite avoir le pape
sous son contrôle, est pour beaucoup dans le choix d’Avignon.
Au tout début du XIVe siècle, la ville d'Avignon s'est remise
des événements du siècle précédent
: le pont Saint Bénézet est réparé, et la double
enceinte reconstruite, les douves sont alimentées par les eaux du
Rhône, de la Sorgue et de la Durance. Mais la ville n’a pas une influence
importante sur la région et ne compte que 6.000 habitants.
Pour l'anecdote, en 1306, le marché aux bestiaux qui se tenait jusqu'alors
au cimetière St Pierre est transféré à la porte
Evêque. Les cochons déterraient et dévoraient trop souvent
les morts.
Les papes à Avignon marquent le XIVe siècle : cardinaux et
curie passent les Alpes, souvent par le Mont Genèvre, ou rejoignent
Avignon par bateau. Ce changement apporte une richesse et une intense activité
économique dans tout le Comtat Venaissin.
Les
juifs affluent à Avignon, attirés par le commerce et la protection
papale et ceux du Comtat retrouvent une sérénité inconnue
depuis longtemps. Le pape les reçoit à bras ouverts et se
déclare leur protecteur [102].
Pendant
près de 90 années, Avignon reste le siège de la papauté,
alors que la capitale du Comtat Venaissin est à Pernes de 1274
à 1320, puis à Carpentras.
Alors que le Comtat est terre d’Eglise, la principauté d’Orange,
comme Avignon, fait partie de la Provence sous le contrôle des Anjou.
Un
pape à Caromb : Clément V (1264-1314).
Le premier pape résidant dans le Comtat, le seul pape qui soit venu
à Caromb, a été élu le 5 juin 1305 après
un conclave de onze mois qui a vu s'opposer les fractions françaises
et italiennes. Dix cardinaux sur quinze ont voté pour lui. Le roi
de France, Philippe le Bel, est intervenu en sa faveur. De son vrai nom
Bertrand de Got, le pape est d'une famille noble : son frère aîné
a été archevêque de Lyon et légat du pape précédent
pour la France. Il est neveu d'un Budos, dont la famille deviendra seigneur
de Caromb. C'est un Gascon qui a fait ses études à Toulouse,
à Orléans et à Bologne. Il a été successivement
chanoine de Bordeaux, vicaire général de son frère,
à Lyon, évêque de Comminges puis archevêque de
Bordeaux. Dans ce dernier poste, possession normande, il était sujet
du roi d'Angleterre, alors en dispute avec la France. [105].
Il est couronné, en grandes pompes, à Lyon, le 14 novembre
1305, en présence du roi de France. Un accident marque la procession
publique de cette cérémonie : un mur s'effondre lors du passage
du pape tuant plusieurs personnes, dont un de ses frères. Il tombe
de cheval, perd sa tiare papale et, lorsqu'on la retrouve, il manque
le joyau le plus précieux de cette tiare. Le lendemain de son couronnement,
un autre de ses frères est tué lors d'une querelle entre ses
serviteurs et les partisans des cardinaux [105].
Après ces débuts tragiques, son pontificat est marqué
par ses relations difficiles avec Philippe le Bel, en particulier au sujet
du procès de Boniface VII, l'ancien pape, et de l'affaire de la suppression
de l'Ordre des Templiers. Il est aussi préoccupé par les
tentatives du roi de France pour imposer son frère Charles de Valois
comme roi d'Allemagne, avec le risque d'avoir une monarchie française
trop puissante. Le pontife rédige une série de décrétales
dites clémentines et les publie, le 21 mars 1314, de sa résidence
de Monteux, comme adjonction au droit canon [105].
En juin 1306, Philippe le Bel ordonne l'arrestation des juifs sur tout le
territoire français. Nombreux sont ceux qui trouvent une terre d'accueil
dans le domaine du pape, mais la coexistence avec les chrétiens
est difficile et les explosions de violence ne sont pas rares.
Clément V est
de santé précaire, il souffre de la chaleur estivale d’Avignon
et trouve, près de Malaucène, la fraîcheur du ruisseau
du Groseau, au pied du Mont Ventoux. L’ermitage de Notre-Dame du Groseau
qu’il fait construire dès 1309, l’accueille pour de longs séjours
(entre 1310 et 1314). Il fait construire l’imposante église Saint-Michel
de Malaucène.
Le pape Clément V siégeant en Avignon, neveu d'un Budos, vient
plusieurs fois à Caromb :
- le 30
octobre 1310,
- le 4
juin 1311,
- le 24
septembre 1312,
- les
7 et 10 octobre 1312,
- et le
22 septembre 1313.
Il est vrai que sa
résidence n'est plus lointaine : pendant onze mois, de mai 1313
à avril 1314, il habite à Carpentras.
Un certain nombre de bulles papales, entre 1309 et 1314, sont
écrites à Pernes [117].
Il semblerait que ce soit
à partir de 1313 que l'on construit l'adduction des eaux potables
de Caromb, à partir du bas des rochers du Paty, sur la rive gauche
de la rivière. Elle était constituée de pierres de
taille creusées et recouvertes de dalles. De temps en temps, des
regards avec des grilles permettaient de surveiller le débit et
d'effectuer les nettoyages [54].
Construction de l’église de Caromb.
Avec une papauté si
voisine, en terre papale, il fallait que Caromb possède une belle
église.
La fondation de l'église actuelle semble remonter au début
du XIVe siècle. De style roman provençal tardif, elle remplace
sans doute une église romane plus ancienne dont nous ne connaissons
pas l'emplacement. Deux autres fondations religieuses semblent remonter
à cette époque, les chapelles Saint-Etienne et Notre-Dame,
aujourd'hui ruinées. Les tombes retrouvées à proximité
sont vraisemblablement médiévales.
Cette construction est un
immense chantier car on voit "grand" à Caromb. On décide
de construire cette église en dehors des remparts, au sommet de
la crête, du côté de la porte principale du village.
C'est une église fortifiée, rattachée, paraît-il,
au rempart de la ville par une extension de la fortification. Elle domine
les plaines et des escaliers monumentaux permettent d'atteindre les entrées
principales et secondaires. Elle est entièrement construite en pierres
de Caromb. L'orientation de l'église est imposée par la configuration
du promontoire sur lequel elle est érigée.
Il faut de nombreuses années de travail pour édifier un tel
monument et chacun doit y contribuer, par son travail ou ses deniers.
Les tâcherons laissent leur marque sur les pierres, marques que
l'on peut encore voir de nos jours, principalement sur les murs situés
au sud.
Financièrement,
il est difficile d'imaginer que la population de la commune, seule, puisse
supporter une telle entreprise. Peut-être la papauté participe-t-elle
financièrement à ce projet. Cela n'est pas prouvé et
il est dommage que les archives ne nous aient pas livré plus d'information
sur cette construction.
Lorsque l'on regarde le vieux dessin non daté qui la représente,
elle paraît bien plus haute, plus élancée qu'aujourd'hui.
Aucun parapet, aucun remblai n'existe. Venant de l'ancienne route de Carpentras,
on arrivait directement au pied de l'église et il fallait gravir
de nombreuses marches pour atteindre l'entrée.
Eglise au XIVe siècle. Dessin non daté, signé L.H.
offert à la municipalité par Me Madeleine Sage
Enfin, elle est
là et devient très vite le symbole du village.
Elle mesure 50 m de long, 18 m de large et 18 m de hauteur. Elle est alors
la plus grande de la région, et compte dix chapelles, cinq de chaque
côté ; une des chapelles, de chaque côté est
ouverte par une porte d'entrée. Elle est alors symétrique,
sauf pour le clocher qui n'est pas terminé. Chaque chapelle sera
dédiée à un saint, grâce aux dons de nos compatriotes.
Elle est placée, à l'origine, sous le vocable de Notre Dame
des Grâces.
Plan initial de l'église
de Caromb
Les écoles du Comtat.
Il paraît vraisemblable
que le problème scolaire qui était déjà l'une
des questions majeures à cette époque, ait été
abordé dans notre pays au cours de ces nombreuses visites papales.
Les nombreux prêtres de la commune, mais aussi les laïcs, nos
chantres, nos sacristains enseignent le catéchisme, la lecture, l'écriture,
l'art de jeter, c'est-à-dire de compter sur les jetons, la grammaire
et des rudiments de latin.
Notre école
est sans doute dans l'église elle-même ou dans un local attenant
à l'église. Pas de livre, mais des tableaux muraux en peaux
de moutons sur lesquels étaient peints les principaux enseignements.
L'Eglise et les parents payent cet enseignement, ces derniers en donnant
les produits de leur récolte : vin, fèves... rarement
quelques sols [54].
Barral II des Baux, seigneur de Caromb.
A la mort de Bertrand des
Baux, son fils aîné, Raymond, devient comte d'Avellino. En
1308, il est nommé capitaine général du royaume de
Naples et en 1315, grand sénéchal de Provence
Les enfants de la dernière épouse de Bertrand, Agathe
de Mévouillon, Dame de Caromb, vont devenir seigneurs de Caromb.
Pour ce titre, Barral, deuxième
du nom, succède à son père Bertrand Ier, en 1301, mais
la seigneurie reste quelques années sous la tutelle de sa mère.
Il reçoit aussi les seigneuries de Savoillans, Brantes, Saint Lèger,
Bédoin, mais pas le Ventoux pour lequel le droit de pâturage
est acquis depuis un acte du 19 septembre 1264 ; les habitants ont le droit
de couper du bois, de défricher les terres les plus cultivables sans
autre redevance que la dîme envers l’Eglise.
Une moitié de Monteux avait été donnée à
son neveu, et l’autre moitié à son cousin d’Agoult. Barral
acquiert d’autres fiefs, mais vend, avec son cousin d’Agoult, le 8 juin
1315, la totalité de la seigneurie de Monteux à Bertrand de
Got, neveu du pape Clément V, malgré l’opposition de Bérenger
Forneri, évêque de Carpentras [39].
Il rend hommage de ses seigneuries de Caromb, du Barroux, de Brantes, de
Saint Lèger, de Savoillans à la Chambre apostolique, le 15
juillet 1320, tout du moins pour la part qu’il possède en ces lieux,
car sa sœur Cécile est Dame de Caromb [39].
Les eaux de Caromb.
Commence alors une affaire
qui va durer pendant des siècles : celle des eaux de notre commune.
Il faut savoir que les querelles sur les eaux sont nombreuses à cette
époque : en janvier 1303, Sarrians, par son seigneur Guy de Claromont,
obtient le droit de prélever les eaux de l'Ouvèze, droit
contesté très tôt par Jonquières, Courthézon
et Sérignan [106].
A la fin de l’été 1312, lors de son passage à
Caromb pour rentrer à Avignon, le pape doit noter l'abondance des
sources et ruisseaux de la commune. La ville de Carpentras manque d’eau pour
ses habitants. Elle n’a que l’eau des puits et décide de pourvoir la
ville de fontaines déversant de l’eau potable provenant de bonnes
sources. Elle s’adresse pour cela au seigneur de Caromb et du Barroux, afin
d’acquérir celle dite des Alps (Alpibus) qui se trouve au nord du territoire
de Caromb, en terres du Barroux, à la source du Brégoux [39].
L’année suivante, alors qu'il réside à Carpentras,
Clément V achète pour 300 florins d’or cette source située
sur les terres de Barral des Baux, seigneur de Caromb et du Barroux, avec
le droit de conduire les eaux jusqu’à Carpentras [39].
Sachant par avance que cette
vente sera mal accueillie par la population de la commune, les deux parties
contractantes, ainsi que le pape intéressé à cette
vente, s’assurent de leur consentement. Devant l’autorité de leur
seigneur et maître (la veuve de Bertrand des Baux, Agathe de Mévouillon),
et surtout, devant sa Sainteté le pape, les habitants ne protestent
pas, acceptent le fait accompli. Mais ils gardent l’idée bien arrêtée
de s’y opposer si les circonstances le permettent [39].
La santé du pape se
dégradant, il revient passer tout l’été 1313 au frais
du Groseau, puis, sa santé déclinant, il décide de
revoir une dernière fois sa Gascogne natale. Il meurt le 20
avril 1314, à Roquemaure, peu après son départ du Groseau.
Son corps est transporté à Carpentras, capitale du Comtat,
où ont lieu ses obsèques.
A Caromb, dès la mort
du pape connue, alors que les travaux sont déjà en cours pour
amener l’eau à Carpentras, les troubles commencent entre les Carombais
et les Carpentrassiens : les conventions ne sont plus respectées,
des bagarres éclatent avec les ouvriers des chantiers. Il y a des
blessés. La foule en profite pour briser les conduites creusées,
taillées dans la pierre de taille. Les ouvriers sont repoussés
hors des chantiers par les Carombais qui crèvent les conduites et comblent
les fossés de passage des eaux.
Les auteurs de ces dépréciations
ne sont punis que lorsque le successeur de Clément V, Jean XXII,
est nommé, après un long interrègne et 27 mois de
conclave réuni à Carpentras [39, 100].
Il s’en suit de longs et coûteux
procès qui ne se termineront qu’en 1400, temporairement,
avec une transaction passée entre Alice des Baux, dame de Caromb,
et la ville de Carpentras [39].
A la mort de Barral II, la
seigneurie de Caromb est alors partagée entre les deux fils de son
frère Agout (Raimond et Amiel) et sa sœur Cécile.
Par le mariage de Cécile, sa part passe aux mains de la famille des
Budos, alors qu’une autre partie de nos terres reste aux mains des Baux
[39].
Cécile des Baux et Raimond Guilhem de Budos.
Raimond Guilhem de Budos est le
mari de Cécile qui est co-seigneur de Caromb. Le pape Clément
V, originaire d’Aquitaine, a attiré dans le Comtat, une grande partie
de sa famille. Parmi celle-ci, un de ses neveux est Raimond Guilhem (Guillaume),
de la maison de Clermont-Lodève
, chevalier, gouverneur de Bénévent en Italie, fils de Guillaume
Raimond Bérenger III et de Mathilde de Got,
sœur du pape [39].
Le roi d’Angleterre,
Edouard Ier, qui contrôle alors l’Aquitaine, fait don de la seigneurie
de Budos, à Raimond Guilhem. « de Budos » s’ajoute
à la liste de ses nombreux titres [39].
Dès son arrivé dans le Comtat, il achète la terre de
Loriol, le 14 août 1310, à Aimard de Poitiers, duc de Valentinois.
Le pape avantage sa famille et, par un bref pontifical daté du
Groseau, nomme Raymond Guilhem recteur du Comtat Venaissin (13 septembre
1310), en remplacement de Guillaume de Mandagot, archevêque d’Embrun
[39].
Veuf d’Esclamonde de la Mothe, il a épousé Cécile des
Baux, en seconde noce, quatre ans après le décès de
sa première épouse, le 28 décembre 1314. Cécile
reçoit en dot 16.500 livres tournois et sa part reconnue des seigneuries
de Caromb, Bédoin et Entraigues [39].
En mars 1316, Raimond Guilhem
et Cécile prêtent hommage pour leurs terres de Caromb, Bédoin
et Loriol [39]. Plus tard, ils achètent la seigneurie de Beaumes
qui appartient à Raimond II et à Gellurbe d’Agoult [39].
Ils habitent tantôt à Caromb, tantôt à la rectorerie
de Pernes [39].
Cécile est connue pour
son caractère. Ses sujets, qui visiblement ne l’apprécient
pas vraiment, lui donnent le surnom peu flatteur de « rascasse »
[39]. On connaît, chez nous le sens de ce mot, que le "Pichot Trésor"
traduit par "teigneux" ou encore "rude", "malpropre", "avare". Cela montre
que, même devant l’autorité des seigneurs et maîtres,
on n’a pas sa langue dans sa poche et on sait déjà être
irrévérencieux.
Raimond de Budos
ne reste recteur que six ans, puis est remplacé en 1316 par Armand
de Trian, seigneur de Creichac [39].
Les papes d’Avignon.
De 1309 à 1376, sept
papes se succèdent à Avignon : après Clément
V, aucun ne viendra à Caromb.
Carpentras devient capitale du Comtat
Venaissin sous Jean XXII (1316 - 1334).
L'installation du pape et
de sa cour provoque une formidable augmentation de la population. Avignon
compte près de 40.000 habitants. Ce chiffre énorme pour cette
époque, en fait une des plus grandes villes d'Europe et sûrement
la plus cosmopolite.
La papauté apporte à tout le Comtat une richesse économique
extraordinaire : construction du palais neuf, des palais de Sorgues et
de Chateauneuf, de la chartreuse et de la collégiale de Villeneuve.
En 1348, le pape reçoit les “droits indivis” sur Avignon et constitue
les Etats pontificaux : l’Etat d’Avignon et l’Etat du Comtat restent séparés.
Le célèbre Palais des Papes, palais fortifié à
l'envergure colossale, est édifié à partir de 1335,
sous le pontificat de Benoît XII, puis sous celui de Clément
VI, jusqu'en 1352. Dans toute la ville et ses environs, les cardinaux se
font construire des "livrées cardinalices" somptueuses, rivalisant
de magnificence. Le Petit palais et la livrée Ceccano en sont de
magnifiques exemples.
Ils rivalisent avec le pape pour le faste de leurs livrées et l'ordonnance
de leurs chapelles. La beauté des offices est un élément
du train de vie. L'administration pontificale, avec sa Chambre, le Trésor,
la Chancellerie, la Pénitencerie et les divers tribunaux temporels
ou spirituels occupent de cinq à six cents fonctionnaires. Chaque
cardinal à une "livrée", de nombreux serviteurs, au total
plus d'un millier. L'Eglise est riche et collecte des fonds dans toute l'Europe
[100].
La ville entière se transforme et se pare de monuments : on reconstruit,
on agrandit, on embellit les églises, les monastères et
les couvents. Les habitations débordent en dehors des remparts
devenus trop étroits. Le pape décide, en 1355, la construction
d'une nouvelle enceinte pour se protéger des incursions de bandes
de routiers qui parcourent et pillent la région.
Outre les religieux, la cour pontificale attire les peintres, les sculpteurs,
les musiciens, les plaideurs, les scribes, enlumineurs, relieurs et autres.
Les changeurs, les banquiers et les marchands de toute l’Europe se bousculent
dans la ville.
Les moulins à papier se multiplient dans le Comtat, à Fontaine-de-Vaucluse,
Orange, Malaucène, Sorgues et Entraigues.
Des auberges poussent
comme des champignons le long des routes du Comtat, sillonnées en
toute saison par de nombreux voyageurs [118]. Fruits, légumes, volailles
trouvent un débouché important.
Ces premiers papes en Avignon font la richesse des Comtadins.
En 1336, François Pétrarque
réalise l’ascension du Mont Ventoux et raconte cette excursion
comme une montée au ciel, une « recherche de
la perfection de l’âme ». Il décrit le panorama
extraordinaire offert du sommet et se dit « saisi par l’immensité
du spectacle ».
Les Baux et les Budos, seigneurs de Caromb.
Raimond
de Budos et Cécile ont trois fils : Raimond, Bertrand et Amaneu.
- - Bertrand
reçoit la seigneurie de Montclus du diocèse d’Ales ;
- - Amaneu
devient le seigneur de Bédoin ;
- - Raimond
II de Budos est l’héritier pour la seigneurie de Caromb, qu’il partage
avec Amiel et Raimond des Baux.
Après la mort de Cécile, son mari épouse, en troisième
noce, Laure de Bermond.
Amiel et Raimond des Baux, cousins de notre nouveau seigneur, Raymond II,
succèdent à leur père en 1320. Ils se lient avec le
prince Robert de Duras de Provence et font partie de la ligue des partisans
de l’indépendance (1336) lors des affrontements liés à
la succession des Anjou de Provence.
L'église, les remparts et l'eau potable à Caromb.
Une plaque de marbre gravée,
aujourd'hui dans la sacristie, commémore la consécration
de l’église de Caromb. Elle porte en tête les armes du révérend
seigneur Raymond de Camaret, fils de noble Isnard de Camaret, parrain de
l'église. D'après des archives (inventaire du 8 juillet 1744,
f° 57 daté du 25 mai 1333), il semble que la construction de
l'église soit pratiquement terminée dès 1333 : «
...on réunit le parlement dans la nouvelle église...»,
« réunis dans la nouvelle église pour la nomination
de trois ouvriers délégués, auxquels le parlement
donne pouvoir d'exiger un vingtain, pour six ans, sur les bleds (
*27
) , les raisins, cens de bled
imposé par la dite communauté ...» [39].
La grande porte de l'église, dont on peut voir aujourd'hui encore
les gros clous, est de cette époque, au moins dans sa forme[39].
Le 17 octobre 1336, l’église
de Caromb reçoit le don de reliques comme nous le verrons
lors de la consécration de cette église en 1420.
Les belles canalisations d’eau
potable pour l’alimentation du pays sont alors en place. Hilaire Bonnaventure
a relevé les dates de 1354 au premier regard édifié
tout près des sources et sur un cartouche de la Fontaine de la
Place (1359).
Nous savons aussi que Caromb,
comme Mazan ou Malaucène, possède des moulins à draps
ou à foulon, preuve d'industrie textile, que les carrières
de pierre de Caromb et de Crillon sont exploitées, qu'il existe
au moins une tuilerie à Bédoin et de la verrerie à
Aubignan [33].
La vie dans notre région semble agréable : on y fait bonne
chère, à tel point que Carpentras publie un règlement
pour éviter les excès. La danse, le théâtre ou
les joies populaires font partie des plaisirs du temps [33].
Autre évènement d'importance,
le pape Jean XXII fait venir du Périgord des truffes pour les "acclimater"
à Caromb.
Notaires.
Notons que la famille Falque,
originaire de la Drôme, où elle possédait une seigneurie
(1250), s'est associée aux familles de Mévouillon et d'Adhémar,
au XII et XIIIe siècles, et que Bertrand Falque est fait comte palatin
(*28
) par l'empereur Charles
IV, le 7 juin 1365. Par ce titre, lui et ses descendants ont le droit d'instituer
les notaires et de créer des charges notariales. Nous aurons des
notaires de cette famille, à Caromb.