XXII. Le renouveau provençal,
de 1815 à 1860.
La Restauration dans le Comtat.
Et à
Caromb.
Pendant
la Révolution de 1848, à Caromb.
Les riches
terres du Comtat Venaissin.
Le classement
de l’orgue de Caromb .
Sous Napoléon
III.
Le nouveau
cimetière.
Funérailles.
Arrivée
du chemin de fer et des premiers touristes.
Le déclin
du provençal.
Solidarité
avec le pays en 1870.
Equipement
communal : vers le modernisme.
La Restauration dans le Comtat.
L'électorat de Provence et du Comtat, on l’a compris, est alors farouchement
royaliste.
Lors de la restauration, le désordre s'installe de nouveau dans le
Comtat et s'exprime sous la forme d'une nouvelle "Terreur blanche". Le
maréchal Brune est assassiné dans l'hôtel du Palais
Royal par des émeutiers et son corps jeté dans le Rhône.
Le 26 juillet 1817, le pape Pie VII proteste une dernière fois contre
le rattachement du Comtat à la France, avant de s'incliner
et de l'accepter définitivement.
En 1818, on reconstruit encore une fois la chapelle Sainte-Croix démolie
pendant la Révolution.
Parallèlement au développement des transports ferroviaires,
la région devient la principale productrice de cultures maraîchères
de France. En 1832, l'eau potable alimente les premières fontaines
publiques d’Avignon et en 1838, on installe l'éclairage au gaz dans
les rues.
Et à Caromb.
Dans la liste des dépenses carombaises, les sommes consacrées
à l'entretien de la maison commune et du moulin s'élèvent
à un montant de 50 francs. On confie l'administration de l'hospice
à deux sœurs hospitalières de Saint-Roman qui tiendront
en même temps l'école (1816).
L'octroi est supprimé, mais la municipalité décide
d'en poursuivre la perception. Quatre folios sont consacrés à
la révision des tarifs de l'octroi.
En 1818, les vieilles canalisations de pierre, construites en 1313 et qui
ont plus de cinq siècles d’existence, doivent être refaites
: le revêtement est détérioré et les eaux pluviales
s'infiltrent. Les jours de pluie, une eau trouble (sûrement boueuse)
arrive aux fontaines du village. On craint la contamination par l'infiltration
du purin suite aux épandages de fumier dans les terres qui bordent
la conduite. Le conseil municipal décide d'abandonner les conduites
en pierre et d'en reconstruire d’autres en poterie [54].
Les conduites des fontaines de la place,
des Aires, des 4 coins et de M Dubarroux ayant été refaites,
la municipalité autorise les particuliers à établir
chez eux des fontaines branchées sur ces conduites en payant des
redevances suffisantes pour leur entretien (octobre 1820).
Notre mairie soigne ses relations avec la royauté : le conseil fait
une adresse au roi au sujet de l’assassinat du duc de Berry (1820), puis
vote 50 francs pour la fête célébrant le baptême
du duc de Bordeaux (1821).
La municipalité achète
au prix de 566 francs, le terrain qui entoure le «ci-devant château»
au levant et au midi afin d'agrandir l'esplanade toute proche de l'église
et la rue publique (1823).
Les carrières de Caromb, qui ont fourni les pierres des barrages
du Rhône et de la Durance, de l'aqueduc et de l'hôpital de Carpentras,
étant d'intérêt général, la municipalité
demande au préfet que l'entretien du chemin qui y conduit soit
pris en charge par le département.
Le 29 septembre 1818, la petite communauté de la Sainte-Famille,
nos augustines, se réinstalle à Carpentras. On chanta le Te
Deum, dirigé par la magnifique voix de Melle Faure de Caromb, alors
postulante. [55].
Revenons à nos seigneurs, qui, en même temps que la vente du
château, cèdent leurs dernières parcelles cultivables
des contreforts du Paty (en 1818, d'après [39] ). Le travail
de nos carombais a transformé la colline en une série de gradins
couverts d'oliviers, lui donnant un aspect magnifique [39].
M. et Me Heyraud possèdent encore un document montrant la vente aux
enchères des dépendances du château, le 21 décembre
1818, par M. le duc de Choiseul et Madame la comtesse de Marmier. Il s'agit
de la maison-écurie et du grenier à foin du château.
L'acte est enregistré par Maitre Joseph Denis Lombard, notaire royal
à la résidence de Caromb (L'acte est donné en annexe).
Une grande plaque de marbre est gravée (1828) et porte l'inscription
suivante :
HIC TORENTICUS ALTARIS
ORNATUS EX FIDELIUM ECLESIAS
MASIMIS ORECTUS FUIT AMED MDCCCXXVIII
MICHELON PAROCHUS M DE ALBARUFFO
PRIMUS OPPIDI, MAGISTRATUS, AC
ORDINIS MILITARIS STE LUDINICI
J. DURAND, MORARD, J.J. BLANC,
Cette plaque est située derrière le maître-autel, fermant
l'abside, de l'église.
Puisque l'on est dans le chœur de l'église, parlons aussi des tableaux
:
Les deux grands tableaux représentant Saint Pierre et Saint Paul,
peints par Bourguignon dit "le vieux", datent de 1828.
Nous connaissons quelques organistes de Caromb : en 1801, Joseph Girard
puis Antoine Bigonnet, en 1823, et enfin Jean-Marie Marcellin, en 1843
[54].
En octobre 1825, on se souvient des malheurs de la révolution, du
nombre de carombais exécutés à Orange, et le conseil
ouvre une souscription pour concourir à l’érection d’un monument
expiatoire des victimes de la Commission révolutionnaire d’Orange.
En 1830, le conseil municipal de Caromb, avec des pierres provenant de la
chapelle Saint-Etienne détruite sous la Révolution, fait
construire, sous l'église, une école pour les garçons.
Le conseil municipal prête serment au nouveau gouvernement : “je jure
fidélité au roi des français et obéissance
à la charte constitutionnelle”. On décide d’acheter un uniforme
“modèle de la garde nationale”.
Caromb n’a pas la mémoire courte et malgré tous ces grands
évènements, notre ténacité nous pousse à
reprendre le procès des eaux avec Carpentras, qui dure depuis 1313,
car Carpentras a toujours voulu outrepasser ses droits pour usurper toutes
les eaux, ce qui serait la ruine de Caromb. Ce n’est plus au vice-légat
que l’on s’adresse, mais au préfet. La municipalité lui demande
l’autorisation de plaider devant la cour de Nîmes (1832) et il répond
en nommant une commission (1833). Notre administration sait déjà
enterrer les problèmes ! Les procès coûtent toujours
aussi chers, sont toujours aussi longs et la commune doit vendre quatre terrains
pour payer les frais des avoués, soit 1.844 francs.
Où en est-on avec la
langue dans notre région ? C'est le provençal qui domine et
tout le monde le parle, a tel point qu'en 1834, sa pratique est tellement
vivante que Mérimée ne rencontre personne, à Venasque,
qui parle le Français.
Nous possédons un cadastre de 1835. Il indique, pour notre commune
:
- - 3 propriétaires
de moulins à farine
- - 2 propriétaires
de tuileries
- - 1 propriétaire
de four à chaux.
La commune de St Hippolyte est séparée de Caromb depuis la
révolution.
En 1836, notre commune, consultée, donne un avis défavorable
à la création d’une paroisse indépendante.
On supprime le fermage des pâturages du Paty en 1838, pour le remplacer
par une taxe de un franc par habitant qui désire aller y ramasser
du petit bois, le buis et l’engrais, à condition de n’apporter ni
bigo, ni pique et de ramasser à la main ou à la faucille.
Cette même année, les communes de Caromb et de Carpentras se
mettent d’accord pour modifier le pont sur la Mède et pour traverser
la rivière en ligne droite, afin d’éviter le gué dans
sa longueur et l’inconvénient des grandes eaux et des glaces qui
empêchent le passage des voitures et des piétons en hiver.
On est d’accord, mais les crédits ne sont votés par le conseil
qu’en 1845, les plans et devis sont acceptés en 1846, l’acquisition
des terrains se fait en 1847. Notre conseil réunit toutes les ressources
possibles, soit 9.216 francs, après abandon de créances trop
modiques comme celles des exploitants des carrières. En 1848, les
travaux sont en cours, mais les dépenses dépassent largement
les provisions évaluées à 16.443 francs. On fait appel
au commissaire du gouvernement et l’année suivante on approuve l’excédent
des dépenses, pour un coût final de 16.995 francs.
Une affaire rondement menée,…
Du coup, on décide de faire un pont sur le Brégoux.
En 1846, un nouveau maire est nommé par le préfet : il doit
jurer fidélité au roi.
Pendant la Révolution
de 1848, à Caromb.
Pendant l’hiver 1848, alors qu'une révolution se prépare
en France, le conseil carombais vote un impôt extraordinaire afin
de fournir du travail aux plus nécessiteux. Les travaux de nécessité
publique sont confiés à des gens de la classe ouvrière
groupés en ateliers de charité.
C’est un comité républicain
de la commune qui se réunit en mars 1848 et la municipalité,
excepté un démissionnaire, est reconduite au nom du peuple
par ce comité (avril 1848).
Le département de Vaucluse vote et donne une faible majorité
de 52% à Louis Napoléon Bonaparte, en 1848. Tout le midi
est contre un nouveau Bonaparte : le Var lui donne seulement 25% de ses
voix et 23% pour les Bouches-du-Rhône. La gauche commence sa progression,
dès 1849, et les "montagnards" (démocrates et socialistes)
obtiennent plus de 40% des voix. Notre région résiste au coup
d’état de 1851.
Les renseignements sur Caromb nous sont fournis par l'annuaire statistique
et administratif du département du Vaucluse pour l'année
1848 [54] : notre population est de 2.516 habitants et, sur l'année,
nos archives paroissiales enregistrent 90 baptêmes, 16 mariages et
66 décès. La surface de la commune est de 1.798 hectares.
Le Maire est M. Maurice Roux propriétaire et Messieurs Ribas et Haut
sont adjoints. M. le curé est M. Brémond. Deux vicaires l'accompagnent
dans sa tâche : Messieurs Caire et Richier. Maître Lombard
est notaire, président de la Chambre des notaires et fait partie
du Conseil d'arrondissement de Carpentras. Nous avons un percepteur attitré
: M. Carbonnel.
M. Maurice Gilles et M. Maurice-Auguste Barthélémy sont nos
docteurs en médecine ayant droit d'exercer dans toute l'étendue
de la République. Ils sont assistés de deux sages-femmes
: Angélique Autard, femme Rol, et Marguerite Gérin, femme
Girard. L’hospice est dirigé par une commission administrative composée
de Messieurs Barrière, Morard, Camaret, Barre et Gérin.
Au 1er janvier, l'hospice compte 3 présences. 21 personnes sont
admises pendant l'année. Il y a 6 décès et 14 sorties.
Au 31 décembre, il reste 4 personnes. Les recettes s'élèvent
à 3.227 F et les dépenses à 3.197 F.
Les jeunes n'ont pas encore commencé à grandir : la taille
moyenne des jeunes recrues au conseil de révision de Carpentras est
de 1 m 66.
Les écoles sont dirigées, pour les 151 garçons, par
les frères des écoles chrétiennes, et pour les 115 filles,
par les religieuses du St Sacrement. M. Peyre, propriétaire à
Caromb, est désigné par le conseil départemental de
l'Instruction publique pour la surveillance.
Pour la rentrée scolaire, un avis indique "si votre enfant a plus
de 16 ans, qu'il sache lire et écrire, qu'il ait eu la petite vérole
ou qu'il soit vacciné, il peut être reçu au cours
d'instruction agricole d'une durée de trois ou quatre ans. Les
élèves y sont reçus gratuitement, nourris, entretenus,
logés, soignés … La discipline est paternelle, mais sévère.
Un brevet de capacité sanctionne les études. S'adresser rapidement
à la "Ferme Ecole" St Privat, près Sarrians".
Nous savons aussi que, le 26 mars de cette année 1848, se déroule
la bénédiction de la cloche des Pénitents blancs
et que, le 24 octobre, a lieu l'érection du chemin de croix dans
l'église paroissiale.
Sur invitation du préfet (janvier 1849), la commune achète
un drapeau national. Deux ans plus tard, le conseil proteste contre une calomnie
selon laquelle le maire aurait toléré qu’un drapeau blanc
soit porté dans Caromb.
Le service de la poste aux chevaux se fait par des "maîtres de poste"
auxquels l'administration confère le privilège de conduire
les malles-postes pour le transport des voyageurs et des dépêches.
Les particuliers voyageant dans leur voiture bénéficient
aussi des relais et chevaux de rechange. Les maîtres de poste ne peuvent
pas refuser des chevaux aux voyageurs tant qu'ils en ont dans leur écurie.
Mais les voyageurs ne peuvent jamais exiger qu'on leur donne ceux qui sont
affectés au service des malles-postes.
Toutefois, les maîtres de poste ne peuvent donner des chevaux pour
la première fois aux voyageurs que sur présentation de leur
passeport.
Vers
1848, un tel relais pour les malles-poste est installé sur le Cours,
face aux pénitents, sur la ligne Carpentras-Vaison. On y trouve la
table et la possibilité de changer de chevaux pour les voitures particulières.
Pour les chaises et cabriolets qui nécessitent deux chevaux, le tarif
est de 3 F ; il est de 4 F 50 pour limonadières et voitures
fermées ou coupées ou calèches à brancards,
de 6 F pour les 4 chevaux des Berlines, voitures fermées, calèches
à deux fonds et à timon, et monte à 9 F pour 6 chevaux.
Il est vrai que c'est le début du tourisme : sur la côte, Nice
accueille déjà près de 3.000 étrangers-touristes
et le dernier tronçon du chemin de fer se construit. Il reliera
Paris à Nice en 1860. L'Italie se crée en 1861 et une grande
émigration des italiens vers la France commence. En 1851, ils ne
sont guère que 62.000, principalement installés dans
les départements du Midi de la France.
Les riches terres du Comtat
Venaissin.
Les plaines s’équipent : le Canal de Carpentras, un canal d’irrigation,
est l’œuvre d’un modeste notaire de Pernes, Louis Giraud, et bénéficie
à 54.000 hectares de garrigues du département du Vaucluse.
De 1849 à 1857, Louis Giraud, plusieurs fois élu maire de
Pernes, puis conseiller général de Vaucluse, parvient à
surmonter les individualismes communaux et à unir des municipalités
pour construire ce canal allant chercher l’eau de la Durance. Il crée
et préside un syndicat pour le canal, en 1849. Le 12 juillet
1853 on l'inaugure, puis on le met en service en 1869. Travail colossal,
car le canal mesure 65 km de long et se ramifie en plus de 700 km de canaux
secondaires. Il transforme complètement les cultures et les habitudes
: les terres se couvrent de cultures maraîchères et, dix ans
plus tard, les premiers trains les transportent vers la capitale. Le besoin
de main d’œuvre est fort, en provenance des montagnes comme celles de Sault,
puis des Alpes.
C’est une période de grande mutation agricole : la fraise apparaît,
la vigne est malade du phylloxéra, la garance ne se vend plus,
le mûrier décline en même temps que l’élevage
des vers à soie. Caromb plante ses cerisiers et ses abricotiers.
Les corsos, fêtes provençales typiques, remplacent le Carnaval
et ses rites. Chaque village prépare ses chariots et leurs ornements
pour attirer les populations.
Encore un fait
marquant : les crèches de Noël et les santons, apparus au XVIIe,
connaissent une expansion importante.
Le classement de l’orgue de
Caromb (
*92
).
Le gracieux buffet de l’orgue du XVIIe siècle est classé
par les Beaux-Arts le 23 mai 1849 et sera restauré par ce même
service en 1965.
La partie instrumentale n’est pas classée par ce décret.
On pourrait lui adapter un orgue positif de 4 jeux : [54].
- Bourdon 8 : basses
en bois et à partir du 2e octave en étoffe (mélange
d'Etain et de plomb) 56 tuyaux.
- Prestant : 56 tuyaux d'étain
fin.
- La basse serait placée
en façade dans le buffet ancien existant dans l'église.
- Doublette 2 : 56 tuyaux
d'étain fin. Une partie en façade dans l'ancien buffet. Plein
jeux 3 rangs, soit 168 tuyaux d'étain fin.
Sous Napoléon
III.
Après le coup d'État du 2 décembre 1851, le Prince-Président
Louis Napoléon Bonaparte met fin à la Seconde République
et établit son pouvoir personnel. Le 16 mai 1852, le conseil de
Caromb prête serment de fidélité au Prince-Président.
Le maire, nommé par le préfet en octobre 1852, fait de même.
Quelques mois plus tard, le président se fait proclamer empereur
sous le nom de Napoléon III. La Provence s'oppose toujours au pouvoir
central et affiche une forte résistance malgré les efforts
du nouvel empereur pour la rallier à sa cause.
Le conseil de Caromb lui prête à nouveau serment de fidélité
(mars 1853). Caromb adresse ses félicitations pour son mariage
en 1853, vote une somme de 50 francs pour la célébration
de sa fête, salut (mars 1856) la naissance du prince impérial
par des félicitations, puis organise des fêtes pour le baptême
de S.A. le prince (juin 1856).
En 1858, le conseil remercie la Divine Providence d’avoir permis à
l’empereur et à l’impératrice d’échapper à
un attentat. Il renouvellera cette démarche, le 23 juin 1867, pour
l’attentat du 6 juin.
La commune doit rappeler au gouvernement local que l’église, étant
classée monument historique, est à la charge du département.
L’empereur fait peser sur le peuple un régime autoritaire jusqu'en
1859, mais, acquis au libéralisme dans le domaine économique,
la France participe à la prospérité générale.
Le Second Empire ouvre les frontières douanières, crée
les grandes banques, et encourage le regroupement ou la fusion des
entreprises.
La poste ouvre ses premiers bureaux en 1850 équipés du télégraphe
électrique : en 1865, le conseil carombais réclame
un bureau de poste, car les lettres venant des communes voisines mettent
autant de temps à nous parvenir que si elles venaient de Paris. Par
contre, il refuse la création d’un bureau télégraphique,
car trop coûteux, et réitère l’année suivante
sa demande pour un bureau de poste. Mais on ne résiste pas au progrès
et, en 1872, on vote la somme de 400 francs pour participer aux dépenses
du bureau télégraphique qui reliera Carpentras à
Caromb, Bédoin, Malaucène et Beaumes. Cette ligne n’est
toujours pas réalisée en 1881 et le conseil décide
de contribuer pour 450 francs, soit la moitié du prix du bureau.
La France s'ouvre au monde entier : les transports maritimes sont organisés.
Deux lignes régulières et sept lignes transatlantiques seront
établies partant du Havre, de Saint-Nazaire, de Bordeaux. L'aménagement
des ports est activement pressé. Talabot fait construire à
Marseille des docks sur le modèle de ceux de New York. Marseille
voit sa flotte passer de 30 navires à 201 entre 1851 et 1869.
L’ouverture sur le monde n’empêche pas nos carombais de rester très
attachés à leur commune, leur Paty et leurs chapelles : les
terrains autour de la chapelle du Paty sont propriétés de
la commune et, certains ayant été défrichés par
des particuliers, le conseil doit rappeler le fait, accepte de donner à
bail l’esplanade autour de la chapelle sans la vendre (1854/55) et se réserve
25 m de terres nécessaires aux processions autour de la dite chapelle
pour une éventuelle extension à financer par des dons.
Se rappelant sans doute de vieux problèmes avec ses voisins, la commune
fait borner la montagne du Paty par des ouvriers (1857).
Par contre, la commune s’oppose à la demande de Carpentras d’établir
un barrage sur la Mède, pour alimenter ses fontaines (1856). On
n’a pas la mémoire courte…
Mais cela se fait quand
même car une enquête de 1863 constate qu’il y a deux barrages
sur la Mède : l’un à M. Peyroux, l’autre (et oui !)
à la ville de Carpentras. L’enquête conclut à leur
maintien. M. Peyroux demande de dévier les eaux perdues vers sa
propriété et on donne un avis favorable car cela n’est pas
préjudiciable au barrage de Carpentras (1866). On lui refusera, dans
un premier temps, le droit de créer un canal de dérivation
pour son usine, pour ne pas gêner les fontaines de Carpentras, puis
on lui accorde l’autorisation (1873), car il s’agit d’évacuer les
eaux usées de son usine.
La commune bénéficie de legs, parfois importants comme celui
de 7.500 francs à l’hospice de la part du prêtre Eugène
Martial Peyre, ou plus modestes comme les 50 francs d’Henriette Ladet,
ou la même somme du notaire Lombard en faveur de l’hospice.
Le nouveau cimetière.
Un nouveau cimetière doit
être construit. Contre l’avis du préfet, le conseil choisit
un terrain situé au nord-ouest du village, sur une position aérée,
à une distance éloignée des habitations, bordant
le chemin vicinal de Beaumes et plus rapproché des carrières,
ce qui sera plus économique pour la construction des murs (1857).
Malgré la pression du préfet et une mise en demeure, le conseil
persiste dans son choix, puis cède (janvier 1858) en adoptant l’emplacement
actuel préconisé par le préfet. Voici comment ce
choix est apprécié par le conseil de l’époque : “situé
au midi du village et d’un coteau qui le prive du vent du nord et situé
après une descente de l’église jugée très
dangereuse, exposé à la vue des habitations surélevées
au nord ; les exhumations devant se faire sous les yeux de la population
qui domine le cimetière de 4 mètres seulement ; le seul avantage
de ce lieu est sa proximité relative de l’église”.
Le cimetière est transféré en mai 1858 et quatre ans
plus tard on fait construire une chapelle dans la nouvelle enceinte.
Pour sauvegarder l’emplacement de l’ancien cimetière où reposent
plus de 800 habitants, la population achète, à 2,50 francs/m2,
une concession perpétuelle et émet le vœu d’y construire
un presbytère. En 1874, le conseil autorise la vente du terrain à
la Fabrique, sous condition de le laisser intact ou bien de l’utiliser pour
des buts religieux.
Funérailles.
Parmi les traditions, il en est
une qui restera d’usage : c’est celle de la participation du voisinage
au rituel des funérailles, à la veillée du mort, à
l’entretien de la chandelle qui brûle toute la nuit, à la
préparation du café pour les veilleurs et leur prise en
charge de l’annonce orale de la nouvelle du décès à
toute la communauté carombaise. Très vite les voisins et
les proches s’organisent, quartier par quartier, pour transmettre la nouvelle
en prenant soin de n’oublier personne.
Lors de la cérémonie, le corps est porté à l’église
où il reste exposé « à visage découvert
». Cette coutume disparaît à Avignon vers 1840, mais
perdure encore dans les villages. Les amis ou voisins portent le drap noir
traditionnel pendant le cortège qui s’organise, de façon tout
aussi traditionnelle, de la maison du défunt à l’église,
puis au cimetière.
Depuis le Moyen Âge, les femmes sont exclues des processions funèbres
; la preuve la plus ancienne est celle des statuts de Pernes qui, dès
janvier 1297, portaient défense de « suivre ou accompagner
le corps à l’église ou au cimetière à toute
femme, mère, épouse, fille, nièce, sœur, sous peine
d’une amende de 50 sols coronats, à chacune des délinquantes,
et à chaque fois ». Les révolutions n’ont pas changé
la place de la femme dans nos sociétés méridionales
et ce ne sera que pendant la Première Guerre mondiale que la femme
sera autorisée à participer aux cérémonies,
mais à condition de précéder le corbillard et non pas
de le suivre. Ainsi les femmes sont séparées des hommes. Et
ceci jusqu’au XXe siècle.
Entre 1851 et 1866, tout un monde nomade exerce de petits métiers
: savetiers, rémouleurs, tourneurs, vitriers et rempailleurs de chaises
: ces marchants ou artisans ambulants parcourent nos villages : Bédoin
nous précise « que l’aiguiseur ou rémouleur vient
de Caromb et fait claquer une grande cisaille pour annoncer son arrivée
». Etameurs, marchands de parapluie, acheteurs de peaux de lapins,
faiseurs d’eau de vie, marchants d’allumettes de contrebande sont aussi
cités [136].
Arrivée du chemin
de fer et des premiers touristes.
Les chemins de fer connaissent un essor remarquable : en France, la longueur
des voies passe de 1.000 kms en 1848, à 18.000 kms, en 1870.
La Provence s’équipe : le premier tronçon va de Marseille
à Avignon, crée par Talabot de 1843 à 1849. Il est
relié à Lyon en 1854. La fusion des petites sociétés
de chemin de fer donne naissance au PLM (Paris-Lyon-Marseille) en 1857.
La création de la ligne Carpentras-Avignon pousse le conseil carombais
à demander que son “embarcadère” soit situé à
l’avenue de la Porte d’Orange pour faciliter le transport à partir
de notre commune. Après l’extension vers Carpentras (1856,) qui
ne tient pas compte de notre demande, c’est Pernes (1894) qui est relié
au réseau ferré. Des trains entiers viennent chercher les
productions agricoles locales, assurant un débouché impensable
quelques années plus tôt.
Un peu plus tard, un projet de construction de voie ferrée entre
Carpentras et Nyons, par Caromb et Bédoin, sera présenté
par le conseiller général Geoffroy de Malaucène, mais
ne sera pas accepté.
Notre actuelle région Provence-Alpes-Côte-d'Azur trouve sa
forme définitive en 1860, suite à de délicates négociations,
quand le comté de Nice, et la Savoie, sont cédés
à la France, par le traité de Turin. Des consultations populaires
confirment le rattachement, après un plébiscite décisif.
A partir de 1860, la Côte d’Azur reçoit de nombreux touristes
: le chemin de fer permet des séjours hivernaux pour une clientèle
de luxe : tsar de Russie, empereur du Brésil ou famille royale
d’Angleterre se succèdent à Nice. Notre Midi va connaître
une merveilleuse réputation.
Le déclin du
provençal.
Moins d'un siècle après être devenu
français, le Comtadin est déjà intégré
économiquement. Reste la langue parlée :
Avant la Révolution, le provençal reculait lentement
devant le français, langue des administrations, et le gouvernement
français l'ignorait superbement. A partir du Second Empire, il subit
un rapide recul sous l'influence de l'éducation et de l'Eglise. Une
lettre du ministre de l’éducation demande à tous les inspecteurs
d'académie de réfléchir sur les moyens à employer
pour faire disparaître le plus rapidement possible le patois (1864).
Objet de mépris, notre langue est considérée comme
un parler vulgaire. L'hostilité du monde enseignant s'accroît,
et le provençal commence à disparaître de l'école,
de la cour, de la rue, de la famille même [118].
L'Eglise, elle aussi, abandonne le provençal dans ses
sermons et son catéchisme.
Solidarité avec
le pays en 1870.
Nous sommes vraiment intégrés à la France : en écho
aux évènements nationaux de 1870, la séance du conseil
du 12 septembre est instituée “République Française”.
La municipalité est remplacée par un comité de défense
nationale. On vote une somme de 500 francs pour l’organisation de la Garde
Nationale et on élit 11 membres au conseil de recensement de cette
Garde. En novembre, sur invitation du préfet et afin de concourir
à la défense, le conseil supprime les deux budgets des fêtes
publiques de 150 francs chacun et vote une somme de 200 francs pour secourir
les parents des soldats qui sont sur le front.
En septembre 1870, la guerre franco-prusse marque la fin de l’Empire,
et la proclamation de la IIIème République.
Equipement communal
: vers le modernisme.