L’empereur Constantin réorganise
ses Provinces, coupant la Narbonnaise en deux parties : la rive droite du
Rhône reste Narbonnaise Première, la rive gauche devenant Viennoise,
avec Vienne pour capitale et s’étendant de l’Ardèche au lac
Léman et jusqu’à la Province des Alpes maritimes qui a pour
capitale Embrun [13]. Vaison, Orange, Cavaillon, Carpentras, Avignon,
Arles, Marseille, Aix, Apt, Riez, Fréjus, Gap, Sisteron, Antibes font
partie de la Viennoise. Caromb aussi !
En 381, les Provinces sont à nouveau découpées : la
Viennoise est démembrée par la fondation de la Narbonnaise Seconde.
Caromb reste en Viennoise.
Les premières églises apparaissent
dans les villes, avec leurs nécropoles et leurs sarcophages. Quelques
chapelles s’édifient dans les campagnes bien que celles-ci restent
païennes. Pas très loin de chez nous, Mazan, avec
sa centaine de sarcophages de pierre possède la plus grande collection
de Provence. Enterrés au cours des siècles, ils proviennent
des environs de l’ancienne voie romaine qui passait au nord du village,
dans les quartiers du Limon et de Saint-Andeol. A Bédoin, un sarcophage
trouvé à la chapelle Sainte-Madeleine est décoré
de scènes bibliques, sacrifices, miracles, multiplication des pains,
sur un décor d’arbres, d’oiseaux et de serpents [12]. Les tombeaux
retrouvés à Caromb, étaient-ils païens ou chrétiens
?
Des autels tabulaires ou des cancels ont été découverts
à Notre-Dame-du-Groseau (Malaucène), Notre-Dame-d’Aubune (Beaumes),
Carpentras, Venasque. Ceux de Malaucène sont plus tardifs (VIe siècle).
Après un Empire romain
fort, assurant la paix des peuples, vient le temps de la décadence
sous le règne de Décius (200-251) et des premières
invasions barbares. Dès le IIIe siècle, les incursions se
succèdent, en plusieurs vagues, saccageant le pays, détruisant
tout ce qui s’y trouve, villages, villae ou fermes. Les barbares alémaniques
arrivent les premiers (259-260 et 270-280).
Ces barbares impressionnent les habitants de nos villages comme ceux des
villes et laissent un souvenir effrayant aux méridionaux, une terreur
qu’ils n’oublieront pas. Ces premières razzias surprennent nos pauvres
villageois et ne leur laissent pas le temps de sauver leurs biens. Seule la
fuite leur assure la vie sauve. Violence et pillages entraînent un
repli de la population des villes derrière leurs remparts et des campagnes
vers les grottes-refuges [13].
Les Gallo-romains éparpillés sur les terres de Caromb et des
autres villages de la région réoccupent leur « oppidum
» plus facile à défendre. Peut-être les grottes
du Paty ont-elles à nouveau servi pour se cacher, mais rien ne permet
de le dire.
Paradoxalement, c'est le christianisme qui profite de cette époque
trouble : les invasions n’empêchent pas la propagation de la foi ;
au contraire, elles la favorisent car les populations y trouvent une réponse
à leurs angoisses. Les baptêmes de masse se multiplient, l'Eglise
s'enrichit par les dons fonciers des fidèles, se structure autour
des évêques et devient le véritable pouvoir de l'époque
: Vaison possède le plus ancien évêque connu de la région
(314). La fondation des évêchés de Carpentras et de
Cavaillon date de 439 et le premier évêque de Carpentras connu
par les textes anciens, est Constantien.
On raconte l’histoire d’Antonin ou Antoine, un des premiers évêques
de Carpentras, qui jeune et pieux, se réfugie près de Bédoin,
dans le Mont Ventoux pour s’y recueillir, prier dans sa solitude et dans
le calme de la nature. Il y passe quelques années avant d’entendre
une voix l’obligeant à revenir prêcher à Carpentras.
Il y termine ses études et devient évêque de la ville
pendant des années. Plus tard, il se retire à Flassan et y
meurt. Une force mystérieuse aurait empêché ses parents
de transporter sa dépouille qu’ils durent laisser sur place (
*11
).
L’Eglise nous apprend encore
que deux conciles sont organisés dans notre région : celui d’Orange
en 414 et celui de Vaison en 442. Imaginons un instant ces représentants
des chrétiens venus de tout le monde évangélisé,
qu'il faut recevoir, loger, et nourrir pendant la durée de ces conciles.
Wisigoths, Burgondes, Ostrogoths
(406-536).
Lieu de passage obligé
entre le nord et le sud de l'Europe, la vallée du Rhône subit
de plein fouet les invasions des peuples barbares. Carpentras est ruiné,
ce qui profite à Venasque mieux protégé.
Les Wisigoths, venant d’Allemagne, atteignent la Durance en l’an 400.
Le terme de barbare ne semble pas convenir à ce peuple déjà
plus raffiné. Ils s’imposent militairement sans pour autant tout dévaster
et tout accaparer. Après un rapide séjour en Italie, ils reviennent
en Provence et s’y installent vers 416.
Le début du Ve siècle voit passer les Vandales, puis les Goths.
Carpentras, Venasque, Mazan, Caromb et Bédoin subissent les pillages
et saccages.
En 419, commencent à déferler d’autres peuples, les Alains,
les Suèves, les Francs. Puis les Burgondes arrivent par la vallée
du Rhône et la Savoie (443), en Haute Durance et dans la Drôme
(463).
Leur petit nombre (100.000 personnes au maximum)
ne pose pas un problème insoluble, pour leur installation sur nos terres
[55].
Les Burgondes descendent vers
la basse Durance, où ils sont arrêtés par les Wisigoths
entre 476 et 480. Aux alentours de cette date, ils traversent notre région.
En 474, la ville d’Avignon est la position fortifiée la plus au sud
de ce royaume dont elle fait maintenant partie, alors que le sud de la Durance,
Arles et Marseille restent wisigoths jusqu’en 507.
Les populations passent sous le joug des barbares et doivent donner la moitié
ou les deux tiers de leurs terres et des esclaves.
L’an 476, marque la fin de l’Empire
romain. La paix romaine est bien loin : le pays est infesté de brigands,
de mendiants et n’est plus sûr. On craint les pillages ; on cherche
à se protéger avant tout, enterrant les quelques biens possédés,
pièces ou objets de valeur ; on abandonne les terres et la nature reprend
le dessus. Les ronces sont vite de retour. Les loups pullulent. L'insécurité
règne partout : on voit se multiplier les rapts et les assassinats.
Les villages se barricadent. Les moines s’enferment dans leurs abbayes. Les
habitants des villes fuient. Avignon est réduite au septième
de son ancienne superficie. On fortifie ce qu'il reste de la cité romaine
en construisant rapidement une enceinte plus restreinte et plus facilement
défendable autour du Rocher sur lequel la population s'est réfugiée.
Aucune des villes du Comtat ne dépasse les 10.000 âmes.
Le christianisme s’accommode
des nouveaux arrivants. Dans ce monde d’insécurité et de peur,
il apparaît comme la seule force morale stable. Il progresse dans toutes
les populations urbaines ou rurales. Les évêques prennent un
pouvoir nouveau sur les peuples, traitant en leur nom avec les chefs des
peuples barbares, représentant leur diocèse, s’imposant comme
défenseurs de leur communauté. Ils commencent à administrer
le pays et deviennent propriétaires de nombreux domaines, en reconnaissance
de leur rôle d’intermédiaire et de négociateur.
En 484, les Burgondes franchissent
la Durance et envahissent la Provence.
Les Francs sont là, de l’autre côté du Rhône
et ils ont des vues sur nos terres. En 500, le roi des Burgondes, Gondebaud,
poursuivi par le roi franc Clovis, se réfugie à Avignon. Ce
dernier ne parvient pas à prendre la cité puissamment fortifiée.
Le Comtat passe aux mains de nouveaux venus, les Ostrogoths, en 503 ; puis
se succèdent avancées et reculs de ces différents envahisseurs,
avec des alliances changeantes entre Francs, Burgondes, Wisigoths et Ostrogoths.
[33].
Les victimes sont nos pauvres
manants qui subissent ces assauts et ces batailles en se cachant et se protégeant
comme ils peuvent.