Les Francs, installés
sur la rive droite du Rhône depuis longtemps, rêvent de franchir
le fleuve pour s’emparer des bonnes terres du Comtat et de la Provence.
Déjà Clovis, roi des Francs, a essayé de conquérir
la vallée du Rhône jusqu'à Avignon, en 511 [118].
Les Francs vont envahir la Provence,
mais avant de suivre leur avancée vers notre pays, il faut raconter
l'histoire de Clodoald, petit-fils de Clovis. Il est légitime de
se demander pourquoi un quartier de Caromb se nomme
Saint Cloud,
et pourquoi une des chapelles de l'église lui sera dédiée
dès l'an 1488.
A cette époque où les successions mérovingiennes se
faisaient dans le sang, où les luttes pour prendre le pouvoir associé
au royaume de France étaient fratricides, Clodoald, plus connu sous
le nom de Cloud, fils du roi Clodomir, échappa à un massacre
organisé par ses oncles (532), alors que ses deux frères
furent égorgés. Il réussit à se réfugier
hors de France, en Provence, dit-on (*12
), sans préciser le lieu exact. Nous savons que la Provence couvrait
alors notre territoire. Peut-être est-ce la source des dénominations
carombaises ?
Une autre hypothèse, plus probable, est que la dévotion carombaise
à Saint Cloud soit apparue en même temps que celle à
Saint Maurice. En effet, Cloud se retira dans le monastère
d'Agaune, celui-là même qui fut construit en l'honneur de Saint
Maurice et de la légion thébaine. Ordonné prêtre,
réconcilié avec ses oncles, Cloud obtint une propriété
sur le territoire de l'actuelle ville de Saint Cloud, près de Paris.
Ses vertus et ses miracles le firent saint.
Revenons aux oncles de Saint Cloud, les fils de Clovis. Ils annexent les
trois vieilles provinces romaines de la Viennoise, de la Narbonnaise seconde
et des Alpes Maritimes.
Le Comtat, Caromb et les autres villages “entrent en France”, c’est
à dire sont annexés au royaume franc ( 536) et le roi des
Ostrogoths, Vitigès, cède Avignon avec la Provence aux rois
francs (537).
Clothaire, fils de Clovis reçoit un territoire couvrant Lyon, Vienne,
une grande partie du Dauphiné, Orange, Vaison, Carpentras,
Arles, Marseille et Toulon, alors que son frère Sigebert se voit attribuer
Avignon, Cavaillon et jusqu'à Fréjus [33].
L’arrivée des Francs
ne se fait pas sans douleur pour nos populations qui se réfugient
sur les hauteurs, dans les grottes, avant de revenir reconstruire leurs villes
[42].
Au VIe siècle, l’évêque de Carpentras abandonne sa
ville trop difficile à défendre pour Venasque sur son promontoire
rocheux. Pendant deux siècles, l’évêché passera
d ‘une ville à l’autre. Notons que c’est de Venasque que vient le
nom de Comtat Venaissin.
Les
temps sont difficiles : outre l’insécurité, une terrible peste,
à Marseille, et sûrement en Provence ravage les populations
(591).
L’année 618 est vraiment calamiteuse : la peste, les inondations,
la disette, puis un tremblement de terre et des éboulements dans
l'est de la Provence réduisent le pays à la plus grande pauvreté.
La vie monastique, de rite bénédictin, commence au Groseau
en 684 [33].
Le Comtat au Moyen Âge
Les premiers Sarrasins.
Pendant ce temps, une grande nation s’est développée
de l'autre côté de la mer Méditerranée : partis
d’Arabie, les Maures ou Sarrasins occupent tout le bassin méditerranéen,
menaçant nos côtes. En 711, ils occupent l’Espagne, et de
là, attaquent la Gaule. Dès 721, Narbonne tombe, avec le Languedoc.
Ils emportent or, argent, armes, chevaux, hommes et femmes et épuisent
le pays. De nombreux fugitifs trouvent un asile en Provence [52].
Les Sarrasins remontent
vers le nord de la France ; en même temps, ils abordent nos côtes
dans les années 725, et sont à l'origine d'une période
d'insécurité qui se prolonge pendant plus de deux siècles.
L'année 731 est
marquée par de grandes chaleurs : les sources tarissent et beaucoup
de personnes souffrent de la soif [54].
Après leur défaite à Poitiers (732), contre Charles
Martel, les Arabes reculent vers l’Aquitaine, puis remontent le Languedoc
et arrivent en Provence (735). Par Arles, Avignon, la Provence est livrée
aux musulmans. Ils montent jusqu'à Saint-Paul-Trois-Châteaux,
saccageant au passage des villes comme Cavaillon, Carpentras, Vaison ou
Orange [120] et sûrement quelques-uns de nos villages.
La noblesse provençale, cultivée
et orgueilleuse, supporte mal la tutelle franque. Les seigneurs provençaux
se rebellent contre les Francs, dont la domination est trop pressante (736).
Le duc de Marseille, comte d’Avignon, Mauronte, pactise avec les Sarrasins
pour étendre son territoire jusqu’à l’Isère et jusqu’aux
Alpes.
Les Sarrasins avancent jusqu’à Valence. Mais Charles Martel
réagit, réussit à repousser, puis à cerner l’armée
sarrasine dans Avignon.
Devenue une puissante position
arabe, Avignon est prise par Charles Martel une première fois en
737, au terme d'un siège sanglant, et une seconde fois, deux ans
plus tard. La ville redevient la propriété des Francs et les
"traîtres" sont sévèrement châtiés. L'aristocratie
franque prend définitivement le pays en main.
La Provence, soumise, est ravagée.
En 737, après la bataille d’Avignon, Nîmes, Avignon, Arles
et Marseille sont rasées par les troupes. La population, décimée
par les Francs, se replie à nouveau sur les campagnes.
Le Franc, farouche guerrier, n’est pas aimé par les populations
provençales. Il faudra du temps et une période plus calme
pour que les citadins reviennent chez eux, reconstruisent leurs villes et
leurs remparts.
Les Sarrasins sont repliés plus au sud, en Provence ; ils construisent,
sur la côte provençale, une série de tours “sarrasines”.
Toute la Provence subit pillages, incendies, crimes. Marseille subit l’invasion
[42].
Après cette période
de troubles, les Francs sont installés et représentent l’autorité.
L’empire carolingien (751-843) ramène l’ordre. Pépin le Bref
remet sur pied une administration civile, s’appuie sur l’Eglise qui multiplie
ses établissements agraires, et organise le repeuplement des territoires
dévastés.
Charlemagne.
Charlemagne, fils de Pépin
le Bref, établit son empire sur une grande partie de l’Europe. Roi
des Lombards en 774, il est sacré empereur à Rome, dans la
basilique St Pierre, le 25 décembre 800, par le pape Léon
III. Son Empire va durer jusqu’en 814.
Il réforme son état : dans les provinces, chaque cité
contrôle la justice civile et militaire, non seulement sur la cité
elle-même, mais aussi sur les territoires environnants. Il distribue
les terres aux personnes les plus illustres et les plus dignes de confiance,
créant, de ce fait, les comtes et les marquis.
Il assoit le féodalisme et la vassalité. Ses guerriers, à
qui il confie ses comtés, doivent contrôler la population
et servir en temps de guerre comme en temps de paix. De cette obligation
vient la pratique de l’hommage. L’usage de transmettre les titres de père
en fils, moyennant un acte de succession et le renouvellement du serment
d’hommage, s’établit petit à petit.
De plus, les vassaux principaux,
à l’exemple de l’empereur, divisent leurs domaines en plusieurs districts
et les concèdent à des vassaux mineurs qui leur sont assujettis.
C’est de cette façon que se crée l’échelle féodale,
du roi aux vassaux principaux, aux vassaux mineurs. Le territoire provençal
se découpe en une hiérarchie de comtés ou pagi (
*13
) et de vicomtés [118].
Charlemagne aurait fait construire une église
à Caromb comme il fit construire ou reconstruire celle de Monteux
et celle de Malaucène. Il n’existe pas de château fort dans
le Caromb de l’époque, et l’église doit servir de fortification
pour se protéger d’éventuelles invasions. Elle doit être
située à l’intérieur de l’enceinte du village. Hilaire
Bonnaventure nous indique qu’il reste quelques vestiges d’une ancienne église
dans la rue « sous la boucherie » [39].
La chapelle de Notre-Dame-d’Aubune à Beaumes-de-Venise a été
élevée au pied de la colline où Charlemagne aurait
assiégé et vaincu les Sarrasins. Celle dédiée
à St Pierre de Terme à Venasque est édifiée autour
du rocher où il les aurait anéantis.
A Saumane,
l'église marque le lieu où les rochers furent précipités
sur les barbares par Guillaume au Court-Nez ou d'Orange. Enfin, à
Mazan-Piémarin, Charlemagne aurait réussi à cerner
l'armée arabe.
Si l'on en croit toutes ces légendes, tous nos villages ont
été visités par l'empereur lors de ses guerres contre
les Sarrasins [117].
A la mort de Charlemagne,
Caromb fait partie de la Provence qui est une des provinces de la Lotharingie.
Il doit exister alors une motte castrale, prémices de château
fort ou tour juchée sur un piton rocheux et entourée de remparts
et de fossés, un lieu de refuge pour les carombais, en cas d'attaque.
Les agriculteurs sont installés dans des cabanes de pierres ou de
bois, au milieu des terres cultivées, et viennent s’y protéger.
En 863, Charles de Provence meurt sans succession et l'empereur Louis
II, le germanique, se hâte d'accourir pour éviter que Lothaire
ne s'empare de tout le pays. Il est à Vaison le 18 mars 863 [33].
Caromb dépend alors d’un marquisat de Provence, résultat
des découpages fiscaux et hiérarchiques des terroirs carolingiens,
qui va passer sous la dépendance du Saint Empire romain germanique.
Royaume de Provence ou
d’Arles ou de Vienne (879-947).
La dissolution de l’Empire
carolingien, à la mort de Charles le Fauve, divise l’Empire en trois
royaumes : la France, la Germanie et l’Italie. Sur ces débris de
pouvoir, les dynasties comtales et ducales se mettent en place et acquièrent
une grande indépendance de fait.
Chez nous, un Franc, nommé Boson, représentant le roi, usurpe
son pouvoir (879), se fait élire par les évêques à
Mantaille, près de Vienne, et devient premier Comte de Provence,
un vaste territoire qui couvre la Provence actuelle y compris le Comtat,
les vallées de l’Isère, de l’Arc et le Comté de Savoie.