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Chapitre XII.    NOS VALLÉES AU DEBUT DU XVe SIÈCLE .
La régence de Valeriano pour Ludovic Ier de Saluces.
Les limites précises de la Castellata.
Sorcellerie.

La régence de Valeriano pour Ludovic Ier de Saluces.

        Le marquis Thomas III meurt en 1416, laissant à son épouse Marguerite, un fils et 3 filles, outre ses trois fils illégitimes. Valeriano, un des fils naturels, est un homme de grande prudence et de vertu. Surnommé « Binto » (illégitime), il a reçu de son père le château de la Manta qu’il a fait embellir et décorer de riches peintures. 
        Ludovic Ier , neuvième marquis de Saluces, fils légitime, a dix ans lorsque son père meurt et est sous la tutelle de sa mère Marguerite de Roussy. Valeriano assure la régence avec tranquillité et en paix. Il consolide l’autorité du marquis, règle les litiges, prête hommage et serment de fidélité au nouveau « duc » de Savoie, au nom du marquis. L’acte est rédigé le 10 février 1414 et le marquis reçoit l’investiture du duc. La paix est revenue, le marquisat vit une époque plus tranquille et on y note une amélioration certaine des conditions de vie. 

        L’année suivante, Amédée VIII, au sommet de sa splendeur, annexe l’ensemble du Piémont (sauf la Castellata), en héritant du dernier des Achaïe, son parent. 
        La Savoie s'étend sur toute la Suisse romande, la Bresse, le Briançonnais,  le  Piémont, et pousse une pointe méditerranéenne jusqu'à Nice 

        Le 16 janvier 1419, le jeune marquis, encore sous tutelle, et sur les conseils de sa mère, rend hommage au duc de Savoie pour toutes les terres de marquisat, de son château de Saluces. Comme à l’accoutumé, les communes s’empressent alors d’obtenir confirmation des décrets, actes et autres privilèges : Antonio Peyrache, syndic et ambassadeur de Casteldelfino et Enrico Bernardi, syndic de Bellino, se présentent le 6 septembre de cette année là chez le régent Valeriano et lui demande confirmation de tous les actes concernant la Castellata. Représentant Ludovic, il confirme et entérine cela par un nouvel acte cité en annexe et rédigé dans son château de Manta, en présence de témoins. 
        La même année, la mère du marquis, Marguerite, devenue partiellement infirme, voyant la conduite prudente et exemplaire de Valériane, fait son testament, le 14 avril, et ordonne que Valériano continue à gouverner au nom du marquis, jusqu’à ce qu’il soit en âge de prendre le pouvoir. 

Les limites précises de la Castellata.

        L’adhésion du marquisat de Saluces à la Savoie a provoqué des inquiétudes du côté de la maison royale de France et le dauphin Ludovic souhaite définir exactement les limites de son Dauphiné cisalpin cédé définitivement en 1375 par Fédérico II à Charles V roi de France, en confirmation de la convention du 15 mars 1363 entre le marquis et le gouverneur du Dauphiné Rodolpho de Loupy. La frontière est entre Chaudannes, bourg de Casteldelfino et le territoire de Sampeyre. 
        En 1420, le gouverneur du Dauphiné envoie Antoine Actuyer pour reconnaître ces limites et informer au plus vite l’évêque d’Asti dont dépend la juridiction de Casteldelfino, et d’examiner les droits de cet évêque sur la juridiction du dauphin. 

        Le litige continue jusqu’en 1422. La médiation du prévôt d’Oulx Aimerico d’Arcis, du juge majeur du Dauphiné Franceschino Soffredi, du vicaire général du marquisat Bergadano Bonelli et d’Andréa della Chiesa, permet de trouver un accord qui est approuvé par Valeriano au nom du marquis. 

        Par cet arbitrage, la ligne de frontière entre les deux états est fixée de la cime de la montagne située au dessus de Villar, dernière paroisse de Sampeyre , et afin de marquer dans le temps cette limite, est élevé sur le sommet de la montagne un cadre de pierres et une croix est plantée au milieu du torrent Varaita, croix que l’on pouvait encore voir à la fin du XIXe siècle. Le bourg de Villar prend le nom de Confines (frontière) et marque la séparation entre Dauphiné et Saluces. 
        Un mémoire est rédigé par le gouverneur du Dauphiné, intitulé «Reconnaissance Delphinale de Châteaudauphin, Pont e Bellino», le 8 octobre 1422. Il définit les limites du Dauphiné cisalpin de la façon suivante : de la crête de la montagne du col Agnel, à celui de St Véran, puis à celui de Ruis qui sépare Bellino et Casteldelfino d’Acceglio, Eva et San Michèle de la vallée Macra, descend vers le territoire de Sampeyre jusqu’à la combe del Torno, et de là, vers le torrent Varaita. Traversant la plaine de Chaudanes, la ligne part de la rive opposée, de la combe d’Ostura jusqu’au rocher de Million, vers la passe de Luca, se tenant à droite du sentier qui donne accès au territoire d’Oncino par le sommet de la montagne de Buclesa. Et de là, la frontière continue, de crête en crête jusqu’au territoire français de Ristolas en Queyras. 

        Ce mémoire rappelle que le Dauphin a l’administration générale des fiefs de Casteldelfino, Pont et Bellino obtenus des mains du marquis de Saluces et que les droits perçus sur ces terres sont au « tier-denier », c’est à dire au quart. La dîme se paye à raison du quinzième de part, les trois-quarts pour le dauphin et le dernier quart pour les paroisses locales. Casteldelfino et Bellino paient la dîme complètement et doivent retourner au dauphin trois sestriers de seigle et trois d’orge. La dîme sur les agneaux est du tiers pour Casteldelfino et des deux-tiers pour Bellino. 
        Le dauphin est propriétaire des mines du pays et les « grands bans » lui appartienent, c’est à dire le droit d’amendes majeures. Les petites amendes lui reviennent seulement aux deux-tiers, la commune gardant le dernier tiers. 
        Le mémoire fait référence aux franchises accordées aux habitants de Château Dauphin par le Dauphin (droits de gabelle et de garde), et par le marquis de Saluces pour Pont et les Bertines. 
        Suite à la division de 1422, le conseil syndical de Sampeyre, se croyant lésé dans ces droits, conteste l’accord auprès du marquis, par une délibération du 12 juin 1423. Le marquis comme le dauphin envoient des commissaires qui décident de fixer la limite plus vers Casteldelfino, à peu près à 15 minutes de chemin, en accord avec le syndic de Sampeyre. Il faudra attendre 1741 pour qu’une nouvelle modification fixe les limites définitives des deux communes. 

        On trouve aussi une lettre du Dauphin Hubert II, confirmant les bonnes coutumes des habitants de Château Dauphin, Le Pont, Saint Eusebio et Bellin, et leur accordant de nouveaux privilèges. 
        Il est difficile de savoir si le passage du marquis au Dauphin apporte plus ou moins de pression féodale. Sortis de l'esclavage par les privilèges et franchises du marquis, les habitants de la Castellata deviennent des hommes libres du dauphin, mais doivent payer beaucoup d’impôts et ne peuvent plus transiter ou commercer avec le marquisat sans payer un droit de péage et de gabelle. En été, pour vendre les produits agricoles et pour se procurer les denrées alimentaires, ils doivent gravir le col Agnel et redescendre sur l’autre versant, où en un jour précis et convenu à l’avance, ils commercent avec les habitants du Queyras et du Dauphiné, en un lieu nommé Piano del Mercato. Mais l’hiver, de novembre à mai ; quand les neiges recouvrent le col, ils sont bien obligés de descendre la vallée, vers le marquisat, et doivent payer des droits. 
        Connaissant la bonté du marquis, ils s’adressent à lui et celui-ci leur accorde leurs droits antiques lors d’un conseil tenu à Saluces le 3 décembre 1428 et les libère du droit de gabelle (acte latin en annexe). 

        En 1428, le gouverneur du Dauphiné nomme Guimet de Cavallion châtelain pour la Castellata. Il reste 19 ans dans cette fonction. 

        Un acte du 26 octobre 1441 nous apprend que gouverneur et conseil delphinaux concèdent aux habitants de Casteldelfino les droits de location et vente qui appartiennent au dauphin, moyennant une pension annuelle et perpétuelle de 12 florins ou ducats d’or, avec un droit d’entrée de 60 florins. L’explication donnée à cet acte est de se prémunir contre les variations futures de ce droit et éviter les amendes et pénalités en cas de retard de paiement. La convention est approuvée le 30 juin 1442 et enregistrée le 19 juin 1443. 

       Nos montagnards de la Castellata sont très solidaires entre eux. Il ne fait pas de doute qu'ils s'aident pour bâtir leur maisons. 


Toitures de lauze, à Bellino.
 

Sorcellerie.

        Cette époque est aussi marquée par de nombreux procès en sorcellerie. 
        On en trouve quelques-uns en Queyras et aussi en Val Varaita : 

- Le 27 juillet 1425, Claude Tholosan, juge majeur du Briançonnais, étant à Château-Queyras, charge Albert Albert, régent de la châtellenie du Queyras, de se rendre près de Obert de Névache, vice-châtelain de Château-Dauphin et tous les deux de lui amener, sans retard et sous bonne escorte , Henriette, femme de Georges Besson et Michelle, veuve de Reymond Bonnet de la châtellenie de Château-Dauphin, pour information du fait de fachinarum (sorcellerie) et de sortilèges. 
       Albert et quelques autres se mettent en route, à cheval par le col Agnel et ramenent les inculpées à Château-Queyras. Henriette, présentée au juge, fut retenue et gardée au château delphinal jusqu'au 10 août. 
       Le juge fit reconduire Henriette à Château-Dauphin, à dos de mulet et sous bonne escorte pour exécution de la sentence, la condamnant à être brûlée. 
       La sentence fut exécutée le 11 en présence du juge et du procureur fiscal, à Saint Eusèbe, par Jacques Villen qui reçut 4 florins. 
      Les biens d'Henriette, estimés à plus de 85 florins par le juge, furent mis à l'encan, au profit du trésor delphinal.(33). 

- en 1426, c'est au tour d'Agnès, femme de Jean Richard d'Abriès d'être inculpée pour faytinis et sorcellerie.(33

- en 1429, Sauzine, veuve de Peyrache Peyrache et Jeanne, veuve de Bermond de Bermond, de Bellin, suspectées de sortilèges, fachurie, maléfices, furent conduites à Château-Queyras, puis à Briançon où elles furent gardées jusqu'au 13 octobre. Condamnées au supplice, leurs biens furent vendus et le prix récupéré par le trésor.(33). Archives de l'Isère, comptes des châtellenies (Château-Queyras) N° 402, F° 166 à 173

- en 1444, notons une procédure contre une vieille sorcière de BELLINO, nommée Henriette ; elle avoua que la première fois qu’elle invoqua le diable, ce fut pour sauver son enfant gravement malade, diable qui s’appelait MARTIN. Le diable lui apparut d’abord sous la forme d’un agneau blanc, puis sous celle d’un petit homme noir. Plus tard, elle pris l’habitude de l’invoquer 5 fois par jour : “item et secum idem dyabolus in lecto intratat et comiscebatur maxime io die jovis de nocte et voluit quad ipsa delata cum hominibus participaret carnalitor commisceratur de quo multumgaudelat dum sic dicta delata turpiter peccabat”. Dans sa prison, elle a invoqué le diable, le priant de lui prêter assistance, de se montrer au juge et de lui parler, “Diabolus recusavit dicendo sibi quod domini Rex Francie et Delphinus Viennensis erant sui inimici et destrucbant pelatium inferni”. Elle fut condamnée au feu en 1444.


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