Mise à jour 4/05 Copyright JG © 2005

 - Le Col de l'Autaret ou
     Histoire de Bellino
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 - Bataille de la   Battagliola
    1743-1744
 - Blason de Bellino

 - Breve cronologia della
 Castellata E de l' Escartoun
   de CHASTEL DELFIN
      (Italiano)
 - Brève chronologie du
 Castellar et de l' Escarton de
  CHÂTEAU DAUPHIN

 - République de Briançon (F)
 - Republica di Briancon (It)

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Chapitre X. La Féodalité .

        Le pouvoir central se pulvérise en de multiples pouvoirs régionaux, locaux, seigneuriaux. La “seigneurie” apparaît sous plusieurs formes : 

  • “Foncière”,  elle se fonde sur la répartition du sol et les paysans doivent des corvées (labours, récoltes, transport) et une redevance fixe annuelle (le cens).
  • “Banale”, elle résulte de l’accaparement des prérogatives judiciaires du roi, à la faveur de l’éclipse de son pouvoir, et entraîne des impôts, la taille et des droits de péage. Ces deux types de seigneurie peuvent s’ajouter ou bien se répartir sur plusieurs seigneurs, resserrant ou desserrant l’étau féodal sur les “manants”.
        “L’oppression féodale puis seigneuriale dans les Alpes est moindre qu'en plaine. Elles n'ont pas échappé à cette organisation contraignante mais, sans doute grâce a une combinaison de facteurs naturels (le relief protecteur), humains (l'esprit d'indépendance des “Ligures” était connu par les romains),  économiques (moindre pression des puissants sur des terres difficiles et pauvres), elles en ont subi des effets atténués.” On verra la république des Escartons briançonnais, qui est une bonne illustration de cette résistance à la féodalité. “La propriété directe des seigneurs était moins étendue : d'après la Révision des Feux,  B. Bonnin l'évalue à moins du quart dans le Dauphiné montagnard, contre le tiers et jusqu'à la moitié dans la partie nord du bas Dauphiné, proche de Lyon. En Savoie, le cadastre souligne aussi l'étendue de la propriété roturière.  En montagne enfin, les communautés avaient su défendre, contre les empiétements seigneuriaux, d'immenses communaux,  forêts, alpages, landes. Le poids des privilèges était donc un peu moins lourd, ce qui n’empêchait nullement de profondes inégalités à l'intérieur du Tiers-Etat entre paysans riches, aisés, pauvres et misérables.” [20] 
        Le pouvoir se partage entre noblesse et clergé ; les abbayes exploitent encore plus les serfs que les seigneurs.

Voir les traces de l'art roman en Castellata.
        Au XIe siècle, la hiérarchie féodale s’impose : au sommet, l’empereur ; au deuxième niveau, le comte souverain qui rend hommage à l’empereur ; au troisième niveau, le Margraff ou marquis, commandant les troupes et défendant les frontières de l’empire ; au quatrième niveau, le comte-juge placé dans un chef lieu pour rendre la justice au nom de l’empereur. ; vient ensuite l’archevêque, prince spirituel et temporel d’un diocèse, rendant l’hommage à l’empereur, puis l’évêque dépendant de l’archevêque ; au septième niveau, le haut-baron, du mot « bart » qui signifie fort, vaillant, chef de guerre et d’une baronnie supérieure, rendant hommage au comte ou à l’empereur et vivant de ses fiefs ; au huitième niveau, l’abbé, chef d’une abbaye ou d’un ordre religieux. 
        La hiérarchie inférieure est formée de petite noblesse, de petits barons, dite Ordre Equestre. Puis les Capitaines, futurs chevaliers ; enfin, des hommes libres, hommes d’honneur ou compagnon de guerre, des vilains ou villageois, affranchis et propriétaires. 
En dernier, les serfs, nombreux, voués aux travaux des champs et qui doivent tout à leur seigneur. [72]. 
Naissance des états.

         L’essor de la féodalité dans notre région provoque des fortunes diverses : certains seigneurs plus habiles ou mieux placés s'imposent aux autres et prennent la tête de territoires de plus en plus vastes. 
         Du côté français des Alpes, le pays se structure autour de trois véritables Etats : du nord au sud, la Savoie, le Viennois qui deviendra plus tard le Dauphiné, et la Provence. Nous verrons que la Castellata ferra partie du Dauphiné et de la Savoie.

Le Dauphiné.        Le petit village de Vion (Ardèche), sur la rive droite du Rhône, près de Tournon, est le berceau des futurs dauphins. Cette famille, par l’usage de la force et par d’habiles alliances matrimoniales, accroît sensiblement ses biens. Les seigneurs de Vion sont suffisamment en vue pour retenir l'attention de l'archevêque de Vienne lors des circonstances bien  particulières que voici : la reine Hermangarde, femme du dernier roi de Bourgogne Rodolphe III, âgée et sans héritier, cède en 1029 à l'Eglise de Vienne gouvernée par l'archevêque Brochard, le comté de Viennois qu'elle tenait de son époux. L'archevêque, “se sentant lui-même proche de la mort” ne conserve sous son autorité directe que la ville de Vienne, et partage aussitôt le comté entre deux seigneurs à qui le lie une parenté assez proche et dont la force lui inspire confiance. A son beau-frère Humbert aux blanches-mains, il inféode la partie nord, en direction de Genève ; à Guigues le Vieux, sire de Vion, la partie sud, sur la rive gauche du Rhône. Ainsi naissent deux états féodaux qui vont devenir des frères ennemis : la Savoie et le Dauphiné [55]. 

 Origine du nom “dauphin”.

        Guigues III, comte d'Albon, époux de la reine Mathilde  a pour  fils  Guigues  IV Dauphin, en 1106. Tous ses successeurs portent ce titre et le “Comté” (Comitatus) devint “Dauphiné” (Delphinatus). L’origine du nom Dauphin est incertaine : le terme de  “Dalphinus” utilisé comme prénom aussi bien en France qu'en Italie (le féminin Delphine est toujours en usage), serait devenu un surnom mettant en valeur la signification symbolique de “fier, puissant par la grâce de Dieu”. Les parents du jeune Guigues Dauphin auraient voulu par ce titre cacher I'infériorité de leur qualité comtale au regard de celle de marquis porté en Italie par le comte de Savoie. 

        C'est donc  volontairement que le surnom “dauphin” serait devenu un titre et aurait engendré le Dauphiné. De plus, le titre “dauphin de Viennois” fait référence au Viennois, plus important que le comté d’Albon.[55] 
        Guigues  le  Vieux  s'implante  solidement  dans  ses nouveaux domaines et les étend. C'est lui sans doute qui prend le titre de comte d'Albon. Très vite, un concours de circonstances favorables lui indique les objectifs à poursuivre.  L'empereur germanique Henri III (dans la mouvance duquel se trouvent, rappelons-le, les domaines de Guigues) lui donne en 1033 l'investiture du Briançonnais, à cheval sur les Alpes. 

         Il s'agit donc de relier les territoires rhodaniens au fief alpestre en maîtrisant les régions intermédiaires, et de favoriser la circulation par le Mont Genèvre. Comme Humbert, le savoyard, a reçu de la même main la Maurienne et le Mont-Cenis, le parallélisme des deux états se poursuit, comme s'aiguise leur concurrence de portier des Alpes.[55] 

La Savoie.

        La Maison de Savoie débute, en 1040, favorisée par des princes de valeur, comme Humbert Ier (Humbert Blanche-Main). Au XIeme siècle, les possessions originelles de la Savoie sont limites au sud de Chambéry. 
        La faiblesse du royaume de Bourgogne explique les débuts de la Maison de Savoie : la première référence à « Humbert, comte » apparaît en 1003 dans une concession faite par l’évêque de Belley. Bien en cour depuis 1009 au moins, le comte devient conseiller de la reine et prend possession de terres, entre 1014 et 1016, dans le futur comté de Savoie : Aix, Miolans semblent faire partie de ces acquisitions. Un peu plutard, en 1025, Humbert Ier prête serment pour les comtés de Viennois, Bugey et Sermorens. 
        Des rapports de vassalité s’établissent peu à peu entre l’empereur germanique et le petit royaume de Bourgogne-transjurane, jusqu’à ce que l’empereur Conrad II reçoive la couronne de Bourgogne. La Savoie entre alors dans l’orbite du Saint Empire romain-germanique : à la mort de Rodolphe III (933-1032), en Bourgogne, une véritable guerre de succession oppose Conrad II et un autre Rodolphe, dit Eudes de Blois. Le comte Humbert est du côté du vainqueur, Conrad, et il tire parti de la reconnaissance du nouveau roi. 

        Humbert, dont le fils, on l’a vu, épouse une marquise de Suse, s’ouvre la voie de l’Italie. 

        En 1032, il devient comte du Chablais et en 1043, de la Maurienne. Il semble aussi qu’il possède déjà quelques terres en Tarentaise. 

        Ainsi, dans la première moitié du XIe siècle, et grâce à un ferme soutien à l’empereur, Humbert Ier parvient à réunir une large bande de terres qui va du Rhône aux versants italiens des Alpes. 
        En 1063, la Savoie perd Exilles et Fenestrelle au Mont Genèvre, au profit du Dauphiné. Berthe de Savoie, se marie avec l’empereur allemand, poussant ce pays, à nouveau vers l’Italie. La Savoie s’étend du Bugey au Grand St Bernard et jusqu’à la Doire. 

        Nous voilà bien loin de nos vallées alpines et du col de l’Autaret ! Pourtant, nous allons suivre l’ascension de cette Maison de Savoie pendant sept à huit siècles, jusqu’à ce qu’elle devienne maître de nos vallées [67]. 

La Provence.

        La Provence, elle aussi suit le destin du royaume de Bourgogne et entre dans l’orbite du Saint Empire germanique. 

Dans les Alpes,

        Les Alpes subissent des alternances de sous-peuplement (calamités de toutes sortes) et de surpeuplement, les défrichements de terrains médiocres (essarts) révélant alors un besoin en terres. 
        Les serfs sont exploités par abbés et barons. Alors que du côté italien et dans la plaine piémontaise, ils connaissent une pression un peu moins forte et goûtent leurs premières libertés, du côté savoyard, leur vie est plus rude. Serfs et vilains des terres abbatiales de Savoie désertent, traversent les monts et sont bien reçus par leurs frères affranchis du Piémont. 
        La circulation, dans les cols alpins devient plus importante. En décembre 1077, l'empereur des Allemagnes, Henri IV, révolté contre le pape et excommunié, se hâte avec sa cour vers Canossa où l'attend l'agréable corvée de faire, pieds nus, amende honorable. En 1174, une autre barbe d'empereur, cette fois rousse, celle de Frédéric 1er, Friedrich Rotbart, apparaît aux horizons. 

L’origine des noms de lieux de nos vallées alpines.

        C Allais nous indique, dans son ouvrage, les premières références apparaissant dans les documents du XIe siècle. 

        Une carte antique porte l’inscription de « Vracta » et de « Valle Varaitana » et un diplôme de l’empereur Frédéric Barberousse, du 26 janvier 1159, nomme le Val Varaita « Vallis Vallactana », donc vallée du lait. 

        La haute vallée Varaita, divisée en trois cantons, Casteldelfino, Pontechianale et Bellino, sous le gouvernement du marquis de Saluces, prendra le nom de « Castellania », lors de son incorporation au Dauphiné, et par légère déformation, deviendra « Castellata». 
Pour le moment, nous n’en sommes pas encore là : le Val Varaita n’appartient ni au Dauphiné, ni à la Savoie, encore moins à la Provence. Le Val Varaita et Bellino font partie du marquisat de Turin. C Allais, lui, indique une appartenance au comté d’Auriate. 

Casteldelfino : d’abord appelé « Vellaut » ou « Villalt » ville haute, vers le IVe ou Ve siècle, la ville devient Villa S. Eusebio vers le Xe siècle. En 1336, Umbert II, dauphin de Vienne y fait construire un château et l’appelle « Castrum Delphini », qui est à l’origine de Casteldelfino

Pontechianale : un document de 1247 cite Torre di Pont : c’était un village très peuplé et très antique. 

Chianale doit son nom à son canal large et profond qui coupe le village en deux, laissant s’écouler les eaux de la Varaita. Il faut attendre 1459 pour que Ludovic de Romagne, évêque de Turin, regroupe les deux communes de Pont et de Chianale pour former une paroisse. La partie ancienne de l’église fut construite en 1461. 

Bellino : le nom peut être considéré comme un diminutif de « bello », mais sa position topographique par rapport à Casteldelfino ou Pontechianale ne répond pas de façon adéquate à une telle interprétation. Il paraît plus probable que l’origine vient du latin « Belluinus », terre de bons patûrages pour les moutons. Ceux-ci, passant l’été sur les hauts patûrages, étaient très renommés pour leur viande et leur laine. De « Belluinus » s’est dérivé « Bellinus », puis Bellino

        A cette époque (1039), le comte d’Albon reçoit ou achète donc le Briançonnais, alors fief de l’empire, avec Oulx, Exilles, et l’annexe au Viennois [52]. 

        Du Col de l’Autaret, nous voyons le Dauphiné s’étendre et se rapprocher.


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