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LES ETRANGES PERSONNAGES DES CARNAVALS DE MONTAGNE
DANS LA BEHO DE BLINS



                                                                                                 J.L. BERNARD – Janvier 2015


Le dictionnaire définit le carnaval comme le temps de divertissement compris entre l’Epiphanie et le Mercredi des Cendres.
Plus savamment, le mot trouverait son origine dans CARNE LEVAMEN ou CARNIS LEVAMEN c’est-à-dire, pour faire allusion au Carême, du temps où l’on enlève l’usage de la chair.
Les carnavals des régions alpines (Autriche, Suisse, Val d’Aoste, Piémont, Alpes du Sud de la France, Alpes Slovènes)
Dans la chaine alpine existaient autrefois de nombreuses mascarades d’hiver tantôt tombées en désuétude, tantôt ranimées pour des raisons touristiques ou simples prétextes à réunir des communautés dispersées par l’émigration rurale.
L’intérêt pour ces manifestations pourrait s’arrêter à ces deux aspects si elles ne mettaient en œuvre des personnages et des rituels étonnants assez similaires d’une vallée à l’autre.

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Beaucoup de théories explicatives, de nombreuses interprétations sont nées des réflexions des folkloristes et des ethnologues.
Le Musée International du Carnaval et du Masque de BINCHE en Belgique s’est donné pour mission d’étudier le champ des traditions carnavalesques et des usages du masque.
Souvent, les populations locales ont élaboré leurs propres légendes, leurs propres mythes explicatifs, parfois elles y ont intégré les explications « savantes » proposées par quelque érudit local.
Les raisons de ces similitudes échappent pour l’instant à toute compréhension : s’agit-il de la survivance des rituels enracinés dans quelque population primitive (à l’identique des noms de montagnes) ou d’apports venus des plaines au moment du repeuplement au XI° siècle ?

Un article de Michel REVELARO résume assez bien les caractéristiques de ce qu’il désigne sous le terme d’ancien carnaval :
« Il s’agit de sorties masquées de jeunes gens parfois rassemblés au sein de sociétés dont les filles sont exclues et les rôles féminins tenus par des hommes.
Ces sorties s’accompagnent de grands tapages avec cris, cloches, grelots, crécelles, de mâchurages, d’attouchements, d’aspersions, de brutalités, de farces, de visites de maisons, de danses avec les femmes, parfois de scénettes satiriques, comiques, à connotation sexuelle.
Souvent les masques y sont muets. Ils prennent la forme d’un cortège de mariage avec tournées de quête, visites de maisons, échange de nourriture et de boissons.
Des personnages traditionnels du vieux carnaval y sont toujours représentés, par exemple l’ours, l’homme sauvage, l’homme de paille, le couple du vieux et de la vieille.

Le sens de la fête reste enraciné et juxtapose signification païenne et chrétienne.
Plus tard, cet ancien carnaval a évolué et introduit çà et là de nouveaux personnages ».


I - La Beho de BLINS et SAN PEYRE


Cette définition correspond assez bien à la Beho de BLINS ou de SAMPEYRE qui intègrent un certain nombre de personnages ou mises en scène de ces « anciens carnavals ».
Suivant la légende locale, cette fête commémorerait la victoire des habitants de la vallée sur les Sarrazins venus des cols barrant le haut de la vallée.
Comme l’explique Michel REVELARD, les fêtes d’autrefois conduisaient à des débordements qui ne pouvaient être maîtrisés qu’au travers d’un service d’ordre confié aux organisateurs de la fête, les Abbés de la Jeunesse, d’où le nom de ABBADIE ou BEHO.

La  BEHO de BLINS met en scène de curieux personnages et rituels dont l’origine échappe à toute compréhension et , hormis la présence de bien pacifiques « sarrazines »,  étonnamment  étrangers à une invasion militaire , notamment  celle évoquée par la légende . 
Un colloque tenu à AOSTE en Janvier 2002  réunissant  une équipe de spécialistes a pu se pencher sur la problématique des carnavals de montagne,  contribuant à apporter des éclairages intéressants  au travers d’ importantes  mise en commun de données nouvelles.
 
A BLINS (Bellino) le carnaval débutait par la fête de Saint Antoine :

Le visage masqué par une grosse barbe, paré d’un grand chapeau, d’un manteau de berger et d’un bâton muni d’une clochette, notre Saint Antoine accompagné comme il se doit par un comparse tenant un panier figurant l’ermite ainsi que par un complice en haillons et au visage teinté incarnant l’inévitable porc.
Ainsi accoutrés, les trois complices circulent de maison en maison ou plutôt d’étable en étable où se réfugient les habitants en ces mois de grand froid.
Saint Antoine frappe à la porte, pénètre dans la pièce, bénit les animaux pendant que le « puerc » s’échappe à quatre pattes, gribouille les filles et vole les œufs qu’il peut trouver.
Le soir, tout le monde se réunit autour d’une grande omelette. ( peut-on rechercher un symbole solaire ou autre  attaché à ce mets rond et jaune )

Quelques jours plus tard s’ébranle le défilé proprement dit de la Beho qui, venu du haut de la vallée, s’efforce de descendre de hameau en hameau.
En tête viennent de jeunes garçons nommés « Piccounier » portant coiffes d’enfants ornés d’une dentelle en crin de cheval, chemise d’homme et deux grandes cloches de vaches (i picoun) en bandoulière sur la poitrine.
Leur rôle consiste à rechercher les barrières disposées par les habitants dans les rues des hameaux traversés.

Viennent ensuite
-    Les fameuses « Sarrazines » sautillantes, également vêtues de blanc, le visage caché par de multiples rubans et portant à la ceinture de nombreux grelots ;
-    Le vieux à la voix caverneuse, toujours vêtu de blanc, au masque grimaçant, à la bouche garnie de dents de marmotte et portant un surprenant et hétéroclite attirail : raquettes à neige, chaussures d’enfants, filet à foin, rien ne manque ;
-    La vieille (la vielho) vêtue de l’inévitable coiffe, tablier et gounello ;
-    Le docteur équipé de sa trousse de secours et seul à s’exprimer en Piémontais ;
-    Gardé par un gendarme en bicorne et livrée rouge, un turc barbu au couvre-chef orné de miroirs, terrorisé à la vue du moindre édifice religieux, harcelant les filles avec une queue de marmotte et incapable de s’exprimer autrement que par d’incompréhensibles « blm, blm » ;
(on aura reconnu sans grande difficulté une version locale de l’homme sauvage aux gestes désordonnés auquel fait allusion Michel REVELARD) ;
-    Gardé par un soldat en uniforme de chasseur alpin, l’inévitable arlequin au costume blanc orné de rubans entrecroisés, toujours prompt à gribouiller le visage des demoiselles ;
On reconnaitra sans peine le roi de la mythologie germanique HERLA (Erlkonig) à l’origine d’un diable nommé HELLEQUIN qui donna la variante HARLEQUIN (ARLEQUIN) passé en italien sous la forme ARLECCHINO repris dans la Divinia Commedia.
De tous temps aux carnavals et aux charivaris sera associée la diabolique figure de Hellequin, allitération de Helleking, roi de l’enfer.
-    Viennent ensuite des sapeurs aux fières moustaches vêtus de redingote noire portant chapeau haut de forme et une hache effilée ;
-    Le cadet et l’épouse qui pourraient bien donner à ce défilé l’allure du cortège nuptial évoqué en d’autres occasions par Michel REVELARD.

D’autres personnages suivent encore :
-    Le Monsieur et la Dame, un couple de bourgeois,
-    Le Gingolo, sorte de bouffon,
-    Les porteurs du « Chichou » (en italien ciciù), sorte de poupée de chiffons géante destinée à être brûlée le soir de Mardi Gras.

Alertée par les « piccouniers » la troupe, partie du plus haut hameau, se dirige vers la première barrière que les sarrazines franchissent et refranchissent en sautillant.

Le vieux s’avance et entreprend sans ménagement l’auteur de l’obstacle :
-    « Pourquoi ne veux-tu pas me laisser passer ? »
-     « Parce que je ne te connais pas, d’où viens-tu ? »
                        Etc …

-    « Comment as-tu fait pour avoir autant d’enfants ? »
-    «  Ce n’est pas de ma faute, mais de ma pouilleuse de vieille épouse »
Etc…

Apparaissent ici les connotations sexuelles observées en d’autres lieux par Michel REVELARD.
Au terme d’une longue palabre, autorisation est donnée aux sapeurs de tailler le tronc d’arbre disposé au travers de la ruelle.
D’après certains chercheurs tels André CARENINI, la présence de sapeurs vêtues de beaux costumes et prisant une pincée de tabac revêtirait une grande importance.
Ce sont en effet des personnages importants et inquiétants ; depuis la vulgarisation de la poudre à canon, ce sont des bûcherons artificiers qui s’occupent de miner les souches peut-être habitées par des génies du terroir pour qu’elles éclatent et se brisent en morceaux faciles à extraire.

Parmi les signes distinctifs, nous trouvons la hache, la scie et la pipe à tabac qui permet d’entretenir à portée de mains le moyen d’allumer la mèche.
La barrière s’effondre à la grande satisfaction de tous pour laisser place à un bal improvisé.
Le vieux invite la vieille à danser le « calissoun ».
Fourbue par le grand âge, la vieille s’effondre.
On fait appel au médecin qui, après quelques mimiques, brandit une poire à lavements dont il asperge l’assistance.
Puis l’on se restaure au buffet disposé en plein air par l’auteur de la barrière et l’on repart vers les hameaux suivants.
Parvenu à la dernière barrière le turc, qui s’est choisi un parrain, reçoit enfin le baptême en langue française, commence à converser en dialecte et accepte de trinquer en bon chrétien : « Demain tu seras comme nous, tu pourras danser la gigue et parler a Nosto Modo (parler local) »

Le soir du Mardi Gras, le « Chichou » (pantin géant de chiffons) est brûlé comme il se doit.

Plus tard, le Vendredi Saint, quelques compères se travestissent en « Manin », sorte de colporteurs à mauvaise réputation qui proposent leurs services d’étameurs de vallée en vallée.
Leur visage est teinté de noir, trainant une luge ils portent sur leur dos dans une hotte tout le nécessaire à étamer.
Ils pénètrent dans les étables, s’installent par terre, creusent un trou dans le sol feignant d’allumer un foyer pour réparer la vaisselle de cuivre.
S’efforçant d’attiser ce feu imaginaire, ils brandissent un soufflet rempli d’eau dont ils aspergent généreusement l’assistance.
Ensuite, les Manin dévorent gloutonnement avec leurs mains la polenta préparée par leur hôte sur un linge blanc.
On sort la tomme, le seras, le rescassot et autres fromages pour un repas pris en commun où chaque Manin s’efforce de dégoûter les autres convives par leur inqualifiable comportement.



II - La BEHO : chasser l’hiver en attendant le printemps

Les rituels et personnages de la Beho n’ont pas laissé indifférents les chercheurs qui proposent diverses interprétations.
Un colloque tenu à AOSTE en Janvier 2002 a réuni une équipe de spécialistes pour parler des carnavals autour d’une importante mise en commun de données nouvelles.
Le Carnaval serait ainsi une émanation des Bacchanales, des Lupercales, des Saturnales… Ces fêtes antiques avaient pour caractéristiques d’être licencieuses avec festins, danses et déguisements. 
Durant les Saturnales en Février, l’ordre du monde s’inversait avant le retour à la vie du printemps, les maîtres devenaient un court instant les serviteurs de leurs esclaves.
Pendant les Upercales, les prêtres déguisés en chèvres fouettaient les femmes pour assurer fécondité, richesse et prospérité au groupe.

Ces rituels ne sont pas anodins, ils rappellent constamment le caractère cyclique de la vie, la succession des périodes de vie et de mort, la renaissance par la succession de périodes d’abstinence et de débauche que celle-ci soit alimentaire ou sexuelle.
Dans les régions alpines, l’hiver était considéré comme une période clé dans l’écoulement du temps : la nature qui mourrait, le jour qui ne cessait de diminuer jusqu’à la nuit la plus longue du solstice d’hiver, étaient attribués à des puissances malignes, des démons qu’il convenait de combattre par des usages magico-religieux.
Cette période était considérée comme propice au retour sur terre des âmes des ancêtres, de processus divinatoires auxquels était liée la visite nocturne des masques.
Leur passage dans la maison devait assurer la protection des hommes, de la maison, des animaux, des cultures, refouler les influences néfastes, les mauvais esprits, favoriser le passage d’une année à l’autre, d’une saison à l’autre.

Parallèlement, il s’agissait d’invoquer les bons esprits qui incarnent la lumière et la vie et soutenir ceux-ci dans leur lutte contre le mal.
C’est ainsi que le milieu de l’hiver donna naissance à de nombreuses pratiques rituelles dont quelques unes trouvent semble-t-il leur prolongement liturgique : les jours de fête de l’Eglise se seraient superposés à des pratiques antérieures, les revêtant d’un manteau chrétien jusqu’à refouler à l’arrière plan ou en altérer la signification première.
Selon la tradition locale, les mauvais esprits doivent être chassés et avec eux bien entendu également l’hiver indésirable.
Les personnages censés symboliser l’hiver doivent ainsi être chassés par ceux incarnant le printemps.
Chacun d’entre eux est porteur d’une symbolique particulière et le rôle attribué à nombre d’entre eux consiste à chasser les esprits maléfiques grâce au vacarme des grelots et des énormes cloches de vaches.
Il est bien difficile d’avancer des hypothèses et d’attribuer à chaque personnage de la Beho un rôle précis.


III - Le rôle caché des personnages de la BEHO

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Le Cadet et l’Espouso
Ces personnages muets et discrets rappellent la parenté qu’il existe entre le carnaval annonciateur du printemps et le cortège nuptial.
 
Le Turc
Sans parenté visible avec les sarrazines, le turc incarne l’homme sauvage présent dans tous les carnavals de montagne.

Les Sarrazines
La tradition locale voudrait que la Beho célèbre la victoire des habitants de la vallée sur des incursions de pillards repoussés en 936 par Otton I° Empereur du Saint Empire Germanique.
La réalité est plus complexe.
En fait, le terme ethnique de Sarrazin a servi à désigner les païens en général.
Ainsi, en 925 les pillards qui traversent les Alpes étaient en réalité des Hongrois n’ayant aucun rapport avec les Maures.
Dès le deuxième tiers du XV° siècle circulent un peu partout en Italie du Nord et en France des « Sarrazins du Pays de l’Egypte » qui ne sont autres que des Tziganes ou Bohémiens.
Les Sarrazins qui franchissent les cols et traversent les territoires en toutes saisons sont les seuls capables de survivre en territoire hostile et sont donc forcément complices du démon.
Au sein des vallées alpines, un amalgame associé le souvenir de tous ces êtres malfaisants aux esprits diaboliques de la montagne, vivant dans des grottes, creusant des mines et construisant des ponts.

Les Manin (étameurs du Vendredi Saint)
Le Manin est issu du mot celtique MAGNA désignant le cuivre.
A l’honnête métier de paysan en montagne, cultivant la terre et élevant des bêtes, s’opposent les ambulants sans profession véritable : des gens qui n’ont ni feu ni lieu et qui fréquentent l’espace sauvage en toutes saisons.
Les Manin sont de véritables charlatans, souvent venus de régions lointaines comme la Hongrie, parlant un langage que l’on ne pouvait pas comprendre.
Tous sont rôdeurs, fripons, tricheurs, fainéants et ne vivent que de rapines.
 Pour nos montagnards, la danse reste l’expression première de la culture et de la civilisation.
La sauvagerie est l’absence de rythme et de grâce, elle s’exprime toujours par des mouvements désordonnés et surtout par de très grandes enjambées.
Bien entendu les esprits de la terre, devenus diables avec le christianisme, peuvent revêtir n’importe quelle apparence y compris l’apparence humaine, mais malgré la qualité de leurs déguisements ils seront toujours trahis et démasqués par leurs mouvements désordonnés et une totale inaptitude à la danse.

Le Vieux, la Vieille
Le Vieux demeure le personnage central de la Beho.
Seul personnage doté de la parole, il porte un masque grimaçant à la bouche garnie de dents de marmotte.
Vêtu d’une chemise de toile blanche, il porte l’équipement nécessaire aux déplacements en haute montagne (raquettes à neige, bâton, chaussures cloutées) mais aussi des chaussures d’enfant.
Il invective son épouse à laquelle il reproche un trop grand appétit sexuel.
« Avec son masque en bois, ses dents de marmotte, ses longs poils blancs, ses raquettes et son long bâton pour avancer dans la neige, le vieux revient de l’espace sauvage où demeurent les esprits démoniaques.
En voulant rentrer au village, il est arrêté par la barrière qui entrave la voie.
Comme il a vieilli d’un coup, ses voisins ne le reconnaissent plus.
La discussion s’engage de part et d’autres de l’obstacle constitué par le tronc d’un arbre posé au sol.
Lorsqu’il pourra enfin pénétrer dans le village grâce à l’intervention des sapeurs, la vieille son épouse s’écroulera terrassée par ce qui semble être une fausse couche » (André CARENINI)

Cette scène laisse apparaître une nouvelle signification de la Beho.
« En hiver tout déplacement hors du village d’altitude nécessite la traversée de territoires incertains, de vastes étendues non occupées régulièrement par l’homme. Or, c’est précisément là que sont installés les génies du terroir, premiers occupants du sol, là qu’ils reprennent périodiquement leurs droits et leurs aires, notamment durant la période hivernale.
Néanmoins, le paysan montagnard était parfois obligé de se rendre en hiver jusqu’à une de ses granges d’alpage pour récupérer le foin entreposé.
Bien entendu, on ne peut faire intrusion innocemment dans un monde et dans un temps qui n’ont plus rien d’humain à certaines périodes de l’année. On ne pénètre pas impunément dans un univers où les seuls animaux qui arrivent à survivre sont à l’évidence investis de capacités qui dépassent l’homme (tels la marmotte ou le chamois).
Cet autre temps se joue des saisons, se moque du sommeil quotidien et du vieillissement régulier.
Tout humain qui y pénètre en ressortira violemment propulsé vers le terme de sa vie et offrira d’apparence d’une personne âgée.
Le contact avec cet autre monde sera méconnaissable, sénile et fourbu, du moins en apparence car l’intrus a gardé une certaine vigueur sur le plan sexuel » (André CARENINI)

Les Sapeurs, portiers de l’autre monde
Selon Pline l’Ancien, « les arbres furent les premiers temples des divinités ».
Depuis la vulgarisation de la poudre à canon ces sont des bûcherons artificiers, c’est-à-dire des sapeurs, qui s’occupent de miner les souches pour qu’elles éclatent et se brisent en morceaux faciles à extraire.
Ce sont ces mêmes sapeurs qui étaient seuls capables de briser les gros rochers tombés dans un champ, étant entendu que les génies du terroir ne supportent pas que l’homme puisse produire à son tour des explosions et des déflagrations.
En carnaval, ce sont les sapeurs qui coupent le tronc d’arbre couché en travers de la route pour barrer le passage au cortège parmi lesquels se trouve le couple de mariés.
Ils ouvrent ainsi un passage entre deux mondes : celui de l’immensité figée par le gel et la neige et celui de l’espace domestique villageois où l’eau des fontaines reste courante.

Les Barrières
Elles matérialisent la frontière hybride pour délimiter les mondes.

Le groupe carnavalesque ou la bande des villageois déguisés est traditionnellement composée de divers personnages tels que le vieux, la vieille, le turc, l’arlequin, etc…
Toutes ces figurations proviennent de l’état sauvage soit par nature, soit parce qu’ils y ont pénétré.
L’introduction ou le retour dans l’espace humain ne peut se réaliser qu’en franchissant les passages ouverts par les sapeurs.


CONCLUSION


La BEHO de Blins, que la tradition locale voudrait rattacher aux invasions sarrazines du 10° siècle revêt bien d’autres aspects.
Aucun indice ne permet d’attester de telles incursions en Val Varaita.
En revanche, la Beho met en scène de nombreux personnages que l’on retrouve dans bien d’autres vallées.

Comment ces figures se sont-elles transmises de vallée en vallée alors même que certaines n’avaient aucun contact les unes avec les autres et ne parlaient pas la même langue ?
Quelle est donc l’origine réelle de tous ces personnages vêtus de blanc et faisant tinter leurs sonnailles pour écarter les mauvais sorts des génies du terroir ?
Nous avons tenté d’y répondre à la lumière de recherches conduites par de nombreux spécialistes qui nous livrent quelques réponses.

Peut-être n’avons-nous réussi qu’à soulever de vaines polémiques ?
Le débat n’est pas clos, mais une chose est certaine, de nos jours la Beho reste une belle fête populaire réunissant des communautés dispersées par l’effet de l’émigration.

Puisse-t-elle constituer le ferment d’un renouveau pour nos vallées aujourd’hui devenues de véritables déserts.


Bibliographie :    CARNAVAL DELLA MONTAGNA
        (Aosta Colloquio Internazionale 12.01.2002)
        VOYAGE AUTOUR DES CARNAVALS
        (Priuli e Verlucca Editori 2003)



   
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