Chapitre IX.
Convention Nationale et Directoire (1794-1799).
La fin du gouvernement
révolutionnaire français.
Queyras et Val Varaita en
1794 & 1795.
La fin du gouvernement révolutionnaire
français.
“En février 1794, Bonaparte arrive à Nice. Il est alors
général de brigade et commande l'artillerie de l'Armée
d'Italie. il comprend que l'attaque frontale a vécu, et ce
d'autant que les "Barbets" ne cessent de harceler les troupes françaises.
Ils sont plus de 4 000, véritables soldats de l'armée
sarde. Bonaparte se range donc au plan échafaudé quelques
mois auparavant : "si donc on veut attaquer le Piémont, c'est par
le département des Alpes-Maritimes, en prenant d'abord Oneille,
qui empêche tout secours de la part des ennemis, toute communication
avec la Sardaigne, et cela nous facilite l'arrivage des subsistances pour
nos armées par la Rivièra de Gênes. Ces motifs devront
déterminer le Comité de Salut public à ordonner l'attaque
d'Oneille, d'où il nous sera facile ensuite d'entrer en Piémont,
en prenant à revers le poste de Saorge et mettant le siège
devant Coni."
Masséna avance en territoire gênois et s'empare de la Principauté
d'Oneille, poursuivant sa manœuvre de débordement de Tende par le
nord-est. Dolceacqua, Pigna, Triora sont dépassés et les colonnes
républicaines progressent sur la Marta, le col de Tanarello et le
mont Saccare.
Dans la nuit du 27 au 28 avril les Sardes sont contraints d'évacuer
la Brigue, et le 29 la forteresse de Saorge capitule enfin. Les forces
républicaines atteignent alors la crête méridionale
des Alpes, tant par la Vésubie que par la Roya. L'invasion de l'Italie
du Nord se précise.
Cependant les Français ne progressent guère en Piémont,
occupant solidement et en totalité le comté de Nice. II faut
dire que les Anglais font peser une lourde menace sur
leurs arrières car dès juin 1794 leur flotte avait
refoulé les vaisseaux français à Golfe-Juan. Etant maîtres
de toutes les communications maritimes depuis Antibes jusqu'à Gênes
ils peuvent débarquer des troupes à tout moment soit à
Monaco, soit à Menton ou Vintimille et, de là, prendre à
revers les Français.
De plus, la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794, change les données
militaires dans notre région. La préoccupation principale
est la défense des Pyrénées contre les Espagnols et l'entrée
des Français en Italie est considérée comme prématurée.
Le 6 août Bonaparte est suspendu de son commandement.”[21]
Queyras et Val
Varaita en 1794 & 1795.
Les opérations militaires reprenaient plus d'activité
en 1794. Le 8 mai, un parti français, venu de la vallée
du Guil, s'aventurait jusqu'à la Chenal et menaçait
le poste ennemi de ce village.
Le général Provera averti par
des espions que la grand-garde festoyait dans Fontgillarde,
envoyait dans la nuit du 16 au 17 juin, un détachement de 360 hommes
piémontais et autrichiens commandés par le comte de Saint-Martin.
Les Transitons qui donnent la date du 16 juin disent à ce sujet :
L'ennemi averti par des espions que nos soldats étaient en ribotte,
s'est retourné au village de Costeroux et de Fontgillarde pendant
la nuit et ont pris 40 soldats prisonniers à Fontgillarde et en ont
tué deux, à savoir le capitaine qui se nommait Gautier, qui
ne voulait pas se rendre et lui ont donné un coup de couteau au cou,
devant la maison de Daniel Ebren et un cantinier du nom de Branche, d'un
coup de baïonnette, devant la porte du sieur Pierre Blanc. Et
le lendemain on les a enterrés, devant la chapelle de Fontgillarde
et on leur a fait les honneurs de la guerre [42]. La même nuit, (ils
en) ont encore blessé 5, qui ont été portés
à l'hôpital de Briançon et ont de même pillé
le village de Costeroux, ont pris à Chaffrey Roulph 30 brebis et
à Barthélémy Martin-Mista, 1 mulet et 4 vaches, et
à Pierre Roux 1 mule 2 vaches ; et à Jérôme Martin-Mista
et André, son frère, 2 mulets, 3 vaches et 30 brebis et ne
firent aucun mal. Les 40 soldats qui avaient été pris prisonniers
n'ont été en Piémont que 15 jours. On a fait un échange
avec les prisonniers piémontais. Ils sont retournés occuper
leur poste à Fontgillarde, Madeleine
Vasserot, femme de Jérôme Martin-Mista
et la soeur de Barthélémy Martin-Mista,
qui étant allé après leur mari et frère ont été
rendus avec lesdits habitants. L'alarme ayant été donnée,
l'on se mit à la poursuite des pillards jusqu à la frontière,
un sergent-fourrier qui conduisait une douzaine de brebis prises à
Pierre Blanc, fut fait prisonnier (33).
En juillet, le général Gonvion disposait
d'environ 5.000 hommes dans le Queyras ; il convoquait les gardes
nationaux de la vallée ; 250 hommes gardaient le col Saint-Martin
; 250 celui du Bouchet ; 30 le col d'Urine et 300 le col la Croix ; les réserves
étaient à Abriès, à Aiguilles, au Château,
à Fontgillarde, à Saint-Véran et à Ceillac.
Un camp était établi au col Agnel à gauche du col et
au pied du Pain-de-Sucre, sur le plateau dit Camp français (33).
Les communes devaient fournir et transporter le bois nécessaire
aux postes établis sur leur territoire ; elles étaient fréquemment
rappelées à leur devoir de faire cette fourniture, comme en
témoigne la lettre suivante :
Fontgillarde le 21 Thermidor
IIe année de la République (8 août 1794).
Le capitaine
Cassel, aux citoyens maire et officiers municipaux de la commune de Molines
: « Je vous préviens, citoyens que je reçois tous les
jours des plaintes du camp et des postes, qu'on y porte pas de bois et que
le peu qui y arrive est porté par des bourriques et n'est autre
chose que des feuillages. Je vous prie, en conséquence, d'y en faire
porter de suite et de gros bois, car nos frères d'armes souffrent
étonnement du froid et de la pluie et de veiller à ce que
cette fourniture ne souffre pas de retard».
Salut et Fraternité.signé : CASSEL.
(33)
Le général Gouvion, s'était avancé à
la tête de 1.400 hommes, divisés en 3 colonnes ; celles de gauche
et du centre passèrent par le col de Saint-Véran ; la première
enleva un poste et marcha droit sur la Chenal ; l'autre, culbutant
un autre poste, s’engagea sur la rive droite de la Varaita, avec les chasseurs
du comte de Saint-Martin, le même qui avait fait le coup sur Fontgillarde
et qui était à Torette ; pendant ce temps, l'autre colonne
descendue par le col Longet, les tournait par la Tour Réal et leur
coupait la retraite.
Les Français s'avancèrent
jusqu'à la Rua de Genzana et au bourg de l'Eglise, de la fraction
de Pont ; ils se retirèrent ensuite emmenant tout le butin qu'ils
purent ; 1.200 hommes, sous les ordres de Gouvion, restèrent cependant
à la Chenal ; attaqués vers les 4 heures par les
réserves piémontaises de Genzana ; ils résistèrent
énergiquement jusqu'au lendemain 11 heures et se replièrent
sur nos postes de la frontière.
Il avait été fait 160 prisonniers, dont dix officiers,
parmi lesquels le comte de Saint-Martin ; il fut pris 600 fusils neufs,
plusieurs espingoles, 3 pièces de canon dont une, ne pouvant franchir
le col Agnel, fut précipitée dans un ravin ; quantité
de bétail fut aussi enlevé. La Chenal fut livré au pillage
et il se produisit des excès que seule la part que les habitants de
ce village avaient prise au pillage de Costeroux, Fontgillarde et Saint-Véran
pouvaient justifier.
Les prises furent vendues à l'encan à Château-Queyras
le 28 septembre ; la part des troupes s'éleva à 18.195 livres.
Le transport du butin, d’après Allais, dura 2 jours et 2 nuits consécutives,
par le col Agnel. On y employa tous les mulets du Queyras ; les vaches,
les génisses, les veaux, les brebis et les moutons vendus rapportèrent
19.500 L. sans compter les objets mobiliers et les vêtements.
Le roi de Sardaigne alloue alors
une armée de 60 000 hommes, autrichiens et piémontais pour
défendre les Alpes Occidentales.
En octobre 95, la Convention est renversée, en France, par un coup
d’état : c’est le Directoire.
En Queyras (1795), tous les principaux passages étaient gardés
par des détachements ; le 25 mai les Piémontais vinrent par
le col Agnel pour prendre le poste de Roche-Rousse, sur les
neuf heures du matin ; étant tout proche de la dite
redoute, les soldats français ont fait une décharge qui les
a reculés et ont soutenu le feu en ménageant leurs cartouches,
faute d'en avoir, jusqu'à ce que l'alerte fut donnée dans la
vallée, qui sont venus les repousser jusqu'au fond de la
montagne au col Agnel .