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Mise à jour 4/03 Copyright JG © 2003
  
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XII-2.  Caromb sous les Vesc (suite).

Anne de Courtois, son épouse.



        Nous avons vu que notre seigneur avait pris pour épouse Anne de Courtois, en août 1475, quelques années avant l'achat de la seigneurie de Caromb. Nous savons qu'elle était d'une famille riche elle aussi et qu'elle lui a donné deux enfants dont l'un est mort en 1495 et l'autre s'est marié en 1501.
        Etienne a eu quelques comptes à rendre à la Chambre du roi, au sujet de la succession de son beau-père Jean de Marcel et en particulier pour n’avoir pas déclaré un rubis balais estimé 2.500 écus d'or, mais Charles VIII se porta garant de cette affaire [75].
        Nous savons aussi qu'Anne de Courtois a fondé une collégiale de six chanoines (*44 ) dans notre église.
        Il ne fait pas de doute qu'elle a passé plus de temps à Caromb que son époux, et, qu'après sa disparition, elle y réside très souvent, gardant de nombreuses relations avec les Vesc de la Drôme : dès 1501, une Marie de Vesc de Comps passe un contrat de mariage à Caromb, dans le château d’Etienne, avec un Olivier de Caritat d’Orange.
        Anne de Courtois, fait peindre, en 1504, les trois fenêtres de la "chapelle de Madame" par le peintre Claude Tonay ou Tovay. Ces vitraux sont actuellement détruits. Elle dote et embellie la partie de la chapelle qui était dédiée à St. Charlemagne, en 1504, et sa belle fille Antoinette de Clermont continue cet embellissement en 1530 [58].


chapelle de Madame

        Anne de Courtois repose près de son époux, dans le grand tombeau de marbre blanc de la chapelle.

        Il nous faut revenir à l’église et parler du triptyque.

Le triptyque.



        C'est la pièce la plus remarquable de notre église. Le triptyque mesure 2m de long et  2m de haut. Au centre, il représente un cavalier terrassant un dragon, qui peut être Saint Georges. De chaque côté, quatre petits panneaux représentent la vie et le martyr d'un soldat.


Voir le triptyque à grande echelle : 

        Nous possédons plusieurs analyses, plusieurs interprétations de ces tableaux :

  • en premier, l’explication donnée par Patricia Carlier qui relie ces tableaux à la famille de Vesc :
      • « étant donné les dates de réalisation de notre triptyque, il apparaît évident que celui-ci fut commandé par la famille de Vesc, en l'honneur du seigneur de Caromb qui voulut offrir à l'église de Caromb un retable dédié à son saint patron, ce qui n'avait pas été fait jusque là. Comme il est courant de le remarquer à la fin du Moyen Âge, la symbolique de ce retable présente deux niveaux. Le premier peut être interprété comme la représentation de la vie de Saint Maurice, le second comme celle d'Etienne de Vesc. En effet, après le service de son roi, l'ultime but du seigneur de Caromb fut de délivrer la Constantinople chrétienne des mains des infidèles, tout comme ses ancêtres avaient délivré Jérusalem quelques siècles auparavant.

        L'analogie avec le triptyque devient alors évidente. En haut à gauche, le premier panneau représente les murailles de Jérusalem et une troupe en armes, en habits du XVe siècle. Le chef de cette troupe reçoit un parchemin. Le panneau supérieur droit représente la demande de la bannière papale par cette armée, rassemblée pour la délivrance des lieux saints. Les fenêtres à meneaux figurées à côté d'une galerie d'arcature ne laissent aucun doute sur la datation de la composition. Le panneau inférieur gauche figure une entrevue avec l'empereur turc. Le panneau inférieur droit, figurant le martyr de Saint Maurice, montre que les bourreaux portent le turban, comme les Turcs.

        Quant à la figure centrale, elle symbolise la lutte du chrétien contre l'infidèle, représenté par le dragon.
        Etienne de Vesc est mort à Naples, qui n'était qu'une étape sur le chemin de la délivrance de Constantinople. Ses enfants se chargèrent de faire terminer ce triptyque. Les moulurations de son encadrement sont par ailleurs très proches des sculptures du tombeau d'Etienne de Vesc, et peu d'années les séparent, sans doute. »

  • en deuxième, l’analyse de l’abbé Mathieu qui constate qu’il n’y a pas d’unité de sujet ou d’unité de style entre le panneau central et les panneaux latéraux. Il ne pense pas que ces derniers soient reliés à la vie de St Georges, ni qu’ils aient été peints par le même artiste que le panneau central, bien qu’ils se rattachent tous aux œuvres provençales de la même époque.

  • Constatant ces faits, il suppose que le tableau de St Georges est le fragment d’un retable plus ancien ré-assemblé avec les quatre panneaux latéraux.
    Il se réfère donc des analyses séparées pour chaque élément.

    Tableau de St Georges.
    « St Georges, d’après Labande, a été peint pour la chapelle St Georges de notre église, chapelle fondée par Bertrand de Budos (1334-1360), un de nos seigneurs. Grete Ring, dans un livre paru en 1949 sur "la peinture française au XVe siècle", donne la description suivante : “St Georges est représenté environ de trois quarts de la grandeur naturelle, il porte une armure d’acier dont la qualité métallique est fortement accentuée. Il monte un cheval d’un blanc grisâtre. Le harnachement de cuir brun est orné de gros boutons d’or. La tête du saint est insérée dans des contours fortement éclairés. Tout est réduit aux formules géométriques les plus simples ”.

    Grete Ring tente difficilement de dater notre œuvre : cette peinture pourrait être située entre 1450 et 1475. La représentation postérieure de ce type de ‘Saint à cheval’ telle qu’on la trouve par exemple en Italie vers 1490, dans le St Martin de Butinone, semble tellement plus tardive que l’on doit supposer un écart considérable entre les deux peintures, ce qui mettrait le présent tableau plus près de 1450-1460.
    Le même auteur essaie de découvrir le nom du peintre. Il nous dit : “Le rapport avec le Maître de l’Annonciation d’Aix semble s’imposer particulièrement par le côté italianisant, mais St Georges semble encore plus proche d’Antonello que ne l’est l’Annonciade d’Aix. Aussi avais-je pensé à rattacher ce tableau à Colantino, d’autant plus qu’une image de ‘San Giorgio’ peinte par Colantino est mentionnée dans une lettre de 1524. Malheureusement, la description détaillée ne correspond pas au St Georges de Caromb.

    Petits Panneaux :
    L'abbé Mathieu  n’a rien trouvé comme document précis les concernant.
    D'un style pictural à rapprocher de l'Ecole d'Avignon de la fin du XVe siècle, attribués par certains spécialistes à Thomas Grabuset, peintre de la dite école, il aurait été commandé le 28 juillet 1481 et terminé le 7 novembre 1482. Une mention dans les archives de Caromb précise que l'on demanda au peintre Jean Rollier, en 1532, d'achever le retable du maître-autel de l'église, et de rajouter de l'or dans diverses scènes déjà peintes, notamment aux personnages, aux tapis et aux manteaux. Ce peintre fit pour l'église de Caromb d'autres retables, notamment ceux de la Sainte Vierge et de Saint Sébastien .
    Notre œuvre, semble-t-il ne peut être que de l’un ou de l’autre. Une étude spécialisée pourrait un jour nous le préciser.

    Thomas Grabuset dit de Beaucaire, n’est pas provençal et serait vraisemblablement descendu de Besançon vers Tarascon où il réalisa aussi une célèbre Piété  "de Tarascon"  ( Musée Cluny, cl. 18 509).

    Nous avons quatre petits panneaux ayant 73 cm de longueur et 54 cm de haut. Les couleurs sont admirables.

    •  Le premier représente un chef militaire au milieu de sa troupe.
    •  Le deuxième nous montre le même chef en audience auprès de hautes personnalités civiles. Sur une colonne quelques peintures égyptiennes, sans doute signifiant les idoles.
    •  Le troisième se déroule auprès du pape entouré des cardinaux.
    •  Le quatrième décrit la décapitation du chef et de ses soldats.
    •  L’ensemble, et surtout la dernière scène rappelant le martyr de St Maurice et de ses compagnons font dire à beaucoup que ces tableaux se rapportent à la vie de notre illustre patron. C’est possible, tant il est vrai que de tout temps St Maurice fut très honoré chez nous. »


    Le fond et les parties latérales ont été dorés plus tardivement (Jean Rollier, 1532/33), comme précisé dans nos archives.
    Le triptyque aurait à un moment orné la chapelle de l'ancien hôpital de Caromb et lors de la fermeture de cet établissement, ce serait M. Albert Bourgue qui l'aurait réparé et déposé à l'église paroissiale.

    Classé par les Beaux-Arts le 5 décembre 1908 et restauré par leurs soins, le retable de Caromb a figuré dans plusieurs expositions.

    Nous conserverons l'appellation de "Triptyque de Thomas Grabuset" qui semble la plus admise dans la communauté. Le triptyque est toujours visible dans la chapelle des Fonts Baptismaux de notre église.

Les affaires carombaises, sous Etienne de Vesc.



        Après ce long chapitre sur la vie d'Etienne de Vesc, revenons aux affaires du village (*45 ).
        Cette période des grands travaux seigneuriaux dans la commune n’empêche pas notre communauté de gérer ses affaires. Depuis la charte de 1264, les relations entre le seigneur et  ses vassaux sont réglées et nos villageois bénéficient de privilèges. Un seigneur aussi prestigieux qu’Etienne est respecté par la population. Dès 1490 quelques juifs sont attestés à Caromb comme à Malaucène ou à Carpentras [33].

        Les comptes communaux mentionnent encore une fois les recettes et les dépenses : en 1484, les recettes perçues sont :

  •  le mesurage payant de l'huile
  •  le vingtain
  •  la taxe sur la vente au détail du vin dans les tavernes.
        Ces recettes permettent de payer la réparation de l'appartement de la mairie où on enferme les viandes, ainsi que de payer le don au recteur fait annuellement par la commune, à la Pentecôte, de 17 fromages et 2 douzaines de poulets et d'assurer le remplacement d'un chaudron au moulin à huile.
Les principales productions du village sont l'huile et le vin.

        Notre église sert de lieu de réunion pour la population et pour le Parlement local. En 1490, tout ce petit monde y est réuni pour étudier certaines réparations à effectuer dans l'église. A la même époque, la plus ancienne des chapelles est dédicacée à Saint Cloud par testament de Pierre de Bollène, le 25 octobre 1488 [58].

        Jusqu'à la fin du XVe siècle, les comptes disponibles sont rares. Nous trouvons cependant quelques actes de 1487 / 1488 :

  •  Bertrand Durandi, forgeron, pour des pannes fournies pour les portes de la commune
  •  Guillaume Stéphani pour le pain qu’il a fourni à ceux qui, le 16 mai, sont allés en procession à St Gens.
  •  Rostany du Barroux pour avoir fourni 50 émines de plâtre nécessaires aux réparations de la maison commune.
  •  Antoine Rospelli, maçon, pour avoir sculpté et posé les armes de la commune.
  •  Guillaume Cassin, traceur de pierres, pour la “bardaison” (dallage) des chapelles de l’église.
  •  Boneti pour ses honoraires de garde des clés du Portail Neuf.
En 1493-95, notons le paiement à Antoine Bertrandi, tailleur de pierres, pour avoir fait une ”conque” pour le Brégoux.
En 1494, Guigue Fulhet est acquitté pour avoir sonné les cloches quand le ciel menaçait orage, afin d'en avertir tout le monde.

Quelques paiements apparaissent dans nos archives :

  •  Raymond Camaret, consul, pour le remboursement du prix de 6 perdrix achetées pour le gouverneur d’Avignon.
  •  Michel Barro et Claude Lombard pour avoir cuit la chaux au four communal.
  •  La femme de Jean Que pour avoir fourni deux chèvres dont il a été fait présent au juge, venu tenir «les Assises à Caromb»,
  •  à Claude Firin barbier et souvent valet pour avoir donné des soins à une femme morte de la peste à l’hôpital,
  •  à Dalmas de Roaix pour des lettres de sauvegarde obtenues du roi Charles VIII (celui qui fut éduqué par Etienne de Vesc).
  •  Bertrand Durand, conseiller, pour une clé qu’il a fait faire pour fermer le trésor de l’église.
  •  Jean Henrici, barbier, pour l’achat de drogues et d’onguents nécessaires pour le traitement d’un enfant malade de la peste à l’hôpital, puis pour un vêtement complet payé par la commune (1500).

  •         Souvenons-nous que nos villageois n’ont pas l’eau courante et qu’ils doivent transporter leur eau à partir des fontaines publiques du village. Ces fontaines nécessitent un entretien constant qui est à la charge de la commune. Vers 1500, Jean Rastelli répare les fontaines, Claude Bernard nettoie les conduites d'eau de la fontaine. Antoine Sagnis, maçon, répare la fontaine du chemin de Modène.

            En 1499-1500, ont acquitté leurs impôts,

    •  Guillaume Sicard pour fourniture de pierres employées à la construction d'une écluse,
    •  Gabrielle Camarette pour la conduite (l'entretien) de l'horloge communale,
    •  Gabriel Faucher pour avoir vaqué (reporté) le remboursement d'un capital d'une pension de 200 florins dû par la commune
    •  Claude Népoti, roi des arbalétriers. En fait, il était écrivain public et ses minutes notariales sont encore conservées ( étude Falque) ; il reçut d'ailleurs le testament d'Etienne de Vesc.
    •  Antoine Colombi pour la garde des porcs.


            Voilà tout un petit monde de carombais bien sympathiques, vaquant à des occupations constructives ! Cette fin du XVe siècle est une période prospère pour Caromb. Le village est organisé autour de son conseil communal et de son parlement, gère ses problèmes, entretien ses biens communaux, ses routes, ses moulins, ses remparts. C'est une communauté d'agriculteurs organisés, de travailleurs de la terre qui vivent bien ensemble et qui ne semblent pas avoir de gros problèmes financiers, au contraire.

            L'hôpital de Caromb était situé à l'intérieur de la ville, mais en l'an 1500, soit à cause de la peste, soit par manque d'hygiène de cet établissement, l'évêque en prescrivit le transfert à l'extérieur. Par délibération des recteurs, les honoraires du médecin sont fixés à 60 livres par an [58].

    Charles de Vesc, seigneur de Caromb(1501-1517).



            Au décès d'Etienne de Vesc, en 1501, la seigneurie passe à son fils Charles de Vesc qui a épousé Antoinette de Clermont-Lodève, sœur du cardinal-légat du pape pour ses Etats comtadins et nièce du cardinal d’Amboise, Premier ministre de Louis XII. Par cette alliance, les Vesc font entrer la Fleur de Lys de la royauté française dans leurs quartiers de noblesse, car Antoinette descend de Robert de Clermont, fils de Saint Louis, roi de France ( *46 ) .
            Mais, ni le souvenir des services de son père, ni sa puissante belle-famille ne lui font obtenir des charges importantes. Par héritage, il est cependant un des plus riches seigneurs du Dauphiné et de la Provence [75].
            En 1502/3, la communauté carombaise envoie un émissaire au seigneur qui se trouve à Eyragne ( ?) au sujet d’une porte qu’elle fait percer dans sa chapelle de notre église.
            La plus vieille référence à notre fête de St Maurice, dans les archives municipales, date de cette année là : le prix des « joies » de St Maurice apparaît dans les comptes du trésorier de la commune, tout comme les honoraires du maître d’école, du barbier, de la garde du lieu ou le prix des services religieux.

            Nous verrons que notre fête est abondamment décrite dans les archives. L’année suivante, on apprend que la commune paie aussi les sonneurs de cloches, l’escorte de la procession de St Maurice, l’achat d’aiguillettes et de deux “birets pers” pour la fête, la participation du roi des arbalétriers, Elzear Pest.
            Signalons aussi quelques pensionnés à la charge de la commune : Bathazar de Merles, Antoine de Blagier, François de Baroncelli.
            La commune s’équipe : construction d’un mur pour le cimetière (situé sur l’actuelle Place Nationale), achat d’une cloche pour l’horloge, pesant 1 quintal 19 livres, au fondeur maître Jean Favier de Pernes et “ ferremente pour la cloche”.
            Elle reçoit dignement l’évêque d’Embrun et lui offre pain et vin.
            Elle a des frais de représentation auprès du gouverneur pour une affaire de fenêtre percée dans les remparts par une Marguerite Pellicène.
            Soucieuse de sa tranquillité, elle débourse 12 sous pour qu’une tribu de bohémiens passe son chemin.
            Notre conseil communal éclaire ses séances nocturnes par des chandelles, preuve du dévouement de nos élus de l’époque.
    Enfin le trésorier, rapporteur des comptes, ne s'oublie pas et se fait payer par la commune un livre de trésorier avec une couverture en parchemin, avec belle écriture en lettres gothiques (1503) !

            Peu de temps avant le décès de ce seigneur Charles de Vesc, en 1514/5, la communauté décide d’équiper l’église d’un tabernacle : il est réalisé par Jacques de Cesse dit Aulandoys, menuisier, alors qu’un de ses collègues Jean Margironi fait une gloire autour du tabernacle ; le serrurier Jean du Puy pose une barre de fer pour soutenir le Christ qui est situé au-dessus et pour que l’ensemble ressorte bien, on demande à Vincent de Maligorde de peindre en noir le mur qui est derrière. Peut-être est-ce pour voir cette merveille que le légat arrive à Caromb, accueilli par une escorte de cavaliers carombais venue l’attendre à Carpentras. Un autre registre comptable, de 1532, indique que Jean Rollier a fait un retable le 12 décembre de cette année là.
            Nos archives citent encore quelques noms : Barthélémy d’Olone pour une pension, Jean Mascli, traceur de pierres, roi des arbalétriers et Jean Bulaire, cordonnier, roi des archers pour leur prestation annuelle.

            Nous changeons de consul et l’ancien et le nouveau bénéficient d’un repas aux frais de la commune.

            Charles de Vesc meurt jeune, ayant dicté son testament à Caromb, le 5 avril 1517, et demandé à être enseveli à côté de son père, dans notre église. Il laisse pour héritier son fils aîné Jean ; pour légataires, de trois mille écus chacun, quatre autres fils, Antoine, Pierre, Claude et François, et cinq filles, Françoise, Catherine, Jeanne, Isabelle, et Marguerite. Distraction faite de la terre de Savigny et de tous les biens de l'Ile-de-France, de la Normandie et de la Picardie au profit du cadet Pierre, l'héritage est successivement substitué ( *47 ) à Pierre, Claude et Catherine, cette dernière à condition que son mari prenne le nom et les armes de la famille de Vesc. La veuve est désignée comme tutrice, et sont nommés, comme exécuteurs testamentaires, Jean de Vesc, évêque d'Agde, Pierre de Clermont et Guillaume d'Ancezune, seigneur de Caderousse et de Codolet [75].

    François 1er.



            Avant de revenir à l’histoire locale, résumons les principaux évènements des Guerres d’Italie, afin de situer le contexte de ce début du XVIe siècle.

            François 1er est roi de France de 1515 à 1547. Dès 1515, âgé de 20 ans, il remporte la  bataille de Marignan. Puis un long conflit l’oppose à Charles Quint.
            Ce dernier envahit la Provence, soumet Toulon et Aix et va assiéger Marseille, sans succès  (1524).
            A Caromb, on a peur et nos archives indiquent que l’on transporte des pierres sur les remparts, portes et ravelins afin de se préparer à repousser une attaque ! François 1er s’installe dans notre région  et notre commune doit fournir des vivres, des chevaux et de l’avoine pour ses troupes.

            Bien que Caromb ne dépende plus des princes d'Orange, il est intéressant de suivre l’évolution de cette principauté voisine en particulier pour expliquer l’arrivée des protestants dans cette ville, un événement d’importance pour toute notre région.
    Le descendant de Jean de Châlons, Philibert de Châlons, meurt en 1530, à l'âge de 28 ans. Il laisse sa principauté au fils de sa sœur Claude (morte en 1521), René de Nassau.
            René, prince d'Orange (1538) et comte de Nassau, marié à Anne de Lorraine, n'a qu'une fille qui meurt la même année que lui, en 1544. Il laisse alors la principauté au fils de son oncle Guillaume de Nassau (1533-84), en violation de la réserve faite par Marie des Baux. La principauté aurait du passer aux descendants d'Alix de Châlons et non aux Nassau.

            En 1535, François 1er accorde aux Avignonnais et aux Comtadins la régnicolité, c'est à dire qu'il les reconnaît comme sujets du roi de France [33].
            Associé à cette faveur, il réduit les frais de passage en France (traite foraine).

            La guerre reprend (1532-1536) entre François 1er et l'empereur Charles Quint et, en février 1535, François 1er reconquiert le Milanais, puis Charles Quint, le repousse et préfère attaquer du côté de la Provence. Les troupes envahissent, à nouveau la Provence et François 1er pratique la tactique de la terre brûlée : 100 villes ou villages de Provence sont anéantis, les moulins sont rasés, les champs sont desséchés. Le jardin provençal devient un désert où ne subsiste que les vignes et les fruits favorisant la dysenterie pour les hommes affamés.
            En 1536, François 1er occupe Avignon, qui est de son côté, et sauve la ville de l'invasion des troupes impériales [33].
            Cette invasion s’achève par une retraite désastreuse des Impériaux.

            En 1541, François 1er, pour punir le pape de son attachement à l'Empire, occupe le Comtat. Les Etats du Comtat achètent l'éloignement des troupes, mais des pillages sont perpétrés par les troupes françaises (jusqu'en 1558).
            Il confirme cependant les privilèges accordés aux Etats en 1543 et en est remercié par 25.000 écus et 25.000 livres des Avignonnais et du Comtat (1544).

    Actes royaux.



            Le 10 août 1539, le roi François 1er signe à Villers-Cotterêts  une ordonnance qui établit que tous les actes légaux et notariés seront désormais rédigés en français. Jusque-là, ils l'étaient en latin. Dans les faits, il faudra beaucoup de temps avant que l'édit royal entre partout en application.
    François 1er demande par la même ordonnance que les curés des paroisses procèdent à l'enregistrement des naissances, des  mariages et des décès.         L'ordonnance institue ce qui deviendra l'état civil et va consacrer le rôle unificateur de la langue française.
            L’application de cet édit, à Caromb, est relativement rapide car on enregistre les baptêmes dès 1555, les mariages dès 1597 et les décès l’année suivante [39].
            Le premier registre des baptêmes du Barroux débute en 1613, plus tard pour les mariages et les décès et le plus ancien cadastre du Barroux date de 1414 ( *48 ) .

    Le loto.



            Né à Gênes, le "lotto" a été découvert par les officiers et les nobles français au cours des campagnes italiennes de François 1er . Pratiqué par la cour, il se répandra partout en France au XVIIIe siècle, deviendra notre "loto" traditionnel au XIXe siècle et subsistera principalement en Comtat et en Provence jusqu'à nos jours. Encore joué avec beaucoup de passion chez nous au profit des associations communales, il faut savoir que c'est une retombée inattendue des Guerres d'Italie.

    Jean de Vesc, seigneur de Caromb (1517-1548).



            Sous François 1er, notre seigneur est le fils de Charles de Vesc, Jean, dit le Gros, aussi baron de Grimaud. Il épouse en 1520 Fleurie de Montlaur, fille de Louis de Bocsozel, baron de Montlaur et de Maubec et de Philippine de Balzac d’Antraigues. Il devient lieutenant du gouvernement de Provence.
            Sa pieuse mère dote richement la chapelle de Charlemagne, dans notre église, par acte du 17 mars 1530. Elle est assistée par M. le curé, le Révérend Père Joannis de Ancédura, prieur « dabit jure canonicatus et prebende de Caromb ». Une chapelle est dédiée à Saint Chamas la même année.

            Déjà nos Carombais ont des activités culturelles : entre 1524 et 27, la commune prend en charge le loyer d'une maison où se donnent des représentations littéraires ( ludum litterarium).
            Les renseignements précis sur la musique carombaise ne nous sont connus qu'à partir de 1533 : cette année-là et les années suivantes, « les trompetteurs d'Avignon, de Carpentras, de Pernes, viennent sonner aux fêtes de Saint Maurice » [54].

            Si l’on sait s’amuser, à Caromb, on traite aussi des évènements plus tragiques : garde des portes pendant la peste ou paiement des frais de sépulture pour un homme trouvé mort près de la chapelle St Etienne.

            La religion tient une grande place :

    •  on offre deux moutons aux Frères Mineurs de Monteux qui tiennent leur chapitre général.
    •  on achète une “custode” (un coffre) d’argent pour porter le Saint-Sacrement.
    •  Jean de Vesc fonde la Maison des Prêtres Missionnaires de la Trinité [97].
            La communauté est en procès avec ce seigneur mais un accord est trouvé : cela se fête par un dîner en sa présence, avec feu de joie et de nombreux présents : fromages et “thomes” de brebis, eau de rose et autres menus objets. La dame du lieu est reçue au son des trompettes et se voit offrir des chapons.

            Jean de Vesc et Fleurie de Montlaur ont  cinq enfants : Fleury, Jeanne, Jean Louis et Françoise.
            Jean de Vesc meurt en 1548, laissant la succession à son fils Fleury.
            Sa veuve, fille et héritière du baron de Montlaur, seigneur de Mirmande, et de Balzac d’Entraigues, épouse en seconde noce, Jacques de Raimond de Mormoiron, baron et seigneur de Modène, Villes, Pernes, Caumont, le 15 janvier 1551. Par testament daté de 1576, elle oblige ses enfants à porter les armes de Maubec-Montlaur.

    Le village de Caromb.



            A quoi ressemble le village en ce début du XVIe siècle ? Avec ses maisons serrées, ses ruelles étroites, son enceinte de remparts qui descend jusqu'à la Baisse, son magnifique château qui domine l'ensemble, son église située à l'extérieur des remparts au sommet de la butte qui descend vers Carpentras, à laquelle la chapelle "de Madame", c'est à dire celle du tombeau des de Vesc, a été rajoutée, il a l'allure du village que nous connaissons aujourd'hui. C'est alors le village le plus important du Comtat.  Son imposant château de pierres d'une beauté peu commune pour l'époque a été décoré par des artistes italiens qu'Etienne de Vesc a ramené dans ses bagages et son église est, elle aussi, richement décorée par les dons de la famille de Vesc.

    Fleury Louis de Vesc, seigneur de Caromb (1548-1553).



            Fleury, le fils de Jean de Vesc et de Fleurie de Montlaur, épouse en 1552 Diane de Clermont, fille d’Antoine, vicomte de Tallard et de Françoise de Poitiers Saint-Vallier, cousine de la célèbre Diane de Poitiers de Saint-Vallier dans la Drôme.

            En 1550, (Louis) Fleury de Vesc laisse s'installer les pénitents gris dans le village.

            Mort sans postérité, c'est sa sœur, Jeanne de Vesc qui hérite de la seigneurie. Elle a épousé en 1554 François d'Agoult de Montauban, comte de Sault, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, lieutenant général du gouvernement du Lyonnais.

    Taxes locales.



    D'où provient l'argent communal ?
    Aucun changement depuis le XIe siècle : taxe des commerçants, rève de boucherie, souquet du vin, vente du blé, paiement des pesages, huiles et autres denrées, cuisson au moulin banal etc... plus le prélèvement des tailles. En vertu d’une transaction de 1562, la commune reçoit 35 écus sur les revenus du Prieuré et possède alors 300 écus de provision pour régler une affaire avec les frères Durand.
    On continue à payer la rente des herbages de St-Hippolyte, à Jean Dambrun, rentier de la seigneurie de Caromb.

    Le château du Barroux.



            Les gravures de l’époque nous montrent encore des villages fortifiés. Avignon reste entouré de ses remparts, de même que Caromb et les villages environnants. La Carte de Bonfa, plus tardive (1691) ne représente peut être pas la réalité de l’époque, mais donne une idée des fortifications existantes autour de nos villages. On s’y reportera ( voir les figures) pour imaginer nos villages de l’époque. On est, en Comtat Venaissin, toujours en terre papale, avec des villages à vocation agricole.
            Les maisons sont, en général, organisées sur un rez de chaussée qui sert de remise pour les chevaux, charrettes, cochons et volailles, un premier étage lieu d’habitation et un grenier pour les foins.

             Les campaniles font leur apparition au XVIe siècle : cage en fer offrant peu de résistance au vent, ils se multiplient très vite dans les villages et se décorent. En 1577, la municipalité de Carpentras fait construire un tel campanile sur la tour de l’ancien château des comtes de Toulouse : il faudra attendre deux siècles pour que cette mode arrive jusqu’à Caromb.

            Certains villages comme Le Barroux se développent autour de leur château, d’autres, comme Venasque, s’allongent sur leur barre rocheuse.
    En 1535, Henri de Rouvigliasc achète la seigneurie du Barroux. Il est un descendant des Rouvigliasc (Rovilhasco) du comté de Celles en Piémont, une famille dévouée au pape.
            Le village est alors surmonté d'un vieux donjon du XIIe siècle ceint de murailles délabrées.
            Henri entreprend la construction d'un nouveau château, en 1536. Son fils, Perrinet de Rouvigliasc est le prévôt de Beaumes (1532 et 1536) et de Notre-Dame des Doms (1535), puis est nommé conseiller au Parlement de Turin par François 1er. Menant de front toutes ces tâches, Perrinet, fils d’Henri, continue la construction du château du Barroux jusqu'à son achèvement en 1550.

            C'est une résidence luxueuse et une superbe forteresse qui commande l'entrée du passage étroit entre notre commune et Malaucène. Il domine magnifiquement la plaine du Comtat, et s'enorgueillit d'un environnement exceptionnel d'oliviers.
            Le château du Barroux apparaît dans notre paysage au moment des premières guerres de religion et de l'extermination des Vaudois du Luberon.
     

    Suite : la chronologie historique (chapitre XIII).

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