|
|
|
|
Chapitre XXIII.
LES VAUDOIS- PROTESTANTS .
Nous
avons suivi les Vaudois depuis lors origine jusqu’à leur regroupement
dans les hautes vallées du Pellice, d’Angrogne, du Cluson, de la
Doire Ripaire, dans la vallée de Freissinières et celle de
Gyronde (Vallouise), donc dans ces quelques vallées qui se trouvent
juste au nord du Val Varaita et du Val Pô.
Faisons un retour en arrière,
pour les reprendre à partir du XVIe siècle.
En 1561, une communauté
réformée fut fondée à Abriès en Queyras.
Entre 1574 et 1583, les premiers
accrochages ont lieu en Queyras, et en 1587, la vallée entière
est aux mains des protestants.
Nous n’avons que peu d’informations
sur la vie religieuse en haute vallée Varaita.
D’après Jalla (37)
dans son histoire des vaudois et quelques autres auteurs, il y avait à
Bellino
et à Chanal des Vaudois remontant
au Moyen Âge, mais on ne sait rien de plus à leur sujet. Des
barbes, prédicateurs itinérants vaudois venaient principalement
du Val d’Angrogne.
La famille Arnaud, originaire
de Bellino, était vaudoise : Pierre Arnaud a alors 4 enfants : Jacques,
Barthelemi, Madelène et une autre fille. Jacques aura un fils, Pierre,
né à Bellino, mais qui émigra à Embrun en 1617.
C’est cette branche de la famille Arnaud qui donnera Henri Arnaud d’Embrun,
pasteur et colonel auprès des Vaudois. Celui-ci va jouer un rôle
important dans la conduite de ses coreligionnaires pendant les temps difficiles.
Mais il nous faut raconter
les principales phases des guerres de Religion : elles commencèrent
par le massacre de Vassy en 1562. Nous savons qu’en 1560, les pasteurs
protestants Brunet et Garcin, venus du Queyras, prêchaient dans la
Castellata. En 1574, la vallée fut gagnée à la Réforme
et les protestants se rattachèrent à leurs coreligionnaires
du Grand Escartoun.
Lesdiguières, protestant,
pénétra en 1578, dans la Castellata, par le col Agnel. Mais
la vallée fit retour au catholicisme puis passa à nouveau
à la Réforme. Nos villageois ne savaient plus à quel
saint se vouer !
En 1585, Lesdiguières réussit à occuper Embrun
et y reste pendant 5 ans.
Henri
Arnaud fait ses études dans les milieux protestants,
dans les vallées vaudoises, puis à Bâle (1662), à
Leyde, pour les terminer à Genève en 1669. Il passe alors
quelques temps aux Pays Bas protestant (1692). Son ministère pastoral
commence à Villar Pellice, puis à Bec Dauphin, à la
frontière du Val Perousse et du Val Pragelat.
En 1684, Louis XIV, roi
de France, monarque absolu, exerce son autorité dans tous les domaines.
Le Catholicisme est religion d’état. Il s’attaque alors à
la religion Réformée, se mettant à dos tous les Grands
de l’époque, comme Guillaume II d’Orange, gouverneur des Pays-Bas
et Grand Electeur du Brandebourg. La “Ligue d’Augsbourg” se constitue avec
l’Espagne, la Bavière, entre autres.
En mai et octobre sont proclamés
les édits interdisants la religion protestante en France. Il pousse
la Savoie à faire de même et le 4 novembre 1685, Victor Amédée
II expulse tous les réfugiés français, puis le 31
janvier 1686, il interdit la pratique de leur religion à ses propres
sujets protestants.
Henri Arnaud
Devant la force
conjuguée des français et de la Savoie, les Vaudois des vallées
décident de rester sur place et de résister, malgré
la pression des Suisses qui interviennent en leur faveur.
"Gli invincibili 1686 (extrait)"
En avril 1686, les troupes
françaises et savoyardes attaquent les Vaudois. Henri Arnaud participe
activement aux combats, à San Germano, puis réussit à
s’enfuir par la montagne. Il y eut 8000 morts, 1000 enfants enlevés
à leurs familles; 2500 personnes abjurèrent sous la contrainte
et furent bannies. Moins de 3000 arrivèrent en Suisse. Arnaud les
rejoignit, déguisé en muletier. Il joua alors le rôle
de collecteur de fonds pour les Vaudois. On le voit aux Pays-Bas (1688),
à Brandebourg la même année, à Neuchâtel,
à Bernes et à Genève. Il pense au retour et entreprend
un premier essai qui n’est pas soutenu par les Suisses protestants. Après
cet échec, il parcourt les états protestants, rencontre Guillaume
d’Orange et d’autres personnages importants. 800 à 860 réfugiés
vont vers le Wurtemberg. Arnaud accompagne 300 à 400 autres dans
les Grisons.
La “Glorieuse Rentrée”.
D’août 1689 à
juin 1690, c’est la “Glorieuse Rentrée” : après avoir convaincu
un millier de protestants, ils se mettent en marche, à partir du
Lac Léman, pour rentrer dans leurs vallées. Il leur faut
13 jours pour parcourir les 250 Km de montagne, jusqu’au Val Pellice, par
les sentiers, les cols les plus difficiles, afin d’éviter les troupes.
Il y a des combats très rudes avec les Savoyards et les Français.
La “Glorieuse Rentrée” (août
1689-juin 1690)
Ils doivent passer
l’hiver à la Balsille et ne sont finalement sauvés que grâce
au renversement d’alliances du comte de Savoie, qui déclare la guerre
à la France et fait la paix avec eux, leur demandant de défendre
les vallées contre les Français.
"Les Vaudois- L'histoire d'un mouvment religieux européen en
images"
Albert de Lange (Karlsruhe 2000)
Ayant lu “l’Histoire de
la Glorieuse Rentrée”, Napoléon se montrera intrigué
et admiratif: « c’est là l’une des plus belles épopées
du XVIIe siècle » dira-t-il. Bel hommage à un descendant
d’une famille vaudoise de Bellino!
L’histoire des Vaudois ne
s’arrête pas là. A partir de 1696, la Savoie signe un traité
secret, puis le fait connaître en 1697, par lequel Victor Amédée
II met tous les protestants nés en France en mesure de quitter le
pays dans les deux mois. 2800 personnes quittent le pays pour la Suisse,
où ils passent l’hiver 98-99 ; parmi eux, Henri Arnaud, né
à Embrun. De Suisse, ils s’installent finalement en Allemagne :
Ceux du Val Pragela en Hesse-Darmstadt, ceux du Val Pérouse, au
Wurtemberg, avec Arnaud et d’autres protestants du Queyras.
La guerre de succession d’Espagne
et la participation de la Savoie, dès 1703, contre la France, pousse
Victor Amédée II à un appel aux Vaudois installés
en Allemagne. Le pasteur Arnaud se décide à revenir, à
nouveau vers les vallées, mais ne réussit à convaincre
que 150 hommes à peine. Sur place, dans les vallées, c’est
quelques 1800 Vaudois qui s’engagent aux côtés de la Savoie.
En 1704, Arnaud et ses hommes pillent l’église d’Oulx et réclament
des contributions de guerre au Queyras et à l’Embrunais : Ceillac
verse 400 écus pour être à l’abri de toute attaque
et de tout pillage.
La France conquiert le Piémont
et entreprend le 12 mai 1706, le siège de Turin. Le duc se réfugie
auprès des Vaudois.
En 1706, Henri Arnaud renonce à son rôle de colonel pour
reprendre le service pastoral, à Torre Pellice, mais dès
la fin de l’année, il part vers Schönenberg, en Allemagne.
Il revient en 1710 et en 1718.
De ces temps de guerre, il
nous faudra retenir, en plus de cette belle épopée, la grande
émigration des Vaudois vers l’Allemagne. Ainsi les noms de famille
se diffusent dans les régions germaniques qui accueillirent ces
Vaudois.
Suite
© Copyright JG 2005
|
|