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XII-2. Caromb sous
les Vesc (suite).
Anne de Courtois, son
épouse.
Nous avons vu que notre seigneur avait pris pour épouse Anne de Courtois,
en août 1475, quelques années avant l'achat de la seigneurie
de Caromb. Nous savons qu'elle était d'une famille riche elle aussi
et qu'elle lui a donné deux enfants dont l'un est mort en 1495 et
l'autre s'est marié en 1501.
Etienne a eu quelques comptes à rendre à la Chambre du roi,
au sujet de la succession de son beau-père Jean de Marcel et en particulier
pour n’avoir pas déclaré un rubis balais estimé 2.500
écus d'or, mais Charles VIII se porta garant de cette affaire [75].
Nous savons aussi qu'Anne de Courtois a fondé une collégiale
de six chanoines (*44
) dans notre église.
Il ne fait pas de doute qu'elle a passé plus de temps à Caromb
que son époux, et, qu'après sa disparition, elle y réside
très souvent, gardant de nombreuses relations avec les Vesc de la
Drôme : dès 1501, une Marie de Vesc de Comps passe un contrat
de mariage à Caromb, dans le château d’Etienne, avec un Olivier
de Caritat d’Orange.
Anne de Courtois, fait peindre, en 1504, les trois fenêtres de la "chapelle
de Madame" par le peintre Claude Tonay ou Tovay. Ces vitraux sont actuellement
détruits. Elle dote et embellie la partie de la chapelle qui était
dédiée à St. Charlemagne, en 1504, et sa belle fille
Antoinette de Clermont continue cet embellissement en 1530 [58].
chapelle de Madame
Anne de Courtois repose près de son époux, dans le grand tombeau
de marbre blanc de la chapelle.
Il nous faut revenir à l’église et parler du triptyque.
Le triptyque.
C'est la pièce la plus remarquable de notre église. Le triptyque
mesure 2m de long et 2m de haut. Au centre, il représente un
cavalier terrassant un dragon, qui peut être Saint Georges. De chaque
côté, quatre petits panneaux représentent la vie et
le martyr d'un soldat.
Voir le triptyque à grande echelle
:
Nous possédons plusieurs analyses, plusieurs interprétations
de ces tableaux :
- en premier, l’explication donnée
par Patricia Carlier qui relie ces tableaux à la famille de Vesc :
« étant donné
les dates de réalisation de notre triptyque, il apparaît évident
que celui-ci fut commandé par la famille de Vesc, en l'honneur du
seigneur de Caromb qui voulut offrir à l'église de Caromb un
retable dédié à son saint patron, ce qui n'avait pas
été fait jusque là. Comme il est courant de le remarquer
à la fin du Moyen Âge, la symbolique de ce retable présente
deux niveaux. Le premier peut être interprété comme la
représentation de la vie de Saint Maurice, le second comme celle d'Etienne
de Vesc. En effet, après le service de son roi, l'ultime but du seigneur
de Caromb fut de délivrer la Constantinople chrétienne des mains
des infidèles, tout comme ses ancêtres avaient délivré
Jérusalem quelques siècles auparavant.
L'analogie avec le triptyque devient
alors évidente. En haut à gauche, le premier panneau représente
les murailles de Jérusalem et une troupe en armes, en habits du XVe
siècle. Le chef de cette troupe reçoit un parchemin. Le panneau
supérieur droit représente la demande de la bannière
papale par cette armée, rassemblée pour la délivrance
des lieux saints. Les fenêtres à meneaux figurées à
côté d'une galerie d'arcature ne laissent aucun doute sur la
datation de la composition. Le panneau inférieur gauche figure une
entrevue avec l'empereur turc. Le panneau inférieur droit, figurant
le martyr de Saint Maurice, montre que les bourreaux portent le turban, comme
les Turcs.
Quant à la figure centrale,
elle symbolise la lutte du chrétien contre l'infidèle, représenté
par le dragon.
Etienne de Vesc est mort à
Naples, qui n'était qu'une étape sur le chemin de la délivrance
de Constantinople. Ses enfants se chargèrent de faire terminer ce
triptyque. Les moulurations de son encadrement sont par ailleurs très
proches des sculptures du tombeau d'Etienne de Vesc, et peu d'années
les séparent, sans doute. »
- en deuxième, l’analyse de l’abbé
Mathieu qui constate qu’il n’y a pas d’unité de sujet ou d’unité
de style entre le panneau central et les panneaux latéraux. Il ne
pense pas que ces derniers soient reliés à la vie de St Georges,
ni qu’ils aient été peints par le même artiste que le
panneau central, bien qu’ils se rattachent tous aux œuvres provençales
de la même époque.
Constatant ces faits, il suppose que le
tableau de St Georges est le fragment d’un retable plus ancien ré-assemblé
avec les quatre panneaux latéraux.
Il se réfère donc des analyses
séparées pour chaque élément.
Tableau de St Georges.
« St Georges, d’après Labande,
a été peint pour la chapelle St Georges de notre église,
chapelle fondée par Bertrand de Budos (1334-1360), un de nos seigneurs.
Grete Ring, dans un livre paru en 1949 sur "la peinture française
au XVe siècle", donne la description suivante : “St Georges est représenté
environ de trois quarts de la grandeur naturelle, il porte une armure d’acier
dont la qualité métallique est fortement accentuée.
Il monte un cheval d’un blanc grisâtre. Le harnachement de cuir brun
est orné de gros boutons d’or. La tête du saint est insérée
dans des contours fortement éclairés. Tout est réduit
aux formules géométriques les plus simples ”.
Grete Ring tente difficilement de dater
notre œuvre : cette peinture pourrait être située entre 1450
et 1475. La représentation postérieure de ce type de ‘Saint
à cheval’ telle qu’on la trouve par exemple en Italie vers 1490, dans
le St Martin de Butinone, semble tellement plus tardive que l’on doit supposer
un écart considérable entre les deux peintures, ce qui mettrait
le présent tableau plus près de 1450-1460.
Le même auteur essaie de découvrir
le nom du peintre. Il nous dit : “Le rapport avec le Maître de l’Annonciation
d’Aix semble s’imposer particulièrement par le côté italianisant,
mais St Georges semble encore plus proche d’Antonello que ne l’est l’Annonciade
d’Aix. Aussi avais-je pensé à rattacher ce tableau à
Colantino, d’autant plus qu’une image de ‘San Giorgio’ peinte par Colantino
est mentionnée dans une lettre de 1524. Malheureusement, la description
détaillée ne correspond pas au St Georges de Caromb.”
Petits Panneaux :
L'abbé Mathieu n’a rien trouvé
comme document précis les concernant.
D'un style pictural à rapprocher
de l'Ecole d'Avignon de la fin du XVe siècle, attribués par
certains spécialistes à Thomas Grabuset, peintre de la dite
école, il aurait été commandé le 28 juillet
1481 et terminé le 7 novembre 1482. Une mention dans les archives
de Caromb précise que l'on demanda au peintre Jean Rollier, en 1532,
d'achever le retable du maître-autel de l'église, et de rajouter
de l'or dans diverses scènes déjà peintes, notamment
aux personnages, aux tapis et aux manteaux. Ce peintre fit pour l'église
de Caromb d'autres retables, notamment ceux de la Sainte Vierge et de Saint
Sébastien .
Notre œuvre, semble-t-il ne peut être
que de l’un ou de l’autre. Une étude spécialisée pourrait
un jour nous le préciser.
Thomas Grabuset dit de Beaucaire, n’est
pas provençal et serait vraisemblablement descendu de Besançon
vers Tarascon où il réalisa aussi une célèbre
Piété "de Tarascon" ( Musée Cluny, cl.
18 509).
Nous avons quatre petits panneaux ayant
73 cm de longueur et 54 cm de haut. Les couleurs sont admirables.
- Le premier représente
un chef militaire au milieu de sa troupe.
- Le deuxième nous montre
le même chef en audience auprès de hautes personnalités
civiles. Sur une colonne quelques peintures égyptiennes, sans doute
signifiant les idoles.
- Le troisième se déroule
auprès du pape entouré des cardinaux.
- Le quatrième décrit
la décapitation du chef et de ses soldats.
- L’ensemble, et surtout la dernière
scène rappelant le martyr de St Maurice et de ses compagnons font
dire à beaucoup que ces tableaux se rapportent à la vie de
notre illustre patron. C’est possible, tant il est vrai que de tout temps
St Maurice fut très honoré chez nous. »
Le fond et les parties latérales
ont été dorés plus tardivement (Jean Rollier, 1532/33),
comme précisé dans nos archives.
Le triptyque aurait à un moment orné
la chapelle de l'ancien hôpital de Caromb et lors de la fermeture de
cet établissement, ce serait M. Albert Bourgue qui l'aurait réparé
et déposé à l'église paroissiale.
Classé par les Beaux-Arts le 5
décembre 1908 et restauré par leurs soins, le retable de Caromb
a figuré dans plusieurs expositions.
Nous conserverons l'appellation de "Triptyque
de Thomas Grabuset" qui semble la plus admise dans la communauté.
Le triptyque est toujours visible dans la chapelle des Fonts Baptismaux de
notre église.
Les affaires carombaises,
sous Etienne de Vesc.
Après ce long chapitre sur la vie d'Etienne de Vesc, revenons aux
affaires du village (*45
).
Cette période des grands travaux seigneuriaux dans la commune n’empêche
pas notre communauté de gérer ses affaires. Depuis la charte
de 1264, les relations entre le seigneur et ses vassaux sont réglées
et nos villageois bénéficient de privilèges. Un seigneur
aussi prestigieux qu’Etienne est respecté par la population. Dès
1490 quelques juifs sont attestés à Caromb comme à Malaucène
ou à Carpentras [33].
Les comptes communaux mentionnent encore une fois les recettes et les dépenses
: en 1484, les recettes perçues sont :
- le mesurage payant de l'huile
- le vingtain
- la taxe sur la vente au détail
du vin dans les tavernes.
Ces recettes permettent de payer la réparation de l'appartement de
la mairie où on enferme les viandes, ainsi que de payer le don au recteur
fait annuellement par la commune, à la Pentecôte, de 17 fromages
et 2 douzaines de poulets et d'assurer le remplacement d'un chaudron au moulin
à huile.
Les principales productions du village sont
l'huile et le vin.
Notre église sert de lieu de réunion pour la population et
pour le Parlement local. En 1490, tout ce petit monde y est réuni
pour étudier certaines réparations à effectuer dans
l'église. A la même époque, la plus ancienne des chapelles
est dédicacée à Saint Cloud par testament de Pierre
de Bollène, le 25 octobre 1488 [58].
Jusqu'à la fin du XVe siècle, les comptes disponibles sont
rares. Nous trouvons cependant quelques actes de 1487 / 1488 :
- Bertrand Durandi, forgeron, pour
des pannes fournies pour les portes de la commune
- Guillaume Stéphani pour
le pain qu’il a fourni à ceux qui, le 16 mai, sont allés en
procession à St Gens.
- Rostany du Barroux pour avoir
fourni 50 émines de plâtre nécessaires aux réparations
de la maison commune.
- Antoine Rospelli, maçon,
pour avoir sculpté et posé les armes de la commune.
- Guillaume Cassin, traceur de pierres,
pour la “bardaison” (dallage) des chapelles de l’église.
- Boneti pour ses honoraires de
garde des clés du Portail Neuf.
En 1493-95, notons le paiement
à Antoine Bertrandi, tailleur de pierres, pour avoir fait une ”conque”
pour le Brégoux.
En 1494, Guigue Fulhet est acquitté
pour avoir sonné les cloches quand le ciel menaçait orage,
afin d'en avertir tout le monde.
Quelques paiements apparaissent dans nos
archives :
Raymond Camaret, consul, pour
le remboursement du prix de 6 perdrix achetées pour le gouverneur
d’Avignon.
Michel Barro et Claude Lombard
pour avoir cuit la chaux au four communal.
La femme de Jean Que pour avoir
fourni deux chèvres dont il a été fait présent
au juge, venu tenir «les Assises à Caromb»,
à Claude Firin barbier
et souvent valet pour avoir donné des soins à une femme morte
de la peste à l’hôpital,
à Dalmas de Roaix pour
des lettres de sauvegarde obtenues du roi Charles VIII (celui qui fut éduqué
par Etienne de Vesc).
Bertrand Durand, conseiller, pour
une clé qu’il a fait faire pour fermer le trésor de l’église.
Jean Henrici, barbier, pour l’achat
de drogues et d’onguents nécessaires pour le traitement d’un enfant
malade de la peste à l’hôpital, puis pour un vêtement
complet payé par la commune (1500).
Souvenons-nous que nos villageois n’ont pas l’eau courante et qu’ils doivent
transporter leur eau à partir des fontaines publiques du village.
Ces fontaines nécessitent un entretien constant qui est à la
charge de la commune. Vers 1500, Jean Rastelli répare les fontaines,
Claude Bernard nettoie les conduites d'eau de la fontaine. Antoine Sagnis,
maçon, répare la fontaine du chemin de Modène.
En 1499-1500, ont acquitté leurs impôts,
- Guillaume Sicard pour fourniture
de pierres employées à la construction d'une écluse,
- Gabrielle Camarette pour la
conduite (l'entretien) de l'horloge communale,
- Gabriel Faucher pour avoir vaqué
(reporté) le remboursement d'un capital d'une pension de 200 florins
dû par la commune
- Claude Népoti, roi des
arbalétriers. En fait, il était écrivain public et ses
minutes notariales sont encore conservées ( étude Falque) ;
il reçut d'ailleurs le testament d'Etienne de Vesc.
- Antoine Colombi pour la garde
des porcs.
Voilà tout un petit monde de carombais bien sympathiques, vaquant
à des occupations constructives ! Cette fin du XVe siècle est
une période prospère pour Caromb. Le village est organisé
autour de son conseil communal et de son parlement, gère ses problèmes,
entretien ses biens communaux, ses routes, ses moulins, ses remparts. C'est
une communauté d'agriculteurs organisés, de travailleurs de
la terre qui vivent bien ensemble et qui ne semblent pas avoir de gros problèmes
financiers, au contraire.
L'hôpital de Caromb était situé à l'intérieur
de la ville, mais en l'an 1500, soit à cause de la peste, soit par
manque d'hygiène de cet établissement, l'évêque
en prescrivit le transfert à l'extérieur. Par délibération
des recteurs, les honoraires du médecin sont fixés à
60 livres par an [58].
Charles de Vesc, seigneur
de Caromb(1501-1517).
Au décès d'Etienne de Vesc, en 1501, la seigneurie passe à
son fils Charles de Vesc qui a épousé Antoinette de Clermont-Lodève,
sœur du cardinal-légat du pape pour ses Etats comtadins et nièce
du cardinal d’Amboise, Premier ministre de Louis XII. Par cette alliance,
les Vesc font entrer la Fleur de Lys de la royauté française
dans leurs quartiers de noblesse, car Antoinette descend de Robert de Clermont,
fils de Saint Louis, roi de France (
*46
) .
Mais, ni le souvenir des services de son père, ni sa puissante belle-famille
ne lui font obtenir des charges importantes. Par héritage, il est
cependant un des plus riches seigneurs du Dauphiné et de la Provence
[75].
En 1502/3, la communauté carombaise envoie un émissaire au
seigneur qui se trouve à Eyragne ( ?) au sujet d’une porte qu’elle
fait percer dans sa chapelle de notre église.
La plus vieille référence à notre fête de St
Maurice, dans les archives municipales, date de cette année là
: le prix des « joies » de St Maurice apparaît dans les
comptes du trésorier de la commune, tout comme les honoraires du maître
d’école, du barbier, de la garde du lieu ou le prix des services religieux.
Nous verrons que notre fête est abondamment décrite dans les
archives. L’année suivante, on apprend que la commune paie aussi
les sonneurs de cloches, l’escorte de la procession de St Maurice, l’achat
d’aiguillettes et de deux “birets pers” pour la fête, la participation
du roi des arbalétriers, Elzear Pest.
Signalons aussi quelques pensionnés à la charge de la commune
: Bathazar de Merles, Antoine de Blagier, François de Baroncelli.
La commune s’équipe : construction d’un mur pour le cimetière
(situé sur l’actuelle Place Nationale), achat d’une cloche pour l’horloge,
pesant 1 quintal 19 livres, au fondeur maître Jean Favier de Pernes
et “ ferremente pour la cloche”.
Elle reçoit dignement l’évêque d’Embrun et lui offre
pain et vin.
Elle a des frais de représentation auprès du gouverneur pour
une affaire de fenêtre percée dans les remparts par une Marguerite
Pellicène.
Soucieuse de sa tranquillité, elle débourse 12 sous pour qu’une
tribu de bohémiens passe son chemin.
Notre conseil communal éclaire ses séances nocturnes par des
chandelles, preuve du dévouement de nos élus de l’époque.
Enfin le trésorier, rapporteur des
comptes, ne s'oublie pas et se fait payer par la commune un livre de trésorier
avec une couverture en parchemin, avec belle écriture en lettres gothiques
(1503) !
Peu de temps avant le décès de ce seigneur Charles de Vesc,
en 1514/5, la communauté décide d’équiper l’église
d’un tabernacle : il est réalisé par Jacques de Cesse dit Aulandoys,
menuisier, alors qu’un de ses collègues Jean Margironi fait une gloire
autour du tabernacle ; le serrurier Jean du Puy pose une barre de fer pour
soutenir le Christ qui est situé au-dessus et pour que l’ensemble
ressorte bien, on demande à Vincent de Maligorde de peindre en noir
le mur qui est derrière. Peut-être est-ce pour voir cette merveille
que le légat arrive à Caromb, accueilli par une escorte de
cavaliers carombais venue l’attendre à Carpentras. Un autre registre
comptable, de 1532, indique que Jean Rollier a fait un retable le 12 décembre
de cette année là.
Nos archives citent encore quelques noms : Barthélémy d’Olone
pour une pension, Jean Mascli, traceur de pierres, roi des arbalétriers
et Jean Bulaire, cordonnier, roi des archers pour leur prestation annuelle.
Nous changeons de consul et l’ancien et le nouveau bénéficient
d’un repas aux frais de la commune.
Charles de Vesc meurt jeune, ayant dicté son testament à Caromb,
le 5 avril 1517, et demandé à être enseveli à
côté de son père, dans notre église. Il laisse
pour héritier son fils aîné Jean ; pour légataires,
de trois mille écus chacun, quatre autres fils, Antoine, Pierre, Claude
et François, et cinq filles, Françoise, Catherine, Jeanne, Isabelle,
et Marguerite. Distraction faite de la terre de Savigny et de tous les biens
de l'Ile-de-France, de la Normandie et de la Picardie au profit du cadet
Pierre, l'héritage est successivement substitué (
*47
) à Pierre, Claude et Catherine, cette dernière
à condition que son mari prenne le nom et les armes de la famille
de Vesc. La veuve est désignée comme tutrice, et sont nommés,
comme exécuteurs testamentaires, Jean de Vesc, évêque
d'Agde, Pierre de Clermont et Guillaume d'Ancezune, seigneur de Caderousse
et de Codolet [75].
François 1er.
Avant de revenir à l’histoire locale, résumons les principaux
évènements des Guerres d’Italie, afin de situer le contexte
de ce début du XVIe siècle.
François 1er est roi de France de 1515 à 1547. Dès
1515, âgé de 20 ans, il remporte la bataille de Marignan.
Puis un long conflit l’oppose à Charles Quint.
Ce dernier envahit la Provence, soumet Toulon et Aix et va assiéger
Marseille, sans succès (1524).
A Caromb, on a peur et nos archives indiquent que l’on transporte des pierres
sur les remparts, portes et ravelins afin de se préparer à
repousser une attaque ! François 1er s’installe dans notre région
et notre commune doit fournir des vivres, des chevaux et de l’avoine pour
ses troupes.
Bien que Caromb ne dépende plus des princes d'Orange, il est intéressant
de suivre l’évolution de cette principauté voisine en particulier
pour expliquer l’arrivée des protestants dans cette ville, un événement
d’importance pour toute notre région.
Le descendant de Jean de Châlons,
Philibert de Châlons, meurt en 1530, à l'âge de 28 ans.
Il laisse sa principauté au fils de sa sœur Claude (morte en 1521),
René de Nassau.
René, prince d'Orange (1538) et comte de Nassau, marié à
Anne de Lorraine, n'a qu'une fille qui meurt la même année
que lui, en 1544. Il laisse alors la principauté au fils de son oncle
Guillaume de Nassau (1533-84), en violation de la réserve faite par
Marie des Baux. La principauté aurait du passer aux descendants d'Alix
de Châlons et non aux Nassau.
En 1535, François 1er accorde aux Avignonnais et aux Comtadins la
régnicolité, c'est à dire qu'il les reconnaît
comme sujets du roi de France [33].
Associé à cette faveur, il réduit les frais de passage
en France (traite foraine).
La guerre reprend (1532-1536) entre François 1er et l'empereur Charles
Quint et, en février 1535, François 1er reconquiert le Milanais,
puis Charles Quint, le repousse et préfère attaquer du côté
de la Provence. Les troupes envahissent, à nouveau la Provence et
François 1er pratique la tactique de la terre brûlée :
100 villes ou villages de Provence sont anéantis, les moulins sont
rasés, les champs sont desséchés. Le jardin provençal
devient un désert où ne subsiste que les vignes et les fruits
favorisant la dysenterie pour les hommes affamés.
En 1536, François 1er occupe Avignon, qui est de son côté,
et sauve la ville de l'invasion des troupes impériales [33].
Cette invasion s’achève par une retraite désastreuse des Impériaux.
En 1541, François 1er, pour punir le pape de son attachement à
l'Empire, occupe le Comtat. Les Etats du Comtat achètent l'éloignement
des troupes, mais des pillages sont perpétrés par les troupes
françaises (jusqu'en 1558).
Il confirme cependant les privilèges accordés aux Etats en
1543 et en est remercié par 25.000 écus et 25.000 livres des
Avignonnais et du Comtat (1544).
Actes royaux.
Le 10 août 1539, le roi François 1er signe à Villers-Cotterêts
une ordonnance qui établit que tous les actes légaux et notariés
seront désormais rédigés en français. Jusque-là,
ils l'étaient en latin. Dans les faits, il faudra beaucoup de temps
avant que l'édit royal entre partout en application.
François 1er demande par la même
ordonnance que les curés des paroisses procèdent à l'enregistrement
des naissances, des mariages et des décès.
L'ordonnance institue ce qui deviendra l'état civil et va consacrer
le rôle unificateur de la langue française.
L’application de cet édit, à Caromb, est relativement rapide
car on enregistre les baptêmes dès 1555, les mariages dès
1597 et les décès l’année suivante [39].
Le premier registre des baptêmes du Barroux débute en 1613,
plus tard pour les mariages et les décès et le plus ancien
cadastre du Barroux date de 1414 (
*48
) .
Le loto.
Né à Gênes, le "lotto" a été découvert
par les officiers et les nobles français au cours des campagnes italiennes
de François 1er . Pratiqué par la cour, il se répandra
partout en France au XVIIIe siècle, deviendra notre "loto" traditionnel
au XIXe siècle et subsistera principalement en Comtat et en Provence
jusqu'à nos jours. Encore joué avec beaucoup de passion chez
nous au profit des associations communales, il faut savoir que c'est une
retombée inattendue des Guerres d'Italie.
Jean de Vesc, seigneur
de Caromb (1517-1548).
Sous François 1er, notre seigneur est le fils de Charles de Vesc,
Jean, dit le Gros, aussi baron de Grimaud. Il épouse en 1520 Fleurie
de Montlaur, fille de Louis de Bocsozel, baron de Montlaur et de Maubec et
de Philippine de Balzac d’Antraigues. Il devient lieutenant du gouvernement
de Provence.
Sa pieuse mère dote richement la chapelle de Charlemagne, dans notre
église, par acte du 17 mars 1530. Elle est assistée par M.
le curé, le Révérend Père Joannis de Ancédura,
prieur « dabit jure canonicatus et prebende de Caromb ». Une
chapelle est dédiée à Saint Chamas la même année.
Déjà nos Carombais ont des activités culturelles :
entre 1524 et 27, la commune prend en charge le loyer d'une maison où
se donnent des représentations littéraires ( ludum litterarium).
Les renseignements précis sur la musique carombaise ne nous sont
connus qu'à partir de 1533 : cette année-là et les
années suivantes, « les trompetteurs d'Avignon, de Carpentras,
de Pernes, viennent sonner aux fêtes de Saint Maurice » [54].
Si l’on sait s’amuser, à Caromb, on traite aussi des évènements
plus tragiques : garde des portes pendant la peste ou paiement des frais
de sépulture pour un homme trouvé mort près de la chapelle
St Etienne.
La religion tient une grande place :
- on offre deux moutons aux Frères
Mineurs de Monteux qui tiennent leur chapitre général.
- on achète une “custode”
(un coffre) d’argent pour porter le Saint-Sacrement.
- Jean de Vesc fonde la Maison
des Prêtres Missionnaires de la Trinité [97].
La communauté est en procès avec ce seigneur mais un accord
est trouvé : cela se fête par un dîner en sa présence,
avec feu de joie et de nombreux présents : fromages et “thomes” de
brebis, eau de rose et autres menus objets. La dame du lieu est reçue
au son des trompettes et se voit offrir des chapons.
Jean de Vesc et Fleurie de Montlaur ont cinq enfants : Fleury, Jeanne,
Jean Louis et Françoise.
Jean de Vesc meurt en 1548, laissant la succession à son fils Fleury.
Sa veuve, fille et héritière du baron de Montlaur, seigneur
de Mirmande, et de Balzac d’Entraigues, épouse en seconde noce, Jacques
de Raimond de Mormoiron, baron et seigneur de Modène, Villes, Pernes,
Caumont, le 15 janvier 1551. Par testament daté de 1576, elle oblige
ses enfants à porter les armes de Maubec-Montlaur.
Le village de Caromb.
A quoi ressemble le village en ce début du XVIe siècle ? Avec
ses maisons serrées, ses ruelles étroites, son enceinte de
remparts qui descend jusqu'à la Baisse, son magnifique château
qui domine l'ensemble, son église située à l'extérieur
des remparts au sommet de la butte qui descend vers Carpentras, à laquelle
la chapelle "de Madame", c'est à dire celle du tombeau des de Vesc,
a été rajoutée, il a l'allure du village que nous connaissons
aujourd'hui. C'est alors le village le plus important du Comtat. Son
imposant château de pierres d'une beauté peu commune pour l'époque
a été décoré par des artistes italiens qu'Etienne
de Vesc a ramené dans ses bagages et son église est, elle aussi,
richement décorée par les dons de la famille de Vesc.
Fleury Louis de Vesc,
seigneur de Caromb (1548-1553).
Fleury, le fils de Jean de Vesc et de Fleurie de Montlaur, épouse
en 1552 Diane de Clermont, fille d’Antoine, vicomte de Tallard et de Françoise
de Poitiers Saint-Vallier, cousine de la célèbre Diane de Poitiers
de Saint-Vallier dans la Drôme.
En 1550, (Louis) Fleury de Vesc laisse s'installer les pénitents
gris dans le village.
Mort sans postérité, c'est sa sœur, Jeanne de Vesc qui hérite
de la seigneurie. Elle a épousé en 1554 François d'Agoult
de Montauban, comte de Sault, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi,
lieutenant général du gouvernement du Lyonnais.
Taxes locales.
D'où provient l'argent communal ?
Aucun changement depuis le XIe siècle
: taxe des commerçants, rève de boucherie, souquet du vin,
vente du blé, paiement des pesages, huiles et autres denrées,
cuisson au moulin banal etc... plus le prélèvement des tailles.
En vertu d’une transaction de 1562, la commune reçoit 35 écus
sur les revenus du Prieuré et possède alors 300 écus
de provision pour régler une affaire avec les frères Durand.
On continue à payer la rente des
herbages de St-Hippolyte, à Jean Dambrun, rentier de la seigneurie
de Caromb.
Le château du
Barroux.
Les gravures de l’époque nous montrent encore des villages fortifiés.
Avignon reste entouré de ses remparts, de même que Caromb et
les villages environnants. La Carte de Bonfa, plus tardive (1691) ne représente
peut être pas la réalité de l’époque, mais donne
une idée des fortifications existantes autour de nos villages. On
s’y reportera ( voir les figures) pour imaginer nos villages de l’époque.
On est, en Comtat Venaissin, toujours en terre papale, avec des villages
à vocation agricole.
Les maisons sont, en général, organisées sur un rez
de chaussée qui sert de remise pour les chevaux, charrettes, cochons
et volailles, un premier étage lieu d’habitation et un grenier pour
les foins.
Les campaniles font leur apparition au XVIe siècle : cage en fer offrant
peu de résistance au vent, ils se multiplient très vite dans
les villages et se décorent. En 1577, la municipalité de Carpentras
fait construire un tel campanile sur la tour de l’ancien château des
comtes de Toulouse : il faudra attendre deux siècles pour que cette
mode arrive jusqu’à Caromb.
Certains villages comme Le Barroux se développent autour de leur
château, d’autres, comme Venasque, s’allongent sur leur barre rocheuse.
En 1535, Henri de Rouvigliasc achète
la seigneurie du Barroux. Il est un descendant des Rouvigliasc (Rovilhasco)
du comté de Celles en Piémont, une famille dévouée
au pape.
Le village est alors surmonté d'un vieux donjon du XIIe siècle
ceint de murailles délabrées.
Henri entreprend la construction d'un nouveau château, en 1536. Son
fils, Perrinet de Rouvigliasc est le prévôt de Beaumes (1532
et 1536) et de Notre-Dame des Doms (1535), puis est nommé conseiller
au Parlement de Turin par François 1er. Menant de front toutes ces
tâches, Perrinet, fils d’Henri, continue la construction du château
du Barroux jusqu'à son achèvement en 1550.
C'est une résidence luxueuse et une superbe forteresse qui commande
l'entrée du passage étroit entre notre commune et Malaucène.
Il domine magnifiquement la plaine du Comtat, et s'enorgueillit d'un environnement
exceptionnel d'oliviers.
Le château du Barroux apparaît dans notre paysage au moment
des premières guerres de religion et de l'extermination des Vaudois
du Luberon.
Suite : la
chronologie historique (chapitre XIII).
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