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Mise à jour 4/03 Copyright JG © 2003
  
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XX. Le rattachement à la France (suite).

Commission populaire d’Orange.



            Les prisonniers arrêtés ne sont pas tous maintenus : certains sont libérés au bout de quelques semaines. Les autres sont conduits à Orange où siège le Tribunal révolutionnaire, la commission populaire d’Orange, dont nous allons suivre les débats.  Le Comité de Salut Public et Robespierre ont signé l’établissement de la Commission populaire d’Orange le 21 floréal an II de la République, avec pour mission de juger les ennemis de la Révolution suivant la seule conscience des juges.
            Maignet, député du Puy-de-Dôme, représentant de la Convention nationale, tout puissant dans les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, installe son tribunal sans jurés et sans défenseurs dans l'église du collège des doctrinaires d'Orange, ancien temple protestant construit en 1550, assez grand pur contenir 3 à 4.000 personnes. Il est vrai que les arrestations se font en nombre dans le département [33].
            Dès le 31 mai, il avait donné ordre aux municipalités d'achever dans l'espace de quinze jours les arrestations des personnes suspectes. Tous ceux qui favorisaient une évasion étaient passibles de mort. En outre, les municipalités étaient responsables, si elles ne faisaient pas arrêter quiconque avait été dénoncé par deux citoyens. Ce système de délation jeta la terreur dans les deux départements qu'il administrait.
            En juin 1794, à Avignon, on arrête des centaines de personnes : pendant trois jours, la ville est bouclée, les maisons sont visitées une à une et personne ne peut sortir de chez soi. L'assassinat d'un patriote du quartier du Pontet a servi de prétexte au représentant en mission, Maignet, pour cette grande chasse aux suspects. Celui-ci a fait confiance à l'intuition révolutionnaire des commissaires pour distinguer “l'homme ami de sa patrie de celui qui médite en secret sa ruine”. Six cents personnes ont été arrêtées : des contre-révolutionnaires notoires, mais aussi tous les prêtres, les parents d'émigrés ou de condamnés, et des filles publiques[18].

            Le palais des papes regroupe 1.500 détenus.
            A Orange, 800 personnes sont dans les prisons lorsque s'ouvrent les audiences du tribunal, le 1er messidor.

            Cinq juges accompagnent Maignet :

  •  Jean Fauvety, président de la Commission est un protestant d’Uzès, un sectaire enragé avec un cœur d’acier [85],
  •  Joseph Fernesc, ouvrier en soie à Lyon, inculte, ignorant, farouche et sans pitié,
  •  Gaspard Ragot, ouvrier menuisier de Lyon, grossier, toujours ivre, qui dort pendant les séances,
  •  Pierre Michel François Roman-Fonrosa, né à Die, avocat,
  •  Meilleret, médecin.
            Ces deux derniers sont cultivés et auraient souhaité utiliser les règles ordinaires de la justice.
            Maignet nomme François Charles Viot, dit le pourvoyeur de guillotine, comme accusateur public. Celui-là est une créature de Maignet, un personnage odieux, un déserteur qui se promène le sabre à la main et dépouille les condamnés de leur argent, bijoux et autres effets précieux. Il est assisté du féroce Barjavel [33] et Jullian Cottier, conseiller de Viot et Benet d’Orange, greffier.

            Le 1er Messidor, les cinq premiers détenus jugés sont condamnés à mort, puis guillotinés sur la place dite de la Justice, devant un nombreux public [33].
Au total, sur 595 personnes jugées, 332 sont condamnées à mort et exécutées, 116 sont condamnées à la prison et 147 sont acquittées [33].


Le tribunal révolutionnaire d'Orange
Musée Arlaten, Arles.

            La haine de la religion et le moindre prétexte entraînent la sentence suprême, l’échafaud : 32 religieuses de Bollène, victimes de ce tribunal, et qui ont impressionné les foules par leur courage et leur foi, seront béatifiées.

            Cinquante trois de nos compatriotes carombais sont conduits à Orange pour être jugés. La Commission Populaire en condamne trente sept à l'échafaud, deux à la prison, cinq seulement sont acquittés. Le président Fauvéty, assisté de Ragot et Fernesc n'ont pas besoin de preuves pour juger ! Viot, accusateur public «trouve une véritable volupté à faire couper les têtes» !

            Voici les victimes de Caromb, et  le résumé des quatre séances du Tribunal :

             Première séance :
            1er thermidor (19 juillet 1794).

Dans cette séance, les quatre frères DE JACQUES,
  •  Jean Joseph Thédée Maurice, bourgeois, 65 ans
  •  Charles Thomas, curé de Crillon, 68 ans,
  •  Félix Xavier Arnauld, prêtre 61 ans,
  •  Chrysogone François, prêtre, 56 ans,
        sont poursuivis comme nobles, prêtres, ayant participé aux émeutes et à la fusillade de la Malagronne. Ils sont aussi accusés d’avoir excité et dirigé la populace contre-révolutionnaire. Le juge de paix de Caromb, à la demande de la Commission populaire, établit un inventaire des objets en leur possession : « une ci-devant Sainte-Vierge, deux croix et le christ dessus, le portrait du ci-devant pape, des bulles de Rome, des fleurs de lys, des reliques, des chasubles, aubes, burettes servant aux ci-devant églises, des portraits du tyran d'Angleterre».
        La famille de Jacques se compose alors de six frères, dont cinq prêtres, et de trois sœurs, dont deux religieuses : Marie-Françoise (73 ans), Delphine-Françoise (71 ans, religieuse augustine à Carpentras), Charles-Thomas (68 ans, curé à Crillon), Jean-Joseph-Tadée-Maurice (65 ans), Polycarpe-Etienne (64 ans, prêtre à Caromb), Thérèse (63 ans, religieuse), Félix-Xavier-Arnould  (61 ans, prêtre), Chrysogone François  (56 ans, prêtre), et Denis-Bernard-Marcellin (58 ans, prêtre à Rome).
        Le tribunal condamne à mort, pendant cette séance,  les quatre frères, accusés d'un attachement inviolable au tyran et à la tiare.
 
  •  GERIN Jean-Pierre ( *89 ), meunier 29 ans, est accusé d’avoir participé, le 9 juillet 1793, à l’enlèvement par la force des armes de la Municipalité et de s’être porté, armé d’un fusil, au devant de la troupe de Pernes qui venait apporter la paix dans la commune.

  •     Il a engagé François Gautier d'aller avec lui ; ce dernier étant sans armes, le père de Gérin lui prêta une épée.
    Accusé  par trois témoins à charge, il est condamné à mort.
  •  CURNIER François Marie , notaire, 72 ans, officier municipal en 1791 et 1792. Il était né à Caromb le 12 avril 1722, de Claude-Joseph Curnier et d'Elizabeth Ferras. Il était aussi Prieur de la Confrérie du Purgatoire et gardien des ornements et du trésor de la chapelle. Le 26 juillet 93, il fut appelé par les trois commissaires pour apporter à la  Mairie les objets d’argenterie, ornements, etc… de la confrérie du Purgatoire dont il était détenteur. Il s’exécuta et les commissaires confisquèrent le tout, au profit de la nation.
        Une loi du 1er novembre 1792 obligeait les notaires à se munir d’un certificat de civisme pour pouvoir continuer à exercer leurs fonctions. Les notaires CURNIER, François FAURE, Jérome Maurice DURAND, LOMBARD père et fils, firent cette demande, on l’a vu, le 3 janvier 1793 au conseil Général de la Commune qui rejeta leur demande. M. Faure, seul obtint une voix, les autres n'en eurent point.

        Prévoyant le danger qui le menaçait, CURNIER se réfugia dans une propriété qu’il possédait à Vacqueyras. Quelques mois plus tard, la municipalité de cette commune lui accorde le certificat (le 26 octobre). En voici la teneur :
        «Vu la pétition du citoyen François-Marie Curnier, habitant depuis plus de trois mois à sa grange située au terroir de Vacqueyras, la municipalité déclare que ledit Curnier s'est comporté pendant son séjour en bon citoyen, ayant donné des preuves de son attachement à la Constitution par ses dons patriotiques pour l'équipement des volontaires, et dans ses conversations ; atteste qu'il n'est pas venu à la connaissance de la municipalité qu'il ait dit, fait ou écrit la moindre chose contre la constitution et la république. En témoignage de quoi, on lui délivre le certificat».
        Dénoncé au mois d’avril suivant par un officier municipal de Caromb, comme fédéraliste et sectionnaire, et ne possédant pas de certificat, un mandat d'arrêt fut lancé contre lui et adressé à la municipalité de Vacqueyras qui le fit arrêter dans sa grange et conduire dans une prison de Carpentras.

        Après deux mois et demi d’emprisonnement, il fut transféré à Orange.
        Le juge de paix de Caromb fait, le 17 juillet, l'inventaire des objets qui se trouvent dans sa maison : "il trouve des ornements qui servaient pour le ci-devant culte appelé catholique, plusieurs autres papiers relativement au fanatisme et des portraits des ci-devant rois (l'infâme despote d'Angleterre) et des ci-devant papes (le premier charlatan de Rome sous le nom de Braschi). Dans une petite châsse de bois se trouve renfermée une ci-devant relique, avec trois patentes provenant de l'infâme cour de Rome et un cachet en fer où se trouvent les armoiries dudit Curnier ".
        Quatre témoins déposent contre lui pour incivisme, contre-révolution, fanatisme, perversion de l'esprit public, conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la république.
        Poursuivi pour ses idées politiques et religieuses, il est condamné à mort.

  •  CLER Louise Rosalie, veuve BOURGUIGNON 31 ans ; née à Carpentras en 1763, elle a épousé, en 1785, le cordonnier de Caromb, BOURGUIGNON Siffrein. D’un caractère vif, ardent, attachée à la religion et au pape, elle se signale, le 10 juillet 93 par ses excitations et, quoique se trouvant dans une situation intéressante, elle n’hésite pas à saisir un patriote par le cou, voulant l’étrangler.

  •         Le juge de paix de Caromb, Charles CLEMENT, dans son rapport des évènements du 11 juillet 93, signale qu’il a aperçu, près de la porte de l’église, une grande foule d’hommes, de femmes et même d’enfants, armée de toutes sortes d’armes : haches, épées, broches, fusils et pistolets, faux emmanchées au rebours, fourches et autres armes ; qu’à la vue de ce rassemblement, il s’avance, prend la parole et harangue la foule afin de la ramener à la  paix et au calme. On ne l’écoute pas, le menace à son tour de le mettre en prison ou de le tuer. Il en est quitte pour plusieurs coups de crosses sur la tête.
            Pendant cette émeute, le cordonnier Bourguignon s’efforce de fermer la porte d’entrée des remparts tandis que sa femme, surexcitée brandit son arme : une broche.
            Dénoncée par Marie G. et Françoise M., elle est arrêtée, le 17 juin 94. Elle est conduite aux Bernardines, puis à Orange, dans la prison du Cirque, le 19 juillet. Le même jour, elle est traînée devant le tribunal et condamnée à mort. Elle a 31 ans.
            L’histoire ne nous dit pas si elle a mis au monde l’enfant qu’elle portait. Son jeune mari est mort pendant les émeutes de juillet 93.
  •  FAVIER Joseph Alexis , cordonnier, 19 ans, né au Barroux en 1775, est dénoncé pour avoir déchiré des guirlandes tricolores dans les clubs fédéralistes dont il faisait partie, pour avoir pris les armes contre les troupes de Pernes appelées pour ramener la tranquillité à Caromb, pour avoir dit qu’il fallait se défaire de tous les patriotes et qu’il n’y aurait pas assez d’arbres pour les pendre.  Arrêté le 21 juin 94, passe par les Bernardines de Carpentras avant d’être condamné à mort à Orange, après la déposition de six témoins à charge.
  •  DOL Joseph Libérat , meunier, 27 ans, né à Caromb en 1767, signalé pour avoir été vu, le 10 juillet 93, parcourant les rues de Caromb, armé d’une faux attachée à la cime d’un bâton ; suspect, et en fuite, est arrêté à Orange, renvoyé à Carpentras et enfin condamné à Orange, à mort.
  •  GONDOIS Pierre Louis , bourgeois 40 ans. Nommé conseiller municipal en décembre 1792, suspendu par le district le 29 juillet 93, il est accusé d’avoir protesté vivement, à la mairie, contre l’arrivée des troupes de Pernes et d’avoir dit que ceux qui les faisaient venir devaient les nourrir. Motif suffisant pour une condamnation à mort !


Dans cette séance, onze condamnations sont prononcées : dix pour Caromb et la onzième pour Emilie de Nogaret, religieuse. Tous sont guillotinés le soir même, à 18 heures.
 

2ième séance (30eme séance du Tribunal).
2 thermidor (Dimanche 20 juillet 94).
 

  •  BARTHELEMY Gilles, cultivateur 37 ans ; il est accusé d’avoir dit, le 10 juillet 93, au fractionnaire de la Mairie, au moment où le conseil général était assemblé « Est-ce que vous gardez les coquins qui sont assemblés là-haut ? – Tout à l’heure nous y sommes ». Le tribunal le déclare contre-révolutionnaire et le condamne à mort !
  •  LADET Esprit-François , propriétaire, 62 ans ; il avait été député à l’Assemblée contre-révolutionnaire de Sainte-Cécile pour la défense des intérêts de la papauté dans le Comtat Venaissin. Puis au mois d’octobre suivant, il est élu maire de la commune. Son fils Joseph ayant pris la fuite, il fut, avec sa femme Thérèse Pons, soumis à la loi des suspects, c’est à dire à l’appel quotidien qui dura du 3 mai au 6 juillet.

  •         La Municipalité, élue le 23 septembre 93, décréta le 27 octobre suivant, la mise en arrestation de toutes les personnes compromises dans l’insurrection des 10 et 11 juillet. LADET et son épouse sont du nombre. Il est dénoncé pour avoir, avec Denis Tiers, pris le Maire revêtu de son écharpe et l’avoir conduit au devant des troupes de Pernes afin de lui intimer l’ordre de se retirer. LADET et TIERS conduisaient le maire par le bras et BELHOMME les suivait, sabre nu, prêt à lui fendre la tête à la moindre résistance. Condamné à mort.
            Ses deux filles, Thérèse (13 ans) et Henriette (16 ans) et son épouse sont arrêtées.
            Esprit-François, pour avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité de la république est décapité.
  •  SAGE Marie Elisabeth , 46 ans, épouse de Pierre JAUME ; native de Caromb, elle est accusée par Praxède C…pour avoir, le jour de l’insurrection, appuyé une broche sur le ventre de la femme du juge de paix et l'avoir traité de coquine. Elle est condamnée à mort.
  •  CORNUT François, cultivateur 31 ans ; il est accusé d’avoir fait partie du groupe qui s’etait emparé des armes déposées à la Mairie et d’avoir fait partie de l’attroupement qui s’opposa à l’entrée de la garde de Pernes dans la ville. La Municipalité le fit arrêter le 17 mai. Conduit à Orange, il est aussi condamné à mort.
  •  CORDET Joseph, cultivateur 42 ans ; comme le précédent, en fuite puis arrêté, il est condamné à mort.
  •  CONSTANTIN Jean Antoine Félix , bourgeois 51 ans ; il a épousé Mlle Angèle-Rosalie de Romillon. Possédant une fortune considérable, et pour le distinguer du Constantin de la Place, on le désigne sous le nom de Constantin le bourgeois. Suppléant du juge de paix en 1790, officier municipal en 91 et maire en 92, il est nommé président de la section fédéraliste de Caromb par 141 voix sur 166 votants, le 11 juillet 93, jour de création des sections.

  •        Il prononce alors un discours exhortant le peuple à la paix, à l’union, à l’oubli de tout. Il propose de jurer le maintien de la liberté, de l’égalité, de la République et une guerre éternelle aux tyrans.
            Le même jour, 12 membres sont désignés pour former le Comité de sûreté publique : FAVETIER Pierre, BONNET Joseph, DE JACQUES Thédée, MORARD François, DURAND Maurice, GENIN Joseph, GERIN Joseph, FAVETIER Laurent, GILLES Jean Pierre, HEYRAUD Louis Simon, RIBAS François fils et FABRE Jean Antoine.
            Les sections sont mal agréées par les patriotes, ici plus qu’ailleurs peut-être.
            A l’arrivée des commissaires envoyés par Carpentras, le 19 juillet 93, Félix Constantin est dénoncé par plusieurs personnes. L’une d’elles, un officier municipal, dit que, l’ayant rencontré, celui-ci lui annonça que s’ils faisaient venir cent soldats, eux en feraient venir deux cents. Le crieur public dépose qu’avec d’autres, ils l’obligèrent à faire la publication de la tenue des sections. Comme il hésitait, leur disant que le maire leur ferait des reproches, Constantin lui dit : «  Allez toujours ; si le maire n’est pas content, il viendra se plaindre à nous et nous l’arrangerons ».

            Un autre déclare avoir entendu dire à Constantin et à Durand que la Convention n'est composée que de brigands et de coquins, mais que les friponneries ne  durent pas longtemps et que dans quelques jours, le parti royaliste fera danser une jolie danse aux patriotes. Il ajoute qu’à l’arrivée du détachement de Pernes, le maire, après être allé s’entendre pour le logement de la troupe, trouve, sur la place de l’église, plusieurs attroupements et, parmi eux Félix Constantin, Joseph Durand et Fons Marie qui le menacent et lui reprochent que son parti est la cause de l’arrivée des troupes et que leur procès sera vite fait ; puis, qu’aussitôt, ils se répandent dans la ville en criant : « Aux armes ; voici les coquins et les brigands qui arrivent de Pernes, qui viennent nous égorger et brûler nos gerbes. »
            Les commissaires lancent, à la suite de ces dénonciations, des mandats d’amener contre plusieurs hommes, notamment contre Constantin, Fons et Charles Chabrier. Constantin prend la fuite, mais la municipalité arrête sa mère âgée de 74 ans, sa femme et ses deux filles.
    Constantin, après un an d’errance, est arrêté le 17 Messidor ( 5 juillet) à 2 heures du matin, dans une grange à Sérignan où il s’est réfugié pour la nuit. Voici comment il est arrêté d’après le procès verbal dressé à cet effet :
            “ Le 17 Messidor, la garde nationale de Sérignan, s’étant transportée à deux heures du matin, dans la forêt dire « du Quartier », a rencontré un homme couché dans le petit appartement de la grange de Gerenton, juge de paix du canton de Piolenc, ayant deux fusils à ses côtés. La garde, au nom de la loi, lui a ordonné de marcher et on l’a conduit dans la Maison d’arrêt de la commune de Sérignan. La municipalité de la Commune a fait au fuyard les questions suivantes :
    « Quel est ton nom ? – Félix Constantin de la commune de Caromb.
    Quelle profession as-tu ? – Bourgeois
    Depuis quand es-tu sorti de ton pays ? – Depuis 1 an.
    Etais-tu sectionnaire ? – J’étais président de la section.
    Avais-tu des compagnons dans le bois ? – Non.”

            D’après ces réponses, la municipalité décide d’informer l’administration du district de cette arrestation. L’accusateur public lance immédiatement un mandat d’amener contre Constantin.
            Il est accusé d’avoir conspiré contre l’unité et l’indivisibilité de la République, en occupant la place de président de section rebelle.
            Il est écroué dans la prison du Cirque à Orange. Dans sa 30ème séance, le Tribunal le condamne à mort.

  •  GILLES François , propriétaire 23 ans ; dénoncé par un jardinier nommé Joseph D…, pour avoir engagé plusieurs citoyens à marcher avec les Marseillais, fut accusé d'avoir émigré et, malgré un certificat, présenté par son père à la municipalité patriote de Caromb, montrant son service auprès d'un commandant patriote d'Avignon, il est condamné. Il est vrai que la municipalité avait accompagné le certificat d'une note précisant «Nous espérons que vous le ferez arrêter».
  •  ROBIN Jean, cultivateur 58 ans. Dénoncé le 22 juillet 1793 par une femme  patriote qui lui reproche d’avoir insulté son fils, âgé de 16 ans, le jour de l’émeute en lui disant   « Ah, coquin, vous allez au devant de ces coquins de Pernes pour les faire entrer en ville ».

  • Deux autres l’accusent de leur avoir annoncé qu’on lui avait donné l’ordre de noter ceux qui  ne voudraient pas se joindre aux autres habitants, pour repousser la troupe de Pernes et que leurs têtes tomberaient bientôt. Arrêté le 17 juin 94, conduit aux Bernardines, puis à Orange, il est condamné à mort.


Dans cette 30ème séance, la Commission populaire d’Orange condamne huit Carombais à mort. Ils sont exécutés le soir même, le 20  juillet.

3eme séance (31eme séance du Tribunal).
3 thermidor (Lundi 21 juillet 94).

Treize Carombais sont assis au banc des accusés.
Neuf sont condamnés à mort.

Madeleine GIRARD, femme de Maurice JOUET, que rien ne compromet est acquittée après un mois de détention préventive. François JEAN et Madeleine LOMBARD, épouse de François Faure, 45 ans, notaire fuyard, sont condamnés à la détention jusqu’à la paix. Joseph BARTHELEMY, 59 ans, procureur de la commune, est condamné à trois mois de prison ferme.

Voici la liste des jugements des huit victimes :

  •  VEYRIER Jean Joseph, cultivateur. Il est dénoncé par une femme, Rose A…, qui déclare lui avoir entendu dire avec colère qu’il jouerait avec les têtes des patriotes, qu’il n’y avait pas assez d’arbres sur le cours pour les pendre, qu’ils avaient trop gouverné, que c’était au tour des aristocrates et qu’il mènerait les patriotes, non à la Malagronne, mais au Serre de Modène, pour les fusiller. Il est dénoncé aussi par trois patriotes pour avoir fermé les portes de la commune, le 11 juillet. Ecroué aux Bernardines, conduit à Orange, il est condamné à mort. Agé de 36 ans, il est natif de Malemort mais sa mère est une FAVETIER de Caromb.
  •  VEYRIER Maurice, menuisier, 27 ans, mariè, sans enfant. Frère cadet du précédent, aussi belliqueux que lui, il a été soumis à la loi des suspects, tenu de répondre à l’appel quotidien. A l’arrivée des troupes de Pernes, aidé de son camarade Blaise MORARD, il ferma la porte d’entrée des remparts dite « porte de la fontaine » en disant : «  Il ne faut pas que ces coquins viennent nous égorger ». Remarqué aussi pour avoir parcouru les champs à la recherche de patriote. Dénoncé par le maçon Joseph V… et par un cultivateur nommé le Ballot, il se réfugie à Courthézon où  il est arrêté par le comité de cette ville à la demande de celui de Caromb. Enfermé dans la prison des Dames, il est condamné en même temps que son frère.
Son dossier contient la note suivante, du comité de Courthézon à celui de Caromb :
«2 messidor (20 juin). Citoyens, Nous avons reçu votre lettre du 21 prairial, portant dénonciation contre Maurice Veyrier… Citoyens, quelque esprit de vengeance de quelque individu ne se manifesterait-il pas dans votre commune ? La république ne demande que des hommes purs et impartial. Si Maurice est coupable, que sa tête tombe ! Quant à nous, nous l'avons connu depuis qu'il habite notre commune que dans le principe d'un républicain.»
  •  MORARD Joseph Blaise , cultivateur, 42 ans. Lui aussi, avec Maurice Veyrier et Marcel MARECHAL a fermé les portes de la ville et a ordonné, d’un ton furieux, au concierge de la mairie, d’aller fermer la porte du Béal (du Rieu). Le concierge dépose : arrêté le 17 mai, il est lui aussi condamné à mort.
  •  IMBARD Joseph Ambroise , cultivateur, 38 ans ; surnommé « le besson » parce qu’il devait avoir un frère jumeau, aurait dit aux soldats de Pernes, arrêtés à l’oratoire de Saint Marc, de tuer tous ceux qui allaient à la messe des prêtres assermentés et tous les patriotes qui étaient des coquins. Condamné à mort.
  •  DUFOUR Laurent, cultivateur 35 ans ; il est accusé par deux femmes patriotes d’avoir dit « Va, nous y sommes ; nous vous détruirons tous. » et par une autre d’avoir crié : «  Bande de coquins, nous sommes après vos culottes ; vous nous en avez assez fait, nous allons nous venger ». Déclaré fédéraliste et sectionnaire, c’est la mort, à 33 ans. Il était natif de St-Pierre-de-Vassols, mais habitait Caromb.
  •  JOUET Maurice, salpétrier 48 ans, élu notable de la commune le 14 mai 94, il prête le serment de fidélité à la religion et au pape le 10 juin 92 et est nommé officier municipal. Déclaré suspect le 14 mai pour avoir participé à la fusillade de la Malagronne, a aussi pris les armes contre les troupes de Pernes. A mort. Alors que sa femme a été acquittée.
  •  CHABRIER Antoine Charles , cultivateur, 43 ans, dénoncé par un officier municipal pour être venu, avec François MORARD et RIBAS aîné, forcer la municipalité à désarmer les patriotes, le 25 juillet 93. Puis, le 28 suivant, la municipalité toute entière, atteste que dix citoyens sont venus demander la nomination d’un commandant de la Garde Nationale. C’étaient : Félix Constantin, Maurice DURAND, Denis TIERS, François RIBAS, Maurice Gilles, FONS Marie, Antoine MORARD, boulanger, Charles CHABRIER, GIRARD fils « dit le Parisien » et Joseph DURAND des Aires.

  • Au moment des arrestations, ceux-là ont pris la fuite. Ils sont alors déclarés chefs et auteurs des troubles de Caromb, après que leurs familles aient été arrêtées, ils sont pris eux-même.
    A mort.
  •   DURAND Alexis, cultivateur 38 ans ; fils de Maurice, en fuite, dénoncé pour avoir, le 10 juillet 93, parcouru les rues de Caromb avec un sabre dans une main et un pistolet dans l’autre, a excité les habitants pour qu’ils s’arment pour empêcher l’entrée des patriotes. A mort.
  •  ROUX Jean Joseph, cultivateur, 59 ans, dit « le pépé ». A insulté un officier municipal qui lui ordonnait, au nom de la loi, de se retirer, puis a porté la main à son écharpe pour la lui arracher et l’a pris à la gorge en disant « que les aristocrates feraient maintenant la loi ». A mort.
Les neufs condamnés sont guillotinés le soir même, à 18 heures, sur le cours Saint Martin où la guillotine est montée en permanence.

4eme séance (32eme séance du Tribunal).
4 thermidor (Mardi 22 juillet 94).

C’est la dernière séance concernant les prisonniers carombais.
Au début de la séance, les juges acquittent Jeanne BELHOMME, 26 ans, épouse de Joseph BLANC, boulanger, Marie PEYROUX, 53 ans, épouse de Guillaume Antoine BLANC, boulanger, RIGOT Joseph, substitut du procureur de la commune, frère d’émigré, JAUME Pierre, 36 ans, journalier dont la femme a été exécutée deux jours auparavant.

Quatre autres sont condamnées à la prison : Delphine GUIRAMAND, 46 ans, femme de Pierre CHABRIER, Marie-Rose VEYRE, 47 ans, née au Barroux, épouse de Pierre RIBAS de Caromb, Louise MARTIN, 25 ans, servante de la famille DE JACQUES, Marie DURAND, 32 ans, religieuse assermentée à l’hôpital de Carpentras.

Dix sont condamnés à mort :

  •  MAFFREN FONT-MARIE Félix François , bourgeois, 31 ans ; notable en octobre 91, officier municipal le 10 juin 92, il commande la garde nationale le 11 juillet 93. C’est lui qui donna l’ordre de fermer les portes de la ville devant les troupes et convoqua les sections pour la défense. Dénoncé pour cela, en fuite après un mandat d’amener le concernant ( le 28 juillet), il est arrêté à Nyons, le 13 mars 94. La municipalité de Caromb est avisée et le juge lance un nouveau mandat d’amener le 25 mars. Au tribunal, VIOT l’accuse d’avoir été le chef de la révolte et d’avoir dirigé tous les mouvements de rébellion de Caromb . A mort !
  •  AUTARD Joseph, cordonnier 50 ans ; il est accusé par une femme et deux hommes pour coups et menace de mort. En fuite, on arrête sa femme née REYNARD et sa fille de 17 ans. Il est pris. A mort.
  •  TIERS Pierre Thomas , cultivateur, 36 ans, fédéraliste et sectionnaire. Il a levé le sabre au-dessus de la tête du juge de paix déjà malmené par la foule. Après quatre jours à la prison du Cirque, il est condamné à mort.
  •  DURAND Antoine, cultivateur, 28 ans. Il a participé à l’enlèvement des armes de la Maison commune. A mort.
  •  CHABERT Jean-Pierre , cultivateur, 30 ans ; même punition pour les même faits.
  •  MORARD Pierre François Marcellin, chirurgien 31 ans ; le 10 juin 92, il est désigné au poste de procureur de la commune par la municipalité conservatrice, où il ne reste qu’un mois et demi ; il est ensuite un des membres du Comité de Sûreté publique, composé de 12 membres ( 12 juillet 93). Il proposa de s’affilier aux sections des communes voisines pour mieux se défendre contre les patriotes. Dénoncé par un autre chirurgien de la commune, il est déclaré suspect et soumis à l’appel journalier.

  • Il s’enfuit, est porté sur la liste des émigrés puis est arrêté, conduit à Avignon puis à Orange. Sa femme, arrêtée retrouve une partie de sa famille aux Visitandines. Une perquisition à son domicile fait découvrir des fleurs de Lys, des objets et images religieux. L’accusateur public VIOT ne manque pas de signaler ces découvertes. A mort.
  •  JABOUIN Jean-Baptiste Laurent, cultivateur 42 ans.

  • Lorsque MAIGNET donne l’ordre d’achever l’arrestation des suspects, JABOUIN est arrêté le 31 mai. Sa femme Marie-Anne RICHIER est déjà aux Visitandines. Lui est conduit aux Bernardines puis à Orange le 18 juillet. Il est accusé d’avoir, en compagnie de AUBERT et MORARD cadet, sonné le tocsin au clocher de l’église pour inciter la population à prendre les armes contre les troupes de Pernes. Poursuivi comme contre-révolutionnaire décidé, ayant en toutes occasions montré des preuves de sa haine contre la liberté, d’avoir provoqué des rebellions, il est aussi condamné à mort.
  •  GALIAN ( *90 )  Joseph Toussaint, religieux du Grand Augustin à Paris, 67 ans,
  •  VINCENT François Nicolas , prêtre 65 ans,
  •  DE JACQUES Etienne Polycarpe , prêtre 64 ans.
            Ces trois sont dénoncés le 21 juillet 93 pour cause d’incivisme, à DERAT, BARJAVEL et RUCHON, les trois commissaires envoyés à Caromb par le district de l’Ouvèze, pour rétablir la paix.
            Ils sont accusés d’être les ennemis jurés de la Liberté et de la Révolution, d’avoir prêché la haine de la République, d’avoir provoqué et dirigé les émeutes de Caromb. Tous trois sont condamnés à mort et, comme les sept autres, sont guillotinés le soir même, à 18 heures.

            On pourrait ainsi résumer les accusations de Viot : «ont de tout temps été les ennemis jurés de la liberté et de la révolution ; ils ont manifesté, depuis longtemps, un attachement inviolable au tyran et à la tiare ; ils ont prêché la haine de la république et l'amour de la tyrannie ; ils se sont occupés sans cesse à égarer les bons citoyens pour leur faire détester le régime de la république ; ils ont propagé avec acharnement le plus dangereux fanatisme … ils ont voulu ainsi allumer la guerre civile et renverser la république.... ».

        Le neveu de M. Galian, pour obtenir l'élargissement de son oncle, demanda, le 26 octobre 1793, à la municipalité de Caromb, un certificat de civisme en sa faveur. La municipalité, obtempérant à la demande, attesta et certifia, le 30 octobre que « Joseph-Toussaint Galien, ci-devant grand-Augustin à Paris, s'est toujours comporté en vrai et honnête citoyen ; qu'il n'a pas troublé le repos et la tranquillité publique ; qu'il n'a jamais donné aucune marque d'incivisme ». Cette attestation fut non avenue et ce religieux fut maintenu dans les prisons.

            Voici quelques citations surprenantes et désagréables :
«Il se trouve une erreur parmi les noms des frères DE JACQUES. Ne sachant pas la deviner, tu en recevras un de plus que tu me demandes...». Ils furent tous guillotinés ! [52].
 «... Tu nous demandes qu'un Durand, et cependant il s'en trouve deux, dont l'un est l'oncle, l'autre le neveu. Comme je ne sais celui des deux que tu désires, je te les envoie tous les deux pour ne pas retarder les opérations. Tu auras le soin de renvoyer l'autre dans le cas où tu n'en aurais rien à faire... ». Viot ne renvoya ni l'un ni l'autre. L'opération fut réussie, il les «utilisa» tous les deux ! [52].

            Beaucoup de dossiers paraissent bien creux pour condamner quelqu'un à mort. Nous donnons par contre celui qui est le plus complet et qui a l'avantage de résumer tous les évènements de notre village [52].

             L'accusateur Viot : «Maurice Jouet (47 ans, fils de Jean Jouet, officier municipal et d'Elisabeth Peyroux), salpêtrier, s'est dans toutes les occasions montré le partisan de l'aristocratie et du despotisme (religion). Il fut l'un de ceux qui massacrèrent inhumainement les patriotes, qui après avoir combattu pour reconquérir la Liberté, retournaient avec confiance (!) dans le sein de leur famille (Malagronne 2 juillet 1791). Il a donc pris les armes avec les rebelles qui, le 10 juillet 1793, s'opposèrent à l'entrée des troupes envoyées pour assurer à Caromb le triomphe de la Liberté. II a ainsi excité (sic) à la guerre civile, ainsi il a conspiré contre la République et son unité. Il doit être puni de mort.» [52].

            Le lendemain de l'exécution, la fille Jouet va au devant des personnes qui reviennent d'Orange et demande à la fille X... des nouvelles de ses parents. «Ton père ? répondit celle-ci, tiens vois son sang sur la manche de ma camisole. J'étais au pied de la guillotine quand sa tête est tombée...» A ces mots, la fille Jouet s'évanouit. Mais à quelques jours de là, rencontrant la fille X... au lavoir, elle la jette dans le bassin de la fontaine.

        Ce récit nous fait entrevoir le climat qui régna dans notre village durant de nombreuses années. Il y eut trop de morts dans cette horrible guerre civile, trop de Carombais en prison, trop de viols ou de vols, trop de haine. Cela explique les divisions, les rancœurs, les prises de position politiques qui marquent beaucoup de familles jusqu'à nos jours [52].


            La Commission populaire d’Orange a fait exécuter 36 carombais auxquels il convient d’ajouter les 4 condamnés exécutés à Avignon. Les corps des suppliciés sont jetés dans sept fosses communes creusées dans un champ nommé La Plane, à l’ouest d’Orange.

            Caromb n’est pas un cas particulier. D'autres communes comptent de nombreuses victimes. Ne dit-on pas que le chemin de Sault à Orange, qui passe juste au sud de notre village, s'appelle alors "le chemin des condamnés", tant les charrettes chargées de prisonniers, descendant des plateaux de Sault vers Orange, sont nombreuses !

            Le 28 juillet 1794, soit à peine six jours après les exécutions carombaises d’Orange, Robespierre est à  son tour exécuté et le 31 du même mois le Comité de Salut public ordonne la suspension des Commissions populaires d’Orange et de Nîmes.
            800 prisonniers d'Orange sont libérés ; d'autres le sont à Carpentras et à Avignon [33].
            Commence alors une vengeance contre la commission d’Orange. Dès le 25 août la gazette d’Avignon titre  “ Epuration des “terroristes. La persécution a une fois de plus changé de camp. Le représentant en mission Goupilleau, qui a aujourd'hui remplacé Maignet, fera sans doute payer cher aux autorités  jacobines  leurs  excès passés. Car, tout en approuvant la chute de Robespierre, ces dernières ont surenchéri en appelant tous les patriotes à se rallier... à la sainte Montagne! ” Goupilleau a apporté dans ses bagages un rapport très sévère sur l'action des patriotes  dans le département. Il y est rappelé l'impitoyable zèle révolutionnaire de Maignet, ainsi que l’“efficacité” du  tribunal  d'exception d'Orange qui, en un mois et demi d'exercice, a réussi à envoyer à la guillotine  trois  cent  trente-deux condamnés”[18].

            Parmi ces condamnés, une ursuline de Caromb, Marie Angélique de Rocher, qui s'était réfugiée dans sa famille à Bollène est arrêtée et exécutée à Orange le 10 juillet 1794. Une autre, la sœur Martin est guillotinée à Bédoin pour sa résistance au nouveau régime [39].
            En octobre, des familles de suppliés venant pleurer sur le champ de la Plane sont encore dispersées par les révolutionnaires.
Le même mois, Caromb envoie toute sa population valide soutenir le mouvement monarchique du Chevalier de Lestang. Les troupes du Chevalier sont battues. [52].
            L’arrestation des membres de la Commission d’Orange est ordonnée. Ceux-ci sont en fuite, mais, rattrapés, ils sont conduits au Palais des Papes d’Avignon.

Bédoin réhabilité.



            Bédoin est réhabilité solennellement le 15 floréal an III et le représentant de la Convention Jean Debry vient, en personne, prendre la tête du défilé qui se forme à Crillon, avec des représentants de toutes les communes du district de Carpentras, pour honorer les martyrs de l'infâme Maignet. Une aide financière est accordée aux survivants pour reconstruire le village [33]. Joseph-Louis Reynard devient maire. Un chêne et six jeunes oliviers sont plantés sur le lieu des exécutions et un grand banquet de 400 couverts marque la cérémonie [38].

L’année 1795, année de la terreur blanche.



            De véritables bandes se forment, pour punir les révolutionnaires de leurs atrocités. La réaction est forte à Lyon comme dans le Sud-est, à Marseille (avec la Compagnie du Soleil), à Avignon, à Orange. C’est la terreur blanche.
            Le vent a tourné pour les patriotes.
            Un Comité venu de Paris fait passer les membres du Comité d’Orange en jugement. Tous sont, à leur tour, condamnés à mort.
            Après avoir plusieurs fois échappées à la vengeance populaire, les membres du tribunal d'exception “terroriste” d'Orange sont tous exécutés,  le  27 juin, et leurs corps jetés dans le Rhône. Viot, Ragot, Barjavel, meurent en chrétiens repentants, demandant pardon à Dieu et aux hommes de leurs crimes. [52].  Sept des juges sont condamnés  [33].
            Un autre juge est mis en pièces par le peuple [33].

            Tous, excepté le greffier Benet, pour lequel un complément d'information avait été demandé. Le verdict lui inflige vingt ans de fer et six heures d'exposition ; mais, se souvenant fort à propos d'un huissier massacré par la foule sur le poteau où il subissait le même sort, il a supplié ses juges, et en a obtenu, que l'exposition soit commuée en quatre ans de fers supplémentaires [18]. Après vingt ans de fer, il sera libéré [33].
Le 9 août 1795 (22 pluviôse an III), la constitution civile du clergé est remplacée par la séparation de l'Eglise et de l'Etat et la liberté de culte. Les églises sont rendues aux prêtres [33].

            En octobre 95, la Convention est renversée, en France, par un coup d’état : c’est le Directoire.
            En 1796, le gouvernement ordonne le recensement de tous les habitants du pays. Carpentras compte alors 5.581 habitants [33].
            Le baron de Saint-Christol mène un temps la réaction royaliste. Quelques affaires marquent encore Valréas, Carpentras ou Avignon jusqu'en 1797.
            En 1798, le Vaucluse est ravagé par des brigands soit disant royalistes, jusqu'au coup d'état du 18 brumaire, début du consulat [33].

Le canton de Caromb.



            Lors de la séance du 6 Brumaire An IV, la commune de Caromb est érigée en chef-lieu de canton par le Directoire de Vaucluse constitué de JEAN, président, MINUTI, GUILLABERT, GUIMET, administrateurs, PIOT, commissaire du Directoire consultatif et PINATELLI, secrétaire général provisoire.
« L’administration du département de Vaucluse, en exécution de l’article XIX  de la loi du 21 fructidor qui porte que les administrateurs présenteront les moyens de distribuer, suivant la constitution, les communes qui, bien qu’inférieures à 5000 habitants, forment néanmoins un canton isolé et que leurs arrêtés à cet égard seront provisoirement exécutés ; oui, le Commissaire du pouvoir exécutif arrête que les cantons du département seront compris ainsi qu’il suit :
 
Canton de Caromb :

- Caromb :                               2.161  âmes
- Bédouin (sic) :                     1.961  âmes
- Crillon :                                    484  âmes
- Saint-Pierre de Vassols :       252  âmes
- Modène :                                 193  âmes
- Saint-Hippolyte :                      80  âmes

Soit un total de 5.141 habitants ».

Faits divers.



            Il n'y a pas que des faits tragiques, à Caromb, sous la Révolution : la rubrique des faits divers généalogiques nous indique que, le 9 vendémiaire an 4, est né Joseph-Marie Laget. Sa mère, Barbe, née Borel, 30 ans, revenait de la foire de Malaucène et n'a pas eu le temps d'arriver jusqu'à Caromb. Elle a donc accouché en route, au Barroux, dans la maison du citoyen Claude Alazard.
        Sous la rubrique matrimoniale, le 3eme jour complémentaire de l'an 5, le cordonnier Bourguignon, de Caromb, épouse la fille de Lambert, cordonnier au Barroux. La jeune épousée a 14 ans.

Les destructions de la Révolution au Barroux et à Caromb.



            En 1732, Le Barroux revint à la famille de Moret (qui le gardera jusqu'en 1929). Mais la Révolution n’épargne pas ce chef-d’œuvre. Le 10 pluviôse an II, le conseil municipal décide à l'unanimité d'abattre ce symbole des privilèges. On se contente en fait de brûler les habits du seigneur sur la place publique et de piller le château qui est abandonné par ses propriétaires. Pendant cent trente ans, ce château ne sera plus que ruines envahies de ronces et de lierre, servant de terrain de jeux aux enfants, de coin tranquille pour les amoureux, de carrière de pierres nobles et surtout de latrines.

        A Caromb, le tombeau d'Etienne de Vesc est saccagé : le corps du chevalier a été mutilé et les têtes des pleureuses décapitées.
En septembre 1792, le château d'Etienne de Vesc est complètement anéanti par ordre de Marguerite de la Baume-Montrevel, épouse du marquis de Ligneville. Ses cohéritiers, le marquis de Choiseul et la marquise de Marnier vendront l'emplacement du château  à divers particuliers.

Les juifs du Comtat Venaissin.



            La Révolution française, avec le rattachement à la France d'Avignon et du Comtat Venaissin, marque pour les juifs  une véritable libération. Malgré une opposition (peu virulente, d'ailleurs) de certains, les juifs du Pape deviennent français. En quelques années, les carrières se vident. Les juifs prennent une part active aux évènements révolutionnaires [74]

La situation aux frontières pendant la période révolutionnaire.



             Revenons quelques années en arrière, pour suivre ce qui se passe à nos frontières : la période de la Législative et de la Convention Jacobine (1791 - 1794) est marquée par la déclaration de guerre à l’Autriche (92). La France constitue une "Armée des Alpes et du Midi"  dès le 13 avril 1792.

            A la suite de Valmy, les armées françaises passent à l'offensive, le 25 septembre 1792, franchissent  le Var et occupent prudemment Nice, le 29 septembre [19]. Le 4 février, est créé le département des Alpes-Maritimes dont le territoire recouvre le comté de Nice (y compris Dolceaqua) et la principauté de Monaco annexée le 14 février[19].

Bonaparte.



        Le 28 août 1793, les fédéralistes provençaux livrent Toulon aux Anglais [18]. Bonaparte commande le siège de Toulon et reprend la ville et le port, en décembre 1793.
En 1794, les armées de la République manquent de salpêtre pour faire de la poudre et en réclament à toutes les communes : Pernes fabrique du salpêtre avec un morceau de rempart dont les pierres sont imprégnées du précieux ingrédient.
        Le 6 août, Bonaparte est suspendu de son commandement par le Comité de Salut Public.”[21].

        Après Toulon, Bonaparte revient à Nice le 26 mars 1796, nommé général en chef de l’armée d'Italie. Il prend les troupes en main le 2 avril à Nice : « Soldats, vous êtes mal nourris, presque nus. Le gouvernement vous doit tout, il ne peut rien. En Espagne, en Vendée, en Allemagne vous avez fait des prodiges.
        Vous voulez encore de la gloire. Eh bien ! Je vous en nourri. Je vais vous conduire dans le plus beau pays du monde... »[21].

Premières campagnes d’Italie (1796-1797).



        Le 15 avril 1796, il remporte les victoires de Montenotte, de Millesimo, puis de Mondovi et signe l'armistice de Cherasco avec les Sardes. La guerre continue en Lombardie. Le 15 mai 1796, Bonaparte entre dans Milan. Il poursuit sa campagne et le 5 août remporte la victoire de Castigliole.
        Puis, c’est la victoire d’Arcole, où un jeune tambour, André Estienne, originaire de Cadenet, s’illustre en traversant, le premier, la rivière Alpone, dans l’eau, et sous la mitraille, en jouant du tambour.
        Après Rivoli, le 14 janvier 1797, Bonaparte signe un armistice personnel avec les Autrichiens et le 9 juillet 1797 il fonde, à Milan, la République cisalpine. La paix de Campoformio remodèle la carte d’Italie du Nord.
        Il contraint le pape à signer la paix[54].

Revers français (1798-1799).



        Pendant que le trop populaire Bonaparte est envoyé en Egypte et en Palestine par le gouvernement français, nos troupes subissent les défaites de Magnano, de Cassano (avril 1799) et doivent évacuer Milan, puis faire retraite sur la crête des Alpes[54].

Nouvelle juridiction municipale à Caromb.



        Le 23 septembre 1799, le président de l'administration municipale a convoqué dans la salle de la maison commune les membres de l'administration, le juge de paix, les notaires et autres fonctionnaires publics pour célébrer l'anniversaire de la fondation de la République. Ils se rendent, en escorte avec vingt-cinq hommes de la Garde nationale, et au bruit des tambours, devant l'autel de la Concorde dressé à côté de l'arbre de la Liberté, sur la place publique. Après un discours du président, chacun prête le serment civique.
        Par arrêté du département, le canton de Caromb devra verser au magasin militaire d’Avignon, 17 quintaux de blé et 6 de seigle, à répartir entre les communes de ce canton.
        En novembre, on fait un inventaire des chevaux et mulets pour le service des armées. On dresse un procès-verbal des délits commis dans l’arrondissement et, aussi, sur les individus ayant appartenu à la bande de St-Christol.
        En décembre, on réquisitionne le trentième des chevaux et mulets, soit dix sur les 291 recensés, plus quarante quintaux de foin et cinquante boisseaux d'avoine. Un détachement de dragons étant stationné à Caromb, on répartit entre les cinq autres communes de ce canton les rations de foin à fournir et la réquisition de huit chevaux (ou mulets).
        L'administration centrale a fixé les contributions personnelles et mobilières de l'an VIII (1799), pour le canton, à 3.711 francs qui se répartissent ainsi :
- Caromb :                          2.161  âmes  =  1.710 francs 91
- Bédoin :                           1.961  âmes  =  1.351 francs 28
- Crillon :                               484  âmes  =     331 francs 97
- Saint-Pierre-de-Vassols   252  âmes  =     158 francs 40
- Modène :                            193  âmes  =    113 francs 58
- Saint-Hippolyte :                 80  âmes  =      44 francs 95


         Par circulaire du préfet, et jusqu'à l'installation du sous-préfet, les consuls sont en charge de gérer le quotidien de la commune.
 

Suite : la chronologie historique (chapitre XXI).

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