Le règne de Lodovico II, dixième marquis de Saluces, est moins
long et moins tranquille que celui de son père, mais c’est un marquis
remarquable qui travaille dans le sens de l'intérêt public,
met de l’ordre dans la législature et s’occupe lui aussi des sciences
et des lettres. Après des études à Saluces, il va en
France, à la cour du roi Louis XI, où il apprend l’art militaire,
et participe aux guerres civiles de 1467.
Le tunnel de la Traversette :
Revenu
dans son marquisat, il met beaucoup d’ardeur à gouverner, faisant
preuve de beaucoup d’intelligence. Il a remarqué que le marquisat
a beaucoup de relatons commerciales avec la Provence, en particulier pour
l’approvisionnement en sel, difficile par la route du Montgenèvre
ou par le Mont Cenis et risqué pour les droits de douanes et en cas
de guerre.
Il a l'idée de faire creuser
un tunnel sous le col de la Traversette, au fond de la vallée du Pô,
près du Mont Viso. Il présente son projet au parlement de Grenoble
qui l’approuve et le fait réaliser en quelques années, avec
l’aide du roi de France, du marquis de Montferrat et du seigneur de Provence.
Grâce à ce tunnel, le trajet de Grenoble à Saluces est
réduit de trois jours et le commerce entre marquisat et Dauphiné
en tire un grand avantage car il n’est plus dépendant de la Savoie.
Un travail colossal pour l’époque réalisé par les entrepreneurs
Martino de Sant’Albano et Baldassarre de Piasco, Ce tunnel fait la renommée
du marquis. De 60 m de long, il évite de monter jusqu’au col et permet
à un mulet et son bât et à un homme courbé, de
passer la montagne. Pour les caravanes chargées du sel de l’Etang
de Berre, et se dirigeant vers Turin, cela permet de gagner jusqu’à
3 semaines par rapport au trajet du Montgenèvre.
Tandis
que le marquis s’occupe de ce tunnel, le dauphin demande, en 1481, à
son notaire Amédéo Philippes de Molines d’établir
une table de tous ses droits sur la châtellenie de Casteldelfino, de
toutes les taxes, cents, impôts et droits, y compris ceux de péage.
Le notaire reçoit en 1481 l’acte formel de reconnaissance de ces droits
de la part de ceux de la Castellata.
Le 17 juillet 1483, il accorde à Sebastiano d’Albon et à Pietro
Souche le droit de recherche de minerais en Briançonnais et en Castellata.
Or, argent, cuivre, étain et plomb sont cités dans l’acte.
Louis
XI meurt en 1483 à Plessis-les-Tours, après 22 ans de règne.
Il a levé de nombreux impôts en France pour soutenir ses guerres
et a montré un caractère ambiguë mélange de force
et de faiblesse, de croyance et de superstition, de fermeté et de
laisser-aller. Il laisse un fils, Charles VIII de son épouse Charlotte
de Savoie, naît à Ambroise en 1470.
Son décès est l’occasion,
pour le secrétaire Antoine Moine du parlement de Grenoble de rappeler
que la Castellata est dauphinoise et de lister les impôts à
payer dans un acte rédigé le 5 septembre 1483 et présenté
à la chambre le 20 de ce même mois. Il est précisé
que l’impôt doit être payé au vice-châtelain du
lieu, Gioanni Gerthoux, qui se charge de le transmettre au trésor
delphinal.
La
France et le marquisat ont de bonnes relations comme le démontre les
droits accordés aux sujets du marquis pour l’exploitation du fer de
la montagne Caliolo de Bellino, moyennant un paiement de deux liards par
charge de mule au dauphin.
Un acte du 10 février 1484 délègue au notaire Amédéo
Philipes le droit de mesurer le produit de la mine argentifère ouverte
au vallon de Niéra, au col Longuet sur le territoire de Pontechianale,
et de vérifier si cette mine est sur le territoire du marquis ou bien
en Castellata.
Avec
la Savoie, les relations sont moins bonnes. Le nouveau duc Charles Ier reçoit
l’hommage du marquis en 1482, et essaie d’en profiter pour accroître
sa puissance. Comme toujours, le marquis se tourne vers la France. Charles
VIII roi et dauphin, lui envoie son vicaire général Giorgio
Della Chiesa et Saluces passe sous protectorat français par un serment
de fidélité du 5 février 1486.
Le
duc de Savoie, de Verceuil, décide la guerre et sur les conseils de
son maréchal Anselmo de Miolans, lance 25 à 30.000 combattants
contre le marquisat, prend forteresses et châteaux, extermine les occupants,
ravage les campagnes et ruine les maisons
Lodovico se résout à passer en France, par le Val Varaita, le
16 décembre 1481, laissant le gouvernement de Saluces à son
frère Carlo Doménico. Se détournant de sa route,
il passe par son château de Revello, galvanise la garnison prête
à résister, remet son commandement à son épouse
Giovanna de Montferrat, passe dans la vallée du Pô, et, par
le tunnel de la Traversette, gagne la France.
Apprenant le départ du marquis, le duc se porte sur Revello, mais
y trouve une défense sérieuse sous le commandement de la marquise,
épaulée, il est vrai, par le baron dauphinois de Sassenage
et ses troupes. Le duc se retourne alors vers Saluces qu’il assiège
dans les premiers jours de janvier 1487. Un siège qui dure 3 mois
grâce à l’héroïque défense des habitants.
Mais, à cours de vivres et de munitions, sans aide extérieure,
ils entament des négociations avec le duc qui est sur place. La reddition
est accordée avec la vie sauve pour les personnes, la sauvegarde de
leurs biens et le droit, pour la garnison de passer en France avec armes
et bagages.
Le marquis Lodovico se trouve alors
à Aix et a été fait lieutenant général
de la Provence par le roi. Apprenant la triste nouvelle, il se résout
à attendre des jours meilleurs. Il remet à son épouse
la régence des terres qui lui restent encore et de la baronnie d’Anton
dans le Viennois.
Le roi de France ordonne au duc
de rendre les terres au marquis, en vertu de l’hommage rendu et du protectorat
français.
Le duc s’y oppose, mais sa mort
subite, le 3 mars 1490, à 22 ans, arrange les choses et Ludovico,
aidé par la France, récupère son état après
une guerre éclair contre la régente de Savoie Blanche de Montferrat,
épouse du défunt duc.
Le marquis rend hommage aux défenseurs
de Saluces en posant la première pierre du Dôme de Saluces.
Après la mort de son épouse
Giovanna de Montferrat, il se remarie avec Marquerite de Foix, fille du comte
du Cantal (Cantala ?) et baronne de Gurson, une femme d’esprit et d’une rare
beauté, qu’il a connu à la cour de France.
Il lance la construction de la
cathédrale de San Martino détruite par la guerre, revoit et
approuve le status de Saluces, le code civil administratif et criminel, introduit
l’art de la typographie dans sa capitale et est un grand amateur des sciences
et un ami des lettres : il publie un livre intitulé « Del buon
governo dello Stato » ( du bon gouvernement de l’état) et un
autre qui traite d’affaires militaires.
Il est un bienfaiteur de la vallée Macra par la construction de la
route qui va de Dronero à la frontière française et
n’oublie par la Vallée Varaita et ses droits antiques, en particulier
celui de commercer librement, depuis la Castellata, avec tout le marquisat,
sans droit de péage (acte du 24/3/1494, en latin, donné en annexe).
Châtelains et vice-châtelains
de Château Dauphin.