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XV. Caromb sous Louis XIV : de la richesse à la pauvreté.

Le roi en Provence.



        Louis XIV et la monarchie enveloppent tout : “l’Etat, c’est moi” dit le roi ; en Provence, le parlement est supprimé et la noblesse se tait. Après l’opposition d’Aix-en-Provence à Richelieu et à Mazarin, la visite de Louis XIV dans le midi, en 1660, met un terme à la tradition de rébellion de la ville.
        Il soumet aussi Marseille et M. des Pilles, seigneur de Beaumes et gouverneur du Château-d'If lui présente les clés d'or de la ville. Le roi le nomme viguier. Remontant la vallée du Rhône, il signe un décret, daté d'Avignon le 26 mars 1660, accordant le titre de gouverneur du Château-d'If au fils du seigneur de Beaumes [120]. En ce même mois de mars 1660, Louis XIV s’occupe d’Orange où le burgrave Dohna règne en maître pendant la minorité de Guillaume III. Il s’impatiente à Avignon pour qu’on lui remette la principauté « pour en être le dépositaire et le gardien jusqu’à la majorité du prince Guillaume ». Puis il vient à Orange, le 27 mars, et admire le théâtre romain, déclarant « voici la plus haute muraille de mon royaume ». Il constate les formidables fortifications de la ville, trouve cela insupportable au milieu de son royaume, et dès son retour à Paris, en juillet, décide de les faire démolir.
        En juillet 1665, il rend la principauté à Guillaume III devenu majeur. Guillaume devient alors un farouche opposant au roi de France et le combat pendant de nombreuses années
        Louis XIV se posera en défenseur des catholiques, en particulier de ceux d’Orange, jusqu’à la révocation de l’Edit de Nantes qui interdit le culte réformé. On le voit se tenir au courant des affaires de la principauté et intervenir directement, à plusieurs reprises en faveur des catholiques d’Orange, toujours par l’intermédiaire du comte de Grignan.

Premier rattachement temporaire à la France (1663).



        La  prospérité d’Avignon et du Comtat repose sur des bases fragiles ; elle reste subordonnée à la conjoncture politique, selon la qualité des rapports entre le roi et le pape. Ces rapports furent très bons durant tout le XVIe siècle, mais deviennent plus difficiles à partir du règne de Louis XIV.
        Le jeune Louis XIV poursuit une politique interventionniste et augmente la pression sur le Comtat. Sous le prétexte que son ambassadeur à Rome, le duc de Créquy, a été insulté par un garde du pape, il envoie ses troupes en 1662, et va jusqu'à ordonner sa réunion à la France. Le vice-légat ne se soumet pas et les Etats non plus, sauf les consuls d'Avignon. Après le vote du 26 juillet 1663, au Parlement d'Aix, Avignon et le Comtat sont considérés comme absorbés par la France, le vice-légat doit partir et se réfugier à Nice, remplacé par un gouverneur nommé par le roi de France [33].
        Nous devenons français !
       Il faut fêter cela, en août 1663, à Caromb, avec des flambeaux, un feu de joie, des joueurs de tambours et de fifres, pour marquer la remise du Comtat à la France. La confrérie du Saint-Sacrement loue ses flambeaux et ses cierges et chante un Te Deum.
        Le roi demande que l'on fasse repeindre les armes de la ville à ses propres armes pour marquer son pouvoir et s'assurer le concours des habitants et des autorités locales.

        A peine a-t-on le temps de remplacer quelques armes du pape par celles du roi, que Rome et Versailles se réconcilient ( 4 août 1663) [33].
        Caromb, comme toutes les villes du Comtat, rend hommage au pape et au roi. On prie dans l'église, pour les deux, et aussi contre les mauvais traitements faits à Rome à M. de Créquy, ambassadeur extraordinaire. En sortant de l’église, les têtes se lèvent pour admirer le nouveau couvert du clocher qui a nécessité 50 nouvelles tuiles.

        Le 12 septembre, Caromb envoie un soldat à la bravade de Carpentras, organisée pour l’entrée solennelle de Monseigneur le cardinal légat. Les consuls prêtent serment de fidélité au vice-légat, le 15 septembre, au nom de la Communauté.

        En avril 1665, le vice-légat  fait une deuxième entrée solennelle à Carpentras, avec bravade et participation carombaise.
        Les armoiries du pape Clément IX sont peintes sur les portes de la ville, maintenant que l’on est revenu en terre d’Eglise (1667).  On régale l’évêque et sa famille qui nous visitent cette même année, avec nos bonnes confitures.

Rage et peste.



        En 1664, on règle la facture d’un peintre de Caromb ayant fait un tableau, représentant Saint Denis et Saint Pierre que la commune a le désir d'invoquer lors du marquage du bétail, car ces saints protégent les bêtes de la rage, et règle aussi 106 florins à un menuisier d'Avignon pour le cadre du tableau, et pour deux escaliers situés en dessous du cadre dans la chapelle des Pénitents Blancs. En installant cette nouvelle représentation localement, la communauté évite de se déplacer jusqu’à la chapelle Saint Denis de Saint Jean de Vassols. On demande au grand vicaire de Carpentras de venir bénir le tableau avec la clé de fer à marquer pour rendre la protection efficace.
        Il était temps, car un chien enragé vient à passer à Caromb en avril 1664 et on fait dire une messe à St Denis.

        La fin de l’année 1664 est marquée par une peste. Dès septembre, on fait garder les vignes. En octobre, on mure la porte du cimetière allant à la porte de la Fontaine et on fait une muraille en dessous de la grande porte de l’église pour empêcher les étrangers d'entrer par ces endroits. Il faut porter des billets de santé.
        En novembre, on prie le vicaire de venir bénir le nouveau retable de St Denis à la chapelle des Pénitents Blancs et on met en quarantaine un malade et son chirurgien, sur ordre du recteur. On fait appel à un autre chirurgien, qui après sa visite, déclare qu’ils sont en bonne santé. Evidemment, on les libère.
        En décembre, un malade de Caromb meurt du « charbon » et le recteur, inquiet, interdit à toute la population de sortir de la commune dans le Comtat, puis il retire son interdiction. Le chirurgien ayant soigné ce malade doit faire quarantaine dans un « jas » loué près de l’église et on brûle les hardes du malade.
        Les portes sont gardées pour le contrôle les billets. Les passants n’ayant pas l’accès au village reçoivent une aumône.
        Les billets de santé sont imprimés avec les armes de nos villages. Un peintre-graveur de Caromb grave un tampon d’étain avec « des armes et des lettres » (sûrement le nom du village). L’origine d’un bon nombre d’armes d’autres communes vient de ces billets de santé.
        En 1666, on fait dire une messe à St Roch et St Sébastien pour faire cesser « les maux populaires qui règnent dans le présent lieu ». Deux ans après, on remercie le ciel et St Roch pour « la cessation des fièvres malignes qui régnaient dans le pays ».
        Plus tard, en mars 1676, on achètera une roue en cire jaune de 15 livres, à brûler dans la chapelle de St Sébastien, suivant un vœu de la communauté.

        En septembre 1668, un vol avec effraction est commis dans l'église. On a dérobé le soleil d'argent de la bénédiction et le ciboire d'argent de la communion.
        La même année on installe une nouvelle cloche ou « trignon » (carillon) et sûrement une autre l’année suivante car  le fils du meunier coupe du bois pendant 4 jours pour la fonte d’une cloche.

La transformation du village de Caromb.



 Les dépenses montrent que l'on songe à améliorer les protections du village :
  •  - on rhabille les ponts-levis et on met un garde-fou (« parabande »), en chêne, sur celui de l'église.
  •  - on comble les fossés autour des murailles, là où il y avait du fumier (1667).
  •  - on ferre le pont-levis de la Fontaine (1672).
  •  - jusqu’en 1677, on constate des travaux de comblement des fossés autour des murailles. Le village sort de la féodalité, s’ouvre sur l’extérieur.
  •  - on refait une muraille de 12 pans sur 8 de haut (3m par 2) à la placette, afin de soutenir la rue (1672).
  •  - on refait une partie des murailles de la ville qui s’était effondrée (1671).
  •  - on pose une croix devant l’église, que l’on fait peindre (1677).

        En juillet 1685, après le comblement des fossés, le pont-levis de la porte de l’église ne sert plus à rien : on le fait démonter par le maréchal. On fait cependant rhabiller les guérites des murailles de cette porte en janvier 1686.
C’est juste avant le deuxième rattachement du Comtat à la France que notre commune fait planter des mûriers le long des murailles. On les arrose pendant l’été 1686.

        On s'équipe :

  • - outre le tampon d’étain aux armes de la ville, on achète une fiole d'encre à l'apothicaire. Ce dernier fournit du poison pour les rats qui attaquent les archives communales.
  • - on construit le pont de Font Vieille.
  • - on canalise la Riaille et la Malagronne pour l'arrosage (1672).
  • - la Grand-Rue est équipée de nouveaux bancs en chêne pour se reposer ou pour "prendre le frais".
  • - on ajoute une troisième montre d'horloger sur la maison de Monsieur Hoard, visible de tous, en plus de celles du cimetière de l'église (1665). En avril 1686 les horloges sont crépies, blanchies et les peintres marquent les heures. Elles sont alors posées contre la maison de François Duc.
  • - on installe une longue « fuste » (poutre) de bois pour servir de « tanque » (barre) à la porte de l’église (1665).
  •  un fustier monte, en bois neuf, 11 mousquets (1667).

        On repousse les indésirables :

  • - on évite le logement de 3 compagnies de 60 hommes et leur nourriture moyennant 400 louis blancs. Il s’agit de la cavalerie italienne du Comtat. Cette dépense apparaît en 1665, 66, 70. Cette année-là, il faut « arroser » tout le monde :  le capitaine, le lieutenant, le maréchal des logis, pour près de 600 florins ! En 1675, on apprend qu’il s’agit de la cavalerie du pape et que la communauté doit participer à son entretien. On trouve trace des règlements pendant de nombreuses années.
  • - lorsque des vagabonds rodent, 4 cavaliers du vice-légat nous visitent et les chassent (1677).
  • - les Bohémiens « décampent in continent » (sic) avec 2 florins en 1655, 15 sols en 1666, 10 sols en 1668 pour « les faire vivement déloger du présent lieu, afin qu’ils ne commissent aucune insolence ».

        Le notaire de Caromb, en 1672-74, s'appelle Paul Anceau [148].

         Le Comtat utilise sa propre monnaie, mais commence à voir circuler l'argent français, même pour le paiement de l'impôt. Les frais de change viennent s'ajouter à ces taxes : 64 florins de commission sont encaissés par la ferme générale pour des censes de 784 florins.

        En avril 1678, on paie un sculpteur d'Avignon pour le dessin du retable qu'on veut faire à la chapelle Saint-Maurice. Un acompte est versé pour la réalisation du dit retable. Noël Bernus, architecte de Mazan, exécute ce retable, on paie également le maçon pour le soubassement en pierre et le cabaretier pour dépenses de bouche pour Bernus et ses ouvriers venus poser le retable. Le même Bernus revient avec ses compagnons pour les finitions.
        L’église de Pareloup (XII° et XV°) à Mazan abrite aussi des œuvres du sculpteur Jacques Bernus, originaire de Mazan.
        Puis un cadre de sapin et une custode en sapin avec serrure sont réglés, toujours pour ce retable. Un M. Bertrand, peintre d’Avignon, ajoute un tableau pour le retable. Enfin, on solde le règlement au prix fait des doreurs Gabriel et Rémond Rey (ou Rats, suivant les documents).

        Revenons aux chapelles de notre église [39]. Il est très difficile de suivre leur évolution, car leur nom change :

  • - celles de Charlemagne et de St Antoine (confesseur) et celle de St Georges ont été transformées du temps d'Etienne de Vesc, de son épouse Anne de Courtois, en 1501 et d'Elisabeth Fulconis, sa belle-fille en une grande chapelle dite "de Madame". Celle de St Georges fut créée et embellie par Raymond Guilhem de Budos qui y fut inhumé, sur sa demande, en 1360, peu de temps après la construction de l'église. L'extension de la construction extérieure de ces deux chapelles réunies repose sur une belle colonne qui soutient la voûte et se poursuit par quatre lambris rejoignant les quatre angles [39].
  • - celle de St. Cloud (1488) fut fondée, on l'a vu, par Pierre de Bollène, par son testament du 14 décembre 1488.
  • - celle de Saint Charles de Boromée (1619)
  • - celle de St Blaise (1619)
  • - celle de St. Nicolas (1634), par Anne de Courtois, pour laquelle elle laissa 100 livres.
  • - celle des Sept Douleurs ou des Sept Plaies (1671)
  • - celle de Ste Anne (1693)
  • - celle de Ste Marie-Madeleine (1694)


        La "chapelle de Madame", près du chœur, est réservée à la femme du seigneur, puis aux familles nobles : on peut remarquer, sur le mur, les armes des familles du Barroux et de Montfort.
        La chapelle de Notre-Dame de Lourdes a remplacé une autre vierge. Elle possède des vitraux peints par Delorto.
        Les deux dernières chapelles sur le côté droit, en entrant dans l'église sont consacrée à N.D. de l'Immaculée Conception et aux Fonts Baptismaux.

        A côté de la chapelle des hommes, se trouve  celle de St Joseph : on y voit un tableau représentant ce saint, peint par Sexel. La suivante est consacrée au Purgatoire et renferme un tableau d'Alexandre III, œuvre de Flocio. Au bout de ses nefs latérales se trouve une dernière chapelle murée.

        Le XVIIe siècle apporte de nombreuses nouveautés :

  • - le grand tableau, situé dans le chœur de l'église, date de 1671. Il représente la Vierge et l'enfant, Saint Maurice et ses compagnons, Saint Mathieu et Saint Michel. Il est peint à Rome, à cette date, par le peintre provençal Reynaud le vieux (1613-1699).
  • - la chaire de style baroque, en bois doré, d'une richesse exceptionnelle est installée à la même époque. Elle sera classée Monument Historique en 1849.
  • - la statue de Saint Marc, protecteur de la vigne, est, elle aussi, en bois doré du XVIIe siècle.  Cette statue était conduite en procession de l'église à l'oratoire portant son nom.

Les affaires carombaises.



        Une série d’ « affaires » marque les années 1660-1690.
        Le procès des eaux reprend de plus belle. En 1664, on envoie de l’argent au député de Caromb à Rome.
        En février 1666, le vice-légat est à Caromb et écoute les avocats de la commune au sujet du contentieux sur les eaux de Carpentras. Il n’est pas tout seul et son groupe séjourne 7 jours dans le village, à nos frais, bien sûr. Si on ajoute les salaires des avocats d’Avignon et des acteurs de la commune pour les 7 jours de vacation à plaider nos droits, les soldats, les fifres et tambours pour la bravade, un dîner offert au vice-légat avec perdrix, 12 lapins, pigeons, quelques grives carombaises, un peu de bœuf et de mouton, épiceries, marc, ambre gris, confitures, le cuisinier d’Avignon occupé 4 jours pour préparer le repas, les étrennes des domestiques du vice-légat, le charbon pour chauffer les locaux, la poudre à canon pour son arrivée et les flambeaux de cire, la commune paie une petite fortune de 862 florins et quelques !
         Quel fut le résultat de cette visite ? Nul ne le sait, sauf que le règlement fut remis à l'année suivante. Mais personne dans le village ne regrette ces dépenses car cette affaire des eaux est trop importante, trop vieille, a déjà beaucoup coûté. C’est devenu une affaire d’honneur et tous les moyens sont bons pour gagner le procès.

        En septembre 1669, le consul passe 4 jours à Avignon. Alors qu’il est dans cette ville, des querelles éclatent au village. Le vice-consul étant absent, il faut attendre le retour du consul pour qu’il nomme des commissaires. Les raisons de ces disputes ne sont pas indiquées, mais peu après apparaît un règlement sur le bétail et se tient un Parlement de la communauté. La mort des oliviers et la rudesse des temps doivent y être pour quelque chose.

        Encore en 1670, on règle les dépenses de voyage à Avignon pour ce procès et on demande au vice-légat l’autorisation d’un emprunt pour payer les frais.
        C’est encore 712 florins qu’il faut débourser pour l’archiviste d’Avignon et son clerc, le greffier, et les voyages du consul.
         En 1672, Monsieur de Vacqueyras est transporté à Caromb, en chaise à porteurs par six hommes pour donner son avis sur cette affaire des eaux.
        L'affaire des eaux continue et la commune paie 1.159 florins à un docteur en droit envoyé faire un bref en Cour de Rome (1674). On s'en remet à Dieu pour le bon déroulement du procès en faisant brûler des cierges payés par la commune.
 

        Caromb et le Barroux sont en procès au sujet des biens du terroir de St Hippolyte et des paiements de la taille associée à ces biens (1669). Cela doit s’arranger à l’amiable car, l’année suivante, l’exacteur de Caromb perçoit la taille de ceux du Barroux qui ont des terres à St Hippolyte.

        Rappelons que la communauté paie toujours la cense au seigneur pour les moulins à blé et les terres de St Hippolyte. Elle paie aussi ½ lods, tous les 9 ans pour les bâtiments du seigneur (1670). A cela s’ajoute la taille du pays (le Comtat) de 1.200 florins environ. A partir de 1671, on voit apparaître une somme de 210 florins payée tous les 6 mois à la Chambre apostolique pour la « réformation du gouvernement », taxe qui porte ensuite le nom de « fastigage » et que la commune va payer régulièrement toutes les années.

        Le 31 mai 1663 débute l'affaire des terrains du Paty, une affaire qui continuera jusqu'au XVIIIe siècle. On s'est emparé des terres du Paty sans autorisation ! Le 28 juin, la commune décide d'effectuer un bornage sur le terrain, puis le 21 septembre de planter trois poteaux aux armes de Caromb au Paty. Il faut que cela se sache, le Paty est carombais ! En 1664, notaire et greffier prennent les choses en main pour ramener à la raison ceux qui ont usurpé la montagne du Paty.

        Une épidémie attaque les oliviers vers 1665. L'huile est la richesse du pays et on doit se rabattre sur la vigne (1672). Le déclin financier de la commune commence. Moins d’olives, c’est moins de travail pour nos moulins et les fermiers du moulin des « os » réclament une diminution de leur rente. On fait procès, on informe le vice-légat en lui envoyant le consul.
        En 1675, la communauté a de la peine à faire rentrer l’argent car les temps sont durs et ses créanciers ne veulent rien savoir. On doit faire saisir les bêtes leur appartenant, bêtes que l’on confie au cabaretier pour les nourrir. Les conseillers travaillent la nuit à la lumière des chandelles de suif (avril). En décembre, le consul va à Carpentras demander l’autorisation de travailler aux moulins les jours de St Thomas, des Innocents et de la St Sylvestre. L’évêque proteste pour la St Sylvestre. En mai suivant, on utilise un avocat pour demander l’autorisation à l’évêque et on « arrose » le greffier de la cour épiscopale et son clerc, à Carpentras. Les Carombais s'acharnent au travail ; on demande une autorisation pour les vendanges et les moissons pendant les jours de fête.
 

        En 1677 débute un nouveau procès avec le seigneur marquis de St Martin, car ses officiers veulent faire des ouvertures dans les murailles du lieu.
La même année, les choses vont mieux, à Caromb, nous écrivons à Rome pour que le gouvernement papal nous accorde un marché tous les samedis.

        En juin 1678, nous faisons demander au vice-légat qui doit nous visiter, s’il veut une bravade pour son entrée dans le village. Il refuse. Tant mieux, mais nous faisons quand même repeindre ses armoiries et celles du pape sur la porte de la ville et nous lui mijotons 12 livres de truites, d’anguilles et 100 écrevisses, arrosés d’un bon tonneau de notre vin. Il nous quitte avec des présents. Visiblement content de tant de prévenance, il se doit de donner quelque chose en retour : il nous accorde l’autorisation de manger des œufs pendant le carême.
        Il reste des mauvais payeurs, en 1682, puisqu’on saisit 2 chevaux en gage. Heureusement, le cabaretier a une grande écurie. Quatre ans plus tard, le récalcitrant nommé Joseph Sumnet n’a toujours pas récupéré ses chevaux.

        Nous avons aussi nos malheurs familiaux : en plein hiver 1685, en février, un enfant est abandonné au portail du Rieu, un petit bébé. La commune le prend en charge aussitôt, l’habille, le nourrit et le couche. Mais le petit bambin ne vit pas, malgré les efforts de tous et on l’enterre en septembre de la même année.

Contentieux douanier entre pape et roi.



        Vers 1670, le pape Alexandre VI interdit l'entrée des marchandises de France dans le Comtat. En représailles, Louis XIV augmente les droits sur toutes les marchandises du Comtat, ce qui ruine son commerce [33].
        En 1681, le roi impose des droits si élevés au Comtat, que tout commerce s'arrête, puis il renonce à cette décision. La politique entraîne accords et désaccords entre les deux pouvoirs. La pression économique se fait plus forte.

 Orange et la Révocation de l’Edit de Nantes.



           Après la renaissance catholique, la Contre Réforme, Louis XIV développe une offensive contre les protestants : prédications, tracasseries et brimades se mêlent, faisant céder les plus tièdes. En 1685, le roi peut croire qu'il n'y a plus de huguenots mais seulement des “nouveaux convertis”.  II abolit donc l'Édit de Nantes.
        Du coup, 10 à 12.000 protestants de France se réfugient à Orange, ce qui paraît insupportable au roi de France.
        Déjà, une guerre dite des Provinces-Unies a opposé Louis XIV au prince Guillaume d’Orange et Louis XIV a fait raser la ville fortifiée en 1672, fait sauter le château à l’explosif, comme il se l’était promis lors de sa visite à Orange en 1660. Orange a été occupé  de 1673 à 1679.
        La paix de Nimègue, signée en 1679 rend la principauté d’Orange à son prince, Stathouder des Provinces-Unies, Guillaume III de Nassau (1650-1702), qui, par mariage avec Marie II Stuart, devient roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande en 1689.
    Avec tous ces nouveaux protestants refoulés par la Révocation, le roi, à nouveau, fait occuper la ville et la principauté par les troupes françaises de 1690 à 1697.

Fondation d’un ordre religieux : les sœurs augustines.( *57 )



        Le 19 avril 1680, une requête est adressée par les consuls et les recteurs de l'hôpital de Caromb à l'évêque, pour lui demander son assentiment d'accepter, dans le dit hôpital, deux religieuses hospitalières qui soigneraient les malades [58] : les sœurs augustines sont fondées en 1683. Un religieux de la Compagnie de Jésus, le père Etienne Viste, vient prêcher une mission à Caromb. C'est un homme de Dieu qui pousse beaucoup à la charité à l'égard du prochain.
        Il y avait cependant un hôpital ancien et un mont-de-piété récemment fondé par la charité des habitants (1662). Mais il paraît que ces établissements ne suffisaient pas ou étaient en décadence. A l'appel du père, les dons affluent aussitôt et on recueille, de tous côtés dans le pays, des pauvres et des orphelins. Le Père Viste obtient les autorisations nécessaires du vice-légat d'Avignon, François Nicolay et de l'évêque de Carpentras, Gaspard de Lancaris de Castellar [39].  On achète une maison pour les y loger et une fille pieuse et pleine de zèle s'offre pour les soigner. Une œuvre de charité vient d'être fondée à Caromb et a déjà reçu un commencement d'organisation [55].
        En 1687, le curé de Caromb est Jean Charles Gallet, par ailleurs pénitencier de St. Siffrein à Carpentras où il réside. Il est représenté, à Caromb, par un vicaire perpétuel, Nicolas Barjavel, un homme capable de comprendre cette œuvre et de la faire prospérer
         La charge n'est pas sans mérite car il faut trouver des ressources matérielles et en même temps diriger l'œuvre. Monsieur Barjavel en est parfois réduit à aller mendier de porte en porte pour soutenir le petit troupeau. Il ne se décourage jamais et la maison est prospère tant qu'il vit.
II meurt le 3 juin 1699.
        C'est un moment d'épreuve et de découragement. Bientôt le petit troupeau se disperse et déjà plusieurs pleurent la perte d'une œuvre qui semblait pleine de promesses [55].

 

Deuxième rattachement du Comtat à la France (septembre 1688-octobre 1689).



        Alors que les habitants du Comtat, plus ruraux, restent très attachés à l’autorité du pape, les marchands et industriels avignonnais souffrent de ces changements de politique qui gênent leurs affaires. Ils ne verraient pas d’un mauvais œil une réunion avec la France. D’autant plus que les vice-légats de l’époque, des italiens, sont sans grande envergure et impopulaires.
        Le roi souhaite imposer le droit de régale aux comtadins. Le climat s’alourdit encore.
        En 1688, une étincelle, provoquée par une affaire d’autorité avec l'évêque de Vaison, met le feu aux poudres. Pape et roi s’opposent et le grand Louis XIV envoie ses troupes occuper à nouveau le Comtat, de septembre 1688 à octobre 1689 (deuxième rattachement temporaire).

        En novembre, le commissaire général du roi arrive dans notre commune. Traité (sic) par le cabaretier, il vient désarmer le village. Depuis la révocation de l’édit de Nantes, les huguenots risquent de reprendre les armes et, près de chez nous, à Orange, ils sont très nombreux. Par précaution, il vaut mieux retirer les armes pour éviter tout conflit. Parions que ces armes carombaises disparaissent très vite et qu’elles ne sont pas déclarées.
On demande au peintre de peindre d’urgence les armes du roi sur les portes de la ville.
        Les armées de Louis XIV sont à Mazan. La population est terrorisée et la répression est rude. L’autorité du roi est représentée par le comte de Grignan, son homme de confiance dans la région, après les affaires de la principauté d’Orange.
          Il est prudent de le mettre de notre côté : on lui envoie un présent en 1689.
        Un de ses gardes vient « intimer » la guerre de Hollande : installé au cabaret, il recrute et beaucoup d’hommes doivent partir.
         La même année, la commune donne deux louis d’or et deux d’argent (50 florins) à l’enseigne du comte de Grignan qui vient vérifier les armes et châtier ceux qui ont oublié de les déclarer. L’enseigne ne connaît pas la région aussi on lui fournit un guide pour aller à Mazan, avec les armes récupérées, vers le quartier général de l’armée française.
        La pression française est  forte : fiscale, elle rétablit le cens seigneurial, qui est mis à la disposition du roi, et impose de payer pour la cavalerie du comte de Grignan. Militaire, elle exige que tout homme valide soit requis et porte les armes.
        Sous Louis XIV, de nouveaux impôts, la Capitation (1695) et le Dixième (1710) nécessaires au financement des guerres, viennent peser sur les paysans français. Les temps sont durs pour le petit peuple, nos communes s’appauvrissent, en hommes et en argent.
        On empierre et barde les chemins pour permettre le passage des charrois militaires.

        En octobre 1689, tout rentre dans l’ordre et les troupes évacuent le Comtat.

Vice-légat et recteur.



        Depuis le XVIe siècle, le légat est rarement présent sur le territoire dont il a la charge ; c'est son représentant, le vice-légat qui est, de fait, le gouverneur d'Avignon et du Comtat. Après les guerres de religion, ces fonctions ne sont plus occupées que par des italiens, et les nominations soumises à l'accord du roi de France. En 1693, la suppression de la charge de légat est le signe incontestable du déclin politique de la ville d’Avignon.
        Le vice-légat, véritable autorité, proche de nos problèmes depuis longtemps, est soigné par nos communautés : notre consul n’hésite pas à monter son âne en août 1677 ou en 1681 pour lui porter du vin à Carpentras.
        Le recteur reçoit aussi des présents, en particulier quand il passe dans le village, de retour d'une visite aux eaux du Lauron (1678).

        Signalons aussi, à la fin du XVIIe siècle, la reconstruction de la chapelle Sainte-Croix, au sommet du Mont Ventoux, grâce au chanoine César de Vervins d’Avignon, ainsi que la construction du bâtiment le « Jas », bien connu des pèlerins et autres ascensionnistes [38].

        Les Etats décident de faire édifier une carte du Comtat, en 1691 : c'est le mathématicien Bonfa qui en est chargé. Gravée sur cuivre, elle nous est parvenue et se trouve à la Bibliothèque Inguimbertine à Carpentras.
        L'aspect moyenageux des villages ne correspond plus à l'époque de cette carte. 
        Même si les dessins sont inexacts, ils donnent une idée de la configuration de chaque village.


  
     

 

        La maison consulaire subit des dégâts sérieux suite à une tempête le 22 janvier 1689, et pas moins de 300 tuiles sont utilisées pour réparer le toit du grenier. Le menuisier, et son manœuvre qui est une femme, se chargent des travaux. Beaucoup d’hommes sont à la guerre.
        On installe un carillon à l’horloge et on refait les armoiries, à sa Majesté et au pape, pour faire plaisir à tout le monde. On fait dorer la niche de la statue de St Maurice.

        Malgré la pauvreté, en 1690, on décide de faire paver la place et tout le long de la Grande-Rue jusqu’au repos de la fontaine du Rieu. La communauté prend en charge le pavage devant ses bâtiments, mais le paveur n’arrive pas à se faire payer par les particuliers pour les travaux  réalisés devant leur maison.

        On peint les armes du pape Innocent XII pour 17 florins de 1691/2.
       En avril 1693, Monseigneur Buti, évêque de Carpentras nous fait sa première visite pastorale. On paye pour la «régale» de son secrétaire et pour la “famille” ou domestiques de l'évêque qui l'accompagne, ainsi que ses domestiques [58]. Peut-être est-ce à cette occasion que l’on peint à nouveau, mais sur toile cette fois ci, les armoiries de l’évêque, celles du marquis de la Baume et celles de la commune.

       L'évolution de la langue commence à poser problème et il faut faire appel au curé pour traduire du latin au français.

        En 1694, le Rhône est entièrement gelé, on peut le traverser à pieds et l'hiver 1698 est très rude, obligeant les hôpitaux à accueillir les pauvres [33].

Vers la Ligue d’Augsbourg.



        Jusqu’à la Ligue d’Augsbourg, en 1691, tout le midi connaît une période de calme. L’activité progresse, la religion est protégée [52].

        En 1684, Louis XIV, monarque absolu, exerce son autorité dans tous les domaines. Le Catholicisme est religion d’état et ses attaques contre la religion réformée l’oppose à tous les Grands de l’époque, comme Guillaume II d’Orange, gouverneur des Pays-Bas et Grand Electeur du Brandebourg, l’Espagne, la Bavière et tous les pays protestants. En mai et octobre sont proclamés les édits interdisant la religion protestante en France.
La fin du règne de Louis XIV est marqué par de nombreuses intrigues et par la Ligue d’Augsbourg où l’Europe entière se rassemble contre lui.

        Dès 1690, le vice-légat nous envoie un cavalier pour connaître le nombre d’hommes propres à porter les armes si le risque huguenot se concrétise.
        La guerre éclate en 1691, avec ses invasions, et les Carombais enrollés de force doivent participer.

Affaires communales.



        Le 2 février 1649, devant le viguier de la cour et le représentant du seigneur, sur la place publique, le parlement général est rassemblé, convoqué par le sergent royal et trompettes, à la requête des deux consuls. 245 habitants y assistent et fixent la taille du pays. Bel exemple de démocratie ! La taille est imposée à 6 petits deniers pour chaque florin et le capage ( *58 ) est de 1,5 écus (1690), puis cela baisse à 4 petits deniers pour la taille et à 1 écu de capage, suivant les recommandations du vice-légat (1691). Un peu plus tard (1703), le conseil voudra ré-augmenter ces taxes, mais le parlement  refusera. En 1708, la taille est à 6 deniers et le capage à  1 écu.
        En 1690, vu les dangers de guerre, les habitants se présentent devant le viguier dans la salle basse du château pour demander que l’on n’ouvre pas le portail Neuf parce que trois portes ouvertes dans les remparts sont suffisantes pour le village. Les habitants du quartier ne sont pas d’accord et réclament de disposer du fer qui se rouille dans la maison commune pour réparer ce portail Neuf.

        Le 26 mai 1691, le consul fait un voyage à Avignon pour demander, cette fois, d’ouvrir une porte de la ville joignant sa propre maison. L’année suivante, on demande d’ouvrir deux nouvelles portes, …

        La commune demande un débit de sel (1691) et fait ôter les fumiers qui subsistent, malgré les interdictions, le long des remparts et même dans l’enceinte du village (1699).

Charles Antoine François de la Baume Montrevel (1694-1736).



        Le marquis de St Martin et son fils nous visitent en décembre 1679 : confitures et perdrix sont prévues à son arrivée.
        Le marquis revient avec son épouse en 1684 et on l’accueille avec 12 livres de fruits, 12 paires de gants et 4 perdrix.

        Le seigneur Charles de la Baume-Montrevel marie sa fille, sûrement  Marie Jacqueline (décédée en 1737), et à cette occasion rappelle ses droits fondés sur un parchemin de 1445, et demande de l'argent. Mais le roi a tout pris et les Carombais comme leur seigneur n'ont plus d'argent. Contesté, le seigneur ne vient plus dans notre village que pour demander de l'argent. Il y est représenté par son viguier et ses fermiers chargés de récupérer les recettes des impôts. En 1690, on consulte un avocat au sujet de ce prétendu droit du seigneur de faire payer la communauté lors du mariage de ses enfants.

        C’est le frère de Marie Jacqueline, à savoir Charles Antoine François qui hérite du château de Caromb. Ce seigneur est dit "de la Baume de Montruel de Vesc" dans nos archives et marquis de Saint-Martin.
        Il a épousé Marie-Françoise de Poitiers, fille du comte de Poitiers et de Françoise d’Archay [39] qui lui a apporté une belle dot (1689) : en particulier une seigneurie de Rougemont en Franche-Comté dont dépend la Forge de Montagney qui produit des boulets de canon. C’est l’époque de Louis XIV et on connaît les besoins en armement de ce roi à la politique belliqueuse. Colbert accorde très vite les autorisations officielles de fabrication pour le compte des armées du roi (1689), assurant une nouvelle fortune à cette famille.
        Autant dire que les affaires de notre marquis sont plutôt prospères.

        Revenons à Charles Antoine François de la Baume-Montrevel : par son épouse « de Poitiers », il est associé à de grandes maisons de France, aux Bourbons, les marquis de Malause.

        Les Carombais vivent des années difficiles : en 1709, les oliviers sont gelés, les champs ne produisent rien et par voie de conséquence les propriétaires n’emploient plus les ouvriers agricoles vivant à la journée.
        Année de famine, de misère et de souffrance [39] !

        Charles Antoine possède encore des droits de justice et nous savons depuis Etienne de Vesc que le seigneur a les régales mineures, c’est à dire le droit particulier de juger les choses ordinaires pour Caromb et Saint-Hippolyte. Il gère encore les droits sur les chemins, péages, les droits sur les biens vacants et les eaux et forêts. Son viguier  le représente localement et veille à l’application de ses privilèges.

Composition du conseil communal.



        En 1689, le conseil municipal est composé de
  •  - deux consuls appelés premier et deuxième consul,
  •  - deux procureurs, l'un représentant la ville, et l'autre les nobles,
  •  - huit conseillers.
        Sont aussi nommés :
  •  - deux maîtres des victuailles, parfois appelés maîtres de police qui surveillent les poids et mesures, boulangerie, boucherie et greniers à grain,
  •  - 2 acteurs ou avocats, pour Avignon, 2 pour Carpentras et 1 pour Caromb.
  •  - un procureur,
  •  - un ouvrier de l'église (ou de la fabrique)
  •  - et deux prieurs de Saint-Maurice.
        Tout ce petit monde est élu par l’ancien conseil qui se retire après l’élection. Le nouveau conseil prête alors serment devant le viguier et se présente devant le parlement.

Les nombreux procès et affaires de la communauté.



        Dans les dernières années du XVIIIe siècle, faisons le point sur les procès en cours.
1. En mars 1690, la communauté vient de perdre un de ses procès et doit payer 100 écus avec les dépends.

2. Le Parlement du 3 juillet 1689, avec 216 assistants, se prononce sur l’affaire du comte de Modène qui prétend prendre l’eau d’arrosage aux particuliers de Caromb ayant des terres au bord de la rivière Mèze.

3. La communauté refuse de payer en écus d’or la pension qu’elle doit au collège du Roure puisque, de temps immémorial, elle paie en monnaie courante (mai 1690).

Elle a plusieurs affaires qui l’opposent à son seigneur.
4. La communauté refuse de reconnaître aux officiers du seigneur l’autorité sur les criées publiques .

5. Elle refuse aussi de reconnaître la préséance du viguier sur les consuls.

6. Elle refuse l’assistance de ces officiers à la visite des pains chez les boulangers. Le 2 décembre 1691, le parlement s’oppose à l’intention des consuls d’intenter un procès au seigneur, mais le 16 de ce même mois, sûrement après des explications, ce même parlement carombais se rassemble pour voter à suffrage secret et à l’unanimité et décide de poursuivre le procès. Que la fabrication des pains soit encore sous le contrôle du seigneur paraît inacceptable à la population : officiellement, c’est une réminiscence des droits féodaux, mais, plus vraisemblablement, on doit fabriquer plus de pain que l’on n’en déclare pour éviter de payer des droits.

D’autres procès opposent les habitants entre eux.

7. La communauté réclame la cessation du bétail lanud (moutons) sur le terroir lors du Parlement du 24 mai 1691. Mais, bien sûr, des opposants se déclarent et font appel au viguier car le Parlement a omis de réserver le terroir de St Hippolyte et la colline du Paty comme lieux autorisés de pâture.

Le 26 mai 1691, le Parlement approuve les frais occasionnés par ces procès, et des frais, il y en a : greffier d’Avignon, trois avocats, valets du dataire et des avocats, voiturier, chaises roulantes pour le transport de ces messieurs de la Justice, cabaretier pour leurs logements et leurs repas, femmes de services, chambres, …
 

8. L’affaire du moulin des os est en cours (voir le chapitre sur les moulins).

9. Une femme est mise en prison pour avoir accouché et exposé son enfant (1691). La communauté prend 4 avocats de Carpentras pour attaquer le chirurgien nommé par le recteur de l’hôtel-dieu, qui souhaite sauver l’enfant contre l’avis de la population qui refuse de nourrir cet enfant exposé. Quelques années plus tard, en 1699/1704, une nouvelle affaire d’enfant abandonné et entretenu par la commune remue encore la population.

10. La grande affaire reste celle des terres du Paty (1693-1706).
Jusqu’alors terres du seigneur, parfois louées aux manants carombais 20 sous par an pour 50 ares, la communauté décide, en juin 1693, de gérer les terres du Paty comme un bien communal. Evidement le seigneur de Caromb, Charles Antoine n’est pas d’accord et le fait savoir par l’intermédiaire de son procureur.

        Le conseil propose aux vrais carombais, ceux originaires du lieu ou y ayant résidé depuis au moins 20 ans, de leur laisser 400 saumées de terres qu’ils pourront défricher et semer : une autorisation de “rompudes” ou de rompre la terre, qui n’est accordée que pour une durée de 6 ans et à l’estimation des consuls. Vu les temps difficiles, l’argent perçu par les arrentements sera affecté au paiement des dettes.
        On s’aperçoit alors _ mais tout le monde devait le savoir dans le village _ que 95 agriculteurs ont déjà rompu la terre depuis bien longtemps sans la moindre autorisation, ni du seigneur, ni des consuls. Evidement, les fautifs sont les premiers à crier qu’ils ne paieront pas car la terre est déjà défrichée, mais ils consentent à payer un vingtain sur les fruits récoltés.
        Une affaire qui finit encore devant le vice-légat !
        Le lendemain de la décision du conseil, certains habitants _les "Verts" ou “écolo” de l’époque ou bien quelques chasseurs_  font opposition formelle au défrichement, en se référant au règlement des “seigneurs supérieurs”.

        Dispute avec le seigneur, entre défricheurs et anti-défricheurs, avec le conseil, entre habitants, et c’est un total de huit oppositions qui arrivent sur le bureau du vice-légat. Pauvre homme ! Il préfère s’en remettre à Rome. Et la commune, qui est sans le sous, doit emprunter 1.200 écus pour la poursuite du procès en cours de Rome. Bien sûr, on expédie un député à Rome, en octobre 1694.
        En juin 1697, le conseil propose de fixer une taille de 2 écus ou 6 livres pour chaque saumée (62 ares) de terre défrichée. Le procureur du seigneur s’oppose.

        Le procès avec le seigneur continue en juin 1699 et le parlement décide qu’il faut faire payer la taille au seigneur, qu’il faut interdire que ses bestiaux, qui se tiennent à la grange seigneuriale du bois, ne dépassent la rivière de Mèze pour paître, et qu’il doit, lui aussi, enlever son fumier devant les écuries du château. Le seigneur souhaite maintenir son fumier où il est. La pression des habitants contre le seigneur et ses droits est constante. Les restes de féodalité doivent disparaître.
Le consul passe 4 jours à Avignon en 1700 pour obtenir la suppression de ce cloaque seigneurial près des murailles “qui apporte des maladies”.

        En juin 1703, le parlement décide d’envoyer une délégation au procureur d’Avignon, représentant le seigneur, pour écouter de nouvelles propositions.
        En 1706, pour en finir avec les disputes internes, le conseil accepte de remplacer la rente de 2 écus par saumée cultivée par un vingtain sur le blé, les légumes, les luzernes, le raisin, les noix, les amandes et les arbres fruitiers. A croire que notre Paty est très productif, …

11. Disputes entre conseil et Parlement (1691-1703).
        Le parlement est en désaccord avec les consuls sur la vente d’une meule en faveur de Crillon, au prix de 9 pistoles, car elle vaut le double et peut encore servir. Il se plaint “de ne pas être informé, comme d’ailleurs pour d’autres dépenses discutables faites pour les moulins”. Les choses sont sérieuses et l’opposition du parlement est nette, “allant jusqu’à réclamer une révision des comptes depuis 20 ans, à faire sous le contrôle d’un auditeur des comptes étranger”. Le recteur reçoit les plaintes et renvoie les opposants devant l’autorité du vice-légat. Celui-ci expédie une assignation pour audience aux deux parties. Mais le fermier des os, principal opposant dans l’affaire de la meule, refuse de se rendre à l’audience sous prétexte qu’il pleut, … L’audience est reportée.
        Ce même fermier, quelqu’un de caractère, une grande gueule comme on dit chez nous, sera poursuivi plus tard pour l’affaire du Paty et pour des réclamations sur les comptes communaux.
        Nous ne connaîtrons pas la fin de cette affaire car la disette de l’hiver 1692 fait passer ces disputes au second plan : distribution de grains aux pauvres au prix coûtant, augmentation du prix de la viande à 2 patas par livre à la Boucherie (1693), pleins pouvoirs aux consuls pour emprunter afin de payer les dettes (1694), prêt de blé aux plus pauvres (1695), aumône aux Bohémiens et soldats estropiés passant aux portes, nouvelle taille sur les olives pour réparer les moulins (1697), sont les nouvelles préoccupations du conseil.

        Dès que l’économie va mieux, l’esprit carombais restant égal à lui-même, nous reprenons nos chamailleries : une partie des habitants s’oppose à une augmentation “considérable” de la taille proposée par les consuls pour réduire la dette, alors que ces même consuls “ne daignent même pas rendre compte des exactions de la montagne du Paty, ni de celles des grains, ni d’une imposition spéciale sur les meules” (1703). Et puis certains demandent que le secrétaire du conseil soit “baloté”, ce qui est fait : celui qui est élu obtient l’unanimité.
        Le parlement nomme des exacteurs des comptes pour revoir les comptes des grains prêtés aux pauvres et de la taille des terres du Paty.
        La communauté assure ses devoirs de solidarité lorsque, suite à de grandes pluies, les pauvres ne peuvent plus payer. Elle fait distribuer 300 écus.

        En 1701, l’église des ursulines étant détruite, l'évêque leur donne autorisation d'en construire une autre ailleurs. Leurs nouveaux statuts, en quatre articles, seront confirmés le 18 avril 1742 [58].

        Un nouveau recteur nous visite en 1702. Encore une fois, on le soigne : confitures traditionnelles, fifres et tambours, souper au cabaret avec les officiers, étrennes à ses estafiers. Tout est "au carré" pour sa visite car on remplace deux vitres aux fenêtres de l’hôtel de ville.

L'orgue de Caromb.



        Ecoutons l’abbé Mathieu [54] nous raconter l’histoire de notre nouvel orgue.
        L'orgue de l’église de Caromb est construit en 1701 par Charles Boisselin, associé à cette époque à Pierre Galerand. On retrouve d'ailleurs la signature de Pierre Galerand à l'intérieur du sommier actuel de l'instrument restant à la tribune.
        Il semble toutefois que l'orgue est installé dans cette église en 1703, car acte est passé, le 25 juin de cette année-là, entre la confrérie du Saint Sacrement de la ville de Caromb et le facteur d'orgues. Boisselin s'était engagé à le terminer au mois d'août pour la somme de 1.650 livres, payable en 10 ans avec intérêt de 5 %.

        M. Esprit Arnaud, organiste en Avignon, l'expertise au mois d'août 1703, le juif Michaël Lyon vend à la paroisse une pièce «couton-nine bleue» pour le rideau de l'orgue. Il faut savoir qu'à cette époque, on couvre l'orgue d'étoffe pendant le carême. Certains instruments possèdent même des volets de bois se fermant en période de pénitence.
        Esprit Arnaud ayant déclaré que l'instrument « estoit for bon et sans aucun desfauts » un premier versement de 600 livres est payé par les prieurs de la confrérie à M. Boisselin. Arnaud reçoit pour sa peine 4 écus blancs valant chacun 3 livres 12 sous.
        Le premier organiste est M. Gautier, à qui la paroisse paie 60 florins en 1704, 1705, 1706 pour tenir l'orgue [54]. Il est maître d'école du village, organiste et chef de musique.
        Le vice-légat considère à cette date, que vu la faiblesse des ressources financières de la commune, celle-ci ne doit plus rétribuer l'organiste sur son budget, car cela est trop cher.

        C'est le type même de l'orgue en usage dans le Comtat à cette époque, avec son petit plein jeu, et une pédale de teneur. L'ensemble sonne très clair et sans faiblesse. La mécanique, directe et suspendue, doit être d'un toucher fort précis, sans aucune dureté.


  

L’hiver 1709.


        L’hiver 1709 est le plus rigoureux de tous les temps : oliviers, vignes, arbres fruitiers, céréales et semences gèlent. Encore une année de misère, famine et souffrances [54].
        A Marseille, en 1709, l’eau du vieux port est prise dans les glaces ( *59 ) ; catastrophe qui n’est pas une “première” puisque le phénomène s’est déjà produit en 1506 (*60 ) .
         La commune, au début du XVIII, est pauvre et emprunte 1.000 écus pour acheter du blé et éviter la disette. ; elle ne peut nourrir tout le monde. Le parlement demande, le 15 avril 1709, au vice-légat que les étrangers installés dans le village depuis moins de 20 ans sortent du lieu et rentrent chez eux : il n'y a pas assez de pain pour tout le monde. Pour éviter les abus dans la distribution des grains, on fait contrôler l'accès au grenier public par trois clés : chaque consul à sa clé, un député a la troisième et le contrôleur des grains n'en a pas. Il doit faire appel aux autres pour les distributions.

        En mai, pour éviter tout abus, on réclame que tout mandat signé par un consul le soit aussi par l’autre et si le second est illettré (ce qui semble être le cas), que le procureur signe à sa place. On instaure un système plus contraignant pour les sommes importantes : une signature supplémentaire par un conseiller qui paie au moins 5 florins de taille ( un “riche”).  Enfin on contrôlera tout cela à posteriori avec 4 auditeurs des comptes sachant lire et écrire, payant au moins 15 florins pour les deux premiers (les plus “riches”), 6 florins pour les autres. Le procès verbal devra comporter deux signatures : la première par un auditeur de premier rang, la seconde par un autre auditeur.
        On sait être précis dans nos procédures, à Caromb !

        Puisqu’on y est, on modifie les règles de l’élection consulaire : le premier consul devra payer au moins 15 florins de taille, le deuxième consul au moins 8 florins et chaque conseiller au moins 5 florins.

        Toujours en mai 1709, le vice-légat publie une ordonnance pour une élection de 10 conseillers, à suffrage secret, dont le résultat sera ensuite soumis au parlement et aussi de 8 citoyens pour assister à la distribution du pain et du grain, en ces temps de disette. Ce ballottage du conseil a lieu, mais les 243 parlementaires carombais crient tumultueusement qu’ils veulent revenir à la pratique coutumière. Le juge, intelligent, décide d’attendre un moment plus favorable pour un changement de règle d’élection.
        En novembre 1710, le parlement accepte de donner un délai supplémentaire à quelques propriétaires de terres du Paty qui sont dans l’impossibilité de payer leurs dettes. Nos comptables refusent, … et on retourne devant le vice-légat. Il faut augmenter la taille à 8 petits deniers et le fouage à 5 florins. Cela ne suffit pas à réduire nos dettes et le prix de la viande est augmenté l’année suivante.  En 1712 on augmente encore la taille des terres du Paty, malgré une forte opposition et le vice-légat doit trancher.
        On ne garde qu'un boulanger pour réduire les dépenses,
        On recommence à accepter les étrangers s'ils peuvent prouver qu'ils sont gens de bien et s'ils sont acceptés par les consuls. Epouser une Carombaise, quand on n'a pas de biens, coûte 5 écus de monnaie courante.
        On paie et loge un ingénieur au cabaret du village pendant qu'il établit un rapport sur le pont du Lauron.

Les sœurs augustines.



        Au sujet des Augustines de Caromb, nous avons vu que le décès du curé Barjavel a marqué la décadence de cet ordre religieux. Continuons leur histoire, telle que racontée par l’abbé Sage.
        Dieu inspire à un saint prêtre du pays, M. Jean-François Curnier, de s'y dévouer à son tour. Il rassemble le troupeau quelques années après, en 1712, rétablit le bon ordre, augmente le nombre des orphelines et des personnes chargées de les gouverner, donne à la petite communauté le nom de Sainte-Famille et cherche à développer en elle l'esprit religieux. Voyant sa maison croître en nombre et en piété, M. Curnier pens,e en 1716, à la faire ériger canoniquement en communauté religieuse. En 1719, M. Curnier voit une première extension de son œuvre : l'administration de l'hospice de Caromb lui demande deux religieuses pour le service de l'hospice.

        La peste sévit un peu partout dans la région, M. Curnier accorde ce qu'on lui demande et comme la maison de la Sainte-Famille est contiguë à l'hospice, on n'a qu'à ouvrir une porte de communication.
        A partir de cette époque, les deux maisons n'en forment pour ainsi dire qu'une. En retour des soins donnés aux malades, l'administration s'engage à verser aux religieuses une pension de 50 écus.

        M. Curnier est directeur spirituel d'une jeune fille très pieuse et appartenant à une des familles les plus distinguées du pays, Marie-Blandine du Barroux. Cette jeune fille souhaite entrer au carmel d'Avignon. M. Curnier, au contraire, voit en elle, l'espoir de la communauté. Blandine du Barroux hésite d'abord, puis croyant reconnaître l’appel de Dieu dans le projet de son directeur, elle s'attache à cette idée et n'a  plus d'autre désir que d'entrer dans la Sainte-Famille.
        Ses parents s’y opposent. Ils consentiraient à la voir carmélite, le carmel étant un ordre célèbre et, malgré ses austérités, bien porté dans le monde ; n'a-t-il pas abrité, derrière son cloître, des filles de la première noblesse ? Mais se destiner aux soins des malades, aller se faire servante des mendiants et peut-être de ses propres fermiers, non cela ne sera pas ! I1 faut beaucoup de constance et beaucoup de prières à la jeune fille pour vaincre ces oppositions. Elle y arrive, entre dans la communauté et y passe presque tout le siècle [55].
 

  Suite : la chronologie historique (chapitre XVI).

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