Le Premier Empire laisse un bilan où se mêlent profits
et pertes. L'ordre établi a bénéficié
aux activités de tous, mais la conscription et les suites du blocus
ont été durement ressenties.
Restauration sarde.(1815
-1860)
Le retour de Napoléon en 1815 et sa défaite permettent une
rectification du traité de 1814 : le traité du 20 novembre
1815 rend à la Sardaigne Chambéry et Annecy, les deux Savoies.
Mais le grand événement, c'est surtout l'annexion malgré
l'hostilité de l'Angleterre et des Gênois eux-mêmes,
de l'ancienne république, de la ville et du port de Gênes grâce
au traité de Vienne (9 juin 1815). Désormais, le Piémont
dispose gratuitement d'un très grand port, plus proche de Turin
que Nice et plus facile d'accès. Cette annexion aura donc d'importantes
conséquences sur le destin de Nice et de son comté.
L’intégration de la République de Gênes dans les Etats
sardes aurait dû s’accompagner de l’incorporation du petit comté
de Nice et de ses quelques 100.000 habitants dans une région ligure
ayant Gênes pour capitale. Mais Turin fait l’autre choix et préfère
amputer l’ancienne République de quelques territoires pour les placer
dans l’orbite administrative de Nice. Ainsi Oneglia et San Rémo
passent sous l’administration niçoise.[49]
En 1815, l’état sarde redevient un grand état, qui
s’étend du Lac Léman jusqu’à la Mer Méditerranée,
et couvre une grande partie de l’Italie du nord.
Bellino en fait partie.
Pendant la Révolution de 1821, en Piémont, les libéraux
s’agitent contre Victor Emmanuel 1er qui doit abdiquer en faveur de son
frère Charles Félix (1821-1829). En 1831 Charles Albert lui
succède. Le mouvement libéral renaît en Sardaigne dès
1823, après l’évacuation des autrichiens et, en 1831, Charles
Albert refuse de prendre la tête du mouvement révolutionnaire
de l’unité italienne. En 33, il lutte contre les libéraux.
Mazzini, puis Garibaldi, tentent de soulever la Sardaigne (1834) . Ils échouent
et Garibaldi émigre en Amérique.
L’émigration
alpine.
Notons l’émigration lointaine de la vallée de l’Ubaye, qui
eut d'abord ses paysans-colporteurs puis, dans la seconde moitié
du XIXe siècle son extraordinaire colonie du Mexique, inaugurée
en 1821 par les trois frères Arnaud, de Jausiers. Enrichis
par le commerce, les premiers “Barcelonnette” appelèrent en renfort
parents et amis, de sorte qu'un courant de retour des nantis correspondit
toujours un courant soutenu d'émigration, assurant la permanence
d'entreprises prospères. Villas et tombeaux, également somptueux
matérialisent le succès personnel des émigrants.
La vallée de l’Ubaye, de l’autre côté du col de l’Autaret,
est alors très peuplée ( 17.056 habitants dans l’arrondissement
de Barcelonnette en 1856), mais le machinisme détruit l’artisanat
local et l’émigration marche fort : plus de la moitié des garçons
de 20 ans de St Paul ou de Barcelonnette sont installés au Mexique
à l’appel de leur classe. Il est vrai que les 50.000 piastres ou
250.000 francs-or qui constituent la fortune des premiers « mexicains
» revenus au pays en 1845, après 15 ans de travail à
Mexico, ont enflammé les imaginations. Nul doute que l’on a du en
parler de l’autre côté de la crête des Alpes. [66]
Du Queyras, on part pour Marseille, la Basse Provence et, bientôt,
pour l’Amérique du Sud : plus de la moitié des émigrants
du Queyras, entre 1845 et le début du siècle, s’établissent
au Brésil, en Argentine, au Chili, au Venezuela et en Colombie. Aiguilles
et Abriès gardent quelques traces de ceux qui, enrichis, sont revenus
au pays [53]. Fortune faite, ils ont souvent fait construire de belles villas
dans leur village d'origine.[55]
C'est dans ce secteur des Alpes françaises que la population s’est
installée à la plus haute altitude puisqu’elle vit toute
à plus de 1.300 mètres en Queyras et que Saint Véran
est à plus de 1.900 mètres. Cette particularité tient
à un climat très ensoleillé, mais avec une lame d'eau
assez modeste. Les liaisons avec la vallée ont toujours été
difficiles et les hauts plateaux sont apparus comme des zones refuges.
La population y a été précocement dense si bien que
la pratique des migrations est une constante de l'histoire. [55]. Les Queyrassiens
se sont aussi installés un peu partout en
Europe.
C. Allais, dans la Castellata, nous indique que, d’octobre à avril,
les hommes robustes et la jeunesse émigrent à cause de l’augmentation
constante de la population, du manque de travail pendant la longue période
hivernale et aussi pour éviter de nourrir tout ce monde.
- Les habitants de Chianale
exercent le travail de colporteur, de camelot en Dauphiné, en Provence
et en Languedoc.
- Ceux de Pont vont vers
Marseille, Nice, Cannes et vers toute la riviéra ligure pour faire
commerce et pour faire le métier de rémouleur.
- Ceux de Bellino choisissent
de préférence Toulon, comme serveur de café ou d’hôtel
ou encore comme nettoyeur de chaussures
- Ceux de Casteldelfino
n’ont pas un métier commun, mais prennent les métiers qui
leur paraissent les plus lucratifs.
- Ceux de Sampeyre ont
une fabrique de tissu et autres produits associés qui procure à
beaucoup d’ouvriers du travail pour une grande partie de l’année.
Entre 1833 et 1846, en Piémont, Charles Albert, jusqu’alors opposé
à tous les efforts pour faire participer la Savoie à un mouvement
italien, change de cap et engage un processus de libération dans
le domaine judiciaire et administratif (élection de conseils communaux).
L’Italie n’est pas épargnée par la crise économique
qui touche toute l’Europe occidentale en 1846-1847 : mauvaises récoltes
et intempéries entraînent la hausse des prix et l’appauvrissement
des masses populaires qui se révoltent contre les gouvernements.[54]
La diaspora
Vaudoise.
L’émigration alpine diffuse les Vaudois à travers le monde.
En 1826, Félix Neff lance le mouvement du «réveil »
qui provoque quelques remous dans la communauté vaudoise, puis c’est
Charles Beckwith, anglican d’origine mais installé dans les vallées,
qui relance la mission évangélique et pousse l’éducation
des masses (en 1848, le pays vaudois compte 169 écoles). La Révolution
de 1848, on va le voir, libère les Vaudois qui deviennent égaux
et libres. La Mission reprend : les Vaudois s’installent à Turin,
au cœur de la capitale, dans le Val d’Aoste, à Gênes et finalement
dans toute l’Italie. On trouve alors des églises vaudoises à
Vérone, Milan, Naples et jusqu’en Sicile. [77]
L’émigration diffuse cette croyance : des unions vaudoises se créent
à Marseille, Paris ou Genève. En 1856 trois familles de Villar
Pellia partent pour l’Uruguay, fondant une « colonia valdese »
qui couvrira le nord de l’Uruguay et l’Argentine. Les colons italiens arrivent
aux Etats-Unis, fondent une communauté « valdese » en
Caroline du Nord ; New York est atteinte. Quelques amis me rapportent qu’il
existe encore de nos jours une communauté vaudoise à Kingston,
dans l’état de NewYork qui parle parfaitement le français.
L’émigration vers
l’Afrique du Sud élargit cette diaspora. [77]
La Population
de Bellino subit une crise.
Le
14 mars 1837,
- RICHARD Jean Antoine, dit Trousset, feu Bernard, 47 ans
- RICHARD Jacques Antoine, (dit la Font), feu Antoine, 45 ans
- BRUN Jacques Antoine, feu Antoine, 37 ans
- ARNAUD Antoine, feu Simon, 50 ans
- LEVET Antoine, feu Antoine, 30 ans, et de Maria Richard, 40 ans
- ESTIENNE Jean Baptiste fils de Mathieu, 31 ans
tous père de famille, furent tués par une grande coulée
de neige au retour du marché de Venasca,
dans le Beal au levant de St Joseph, paroisse de Saint Jacques; Le 18 marrs
ils furent ensevelis dans le
cimetière de Saint Jacques et registrès dans le livre
des défunts de cette paroisse par Allais, prieur de la paroisse.
La période 1840 – 1856 est marquée par une mortalité
importante, comme le montre la figure suivante. Ce phénomène
n’existe pas dans les autres régions des Alpes occidentales. Les
seuls documents disponibles parlent de « fièvres » et de
« famines » sans indications plus précises. Quelques actes
de décès donnent la cause de la mort : tuberculose, pneumonie,
mort subite ou mort accidentelle. Il semble que la haute vallée
Varaita subit une épidémie en cette période de forte
population et de carences alimentaires. La mortalité périnatale
qui oscille autour de 10 à 12% pendant tout le XIXe siècle,
monte à 20% entre 1840 et 1850.
On estime la décroissance de la population à 70 ou 80 personnes
pour Bellino. Autour de 1.020 à 1.030 personnes habitent aux hameaux
autour de 1840. Ils ne sont plus que 950 à la fin de cette période.