Chapitre II.
La peste de 1720.
A Marseille, l'épidémie de 1720 a vraisemblablement pour origine
une quarantaine mal observée, d'un bateau en provenance du levant.
Durant l'été, le nombre des décès est considérable
et la maladie s'étend aux campagnes environnantes, puis atteint Toulon.
La peste franchit la Durance pendant l’été 1821 et atteint Avignon,
«toutes les portes de la ville ont peine à suffire à
la foule de ceux qui sortent. Tout déserte, tout abandonne, tout fuit
».
La même année, la Grande Peste s’est répandue dans toute
la Provence. La population fuit vers les montagnes, alors que le Queyras,
grâce à des mesures sanitaires, est épargné.
On compte 87.000 morts en Provence.
Fermeture des frontières.
Dans le royaume de Piémont-Sardaigne, la réaction face à
cette menace se manifeste à deux niveaux : par des mesures et des
directives nationales, et par leur application au niveau local.
La fermeture immédiate des frontières est ordonnée par
un édit du 25 juillet 1720, qui suspend le commerce maritime et terrestre
entre le royaume et «la ville de Marseille, toutes les terres et
lieux de Provence et côtes de France situées au-delà
du Var». Cette interdiction du commerce porte sur «toutes
sortes de victuailles et marchandises» comme sur les déplacements
de personnes. La fermeture des frontières est ensuite étendue
aux relations entre le Piémont et le comté de Nice et entre
le comté et «la riviera de Menton et de Monaco».
Le 23 novembre, pour mettre un terme à «l'imminente menace
que représentent les déserteurs et fuyards venant de Provence
», le Magistrat de santé de Nice ordonne au besoin, d'user
les armes contre eux «farli archibugiare», et de brûler
leurs vêtements et effets. Seul le courrier peut encore franchir les
frontières, et il est ouvert avec des pincettes, après avoir
été parfumé au souffre et à la résine.
Dans les pays limitrophes, les précautions sont similaires : Monaco
ferme ses frontières et Vintimille nomme deux commissaires devant
mettre tout en œuvre pour «empêcher toute communication avec
les terres de Provence et celles du roi de Sardaigne ».
Dans le comté de Tende, sur ordre du gouverneur, des «barrières
» sont établies aux frontières, à La Turbie et
le long du Var. A l'intérieur du comté, le déplacement
et transport « des personnes, choses, marchandises, victuailles, bétail
et autres effets particuliers » restent libres, sous réserve
de disposer d'une « bolla di sanità », billet sanitaire
autorisant la circulation. A diverses reprises, le Magistrat de santé
rappelle que ce document est indispensable pour pouvoir se déplacer
d'une ville à l'autre, et cela pour quiconque, sans exception d'état,
degré ou condition.
Sur le plan local, les communautés sont chargées d'exécuter
les directives établies pour l'ensemble du comté. Tende fournit
ainsi un contingent de sept hommes pour veiller aux frontières de
Monaco. Tirés au sort et renouvelés périodiquement,
ils sont cantonnés aux « barrières » aux frais
avancés de la communauté. De même, le marquis FOSCHIERI,
gouverneur de la province de Nice, ordonne à la communauté
de Saorge d'envoyer 16 hommes armés aux barrières de Menton
et Monaco et de prévoir leur renouvellement tous les dix jours. Tous
les particuliers en état de porter les armes, sont ainsi répartis
en groupes de seize personnes, pour assurer la relève de la garde.
De même, certaines mesures peuvent être prises pour une hygiène
publique plus rigoureuse, afin d'éviter la transmission de la maladie.
Saorge interdit de jeter des ordures dans les rues et les égouts
et impose leur évacuation quotidienne, le balayage des rues, le curage
des réseaux et la surveillance des porcs.
Le gouverneur de la Province de Cunéo est chargé de placer des
gardes, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du
lazaret, en veillant à ce que les seconds ne quittent pas le bâtiment.
II est prévu que dès qu'une personne se présente pour
y effectuer une quarantaine qui doit durer quinze jours, le directeur contrôle
la légalité de son certificat de santé, et l'admet dans
l'établissement après un nouvel examen médical. Le directeur
se charge alors de lui faire déposer ses armes et son argent qu'il
consigne sur un registre et de faire parfumer ses vêtements.
En Val Varaita, le gouverneur piémontais envoie un corps de militaires
et de milices barrer la frontière avec la France. A cette occasion,
un capitaine hongrois (Ungarese) qui voulait rentrer à Rome et un
individu des Bertines de Casteldelfino qui portait des marchandises et qui,
imprudemment, se risquèrent à passer la frontière furent,
sans sommation, abattus par la garde.