Un terrible raid de Hongrois
descend la vallée du Rhône en 940, détruisant églises
et maisons. La ville de Vienne est rasée et les atrocités dépassent
celles des Sarrasins. L'invasion n'arrive pas jusqu'au Comtat, mais on a peur
et on se souviendra longtemps, en tremblant, de l'Ogre (Le Hongre ou le Hongrois).
A partir de 947, le royaume de
Boson est absorbé par la Bourgogne Transjurane qui devient royaume
de Bourgogne-Provence ( 947-1032) et passe sous le contrôle du Saint
Empire romain germanique. Caromb semble bien loin de cet événement,
pourtant, cet Empire couvre notre région.
Schématisons la situation : la France arrive jusqu’à la rive
droite du Rhône, alors que, sur la rive gauche, la Provence, le Comtat
et le Dauphiné sont terres d’Empire. Frédéric Mistral,
faisant parler les bateliers du Rhône, rappellera, bien plus tard,
qu’ils sont du côté "France" ou du côté "Empire".
Les descendants de Rodolphe de
Bourgogne perdent peu à peu leur pouvoir. Le pays est désorganisé,
se referme sur lui-même et tout commerce s’arrête.
Phénomène d’une importance historique considérable,
le latin n'est plus une langue parlée. Il éclate en parlers
:
c’est au Xe siècle que l’on trouve les premiers témoignages
écrits : l’occitan est né.
Sarrians est fondé en 968 par
le premier comte de Provence, Guillaume et l'abbé de Cluny.
L'an 990 est marqué par une terrible
disette, les moissons ayant été grillées par le soleil.
L’approche de l’an 1000 provoque de
grandes peurs. L'été de cette année là, en Comtat,
est torride et marqué par une pénurie d'eau [54]. Les premières
collégiales apparaissent entre 980 et l'an 1000, à Apt, Carpentras
et Vaison. Elles adoptent la règle canoniale de saint Ruf. L’Eglise
bénéficie de nombreux dons, de la part du peuple comme des seigneurs,
et impose son autorité [52]. La ” fin du monde” étant proche,
les puissants, nobles ou seigneurs, donnent leurs terres aux abbayes ou se
font moines. L’Eglise s’enrichit de terres, de biens, de serfs et de pouvoirs.
La première référence
au nom de Bédoin apparaît en septembre 998, lorsque sa seigneurie,
le château, les décimes et les obligations sont donnés
par un seigneur Ismidon 1er au monastère de Montmajour (Bouches-du-Rhône)
[136]. Le donateur se réserve l’usufruit du château et des
terres et réserve la moitié de cet usufruit, après
son décès, pour ses trois fils, Bermond, Feraud et Laugier,
et ses deux filles dont l'une est Pétronille [38,136]. La chapelle
de la Madeleine, alors située sur le lieu de St-Pierre-de-Monastrol,
fait partie de la donation. Les moines défrichent les terres et plantent
de la vigne. L'Eglise se structure avec les nouveaux arrivants : le chapitre
de Carpentras est fondé en 982 avec seize chanoines, et ceux de Cavaillon
et de Vaison sont créés autour de l'an 1000 [33].
A la fin de cette année
là, l’abbaye de Montmajour lutte avec de grands laïcs pour se
maintenir à Bédoin et Cluny agit de la même façon
pour les terres de Sarrians.
L’abbaye St Victor de Marseille reçoit le prieuré du Groseau,
en 1059, de l’évêque Pierre de Mirabel, puis les cinq églises
du castrum de Malaucène, le 28 juin 1111, de l’évêque
Rostang de Vaison.
Ce dernier acte est confirmé par une bulle du pape Pascal II, le 23
avril 1114.
Abbés et évêques
se comportent comme de grands seigneurs : ils s'allient aux comtes, résident
souvent en ville, hors de leurs terres et certains prélats se marient
[33].
Les débuts de
la Maison des Baux.
S'il existe une famille d'importance
dans l'histoire du Comtat et de la Provence, c'est celle des Baux, et nous
verrons que ses membres seront seigneurs de Caromb, à plusieurs reprises.
Elle apparaît au sud de la Durance, vers la fin du VIIIe siècle,
en la personne du comte Leibulfe, dont on ne connaît que le nom. En
850, son successeur, Poncius, est propriétaire en Argence, région
située autour de Beaucaire. Il a deux fils, Ison et Humbert. Ce dernier
est évêque de Vaison. M. Barthélémy, le spécialiste
des archives de cette famille, indique que ces premiers Baux accompagnèrent
le comte Guillaume lors de l'expulsion des Sarrasins et le secondèrent
dans toutes ses entreprises guerrières.
Le "Castrum (*16
) qui vocatour Balcius" est cité en 981 [108]. Pons le jeune
est déjà un personnage important en Provence. Son nom est cité
lors de la donation de terres en faveur de Montmajour (971) et en faveur
de l'Eglise d'Arles (975). Encore une preuve des dons dont bénéficie
l'Eglise à l'approche de l'an mil. Au Xe siècle, les possessions
des Baux couvrent déjà l'abbaye de Nyons, le castrum de Mornas,
les Baronnies et quelques terres en pays niçois.
Ainsi cette famille grandit loin de nos terres du Venaissin, entre les collines
des Baux et la plaine de la Camargue. Nous la suivrons jusqu'à ce
qu'elle arrive chez nous.
Une origine légendaire
fait remonter cette famille jusqu'à l'un des Rois Mages [97] et nous
savons qu'ils ont entretenu cette croyance en adoptant une étoile
(annonciatrice) sur leurs armes [108].
La hiérarchie
féodale.
Alors que Charlemagne avait
créé des titres « personnels », pour ses comtés
et marquisats, ses successeurs perdent leurs droits féodaux et les
nouveaux comtes ou marquis, de plus en plus puissants, prennent le pouvoir
et se reconnaissent vassaux de l'empereur. Ce dernier reconnaît leurs
titres et les rend héréditaires.
Le pouvoir central s’est pulvérisé au profit de multiples pouvoirs
régionaux, locaux, seigneuriaux. Le besoin de protection crée
les seigneurs qui reçoivent le serment de l'hommage en échange
de leur protection.
La “seigneurie” apparaît sous plusieurs formes :
-
- “foncière”, elle se fonde sur la répartition
du sol et les paysans doivent des corvées (labours, récoltes,
transport) et une redevance fixe annuelle (le cens
*17
).
-
- “banale”, elle résulte de l’accaparement des prérogatives
judiciaires de l'empereur, donne le droit de contraindre, de juger et de
punir. Elle entraîne des impôts, la taille et des droits de péage.
L’étau féodal se resserre sur les “manants” qui constituent
la majorité de la population. Le pouvoir se partage entre noblesse
et clergé ; les abbayes exploitent encore plus les serfs que les seigneurs.
Les serfs, voués aux travaux des champs, doivent tout à leur
seigneur.
Formation des grandes
provinces.
L’essor de la féodalité
dans notre région provoque des fortunes diverses : certains seigneurs
plus habiles, ou mieux placés, s'imposent aux autres et prennent la
tête de territoires de plus en plus vastes. Le pays se structure
autour de trois véritables états : du nord au sud, la Savoie,
le Viennois qui deviendra plus tard le Dauphiné, et la Provence.
Les descendants de Guillaume le libérateur et de son
frère Robold possédent les terres provençales.
Orange s’érige en fief
direct de l’empereur germanique en 1040, sous l’impulsion de Tiburge, fille
de Rambaud de Nice. Le Comté d’Orange regroupe alors quelques seigneuries
couvrant les villes d’Orange, Jonquières et Courthézon. La seigneurie
d'Orange est apparue du mariage de Bertrand Raimbaut (famille des Baux) avec
la veuve du comte Azalaïs [97].
Ainsi se mettent en place des
structures, des pouvoirs, des frontières qui vont jouer un rôle
majeur dans l’histoire de nos villages.
Légendes.
Cette époque est aussi
marquée par l'apparition des légendes : celle de Saint Gens
vient d’un jeune bouvier Gens Bournarel, né en 1104, un peu simple
au goût des habitants de Monteux. Attaqué par les loups, il
aurait réussi à apprivoiser l’un d’entre eux et à lui
faire tirer sa charrue pour les labours. Les habitants de Monteux, souffrant
de sécheresse, aurait fait appel à lui pour ramener la pluie.
Se dirigeant vers le village, il aurait planté deux de ses doigts dans
un rocher d’où jaillirent deux sources, l’une d’eau et l’autre de
vin. Arrivé à Monteux, il se mit à pleuvoir. Depuis,
un pèlerinage est organisé, en mai, en reconnaissance de ce
miracle.
Autre
légende, celle de Saint Véran qui aurait délogé
le dragon résidant dans la grotte de la Fontaine-de-Vaucluse.
Premiers actes écrits
concernant nos villages.
Si Carpentras est connu par
les écrits de Pline depuis les Romains, ce n’est qu’entre les Xe
et XIIIe siècles qu’apparaissent les premiers actes sur nos villages.
-
”Albegnagum” (Aubignan) apparaît en 951, juste avant
”Villa Madazano” (Mazan) en 982, ”Ad Balmas
” (Beaumes-de-Venise) et ”Beduinum” (Bédoin) en 993.
On retrouvera ”Maazano” en 1302. En 1090, l'évêque d'Orange
vient consacrer une église à Aubignan [106]. Peu après
1100, une bulle du pape Innocent II nous apprend que l'évêché
d'Orange a de nombreuses possessions, au moins spirituelles, près
de chez nous : "Ecclesias de Vellagia, de Vacquayrassio, de Albuna, de
Durbano et Balmis, de Albagnano" [120]
-
Malaucène est connu dès le Xe siècle
: ”Malaucena ”. Une bulle du pape Pascal II concerne ”Malaucena” en
1144. L’origine latine du nom vient, selon les uns de ”Mala sana”,
à cause de la bonté de ses fruits, et selon les autres, de
”Male Sanat” par allusion à la salubrité de son climat. Mais
c’est surtout le Groseau qui est connu par sa source depuis les romains et,
dès 684, par son monastère fondé par l’évêque
de Vaison Arédius. Au VIIe siècle, son nom devient ”Grasellum
” ou ”Grausellum” à cause de l’abondance de ses eaux.
-
nous avons déjà parlé du testament d’Ismidon
1er pour Bédoin. ”Biduino” deviendra ”Beduinum”, puis
”Bedoyno” et enfin ”Bédoin”.
-
Caromb est cité pour la première fois dans un acte sous
la forme de ”Ad Carumbum”, en 1021, ce qui constitue la première
écriture du nom du village, dont l’étymologie signifie “tas
de pierres”. Nous avons vu que "Quairoun" ou "queiruon", en provençal,
signifie grosse pierre carrée et fait référence aux
carrières de pierres exploitées sur le territoire de la commune
[98].
Il nous faudra attendre l'année
1185 pour retrouver notre village sous la dénomination de «
Carumpio» et ensuite, en 1254, de «Carumbo».
Le mot celtique ”Car” qualifie un pays très pierreux et «Umbo»,
en latin, indique une éminence, un tertre. Cette racine pré-romaine
de ”car-”, d’origine indo-européenne, comme ”kar-”, ”kal-” ou ”gar-”,
donne des mots comme garrigue, calanque et des noms comme Crau, Carry, … Il
faut croire que notre premier habitat groupé, le premier oppidum,
était au sommet d’un rocher, dans une zone pierreuse qui lui a laissé
son nom [133].
Puis
viennent nos petits villages :
-
” Maudèna” est cité au XIIIe siècle, mais
les Bénédictins y sont installés depuis le VIIIe siècle,
comme ils sont installés à St Jean de Vassols, vers Crillon.
-
le Barroux est mentionné en 1133 sous le nom d'Albaruffum
et va se développer autour d’un château-fort.
-
” Crilo” est cité en 1157.
-
” Sanctus Ypolitus” apparaît aussi au XIIIe siècle
et on sait que Saint Hippolyte de Graveron fait partie intégrante
de la commune de Caromb dans les siècles suivants. Ce n’est qu’en
1986 que Graveron se transformera en Graveyron. Le mot provençal ”graveiroun”
signifie ”gravière”.
-
la première référence à St-Pierre-de-Vassols
remonte à 1262, ”Villa Vazolis”, puis ”Sanctus Johannis
de Vassols ” (Saint Jean de Vassols).
Pour l’heure, juste après
l’an 1000, le climat de l'époque est torride : une grande quantité
d'animaux et quelques personnes meurent de chaleur [54].
Notons qu'au XIe siècle, on assiste à un retournement démographique
: la population s'accroît très vite, les villes éclatent
et de nombreux bourgs se créent [33]. Il est probable que nos bourgs
deviennent alors suffisamment peuplés pour qu'ils soient dignes de
bénéficier de la chose écrite. Au XIe siècle,
on commence à bâtir des tombes en pierres autour des églises
et des chapelles rurales, comme celles trouvées autour de la chapelle
Saint-Etienne. Cette chapelle sera démolie pendant la Révolution
[54].