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III.
Caromb sous les Romains (suite).
Maurice, commandant de légion
romaine.
Parmi ces Romains, il en est un qui s’appelle Maurice. Saint Maurice est
le patron du village de Caromb.
Nos historiens se disputent encore pour connaître l'origine des légions
romaines de Saint Maurice, sur le nombre de personnes qui composaient leur
groupe et sur leur trajet. Mais ils sont d'accord sur l'existence d'un massacre
de soldats thébains et chétien autour de l'an 300, à
Aguanum, dans le Valais, aujourd’hui Saint-Maurice.
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Saint Maurice, martyr, 1225
Abbatiale de Saint Maurice en Suisse.
M. Bertrand de Montmélian rapporte, dans son ouvrage sur Saint Maurice
[84], le texte de la relation composée par Saint Eucher, évêque
de Lyon qui mourut en 494, et celui de la Passion (sic) rédigée
deux siècles plus tard par un moine de Saint-Maurice, qui, aux dires
d'éminents historiens, sont en parfait accord avec la vraisemblance
historique et proviendraient d'un document plus ancien ou d'une tradition
locale. D’autres sources reprennent, elles aussi, le récit de Saint
Eucher sur l’histoire de cette légion thébaine[
*8
]. |
Reprenons ce récit :
« Voici l’histoire de la passion des saints martyrs qui, par
leur sang, ont rendu la cité romaine d’Aguanum (Agaune dans le Valais)
si célèbre. C’est en l’honneur de ce martyre héroïque
que nous relatons de notre plume les évènements dans l’ordre
où ils sont parvenus jusqu’à nos oreilles.
Ceci se passait en l’an 285.
Sous Maximien, qui fut empereur de l’Empire romain, avec Dioclétien
comme confrère, une montée des Gaules connue sous le nom de
Bagaude, obligea Maximien à marcher contre eux, avec une armée
dont une unité était la légion thébaine composée
de 6.600 hommes. Cette unité avait été recrutée
en haute Egypte et était entièrement constituée de
chrétiens qui, même sous les armes, n’oubliaient pas de rendre
à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est
à César.
Lorsque la révolte fut réprimée, l’empereur Maximien
donna l’ordre que toute l’armée se rassemble pour offrir des sacrifices
aux dieux romains afin de fêter le succès de la mission. L’ordre
impliquait de tuer des chrétiens. Seule la légion thébaine
osa refuser d’obéir aux ordres et se retira pour camper près
d’Aguanum sans prendre part à ces rites.
Maximien se reposait alors dans un endroit voisin appelé Octudurum.
Quand ces nouvelles lui parvinrent, il commanda d’obéir aux ordres
et, devant le refus constant et unanime, il ordonna que la légion
soit "décimée" : c'est à dire qu'un homme sur dix soit
mis à mort. L’empereur réitéra son ordre, menaçant
de recommencer si les hommes n’obéissaient pas à sa volonté.
Tous les soldats de la légion déclarèrent qu’ils n’accompliraient
jamais un ordre aussi sacrilège, qu’ils avaient horreur de
l’idolâtrie, qu’ils avaient été élevés
en Chrétiens, qu’on leur avait enseigné un Dieu unique et éternel
et qu’ils étaient prêts à souffrir des peines extrêmes
plutôt que de faire ce qui était contraire à leur religion.
Cette déclaration décupla la colère de Maximien. Comme
une bête sauvage il ordonna l’exécution de son ordre de "décimer"
à nouveau, pensant que ceux qui resteraient seraient obligés
de plier. Mais la légion maintint sa résolution. Après
cette deuxième exécution, Maximien avertit ceux qui
restaient qu’il irait jusqu’au bout et que, s’ils persistaient, pas un n’échapperait
à la mort.
Pendant cette crise, le capitaine Maurice fut sûrement le plus grand
supporter de la foi, avec ses lieutenants Candide,premier officier de commandement,
et "Exupèrius", le "Compidoctor" ! Il enflamma la ferveur des cœurs
de ses soldats par ses encouragements. Maurice parla de l’exemple de leurs
fidèles compagnons d’armes déjà martyrs et les persuada
tous d’être prêts à mourir à leur tour pour l’amour
de leur vœu baptismal. En entendant ses paroles, un glorieux et vif désir
pour le martyr brûla dans le cœur de ces hommes bénis.
Enflammée par leur chef, la légion thébaine envoya
à Maximien une réponse aussi loyale que brave :
"Empereur, nous sommes vos soldats, mais aussi les soldats du vrai Dieu.
Nous vous devons le service armé et l’obéissance, mais
nous ne pouvons pas renoncer à notre créateur et Maître,
qui est aussi le vôtre, même si vous le rejetez. Dans tout ce
qui n’est pas contre sa loi, nous vous obéissons très volontiers,
comme nous l’avons fait jusqu’ici. C’est volontiers que nous combattons vos
ennemis quels qu’ils soient, mais nous ne pouvons pas nous salir les mains
du sang de chrétiens innocents. Nous avons prêté serment
à Dieu avant de le faire pour vous et vous n’accorderiez aucune confiance
à ce deuxième serment si nous violons le premier.
Vous nous avez ordonnés d’exécuter des chrétiens ;
considérez que nous en sommes. Nous confessons Dieu le Père,
créateur de toutes choses et son fils Jésus-Christ qui est
Dieu.
Nous avons vu nos compagnons massacrés par l’épée ;
nous ne les pleurons pas, et nous réjouissons de l’honneur qui leur
est fait. Ni ceci, ni aucune provocation ne nous ont incité à
nous révolter. Voyez, nous avons des armes dans nos mains, mais nous
ne résisterons pas, parce que nous préférons mourir innocents
plutôt que vivre dans le péché."
Maximien, devant des hommes aussi obstinément déterminés
à demeurer dans leur foi, comprit qu’il ne les ferait pas plier
et décréta, dans une condamnation finale, qu’ils soient rassemblés
et que le massacre soit achevé. Les troupes tirèrent leurs épées
contre ces saints hommes qui acceptaient de mourir sans résister,
offrant leur cou à leurs bourreaux.
La dispute de St Maurice
et de St Erasme (Tableau 1523, Pinakotek, Munich).
Tous les membres
de la légion n’étaient pas à Aguanum au moment du massacre.
D’autres étaient en poste le long de la route qui relie l’Italie à
l’Allemagne par la Suisse. Ils furent progressivement et méthodiquement
martyrisés partout où ils se trouvaient. La majeure partie,
à Aguanum (St Maurice en Valais), trouva la mort avec ses chefs
devenus Saint Maurice, Saint Exupére, Saint Candide, Saint Innocent
et Saint Vitalis. D’autres périrent dans d’autres lieux de Suisse,
d’Allemagne, d’Italie et des Alpes.
Toujours d’après St Eucher, pendant ce martyre, de nombreux miracles
se produisirent ce qui contribua largement à la conversion massive
des habitants de ces régions au Christianisme. Les uns, décapités,
se levaient en portant leur tête ; les autres voyaient leurs chaînes
tomber ; ailleurs, les morts jetés dans un fleuve sortaient de l’eau,
s’agenouillaient sur la berge pour prier…»
Certains pensent que cela se passa le 22 septembre 286 [54], alors
que d’autres historiens pensent que les soldats massacrés étaient
bien moins nombreux et que cela se passait en l'an 302 [83, 84].
Les corps des martyrs d’Agaune furent découverts et identifiés
par Saint-Théodore vers l’an 350. En leur honneur, il fit construire
une cathédrale vers cette date. L’abbaye de Saint-Maurice fut fondée
en 515 sur une terre proche, donnée par le roi Sigismund de Bourgogne.
Statue de Saint Maurice,
vers 1240, Cathédrale de Magdeburg, Allemagne.
Le culte de Saint-Maurice s’est développé rapidement vers
l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et le nord de la vallée du Rhône.
A partir des XII et XIIIe siècles, Maurice est de plus en plus représenté
sous les traits d’un Maure africain en raison de la ressemblance entre les
mots Mauritius et Maurus et sûrement aussi à cause de ses origines
égyptiennes.
A 3 km de Caromb, sur le bord du Brégoux, jaillit du rocher une source,
aux eaux de laquelle le peuple attribuait une vertu merveilleuse. C'est la
fontaine de Saint-Maurice. D'après une légende, après
avoir campé au quartier des Nauds, le glorieux chef de la Sainte Légion
y aurait fait boire son cheval, et en souvenir de son passage, les pieds de
l'animal auraient laissé, dans le roc, une quadruple empreinte, qu'on
voyait encore en 1882. Mais le roc a disparu depuis [39].
Buste de Saint Maurice (Caromb).
Au Moyen Âge, Saint Maurice fut le saint patron de plusieurs dynasties
romaines d’Europe et, plus tard, des Saints Empereurs romains. En 926, Henry
I (919-936) céda même tout un canton suisse pour recevoir en
retour la lance des saints. Certainsempereurs furent aussi oints devant l’autel
de St Maurice dans la Cathédrale St Pierre de Rome.
Amédée VIII, duc de Savoie, décida le 7 novembre 1434,
de créer l’ordre de Saint-Maurice et s’en déclara le Grand-Maître.
On sait qu’il devint pape en 1439 sous le nom de Félix V. Cet ordre
avait pour but de servir Dieu par une vie pieuse et monastique, et aussi,
dans les premiers temps, de servir de conseil dans les affaires de l’état
de Savoie[*9
].
Au milieu du XVe siècle, sous l’impulsion de René d’Anjou,
le culte de Saint-Maurice gagne la Provence et l’Anjou.
Les moines de Saint Maurice contribuèrent fortement à la diffusion
de sa dévotion en distribuant largement reliques et objets de culte.
Vers l'an 1420, nous recevions du monastère d'Agaune, lieu du martyr
de la légion, une très importante relique de Saint Maurice
: une partie du fémur de 16 cm.
Le culte de ce saint a été suivi et est toujours suivi, à
Caromb, par une nombreuse population avec, à certaines époques,
une procession solennelle où soldats en armes et garde d'honneur
portaient les bustes de St Maurice, St Praxède et St Candide [39].
Bien d'autres églises, monastères et lieux, en Europe, ont
le même culte de Saint Maurice et M. Bernard de Montmélian a
rassemblé les poèmes, hymnes, proses et séquences (du
VIe au XIIe siècles) en l'honneur des martyrs thébains
[ 84]. Saint Maurice est un des saints les plus populaires d’Europe, avec
plus de 650 fondations à son nom rien qu’en France. Cinq cathédrales,
d’innombrables églises, des chapelles et des autels sont consacrés
à son nom à travers l’Europe. Saint Maurice en Valais reste
un lieu de pèlerinage important. L’ordre de Saint-Maurice existe toujours
et est actuellement régi par l’Etat italien. L’épée
de Saint Maurice, autre relique, fut utilisée pour la dernière
fois au couronnement de l’empereur autrichien Charles en tant que roi de
Hongrie, en 1916.
Evangélisation
de la région.
La légende raconte que la Provence fut évangélisée
dès le Ier siècle, par Saint Paul, les Saintes-Maries-de-la-Mer
et Saint Lazare. Marseille et Arles connaissent très tôt ce
christianisme venu de la mer. Après la Basse Provence, c’est la vallée
du Rhône et celle de la Durance qui reçoivent la bonne parole.
Plus tard, d’autres porteurs de la nouvelle foi traversent les Alpes, par
le Mont Genèvre, vers la Durance.
Andéol est souvent cité, dans des récits légendaires,
mais possibles, comme un des premiers évangélisateurs de la
région de Carpentras, à la fin du IIe siècle[
*10
], tout comme Saint-Eutrope à Orange, Saint-Ruf à Avignon.
Le Judaïsme semble avoir suivi de peu le Christianisme dans notre région
: les premiers juifs sont à Avignon dès le IIIe siècle
et il est possible qu'ils s'installent en Comtat Venaissin à partir
du IVe siècle [33].
Le 1er concile a lieu à Arles en 314, regroupant les six évêques
provençaux de l’époque : ceux de Marseille, Arles, Vaison,
Orange, Nice et Apt. Les premières églises chrétiennes
apparaissent dans les villes et quelques chapelles à la campagne.
Citons Saint-Hilaire-de-Durban ou Notre-Dame-d’Aubune (Beaumes). Croix, sarcophages
et inscriptions datent du IVe siècle.
Suite : la chronologie
historique (chapitre IV).
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