Chrétienne
, issue de Lorraine, est orpheline de père en 1559. Elle épouse
en 1571 Antoine de Blanchefort, héritier des Créquy. Elle
lui donne un fils, Charles, est veuve peu après. Elle se remarie
en 1578 avec François-Louis de Montauban d'Agoult, comte de Sault,
d'une grande famille de Provence, riche et bien en cour. Le couple vit surtout
à Paris et au château de Savigny-sur-Orge. Chrétienne
met au monde plusieurs enfants dont la plupart meurent jeunes. Jeanne naît
en 1581, Louis en 1583, Jean-Louis, né en 1584, ne vivra que trois
ans. Le comte participe à quelques combats en Provence. Beau-frère
d'Hubert de Vins, chef des ultra-catholiques, qui a épousé
sa soeur, il rejoint son armée et meurt devant Sisteron en 1586. Chrétienne
est alors sur le point de lui donner un fils, Philippe. Elle se fait nommer
tutrice au début de 1587, et choisit comme subrogé tuteur
Anne de Joyeuse, favori du roi. Quand il meurt au combat, en octobre de
la même année, Chrétienne demeure seule tutrice.
Elle se voue aux intérêts de ses enfants mais reste à
l'aguet des affaires du royaume. C'est elle qui prévient son beau-frère
Hugues de Vins, alors à Marseille, que le roi a fait assassiner
les Guise et l'incite à entrer en rébellion. Elle se rend
ensuite en Provence, officiellement pour la gestion des biens immenses
laissés par son mari à ses enfants, mais aussi pour jouer
un rôle politique. D'Aix, où elle habite, elle commande les
garnisons veillant sur les places-fortes des Agoult et rassemble les chefs
de la ligue, au premier rang desquels Hugues de Vins. En juin 1589, elle
galvanise les énergies des Aixois pour résister aux huguenots
qui menacent la ville. Lorsque, après l'assassinat d'Henri III (1
er août 1589), Henri de Navarre devient roi, les ligueurs provençaux,
dont Chrétienne est l'égérie, font appel au duc de
Savoie. Hubert de Vins prend la tête de leur armée, Chrétienne
dirige les opérations depuis Aix. Vins est tué le 20 novembre.
La comtesse de Sault choisit son successeur. Son ascendant est reconnu par
les consuls qui lui font hommage, cette année-là, de la bûche
de Noël. Elle réussit à vaincre ses ennemis à l'intérieur
de la Ligue, avec le soutien du peuple aixois. Mais le duc de Savoie, invité
au Parlement de Provence, se fait attendre. Alliance est faite avec Philippe
II d'Espagne. Chrétienne échoue à faire élire
consul à Marseille son partisan Charles de Casaulx, mais reçoit
enfin Charles Emmanuel de Savoie à Aix, en novembre 1590. Les ligueurs
nomment le duc gouverneur de Provence. La guerre fait rage dans un hiver
implacable. Le sort des armes paraît défavorable : Charles
Emmanuel part chercher le secours de son beau-père, Philippe II.
L'un des seigneurs embarqués avec lui apporte secrètement
d'autres propositions de la comtesse ; la Provence serait indépendante,
sous la suzeraineté de Philippe II, le duc de Savoie prendrait le
Dauphiné où les huguenots se rassembleraient. Le roi d'Espagne
met une condition au financement de ce projet : il aurait Arles, Toulon et
Marseille. Chrétienne renonce alors et se brouille avec le duc de Savoie
qui la fait prisonnière. Elle s'évade (1592).
Peu après, c'est la fin de l'aventure ligueuse, le retour vers
Paris et le château de Savigny-sur-Orge, le rapprochement avec la couronne
de France, scellé par de brillantes alliances. La plus puissante
veuve de Provence n'est pas seulement l' intendante scrupuleuse des biens
de ses enfants, elle construit une dynastie. En 1609 elle réussit
le mariage de sa petite-fille Françoise de Créquy avec le
fils aîné de Sully. L'héritier mâle qui lui reste
est l'enfant du premier lit, Charles de Créquy. Il est délibérément
favorisé, grâce au testament que son demi-frère Louis
d'Agout, mort en 1609, a rédigé en faveur de sa mère.
En 1611, Jeanne, seule fille et survivante du second lit a beau protester,
la branche Créquy capte presque tout l'héritage Agout. Elle
tente de l'empêcher, attaque les testaments, et sans doute son avocat
répand-il sur sa Chrétienne d'Aguerre des calomnies qui engendrent
très vite le discrédit de sa mémoire. Jeanne, qui meurt
huit ans après sa mère, prend soin, dans son testament, de
ne point désavantager ses filles."
voir aussi le chapitre qui lui est consacré sur ce site dans
l'Histoire de Caromb
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