Nos Vallées ont d’autres préoccupations.
Nos
ancêtres ont d’autres soucis que la Révolution : le 10 janvier
1788, sur les 10 heures du matin, une grande avalanche roule sur le village
de La Chanal, écrase 43 maisons et 21 personnes périssent,
ainsi que 123 brebis, 25 vaches et 10 bêtes de somme. Les 21 personnes
sont ensevelies, 9 dans une tombe et 12 dans l’autre. Le roi, informé,
a la bonté d’envoyer 500 livres et monseigneur l’archevêque
de Turin, 100 livres, qu’ils reçoivent le 28 janvier. Catastrophe
épouvantable, décrite dans tous ses détails, qui excite
la pitié générale (43).
Les
Transitons du Queyras nous racontent tous les faits divers de ce temps
: les feux de village, en particulier n’étaient pas rares : 51 maisons
sont brûlées en 1889 à Ceillac, 108 maisons à
Aiguilles, à nouveau, la même année à. Ceillac.
Outre
ces catastrophes, les transitons nous racontent les problèmes rencontrés
lors de la traversée du Col Agnel : « L’an 1889, le 28
novembre, par un temps bien sec, mais par un froid très rigoureux,
trois hommes de Château Dauphin ont passé le col Agnel, mais
au lieu appelé les Geargeates, le plus âgé, ayant 62
ans, fut transi par le froid et il a succombé. Son neveu, âgé
de 25 ans s’est gelé les mains et les pieds et le troisième,
plus robuste et accompagné du domestique qui demeurait au refuge,
qu’il était allé chercher, lui a sauvé la vie
» (44)
Tout
cela nous éloigne des préoccupations révolutionnaires,
mais c’était la vie de nos vallées.
Noms, prénoms, surnoms de nos vallées.
Ouvrons
une parenthèse sur les noms et les surnoms de nos familles.
Les Noms.
A
Bellino, le nombre de noms de famille est très limité : avec
les dix noms les plus répands, on couvre 90% de la population. Vers
1976, 20,6% des personnes s’appellent Richard, 16,6% sont des Gallian
et 14,9% sont des Levet. Les noms sont étymologiquement français,
ce qui s’explique par l’histoire de la haute vallée, et se distinguent
des noms utilisés dans les vallées adjacents ou vers le bas
de la vallée Varaita, prouvant l’isolement de la population pendant
longtemps.
Les
Gallian sont nombreux à Celle, à Prafauchier, au Pleyne,
à Chiesa et à Ribiera. Les Richard sont regroupés
entre Celle et Chiesa. Ces deux noms sont très peu présents
à Casteldelfino et à Pontechianale
Les surnoms.
Presque
toutes les familles de Bellino (Blins) ont un surnom, ce qui permet d'individualiser
chaque personne lorsque le nombre de noms de famille est limité.
C’est vers la fin du XVIIIe siècle que certains surnoms commencèrent
à être notés sur les registres de l’Etat Civil, alors
tenus par les prêtres. Il est presque certain qu'ils se seraient
transformés en vrais noms de famille, si à partir de 1838
l'évêque de Saluces n'avait pas prescrit l'adoption de registres
avec formulaires déjà tamponnés dans lesquels leur
indication n'était pas prévue.
Ces
surnoms sont hérités selon un schéma patrilinéaire,
c’est à dire qu’ils sont transmis du père vers ses enfants,
avec une exception : lorsque la mère choisit un époux non-résident
de Bellino, c’est à dire sans surnom, ses enfants héritent
de son propre surnom ; ainsi, ils portent le nom du père et le surnom
de la mère.
Du
point de vue étymologique, les surnoms sont en majorité à
consonance provençale et se réfèrent à un type
d’occupation, à un animal, ou à un lieu.
Il
est difficile de définir l’origine de ces surnoms et l’époque
où ils ont commencés à être utilisés.
Sans traces écrites, sans leur présence dans les actes officiels,
ils se sont transmis oralement pendant au moins deux ou trois siècles.
Encore de nos jours, dans la diaspora bellinoise, ils servent à
identifier plus précisément une branche d’une famille.
Mais
une hypothèse plausible est la nécessité de justifier,
auprès de l’église catholique, une certaine distance de parenté
entre futurs époux de même nom. Le taux élevé
de ces personnes est une conséquence de la possibilité très
limitée de choix matrimonial. Cela signifie-t-il un taux élevé
de mariages consanguins élevé ? Nous verrons la réponse
plus tard, grâce aux études de l’Université de Turin.
En
tout cas, le système de surnoms, dans la communauté, décourage
les mariages entre individus à étroit degré de parenté,
la société bellinoise admet les mariages entre personnes
de même nom si les surnoms sont différents.
Voir les surnoms dans la partie "généalogie de nos familles".
Les principaux prénoms de l’époque.
L’excellent
ouvrage sur Tende analyse les registres de baptême où sont
inscrits les prénoms donnés au nouveau-né. Généralement,
les prénoms des parents se transmettent à l'aîné,
de père en fils ou, plus souvent par alternance de deux en deux
générations. Ainsi, à La Brigue, le premier fils porte
le prénom du grand-père paternel, le second celui du grand-père
maternel et le troisième celui du père. Une étude
statistique des prénoms portés à Tende au XVII le
siècle fait apparaître 71 % de prénoms simples et 29%
de prénoms composés. Mais si l'on ne considère que
les personnes les plus importantes du village, «les plus apparents»,
la proportion des prénoms composés atteint approximativement
45%. Parmi les prénoms masculins les plus usités, on peut
signaler Giovanni Battista (13,6%), Antonio (7,8%), Giovanni (7,1%), Giuseppe,
Giacomo et Luca (5,8%). Chez les femmes, les prénoms composés
sont aussi très fréquents, et pour les prénoms simples,
Maria et Maddalena sont parmi les plus répandus. De manière
générale, les mêmes prénoms reviennent donc
très souvent ; Giovanni entre, par exemple, dans la composition
de 72% des prénoms composés, et sur l'ensemble du XVIIIe
siècle, on ne rencontre guère à Tende qu'une cinquantaine
de prénoms masculins. II faut noter enfin que ces prénoms
sont souvent modifiés par un diminutif ou parfois oubliés
au bénéfice d'un surnom ou d'un pseudonyme lorsqu'il s'agit
de bandits !
L’analyse
des prénoms utilisés à Bellino fait un constat identique
: Giovanni est utilisé dans près de 30% des cas et Giacomo
dans 13%. Ppour les femmes, Marie représente 70 à 80% des
prénoms.
Les
pratiques à Tende sont les même que celles du Val Varaita
et doivent sûrement couvrir toutes les Alpes Occidentales.
La population de Bellino de 1770 à 1830.
La
population de Bellino, en 1789, connaît une croissance importante
depuis quelques dizaines d’années et cela va continuer jusqu’en
1830. Le gain annuel (Total du nombre de naissances diminué du nombre
de décès) est de l’ordre de 10 à 15 personnes. Sur
cette période longue de 50 ans, cela donnerait un gain de 500 à
750 personnes, soit presque un doublement de la population. Mais les départs
de la vallée, l’émigration, stabilise la population autour
d’un millier de personnes.