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Chapitre V. Période
de paix.
Les confréries religieuses.
Eglise de Celle (Bellino).
Instituteurs du Queyras.
Escartouns.
Route du sel (Tende).
Langue occitane
Les confréries religieuses.
Le
juriste provençal Durand de la Maillane donne, en 1770, dans le
dictionnaire de droit canonique, une définition précise de
ce que sont les pénitents : il s'agit de « fidèles
qui, dans les provinces méridionales du royaume, se réduisent
en confréries pour remplir certains devoirs de dévotion et
de charité, comme de chanter les offices divins dans une chapelle
qui leur est propre, d'ensevelir les morts, d'assister les malades, de
faire des processions en l'honneur de Dieu... » Il s'agit donc de
laïcs réunis dans un but de piété et de charité
chrétienne. L'origine de cette pratique est fort ancienne, puisque
les premières confréries apparaissent en Italie dès
la seconde moitié du XIVe siècle. Elles se développent
lors des grandes épidémies ou sous l'influence des ordres
mendiants, puis durant les guerres de religion du XVIe siècle.
Au
XVIIIe siècle, avant l'annonce de leur décadence, ces confréries
sont extrêmement nombreuses : pénitents blancs, pénitents
noirs fondés le 26 mars 1592, pénitents rouges, fondée
en 1596
A
côté des confréries, la place des compagnies n'est
pas négligeable. et, bien que leurs activités soient plus
restreintes, elles témoignent, au sein de la communauté,
d'une vivante sociabilité et d'un esprit de dévotion persistant.
Eglise de Celle (Bellino).
Période
de paix, période de construction : en 1770, la paroisse unique de
la vallée de Bellino est divisée en deux, par séparation
des trois bourgs de Celle, Chiasale et Prafauchier. On construit l’église
de la partie haute à Celle (Selles). Notons, seulement par curiosité,
que le premier baptisé dans cette église est un certain Gioffredo
Gallian di Gio. Battista et que celui qui le baptise s’appelle Giacomo
Antonio Peyrache.
L'église
de Chiesa reste le lieu de culte des hameaux de la partie basse du Val
Varaita de Bellino :
.......
Instituteurs du Queyras.
Dans le pays autogéré qu'était
le Grand Escarton, l'enseignement fut très vite reconnu comme primordial
et chaque famille était tenue de payer "l'écolage", avec
les moyens dont elle disposait (y compris la dispense de paiement pour
les familles les plus pauvres), la communauté prenant en charge
la salle d'éducation, l'école, la classe, souvent la même
salle que celle du conseil communal, et parfois aussi une étable,
si bien chauffée pour les villages les plus reculés.
On connaît
ces instituteurs qui se louaient dans les foires avec leurs plumes d'oie
de différentes couleurs suivant qu'ils enseignaient la lecture,
l'écriture, le calcul ou le latin et que chaque communauté
embauchait fin septembre - début octobre après examen ou
concours. Le règlement de 1624 de Briançon stipulait : "
Nul ne sera reçu en cette ville pour maître d'école,
qu'il n'ait été examiné par deux avocats et un bourgeois
commis par le conseil ; comme aussi seront ses gages résolus en
conseil ". La compétence était reconnue et les rémunérations
pouvaient aller du simple au quintuple.
Et fut un succès
: 90 % des hommes savaient lire et 30 % des femmes, chiffres remarquables
pour l'époque et les instituteurs dont la compétence était
reconnue pouvaient s'expatrier très loin de leur pays
On explique la
grande qualité de cet enseignement par plusieurs facteurs :
- la lecture
s'achevait souvent par le décryptage des archives de notaires ou
d'avocats, exercice pratique qui avait l'avantage de donner quelques notons
de droit.
- l'émigration
hivernale s'accompagnait d'activités commerciales pour lesquelles
il fallait savoir lire et écrire.
- les longues
soirées hivernales où les anciens transmettaient leur savoir
à la jeunesse.
- le fait que
les instituteurs exercent d'autres métiers pendant l'été.
Maître d'école dauphinois,
lithographie de Jules Gaildrau,
vers 1850,
collection Musée Dauphinois
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En
1780, le sous-préfet de Briançon note avec émerveillement
«qu’il n’existe aucun village, en Queyras, qui ne solde un maître
d’école, qui apprenne à lire, à écrire, à
compter, d’octobre à avril». [52].
Victor
Hugo en parlera, quelques années plus tard dans “les Misérables”,
par la bouche de l’évêque de Gap : « ces maîtres
d’école, payés par toute la vallée, qui parcourent
les villages, passant huit jours dans celui-ci, dix jours dans celui-là.».
Ils cherchent l’emploi sur les foires de Guillestre ou d’Abries, portant
des plumes sur leur chapeau pour faire connaître leur compétence
: une plume pour ceux qui apprennent à lire, deux plumes pour l’enseignement
de la lecture et du calcul, et trois plumes pour l’enseignement supplémentaire
du latin. La plupart des habitants du Queyras savent lire et écrire.
Il doit en être de même pour ceux du Val Varaita [53]. |
Escartouns.
Les
escartouns briançonnais continuent à vivre, bien que depuis
trois quarts de siècle, Château Dauphin, Oulx et Val Cluson
soient séparés. Celui du Queyras a la vie dure : un artisan
de St Véran construit, en 1773, une armoire percée de huit
serrures, avec une clé pour chaque village du Queyras (Saint Véran,
Ristolas, Abries, Villevieille, Molines, Aiguilles et Arvieux) plus une
pour le secrétaire de l’escartoun. Cette armoire est encore visible
aujourd’hui, dans la “salle commune” du village de Villevieille. Elle contenait
les actes montrant les privilèges des gens de la vallée et
exigeait, pour être ouverte, que les huit consuls soient rassemblés.[53]
Mais cette
“République de Briançon”, avec ses valeurs communautaires,
commence à s’effacer devant les nouveaux états forts et centralisés
[53].
Route du sel (Tende).
A la
mort de Charles Emmanuel III (1773), la situation de l’état sarde
n’est pas brillante : misères et disettes poussent les populations
rurales à émigrer, vers Lyon ou Paris. Ils deviennent ramoneurs,
frotteurs de parquets ou porteurs. L’état sarde compte 3 millions
de personnes. Une économie très différente de chaque
côté de la frontière entraîne une forte contrebande
entre la Savoie et la France, principalement vers le Dauphiné et
Lyon.
Victor
Amédée III succède à son père. “Despote
éclairé”, il organise son royaume de Sardaigne et décide
de faire du port de Nice le rival de Gênes et de rendre carrossable
la route Nice-Sospel-Col de Tende. Il apparaît, qu’à cette
date, 8000 tonnes de marchandises transitent par cette route. Chaque charrette,
tirée par trois mulets, porte environ une tonne.
De
Nice, vers le Piémont, on transporte le sel, les poissons, les agrumes,
les fruits, les vins, les liqueurs, les porcelaines, les étoffes
de soie, le bois. Dans l’autre sens, ce sont les chanvres, les vins du
Piémont, les mousselines, les indiennes, les riz, les grains et
autres produits alimentaires.
Le
23 mai 1780, les travaux de construction de la route commencent. Ils se
poursuivent pendant huit ans, grâce au travail des bagnards de Nice
et de Villefranche, des militaires et de la main d’œuvre piémontaise.
Enorme
tâche pour ouvrir 130 Km de route de Nice à Cunéo,
par le col de Braus, Sospel, le col de Brouis, Saorge et Tende. Cette route
a été la première chaussée transalpine à
travers les Alpes occidentales et centrales et son coût a été
énorme pour l’époque : plus de deux millions de livres, payés
principalement par la vente des biens des Jésuites, dont l’ordre
venait d’être supprimé.
En
1788, elle est terminée, sauf que le tunnel a été
abandonné et que l’on a construit 71 lacets entre Tende et le Col.
Chaque
semaine d’été, 200 charrettes et plus de 1400 mulets transitent
par Sospel, alors que l’hiver, on compte 50 charrettes et 2500 mulets.
Dès 1789, le trafic est quatre fois plus important que 10 ans auparavant.
Mais, quatre ans plus tard, à cause des guerres de la Révolution,
la zone deviendra un champ de bataille.
Mais,
pour le moment, c’est une période de paix. C’est le début
du tourisme en Savoie (Chamonix) et du thermalisme (Aix, Evian).
Les villes s’agrandissent et on compte 18.000
habitants à Nice et 5.000 à Menton en 1780. Déjà
300 touristes hivernent à Nice (anglais, allemands) en 1785.
Langue occitane
A la
veille de la Révolution, du point de vue linguistique la situation
est loin d’être claire dans le Pays de Nice : à l’est de Puguet-Theniers,
on est complètement italianisés, tant à l’écrit
(des textes officiels) qu’à l’oral, alors qu’à l’ouest et
au Sud, le français et l’italien se partagent les écrits
administratifs.
A Bellino,
la langue occitane persiste bien longtemps après le traité
d’Utrecht.
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