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XX. Le rattachement à
la France (suite).
Commission populaire d’Orange.
Les prisonniers arrêtés ne sont pas tous maintenus : certains
sont libérés au bout de quelques semaines. Les autres sont
conduits à Orange où siège le Tribunal révolutionnaire,
la commission populaire d’Orange, dont nous allons suivre les débats.
Le Comité de Salut Public et Robespierre ont signé l’établissement
de la Commission populaire d’Orange le 21 floréal an II de la République,
avec pour mission de juger les ennemis de la Révolution suivant la
seule conscience des juges.
Maignet, député du Puy-de-Dôme, représentant
de la Convention nationale, tout puissant dans les départements de
Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, installe son tribunal sans jurés
et sans défenseurs dans l'église du collège des doctrinaires
d'Orange, ancien temple protestant construit en 1550, assez grand pur contenir
3 à 4.000 personnes. Il est vrai que les arrestations se font en
nombre dans le département [33].
Dès le 31 mai, il avait donné ordre aux municipalités
d'achever dans l'espace de quinze jours les arrestations des personnes suspectes.
Tous ceux qui favorisaient une évasion étaient passibles de
mort. En outre, les municipalités étaient responsables, si elles
ne faisaient pas arrêter quiconque avait été dénoncé
par deux citoyens. Ce système de délation jeta la terreur dans
les deux départements qu'il administrait.
En juin 1794, à Avignon, on arrête des centaines de personnes
: pendant trois jours, la ville est bouclée, les maisons sont visitées
une à une et personne ne peut sortir de chez soi. L'assassinat d'un
patriote du quartier du Pontet a servi de prétexte au représentant
en mission, Maignet, pour cette grande chasse aux suspects. Celui-ci a fait
confiance à l'intuition révolutionnaire des commissaires pour
distinguer “l'homme ami de sa patrie de celui qui médite en secret
sa ruine”. Six cents personnes ont été arrêtées
: des contre-révolutionnaires notoires, mais aussi tous les prêtres,
les parents d'émigrés ou de condamnés, et des filles
publiques[18].
Le palais des papes regroupe 1.500 détenus.
A Orange, 800 personnes sont dans les prisons lorsque s'ouvrent les audiences
du tribunal, le 1er messidor.
Cinq juges accompagnent Maignet :
- Jean Fauvety, président
de la Commission est un protestant d’Uzès, un sectaire enragé
avec un cœur d’acier [85],
- Joseph Fernesc, ouvrier en soie
à Lyon, inculte, ignorant, farouche et sans pitié,
- Gaspard Ragot, ouvrier menuisier
de Lyon, grossier, toujours ivre, qui dort pendant les séances,
- Pierre Michel François Roman-Fonrosa,
né à Die, avocat,
- Meilleret, médecin.
Ces deux derniers sont cultivés et auraient souhaité utiliser
les règles ordinaires de la justice.
Maignet nomme François Charles Viot, dit le pourvoyeur de guillotine,
comme accusateur public. Celui-là est une créature de Maignet,
un personnage odieux, un déserteur qui se promène le sabre
à la main et dépouille les condamnés de leur argent,
bijoux et autres effets précieux. Il est assisté du féroce
Barjavel [33] et Jullian Cottier, conseiller de Viot et Benet d’Orange, greffier.
Le 1er Messidor, les cinq premiers détenus jugés sont condamnés
à mort, puis guillotinés sur la place dite de la Justice,
devant un nombreux public [33].
Au total, sur 595 personnes jugées, 332
sont condamnées à mort et exécutées, 116 sont
condamnées à la prison et 147 sont acquittées [33].
Le tribunal révolutionnaire d'Orange
Musée Arlaten, Arles.
La haine de la religion et le moindre prétexte entraînent la
sentence suprême, l’échafaud : 32 religieuses de Bollène,
victimes de ce tribunal, et qui ont impressionné les foules par leur
courage et leur foi, seront béatifiées.
Cinquante trois de nos compatriotes carombais sont conduits à Orange
pour être jugés. La Commission Populaire en condamne trente
sept à l'échafaud, deux à la prison, cinq seulement
sont acquittés. Le président Fauvéty, assisté
de Ragot et Fernesc n'ont pas besoin de preuves pour juger ! Viot, accusateur
public «trouve une véritable volupté à faire couper
les têtes» !
Voici les victimes de Caromb, et le résumé des quatre
séances du Tribunal :
Première séance
:
1er thermidor (19 juillet 1794).
Dans cette séance, les
quatre frères DE JACQUES,
- Jean Joseph Thédée
Maurice, bourgeois, 65 ans
- Charles Thomas, curé de
Crillon, 68 ans,
- Félix Xavier Arnauld,
prêtre 61 ans,
- Chrysogone François, prêtre,
56 ans,
sont poursuivis comme nobles, prêtres, ayant participé aux
émeutes et à la fusillade de la Malagronne. Ils sont aussi
accusés d’avoir excité et dirigé la populace contre-révolutionnaire.
Le juge de paix de Caromb, à la demande de la Commission populaire,
établit un inventaire des objets en leur possession : « une
ci-devant Sainte-Vierge, deux croix et le christ dessus, le portrait du ci-devant
pape, des bulles de Rome, des fleurs de lys, des reliques, des chasubles,
aubes, burettes servant aux ci-devant églises, des portraits du tyran
d'Angleterre».
La famille de Jacques se compose alors de six frères, dont cinq prêtres,
et de trois sœurs, dont deux religieuses : Marie-Françoise (73 ans),
Delphine-Françoise (71 ans, religieuse augustine à Carpentras),
Charles-Thomas (68 ans, curé à Crillon), Jean-Joseph-Tadée-Maurice
(65 ans), Polycarpe-Etienne (64 ans, prêtre à Caromb), Thérèse
(63 ans, religieuse), Félix-Xavier-Arnould (61 ans, prêtre),
Chrysogone François (56 ans, prêtre), et Denis-Bernard-Marcellin
(58 ans, prêtre à Rome).
Le tribunal condamne à mort, pendant cette séance, les
quatre frères, accusés d'un attachement inviolable au tyran
et à la tiare.
- GERIN Jean-Pierre (
*89
), meunier 29 ans, est accusé d’avoir participé,
le 9 juillet 1793, à l’enlèvement par la force des armes de
la Municipalité et de s’être porté, armé d’un fusil,
au devant de la troupe de Pernes qui venait apporter la paix dans la commune.
Il a engagé François
Gautier d'aller avec lui ; ce dernier étant sans armes, le père
de Gérin lui prêta une épée.
Accusé par trois témoins
à charge, il est condamné à mort.
- CURNIER François Marie
, notaire, 72 ans, officier municipal en 1791 et 1792. Il était né
à Caromb le 12 avril 1722, de Claude-Joseph Curnier et d'Elizabeth
Ferras. Il était aussi Prieur de la Confrérie du Purgatoire
et gardien des ornements et du trésor de la chapelle. Le 26 juillet
93, il fut appelé par les trois commissaires pour apporter à
la Mairie les objets d’argenterie, ornements, etc… de la confrérie
du Purgatoire dont il était détenteur. Il s’exécuta
et les commissaires confisquèrent le tout, au profit de la nation.
Une loi du 1er novembre 1792 obligeait les notaires à se munir d’un
certificat de civisme pour pouvoir continuer à exercer leurs fonctions.
Les notaires CURNIER, François FAURE, Jérome Maurice DURAND,
LOMBARD père et fils, firent cette demande, on l’a vu, le 3 janvier
1793 au conseil Général de la Commune qui rejeta leur demande.
M. Faure, seul obtint une voix, les autres n'en eurent point.
Prévoyant le danger qui le menaçait, CURNIER se réfugia
dans une propriété qu’il possédait à Vacqueyras.
Quelques mois plus tard, la municipalité de cette commune lui accorde
le certificat (le 26 octobre). En voici la teneur :
«Vu la pétition du citoyen François-Marie Curnier,
habitant depuis plus de trois mois à sa grange située au terroir
de Vacqueyras, la municipalité déclare que ledit Curnier s'est
comporté pendant son séjour en bon citoyen, ayant donné
des preuves de son attachement à la Constitution par ses dons patriotiques
pour l'équipement des volontaires, et dans ses conversations ; atteste
qu'il n'est pas venu à la connaissance de la municipalité
qu'il ait dit, fait ou écrit la moindre chose contre la constitution
et la république. En témoignage de quoi, on lui délivre
le certificat».
Dénoncé au mois d’avril suivant par un officier municipal de
Caromb, comme fédéraliste et sectionnaire, et ne possédant
pas de certificat, un mandat d'arrêt fut lancé contre lui et
adressé à la municipalité de Vacqueyras qui le fit arrêter
dans sa grange et conduire dans une prison de Carpentras.
Après deux mois et demi d’emprisonnement, il fut transféré
à Orange.
Le juge de paix de Caromb fait, le 17 juillet, l'inventaire des objets qui
se trouvent dans sa maison : "il trouve des ornements qui servaient pour
le ci-devant culte appelé catholique, plusieurs autres papiers relativement
au fanatisme et des portraits des ci-devant rois (l'infâme despote d'Angleterre)
et des ci-devant papes (le premier charlatan de Rome sous le nom de Braschi).
Dans une petite châsse de bois se trouve renfermée une ci-devant
relique, avec trois patentes provenant de l'infâme cour de Rome et
un cachet en fer où se trouvent les armoiries dudit Curnier ".
Quatre témoins déposent contre lui pour incivisme, contre-révolution,
fanatisme, perversion de l'esprit public, conspiration contre l'unité
et l'indivisibilité de la république.
Poursuivi pour ses idées politiques et religieuses, il est condamné
à mort.
- CLER Louise Rosalie,
veuve BOURGUIGNON 31 ans ; née à Carpentras en 1763, elle
a épousé, en 1785, le cordonnier de Caromb, BOURGUIGNON Siffrein.
D’un caractère vif, ardent, attachée à la religion
et au pape, elle se signale, le 10 juillet 93 par ses excitations et, quoique
se trouvant dans une situation intéressante, elle n’hésite
pas à saisir un patriote par le cou, voulant l’étrangler.
Le juge de paix de Caromb, Charles CLEMENT, dans son rapport des évènements
du 11 juillet 93, signale qu’il a aperçu, près de la porte
de l’église, une grande foule d’hommes, de femmes et même d’enfants,
armée de toutes sortes d’armes : haches, épées, broches,
fusils et pistolets, faux emmanchées au rebours, fourches et autres
armes ; qu’à la vue de ce rassemblement, il s’avance, prend la parole
et harangue la foule afin de la ramener à la paix et au calme.
On ne l’écoute pas, le menace à son tour de le mettre en prison
ou de le tuer. Il en est quitte pour plusieurs coups de crosses sur la tête.
Pendant cette émeute, le cordonnier Bourguignon s’efforce de fermer
la porte d’entrée des remparts tandis que sa femme, surexcitée
brandit son arme : une broche.
Dénoncée par Marie G. et Françoise M., elle est arrêtée,
le 17 juin 94. Elle est conduite aux Bernardines, puis à Orange, dans
la prison du Cirque, le 19 juillet. Le même jour, elle est traînée
devant le tribunal et condamnée à mort. Elle a 31 ans.
L’histoire ne nous dit pas si elle a mis au monde l’enfant qu’elle portait.
Son jeune mari est mort pendant les émeutes de juillet 93.
- FAVIER Joseph Alexis
, cordonnier, 19 ans, né au Barroux en 1775, est dénoncé
pour avoir déchiré des guirlandes tricolores dans les clubs
fédéralistes dont il faisait partie, pour avoir pris les armes
contre les troupes de Pernes appelées pour ramener la tranquillité
à Caromb, pour avoir dit qu’il fallait se défaire de tous les
patriotes et qu’il n’y aurait pas assez d’arbres pour les pendre. Arrêté
le 21 juin 94, passe par les Bernardines de Carpentras avant d’être
condamné à mort à Orange, après la déposition
de six témoins à charge.
- DOL Joseph Libérat
, meunier, 27 ans, né à Caromb en 1767, signalé pour
avoir été vu, le 10 juillet 93, parcourant les rues de Caromb,
armé d’une faux attachée à la cime d’un bâton
; suspect, et en fuite, est arrêté à Orange, renvoyé
à Carpentras et enfin condamné à Orange, à mort.
- GONDOIS Pierre Louis
, bourgeois 40 ans. Nommé conseiller municipal en décembre
1792, suspendu par le district le 29 juillet 93, il est accusé d’avoir
protesté vivement, à la mairie, contre l’arrivée des
troupes de Pernes et d’avoir dit que ceux qui les faisaient venir devaient
les nourrir. Motif suffisant pour une condamnation à mort !
Dans cette séance, onze condamnations
sont prononcées : dix pour Caromb et la onzième pour Emilie
de Nogaret, religieuse. Tous sont guillotinés le soir même,
à 18 heures.
2ième séance (30eme
séance du Tribunal).
2 thermidor (Dimanche 20 juillet 94).
- BARTHELEMY Gilles, cultivateur
37 ans ; il est accusé d’avoir dit, le 10 juillet 93, au fractionnaire
de la Mairie, au moment où le conseil général était
assemblé « Est-ce que vous gardez les coquins qui sont assemblés
là-haut ? – Tout à l’heure nous y sommes ». Le tribunal
le déclare contre-révolutionnaire et le condamne à
mort !
- LADET Esprit-François
, propriétaire, 62 ans ; il avait été député
à l’Assemblée contre-révolutionnaire de Sainte-Cécile
pour la défense des intérêts de la papauté dans
le Comtat Venaissin. Puis au mois d’octobre suivant, il est élu maire
de la commune. Son fils Joseph ayant pris la fuite, il fut, avec sa femme
Thérèse Pons, soumis à la loi des suspects, c’est à
dire à l’appel quotidien qui dura du 3 mai au 6 juillet.
La Municipalité, élue le 23 septembre 93, décréta
le 27 octobre suivant, la mise en arrestation de toutes les personnes compromises
dans l’insurrection des 10 et 11 juillet. LADET et son épouse sont
du nombre. Il est dénoncé pour avoir, avec Denis Tiers, pris
le Maire revêtu de son écharpe et l’avoir conduit au devant
des troupes de Pernes afin de lui intimer l’ordre de se retirer. LADET et
TIERS conduisaient le maire par le bras et BELHOMME les suivait, sabre nu,
prêt à lui fendre la tête à la moindre résistance.
Condamné à mort.
Ses deux filles, Thérèse (13 ans) et Henriette (16 ans) et son
épouse sont arrêtées.
Esprit-François, pour avoir conspiré contre l'unité et
l'indivisibilité de la république est décapité.
- SAGE Marie Elisabeth
, 46 ans, épouse de Pierre JAUME ; native de Caromb, elle est accusée
par Praxède C…pour avoir, le jour de l’insurrection, appuyé
une broche sur le ventre de la femme du juge de paix et l'avoir traité
de coquine. Elle est condamnée à mort.
- CORNUT François,
cultivateur 31 ans ; il est accusé d’avoir fait partie du groupe
qui s’etait emparé des armes déposées à la Mairie
et d’avoir fait partie de l’attroupement qui s’opposa à l’entrée
de la garde de Pernes dans la ville. La Municipalité le fit arrêter
le 17 mai. Conduit à Orange, il est aussi condamné à
mort.
- CORDET Joseph, cultivateur
42 ans ; comme le précédent, en fuite puis arrêté,
il est condamné à mort.
- CONSTANTIN Jean Antoine
Félix , bourgeois 51 ans ; il a épousé Mlle Angèle-Rosalie
de Romillon. Possédant une fortune considérable, et pour le
distinguer du Constantin de la Place, on le désigne sous le nom de
Constantin le bourgeois. Suppléant du juge de paix en 1790, officier
municipal en 91 et maire en 92, il est nommé président de
la section fédéraliste de Caromb par 141 voix sur 166 votants,
le 11 juillet 93, jour de création des sections.
Il
prononce alors un discours exhortant le peuple à la paix, à
l’union, à l’oubli de tout. Il propose de jurer le maintien de la liberté,
de l’égalité, de la République et une guerre éternelle
aux tyrans.
Le même jour, 12 membres sont désignés pour former le
Comité de sûreté publique : FAVETIER Pierre, BONNET
Joseph, DE JACQUES Thédée, MORARD François, DURAND Maurice,
GENIN Joseph, GERIN Joseph, FAVETIER Laurent, GILLES Jean Pierre, HEYRAUD
Louis Simon, RIBAS François fils et FABRE Jean Antoine.
Les sections sont mal agréées par les patriotes, ici plus qu’ailleurs
peut-être.
A l’arrivée des commissaires envoyés par Carpentras, le 19
juillet 93, Félix Constantin est dénoncé par plusieurs
personnes. L’une d’elles, un officier municipal, dit que, l’ayant rencontré,
celui-ci lui annonça que s’ils faisaient venir cent soldats, eux en
feraient venir deux cents. Le crieur public dépose qu’avec d’autres,
ils l’obligèrent à faire la publication de la tenue des sections.
Comme il hésitait, leur disant que le maire leur ferait des reproches,
Constantin lui dit : « Allez toujours ; si le maire n’est pas
content, il viendra se plaindre à nous et nous l’arrangerons ».
Un autre déclare avoir entendu dire à Constantin et à
Durand que la Convention n'est composée que de brigands et de coquins,
mais que les friponneries ne durent pas longtemps et que dans quelques
jours, le parti royaliste fera danser une jolie danse aux patriotes. Il
ajoute qu’à l’arrivée du détachement de Pernes, le maire,
après être allé s’entendre pour le logement de la troupe,
trouve, sur la place de l’église, plusieurs attroupements et, parmi
eux Félix Constantin, Joseph Durand et Fons Marie qui le menacent
et lui reprochent que son parti est la cause de l’arrivée des troupes
et que leur procès sera vite fait ; puis, qu’aussitôt, ils se
répandent dans la ville en criant : « Aux armes ; voici les
coquins et les brigands qui arrivent de Pernes, qui viennent nous égorger
et brûler nos gerbes. »
Les commissaires lancent, à la suite de ces dénonciations, des
mandats d’amener contre plusieurs hommes, notamment contre Constantin, Fons
et Charles Chabrier. Constantin prend la fuite, mais la municipalité
arrête sa mère âgée de 74 ans, sa femme et ses
deux filles.
Constantin, après un an d’errance,
est arrêté le 17 Messidor ( 5 juillet) à 2 heures du matin,
dans une grange à Sérignan où il s’est réfugié
pour la nuit. Voici comment il est arrêté d’après le
procès verbal dressé à cet effet :
“ Le 17 Messidor, la garde nationale de Sérignan, s’étant
transportée à deux heures du matin, dans la forêt dire
« du Quartier », a rencontré un homme couché dans
le petit appartement de la grange de Gerenton, juge de paix du canton de Piolenc,
ayant deux fusils à ses côtés. La garde, au nom de la
loi, lui a ordonné de marcher et on l’a conduit dans la Maison d’arrêt
de la commune de Sérignan. La municipalité de la Commune a
fait au fuyard les questions suivantes :
« Quel est ton nom ? – Félix
Constantin de la commune de Caromb.
Quelle profession as-tu ? – Bourgeois
Depuis quand es-tu sorti de ton pays
? – Depuis 1 an.
Etais-tu sectionnaire ? – J’étais
président de la section.
Avais-tu des compagnons dans le bois
? – Non.”
D’après ces réponses, la municipalité décide d’informer
l’administration du district de cette arrestation. L’accusateur public lance
immédiatement un mandat d’amener contre Constantin.
Il est accusé d’avoir conspiré contre l’unité et l’indivisibilité
de la République, en occupant la place de président de section
rebelle.
Il est écroué dans la prison du Cirque à Orange. Dans
sa 30ème séance, le Tribunal le condamne à mort.
- GILLES François
, propriétaire 23 ans ; dénoncé par un jardinier nommé
Joseph D…, pour avoir engagé plusieurs citoyens à marcher avec
les Marseillais, fut accusé d'avoir émigré et, malgré
un certificat, présenté par son père à la municipalité
patriote de Caromb, montrant son service auprès d'un commandant patriote
d'Avignon, il est condamné. Il est vrai que la municipalité
avait accompagné le certificat d'une note précisant «Nous
espérons que vous le ferez arrêter».
- ROBIN Jean, cultivateur
58 ans. Dénoncé le 22 juillet 1793 par une femme patriote
qui lui reproche d’avoir insulté son fils, âgé de 16
ans, le jour de l’émeute en lui disant « Ah, coquin,
vous allez au devant de ces coquins de Pernes pour les faire entrer en ville
».
Deux autres l’accusent de leur avoir annoncé
qu’on lui avait donné l’ordre de noter ceux qui ne voudraient
pas se joindre aux autres habitants, pour repousser la troupe de Pernes et
que leurs têtes tomberaient bientôt. Arrêté le
17 juin 94, conduit aux Bernardines, puis à Orange, il est condamné
à mort.
Dans cette 30ème séance, la
Commission populaire d’Orange condamne huit Carombais à mort. Ils
sont exécutés le soir même, le 20 juillet.
3eme séance (31eme séance
du Tribunal).
3 thermidor (Lundi 21 juillet 94).
Treize Carombais sont assis au banc des
accusés.
Neuf sont condamnés à mort.
Madeleine GIRARD, femme de Maurice JOUET,
que rien ne compromet est acquittée après un mois de détention
préventive. François JEAN et Madeleine LOMBARD, épouse
de François Faure, 45 ans, notaire fuyard, sont condamnés
à la détention jusqu’à la paix. Joseph BARTHELEMY, 59
ans, procureur de la commune, est condamné à trois mois de
prison ferme.
Voici la liste des jugements des huit
victimes :
- VEYRIER Jean Joseph,
cultivateur. Il est dénoncé par une femme, Rose A…, qui déclare
lui avoir entendu dire avec colère qu’il jouerait avec les têtes
des patriotes, qu’il n’y avait pas assez d’arbres sur le cours pour les
pendre, qu’ils avaient trop gouverné, que c’était au tour des
aristocrates et qu’il mènerait les patriotes, non à la Malagronne,
mais au Serre de Modène, pour les fusiller. Il est dénoncé
aussi par trois patriotes pour avoir fermé les portes de la commune,
le 11 juillet. Ecroué aux Bernardines, conduit à Orange, il
est condamné à mort. Agé de 36 ans, il est natif de Malemort
mais sa mère est une FAVETIER de Caromb.
- VEYRIER Maurice, menuisier,
27 ans, mariè, sans enfant. Frère cadet du précédent,
aussi belliqueux que lui, il a été soumis à la loi
des suspects, tenu de répondre à l’appel quotidien. A l’arrivée
des troupes de Pernes, aidé de son camarade Blaise MORARD, il ferma
la porte d’entrée des remparts dite « porte de la fontaine
» en disant : « Il ne faut pas que ces coquins viennent
nous égorger ». Remarqué aussi pour avoir parcouru les
champs à la recherche de patriote. Dénoncé par le maçon
Joseph V… et par un cultivateur nommé le Ballot, il se réfugie
à Courthézon où il est arrêté par
le comité de cette ville à la demande de celui de Caromb. Enfermé
dans la prison des Dames, il est condamné en même temps que
son frère.
Son dossier contient la note
suivante, du comité de Courthézon à celui de Caromb :
«2 messidor (20 juin). Citoyens,
Nous avons reçu votre lettre du 21 prairial, portant dénonciation
contre Maurice Veyrier… Citoyens, quelque esprit de vengeance de quelque
individu ne se manifesterait-il pas dans votre commune ? La république
ne demande que des hommes purs et impartial. Si Maurice est coupable, que
sa tête tombe ! Quant à nous, nous l'avons connu depuis qu'il
habite notre commune que dans le principe d'un républicain.»
- MORARD Joseph Blaise
, cultivateur, 42 ans. Lui aussi, avec Maurice Veyrier et Marcel MARECHAL
a fermé les portes de la ville et a ordonné, d’un ton furieux,
au concierge de la mairie, d’aller fermer la porte du Béal (du Rieu).
Le concierge dépose : arrêté le 17 mai, il est lui aussi
condamné à mort.
- IMBARD Joseph Ambroise
, cultivateur, 38 ans ; surnommé « le besson » parce
qu’il devait avoir un frère jumeau, aurait dit aux soldats de Pernes,
arrêtés à l’oratoire de Saint Marc, de tuer tous ceux
qui allaient à la messe des prêtres assermentés et tous
les patriotes qui étaient des coquins. Condamné à mort.
- DUFOUR Laurent, cultivateur
35 ans ; il est accusé par deux femmes patriotes d’avoir dit «
Va, nous y sommes ; nous vous détruirons tous. » et par une
autre d’avoir crié : « Bande de coquins, nous sommes après
vos culottes ; vous nous en avez assez fait, nous allons nous venger ».
Déclaré fédéraliste et sectionnaire, c’est la
mort, à 33 ans. Il était natif de St-Pierre-de-Vassols, mais
habitait Caromb.
- JOUET Maurice, salpétrier
48 ans, élu notable de la commune le 14 mai 94, il prête le serment
de fidélité à la religion et au pape le 10 juin 92 et
est nommé officier municipal. Déclaré suspect le 14
mai pour avoir participé à la fusillade de la Malagronne, a
aussi pris les armes contre les troupes de Pernes. A mort. Alors que sa femme
a été acquittée.
- CHABRIER Antoine Charles
, cultivateur, 43 ans, dénoncé par un officier municipal pour
être venu, avec François MORARD et RIBAS aîné,
forcer la municipalité à désarmer les patriotes, le
25 juillet 93. Puis, le 28 suivant, la municipalité toute entière,
atteste que dix citoyens sont venus demander la nomination d’un commandant
de la Garde Nationale. C’étaient : Félix Constantin, Maurice
DURAND, Denis TIERS, François RIBAS, Maurice Gilles, FONS Marie, Antoine
MORARD, boulanger, Charles CHABRIER, GIRARD fils « dit le Parisien
» et Joseph DURAND des Aires.
Au moment des arrestations, ceux-là
ont pris la fuite. Ils sont alors déclarés chefs et auteurs
des troubles de Caromb, après que leurs familles aient été
arrêtées, ils sont pris eux-même.
A mort.
- DURAND Alexis, cultivateur
38 ans ; fils de Maurice, en fuite, dénoncé pour avoir, le
10 juillet 93, parcouru les rues de Caromb avec un sabre dans une main et
un pistolet dans l’autre, a excité les habitants pour qu’ils s’arment
pour empêcher l’entrée des patriotes. A mort.
- ROUX Jean Joseph,
cultivateur, 59 ans, dit « le pépé ». A insulté
un officier municipal qui lui ordonnait, au nom de la loi, de se retirer,
puis a porté la main à son écharpe pour la lui arracher
et l’a pris à la gorge en disant « que les aristocrates feraient
maintenant la loi ». A mort.
Les neufs condamnés sont guillotinés
le soir même, à 18 heures, sur le cours Saint Martin où
la guillotine est montée en permanence.
4eme séance (32eme séance
du Tribunal).
4 thermidor (Mardi 22 juillet 94).
C’est la dernière séance
concernant les prisonniers carombais.
Au début de la séance, les
juges acquittent Jeanne BELHOMME, 26 ans, épouse de Joseph BLANC, boulanger,
Marie PEYROUX, 53 ans, épouse de Guillaume Antoine BLANC, boulanger,
RIGOT Joseph, substitut du procureur de la commune, frère d’émigré,
JAUME Pierre, 36 ans, journalier dont la femme a été exécutée
deux jours auparavant.
Quatre autres sont condamnées
à la prison : Delphine GUIRAMAND, 46 ans, femme de Pierre CHABRIER,
Marie-Rose VEYRE, 47 ans, née au Barroux, épouse de Pierre RIBAS
de Caromb, Louise MARTIN, 25 ans, servante de la famille DE JACQUES, Marie
DURAND, 32 ans, religieuse assermentée à l’hôpital de
Carpentras.
Dix sont condamnés à
mort :
- MAFFREN FONT-MARIE Félix
François , bourgeois, 31 ans ; notable en octobre 91, officier
municipal le 10 juin 92, il commande la garde nationale le 11 juillet 93.
C’est lui qui donna l’ordre de fermer les portes de la ville devant les troupes
et convoqua les sections pour la défense. Dénoncé pour
cela, en fuite après un mandat d’amener le concernant ( le 28 juillet),
il est arrêté à Nyons, le 13 mars 94. La municipalité
de Caromb est avisée et le juge lance un nouveau mandat d’amener le
25 mars. Au tribunal, VIOT l’accuse d’avoir été le chef de
la révolte et d’avoir dirigé tous les mouvements de rébellion
de Caromb . A mort !
- AUTARD Joseph, cordonnier
50 ans ; il est accusé par une femme et deux hommes pour coups et
menace de mort. En fuite, on arrête sa femme née REYNARD et
sa fille de 17 ans. Il est pris. A mort.
- TIERS Pierre Thomas
, cultivateur, 36 ans, fédéraliste et sectionnaire. Il a levé
le sabre au-dessus de la tête du juge de paix déjà malmené
par la foule. Après quatre jours à la prison du Cirque, il
est condamné à mort.
- DURAND Antoine, cultivateur,
28 ans. Il a participé à l’enlèvement des armes de la
Maison commune. A mort.
- CHABERT Jean-Pierre
, cultivateur, 30 ans ; même punition pour les même faits.
- MORARD Pierre François
Marcellin, chirurgien 31 ans ; le 10 juin 92, il est désigné
au poste de procureur de la commune par la municipalité conservatrice,
où il ne reste qu’un mois et demi ; il est ensuite un des membres
du Comité de Sûreté publique, composé de 12 membres
( 12 juillet 93). Il proposa de s’affilier aux sections des communes voisines
pour mieux se défendre contre les patriotes. Dénoncé
par un autre chirurgien de la commune, il est déclaré suspect
et soumis à l’appel journalier.
Il s’enfuit, est porté sur la
liste des émigrés puis est arrêté, conduit à
Avignon puis à Orange. Sa femme, arrêtée retrouve une
partie de sa famille aux Visitandines. Une perquisition à son domicile
fait découvrir des fleurs de Lys, des objets et images religieux.
L’accusateur public VIOT ne manque pas de signaler ces découvertes.
A mort.
- JABOUIN Jean-Baptiste
Laurent, cultivateur 42 ans.
Lorsque MAIGNET donne l’ordre d’achever
l’arrestation des suspects, JABOUIN est arrêté le 31 mai. Sa
femme Marie-Anne RICHIER est déjà aux Visitandines. Lui est
conduit aux Bernardines puis à Orange le 18 juillet. Il est accusé
d’avoir, en compagnie de AUBERT et MORARD cadet, sonné le tocsin au
clocher de l’église pour inciter la population à prendre les
armes contre les troupes de Pernes. Poursuivi comme contre-révolutionnaire
décidé, ayant en toutes occasions montré des preuves
de sa haine contre la liberté, d’avoir provoqué des rebellions,
il est aussi condamné à mort.
- GALIAN (
*90
) Joseph Toussaint, religieux du Grand
Augustin à Paris, 67 ans,
- VINCENT François
Nicolas , prêtre 65 ans,
- DE JACQUES Etienne Polycarpe
, prêtre 64 ans.
Ces trois sont dénoncés le 21 juillet 93 pour cause d’incivisme,
à DERAT, BARJAVEL et RUCHON, les trois commissaires envoyés
à Caromb par le district de l’Ouvèze, pour rétablir
la paix.
Ils sont accusés d’être les ennemis jurés de la Liberté
et de la Révolution, d’avoir prêché la haine de la République,
d’avoir provoqué et dirigé les émeutes de Caromb. Tous
trois sont condamnés à mort et, comme les sept autres, sont
guillotinés le soir même, à 18 heures.
On pourrait ainsi résumer les accusations de Viot : «ont
de tout temps été les ennemis jurés de la liberté
et de la révolution ; ils ont manifesté, depuis longtemps,
un attachement inviolable au tyran et à la tiare ; ils ont prêché
la haine de la république et l'amour de la tyrannie ; ils se sont
occupés sans cesse à égarer les bons citoyens pour leur
faire détester le régime de la république ; ils ont
propagé avec acharnement le plus dangereux fanatisme … ils ont voulu
ainsi allumer la guerre civile et renverser la république....
».
Le neveu de M. Galian, pour obtenir l'élargissement de son oncle, demanda,
le 26 octobre 1793, à la municipalité de Caromb, un certificat
de civisme en sa faveur. La municipalité, obtempérant à
la demande, attesta et certifia, le 30 octobre que « Joseph-Toussaint
Galien, ci-devant grand-Augustin à Paris, s'est toujours comporté
en vrai et honnête citoyen ; qu'il n'a pas troublé le repos
et la tranquillité publique ; qu'il n'a jamais donné aucune
marque d'incivisme ». Cette attestation fut non avenue et ce religieux
fut maintenu dans les prisons.
Voici quelques citations surprenantes et désagréables :
«Il se trouve une erreur parmi
les noms des frères DE JACQUES. Ne sachant pas la deviner, tu en recevras
un de plus que tu me demandes...». Ils furent tous guillotinés
! [52].
«... Tu nous demandes
qu'un Durand, et cependant il s'en trouve deux, dont l'un est l'oncle, l'autre
le neveu. Comme je ne sais celui des deux que tu désires, je te les
envoie tous les deux pour ne pas retarder les opérations. Tu auras
le soin de renvoyer l'autre dans le cas où tu n'en aurais rien à
faire... ». Viot ne renvoya ni l'un ni l'autre. L'opération
fut réussie, il les «utilisa» tous les deux ! [52].
Beaucoup de dossiers paraissent bien creux pour condamner quelqu'un à
mort. Nous donnons par contre celui qui est le plus complet et qui a l'avantage
de résumer tous les évènements de notre village [52].
L'accusateur Viot : «Maurice Jouet (47 ans, fils de Jean Jouet,
officier municipal et d'Elisabeth Peyroux), salpêtrier, s'est dans
toutes les occasions montré le partisan de l'aristocratie et du despotisme
(religion). Il fut l'un de ceux qui massacrèrent inhumainement les
patriotes, qui après avoir combattu pour reconquérir la Liberté,
retournaient avec confiance (!) dans le sein de leur famille (Malagronne 2
juillet 1791). Il a donc pris les armes avec les rebelles qui, le 10 juillet
1793, s'opposèrent à l'entrée des troupes envoyées
pour assurer à Caromb le triomphe de la Liberté. II a ainsi
excité (sic) à la guerre civile, ainsi il a conspiré
contre la République et son unité. Il doit être puni de
mort.» [52].
Le lendemain de l'exécution, la fille Jouet va au devant des personnes
qui reviennent d'Orange et demande à la fille X... des nouvelles
de ses parents. «Ton père ? répondit celle-ci, tiens
vois son sang sur la manche de ma camisole. J'étais au pied de la
guillotine quand sa tête est tombée...» A ces mots,
la fille Jouet s'évanouit. Mais à quelques jours de là,
rencontrant la fille X... au lavoir, elle la jette dans le bassin de la fontaine.
Ce récit nous fait entrevoir le climat qui régna dans notre
village durant de nombreuses années. Il y eut trop de morts dans
cette horrible guerre civile, trop de Carombais en prison, trop de viols
ou de vols, trop de haine. Cela explique les divisions, les rancœurs, les
prises de position politiques qui marquent beaucoup de familles jusqu'à
nos jours [52].
La Commission populaire d’Orange a fait exécuter 36 carombais auxquels
il convient d’ajouter les 4 condamnés exécutés à
Avignon. Les corps des suppliciés sont jetés dans sept fosses
communes creusées dans un champ nommé La Plane, à l’ouest
d’Orange.
Caromb n’est pas un cas particulier. D'autres communes comptent de nombreuses
victimes. Ne dit-on pas que le chemin de Sault à Orange, qui passe
juste au sud de notre village, s'appelle alors "le chemin des condamnés",
tant les charrettes chargées de prisonniers, descendant des plateaux
de Sault vers Orange, sont nombreuses !
Le 28 juillet 1794, soit à peine six jours après les exécutions
carombaises d’Orange, Robespierre est à son tour exécuté
et le 31 du même mois le Comité de Salut public ordonne la
suspension des Commissions populaires d’Orange et de Nîmes.
800 prisonniers d'Orange sont libérés ; d'autres le sont à
Carpentras et à Avignon [33].
Commence alors une vengeance contre la commission d’Orange. Dès le
25 août la gazette d’Avignon titre “ Epuration des “terroristes.
La persécution a une fois de plus changé de camp. Le représentant
en mission Goupilleau, qui a aujourd'hui remplacé Maignet, fera sans
doute payer cher aux autorités jacobines leurs excès
passés. Car, tout en approuvant la chute de Robespierre, ces dernières
ont surenchéri en appelant tous les patriotes à se rallier...
à la sainte Montagne! ” Goupilleau a apporté dans ses bagages
un rapport très sévère sur l'action des patriotes
dans le département. Il y est rappelé l'impitoyable zèle
révolutionnaire de Maignet, ainsi que l’“efficacité” du
tribunal d'exception d'Orange qui, en un mois et demi d'exercice, a
réussi à envoyer à la guillotine trois cent
trente-deux condamnés”[18].
Parmi ces condamnés, une ursuline de Caromb, Marie Angélique
de Rocher, qui s'était réfugiée dans sa famille à
Bollène est arrêtée et exécutée à
Orange le 10 juillet 1794. Une autre, la sœur Martin est guillotinée
à Bédoin pour sa résistance au nouveau régime
[39].
En octobre, des familles de suppliés venant pleurer sur le champ
de la Plane sont encore dispersées par les révolutionnaires.
Le même mois, Caromb envoie toute
sa population valide soutenir le mouvement monarchique du Chevalier de Lestang.
Les troupes du Chevalier sont battues. [52].
L’arrestation des membres de la Commission d’Orange est ordonnée.
Ceux-ci sont en fuite, mais, rattrapés, ils sont conduits au Palais
des Papes d’Avignon.
Bédoin réhabilité.
Bédoin est réhabilité solennellement le 15 floréal
an III et le représentant de la Convention Jean Debry vient, en personne,
prendre la tête du défilé qui se forme à Crillon,
avec des représentants de toutes les communes du district de Carpentras,
pour honorer les martyrs de l'infâme Maignet. Une aide financière
est accordée aux survivants pour reconstruire le village [33]. Joseph-Louis
Reynard devient maire. Un chêne et six jeunes oliviers sont plantés
sur le lieu des exécutions et un grand banquet de 400 couverts marque
la cérémonie [38].
L’année 1795, année
de la terreur blanche.
De véritables bandes se forment, pour punir les révolutionnaires
de leurs atrocités. La réaction est forte à Lyon comme
dans le Sud-est, à Marseille (avec la Compagnie du Soleil), à
Avignon, à Orange. C’est la terreur blanche.
Le vent a tourné pour les patriotes.
Un Comité venu de Paris fait passer les membres du Comité
d’Orange en jugement. Tous sont, à leur tour, condamnés à
mort.
Après avoir plusieurs fois échappées à la vengeance
populaire, les membres du tribunal d'exception “terroriste” d'Orange sont
tous exécutés, le 27 juin, et leurs corps jetés
dans le Rhône. Viot, Ragot, Barjavel, meurent en chrétiens
repentants, demandant pardon à Dieu et aux hommes de leurs crimes.
[52]. Sept des juges sont condamnés [33].
Un autre juge est mis en pièces par le peuple [33].
Tous, excepté le greffier Benet, pour lequel un complément
d'information avait été demandé. Le verdict lui inflige
vingt ans de fer et six heures d'exposition ; mais, se souvenant fort à
propos d'un huissier massacré par la foule sur le poteau où
il subissait le même sort, il a supplié ses juges, et en a obtenu,
que l'exposition soit commuée en quatre ans de fers supplémentaires
[18]. Après vingt ans de fer, il sera libéré [33].
Le 9 août 1795 (22 pluviôse
an III), la constitution civile du clergé est remplacée par
la séparation de l'Eglise et de l'Etat et la liberté de culte.
Les églises sont rendues aux prêtres [33].
En octobre 95, la Convention est renversée, en France, par un coup
d’état : c’est le Directoire.
En 1796, le gouvernement ordonne le recensement de tous les habitants du
pays. Carpentras compte alors 5.581 habitants [33].
Le baron de Saint-Christol mène un temps la réaction royaliste.
Quelques affaires marquent encore Valréas, Carpentras ou Avignon
jusqu'en 1797.
En 1798, le Vaucluse est ravagé par des brigands soit disant royalistes,
jusqu'au coup d'état du 18 brumaire, début du consulat [33].
Le canton de Caromb.
Lors de la séance du 6 Brumaire An IV, la commune de Caromb est érigée
en chef-lieu de canton par le Directoire de Vaucluse constitué de JEAN,
président, MINUTI, GUILLABERT, GUIMET, administrateurs, PIOT, commissaire
du Directoire consultatif et PINATELLI, secrétaire général
provisoire.
« L’administration du département
de Vaucluse, en exécution de l’article XIX de la loi du 21
fructidor qui porte que les administrateurs présenteront les moyens
de distribuer, suivant la constitution, les communes qui, bien qu’inférieures
à 5000 habitants, forment néanmoins un canton isolé
et que leurs arrêtés à cet égard seront provisoirement
exécutés ; oui, le Commissaire du pouvoir exécutif arrête
que les cantons du département seront compris ainsi qu’il suit :
Canton
de Caromb :
- Caromb :
2.161 âmes
- Bédouin
(sic) :
1.961 âmes
- Crillon :
484 âmes
- Saint-Pierre
de Vassols : 252 âmes
- Modène
:
193 âmes
- Saint-Hippolyte
:
80 âmes
Soit un
total de 5.141 habitants ».
Faits divers.
Il n'y a pas que des faits tragiques, à Caromb, sous la Révolution
: la rubrique des faits divers généalogiques nous indique
que, le 9 vendémiaire an 4, est né Joseph-Marie Laget. Sa mère,
Barbe, née Borel, 30 ans, revenait de la foire de Malaucène
et n'a pas eu le temps d'arriver jusqu'à Caromb. Elle a donc accouché
en route, au Barroux, dans la maison du citoyen Claude Alazard.
Sous la rubrique matrimoniale, le 3eme jour complémentaire de l'an
5, le cordonnier Bourguignon, de Caromb, épouse la fille de Lambert,
cordonnier au Barroux. La jeune épousée a 14 ans.
Les destructions de la Révolution
au Barroux et à Caromb.
En 1732, Le Barroux revint à la famille de Moret (qui le gardera
jusqu'en 1929). Mais la Révolution n’épargne pas ce chef-d’œuvre.
Le 10 pluviôse an II, le conseil municipal décide à l'unanimité
d'abattre ce symbole des privilèges. On se contente en fait de brûler
les habits du seigneur sur la place publique et de piller le château
qui est abandonné par ses propriétaires. Pendant cent trente
ans, ce château ne sera plus que ruines envahies de ronces et de lierre,
servant de terrain de jeux aux enfants, de coin tranquille pour les amoureux,
de carrière de pierres nobles et surtout de latrines.
A Caromb, le tombeau d'Etienne de Vesc est saccagé : le corps du chevalier
a été mutilé et les têtes des pleureuses décapitées.
En septembre 1792, le château
d'Etienne de Vesc est complètement anéanti par ordre de Marguerite
de la Baume-Montrevel, épouse du marquis de Ligneville. Ses cohéritiers,
le marquis de Choiseul et la marquise de Marnier vendront l'emplacement
du château à divers particuliers.
Les juifs du Comtat Venaissin.
La Révolution française, avec le rattachement à la
France d'Avignon et du Comtat Venaissin, marque pour les juifs une
véritable libération. Malgré une opposition (peu virulente,
d'ailleurs) de certains, les juifs du Pape deviennent français. En
quelques années, les carrières se vident. Les juifs prennent
une part active aux évènements révolutionnaires [74]
La situation aux frontières
pendant la période révolutionnaire.
Revenons quelques années en arrière, pour suivre ce qui se
passe à nos frontières : la période de la Législative
et de la Convention Jacobine (1791 - 1794) est marquée par la déclaration
de guerre à l’Autriche (92). La France constitue une "Armée
des Alpes et du Midi" dès le 13 avril 1792.
A la suite de Valmy, les armées françaises passent à
l'offensive, le 25 septembre 1792, franchissent le Var et occupent
prudemment Nice, le 29 septembre [19]. Le 4 février, est créé
le département des Alpes-Maritimes dont le territoire recouvre le
comté de Nice (y compris Dolceaqua) et la principauté de Monaco
annexée le 14 février[19].
Bonaparte.
Le 28 août 1793, les fédéralistes provençaux livrent
Toulon aux Anglais [18]. Bonaparte commande le siège de Toulon et
reprend la ville et le port, en décembre 1793.
En 1794, les armées de
la République manquent de salpêtre pour faire de la poudre et
en réclament à toutes les communes : Pernes fabrique du salpêtre
avec un morceau de rempart dont les pierres sont imprégnées
du précieux ingrédient.
Le 6 août, Bonaparte est suspendu de son commandement par le Comité
de Salut Public.”[21].
Après Toulon, Bonaparte revient à Nice le 26 mars 1796, nommé
général en chef de l’armée d'Italie. Il prend les troupes
en main le 2 avril à Nice : « Soldats, vous êtes mal nourris,
presque nus. Le gouvernement vous doit tout, il ne peut rien. En Espagne,
en Vendée, en Allemagne vous avez fait des prodiges.
Vous voulez encore de la gloire. Eh bien ! Je vous en nourri. Je vais vous
conduire dans le plus beau pays du monde... »[21].
Premières campagnes
d’Italie (1796-1797).
Le 15 avril 1796, il remporte les victoires de Montenotte, de Millesimo, puis
de Mondovi et signe l'armistice de Cherasco avec les Sardes. La guerre continue
en Lombardie. Le 15 mai 1796, Bonaparte entre dans Milan. Il poursuit sa
campagne et le 5 août remporte la victoire de Castigliole.
Puis, c’est la victoire d’Arcole, où un jeune tambour, André
Estienne, originaire de Cadenet, s’illustre en traversant, le premier, la
rivière Alpone, dans l’eau, et sous la mitraille, en jouant du tambour.
Après Rivoli, le 14 janvier 1797, Bonaparte signe un armistice personnel
avec les Autrichiens et le 9 juillet 1797 il fonde, à Milan, la République
cisalpine. La paix de Campoformio remodèle la carte d’Italie du Nord.
Il contraint le pape à signer la paix[54].
Revers français (1798-1799).
Pendant que le trop populaire Bonaparte est envoyé en Egypte et en
Palestine par le gouvernement français, nos troupes subissent les défaites
de Magnano, de Cassano (avril 1799) et doivent évacuer Milan, puis
faire retraite sur la crête des Alpes[54].
Nouvelle juridiction municipale
à Caromb.
Le 23 septembre 1799, le président de l'administration municipale a
convoqué dans la salle de la maison commune les membres de l'administration,
le juge de paix, les notaires et autres fonctionnaires publics pour célébrer
l'anniversaire de la fondation de la République. Ils se rendent,
en escorte avec vingt-cinq hommes de la Garde nationale, et au bruit des
tambours, devant l'autel de la Concorde dressé à côté
de l'arbre de la Liberté, sur la place publique. Après un discours
du président, chacun prête le serment civique.
Par arrêté du département, le canton de Caromb devra verser
au magasin militaire d’Avignon, 17 quintaux de blé et 6 de seigle,
à répartir entre les communes de ce canton.
En novembre, on fait un inventaire des chevaux et mulets pour le service des
armées. On dresse un procès-verbal des délits commis
dans l’arrondissement et, aussi, sur les individus ayant appartenu à
la bande de St-Christol.
En décembre, on réquisitionne le trentième des chevaux
et mulets, soit dix sur les 291 recensés, plus quarante quintaux
de foin et cinquante boisseaux d'avoine. Un détachement de dragons
étant stationné à Caromb, on répartit entre les
cinq autres communes de ce canton les rations de foin à fournir et
la réquisition de huit chevaux (ou mulets).
L'administration centrale a fixé les contributions personnelles et
mobilières de l'an VIII (1799), pour le canton, à 3.711 francs
qui se répartissent ainsi :
-
Caromb :
2.161 âmes = 1.710 francs 91
- Bédoin
:
1.961 âmes = 1.351 francs 28
- Crillon :
484 âmes = 331 francs 97
- Saint-Pierre-de-Vassols
252 âmes = 158 francs 40
- Modène
:
193 âmes = 113 francs 58
- Saint-Hippolyte
:
80 âmes = 44 francs 95
Par circulaire du préfet, et jusqu'à l'installation
du sous-préfet, les consuls sont en charge de gérer le quotidien
de la commune.
Suite : la chronologie historique (chapitre XXI).
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