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Chapitre X.
DESASTRES NATURELS EN CASTELLATA.
Eboulement à San Eusébio.
En remontant la vallée
Varaita, à Casteldelfino, on traverse aujourd’hui les premières
habitations de la commune et on gagne les sommets du lieu par un chemin
tortueux qui passe sur le côté de Caldanes où dans
un virage se trouve la petite chapelle de Saint Bernard construite sur
le versant méridional de la rivière Varaita, assez près
de la ville, devant une montagne haute et pointue qui coupe la vallée.
Cette pointe, appelée Giuglietta, était double jusqu’à
la fin du XIVe siècle. La seconde pointe, au nord, était
parallèle à la première et de même importance.
Fin septembre 1391, cette
pointe s’écroula au fond de la vallée, dans un bruit infernal,
et un nuage de poussières. Le torrent Varaita fut arrêté
au lieu de la Valleta de Pontechianale. Cet énorme éboulement
en forme de triangle mesurait 1.500 mètres de large et s’étendait
jusqu’à la rive opposée. Pendant plusieurs jours la
Varaita ne coula plus, jusqu’à ce que l’eau resurgisse et se déverse
sur le bassin actuel de Casteldelfino. Dévié de son cours
normal, l’eau tourna vers le sud et immergea les prés de la chapelle
actuelle de San Eusébio et emporta la ville antique. La tradition
et la littérature ne donnent pas d’informations sur d’éventuelles
victimes de cette inondation et nous pouvons supposer que devant le péril
imminent les gens ont eu le temps de quitter leurs maisons et de récupérer
leurs biens, mobilier ou outils. L’église paroissiale fut traversée
par les eaux (35).
L'église (XIIe siècle) de St Eusèbe.
Son clocher.
Porte romane.
Les habitants portèrent
leur choix, pour construire une nouvelle ville, sur le bourg de Magdellena,
présentant une meilleure sécurité. Ainsi naquit l’actuelle
ville de Casteldelfino.
Chacun se mit à reconstruire
sa maison. L’entre-aide devait être la règle, devant tant
d’adversité.
Ce nouveau bourg remplaça
la vieille ville et on garda, comme patron, St Marguerita.
Parmi les édifices
détruits se trouvait le four public, emporté par les eaux.
Propriété du dauphin, et sujet à taxes, le châtelain
de la ville, Pietro de Neuvacha sollicita le gouverneur du Dauphiné
pour reconstruire un nouveau four. Mais gouverneur, conseil delphinal et
Chambre des Comptes trouvèrent qu’il était bien cher de se
lancer dans cette construction et décidèrent, par décret
du 20 septembre 1391, que les habitants du lieu paieraient annuellement
au châtelain un florin d’or de grand poids et qu’en échange,
ils seraient dispensés du droit de cuisson du pain.
Les habitants payèrent
cette somme pendant des années, puis se résolurent à
faire appel de cette décision, justifiant l’appel par le fait qu’ils
n’avaient pas le choix et que cela était injuste.
L’acte d’appel est en Annexe.
L’original est aux archives de Grenoble, année 1397, et fut présenté
à la Chambre delphinale par le châtelain de Casteldelfino
( LB N 2995, fol XII)
Si cet éboulement
a marqué la Castellata, l’événement reste local. Nos
montagnards des Alpes en ont connu d’autres : pour citer les principaux
éboulements des Alpes, celui du mont Granier (1248) a marqué
son temps avec quatre mille morts, sept paroisses détruites, 500
millions de mètres-cubes de roches éboulées sur 24
kilomètres carrés. Beaucoup plus tôt, l’histoire nous
raconte un éboulement dans le lac Léman en 563 si important
qu’il fit monter les eaux du lac, noyant tous les villages côtiers,
emportant le pont de Genève et beaucoup de ses maisons et de ses
hommes. En 1176, en vallée d’Aoste, le village de Donnas est détruit.
En 1227, de terribles séismes frappent les Alpes du Sud ( 5.000
morts). Quant aux crues, citons l’inondation de Grenoble en 1219, due à
la rupture du barrage naturel du lac d’Oisans formé depuis 1191
ou celle d’Aoste en 1284. En 1449, la Doire ravage à nouveau Aoste
; Chambéry est inondée en 1348 et 1349.
Thomas II de Saluces.
Le 10 mai 1390, la sentence
du parlement de Paris, dans le conflit entre marquis de Saluces et comte
de Savoie est rendue en faveur du marquis et la Savoie doit rendre les
terres et châteaux occupés. Mais dès 1394, le
maquis envoie son fils aîné Thomas au secours d’un monastère
assiégé par un prince d’Achaïe, Amédée
de Savoie. Lors du conflit armé, Thomas est fait prisonnier et est
conduit à Savigliano, puis à Turin. Prisonnier pendant deux
années, il est libéré contre une rançon de
20.000 florins d’or, sur l’intervention du gouverneur du Dauphiné
Jacques de Montemauro et du gouverneur d’Asti, le marquis Inguerra. Avant
de mourir, Fédérico II a la joie de revoir son fils.
Homme pieux, il favorisa
l’Eglise et les monastères : on lui doit la réédification
du château de Verzuolo, un des plus beaux monuments du Piémont
datant du Moyen-Âge, et la restauration du campanile de l’Eglise
St Jean de Saluces.
Il meurt en 1396, à
64 ans, laissant son épouse Béatrice de Ginevra et 9 enfants,
6 fils et 3 filles. Parmi eux, Thomas, fils aîné lui succède
et Amédée devient évêque de Valenza, puis cardinal,
et enfin pape sous le nom de Martin V.
En 1391, Thomas, troisième
de ce nom, devient marquis à 40 ans. Son premier soucis est de consolider
son pouvoir et de se prémunir contre le prince d’Achaïe qui
cherche le moindre prétexte pour agresser le marquisat. Ce
dernier agresse aussi le marquis de Montferrat et un accord d’alliance
est signé entre Saluces et Montferrat, pour contenir ce prince
trop remuant.
Thomas III est généreux
envers les églises et les hôpitaux, comme pour ses sujets
: il allège les impôts, accorde de nouveaux privilèges
et des libertés, particulièrement pour ceux qui ont participés
à la défense du territoire. Il gère son état
et améliore par décret l’administration judiciaire ou assure
l’unité des poids et mesures du marquisat, améliorant le
commerce interne.
Les communes obtiennent
de lui la confirmation des franchises : le Val Macra rachète concessions
et franchise, la Castellata se voit confirmée dans ses libertés
précédentes. A cette fin, les trois communes de la Castellata
envoient comme ambassadeurs Martino Donadéi, recteur et curé
de l’église d’Acceglio et Pietro Morel de Pont. Reçus par
le marquis et sa cour, le 5 juin 1398, dans les jardins de l’église
St Jean de Saluces, en présence des nobles et autres personnalités,
ils obtiennent tout ce qu’ils demandent. Encore une fois, ceci nous est
raconté dans un acte en latin donné en annexe.
Thomas a de bonnes relations
avec le roi de France, Charles, et après la sentence du tribunal
de Paris, souhaite passer à l’exécution de cette sentence.
Il rend hommage au dauphin, le 11 février 1400, et devant la résistance
du comte de Savoie, se porte en personne à la cour du roi de France
pour obtenir son appui.
La France, à ce moment
là, est agitée par le conflit des parties du duc de Bourgogne
et du duc d’Orléans pour gérer les affaires du royaume français,
et le roi Charles est dans l’incapacité de décider.
D’autre part, le marquis
de Savoie a ses propres appuis à la cour de France, et Saluces n’arrive
pas à obtenir le secours escompté. Thomas prolonge son séjour
à la cour, en profite pour apprendre le français, les sciences
et s’intéresse aux œuvres d’art et aux livres. Plus homme de lettre
qu’homme d’armes, c’est une personne instruite. Il compose d’ailleurs un
roman historico-moral, « le Chevalier errant ». Son
exemple sera suivi par ses descendants qui auront comme principe d’être
cultivés, lettrés et de s’intéresser aux sciences.
Le marquis Thomas avait eu
trois fils adultérins d’une dame que sa condition lui interdisait
d’épouser : Valériano, Lanzarotto et Gioanni. Le temps passant,
il souhaite avoir un successeur légitime. Lorsqu’il revient en France,
à nouveau pour obtenir l’appui de la France et aussi pour une nouvelle
dispute, liée à l’hommage, avec la Savoie devant le parlement
de Paris, il en profite pour demander la main de Marguerite, fille du comte
Ugo di Roussy. Il l’épouse en 1403.
Il obtient encore une sentence
favorable du parlement sur la question de l’hommage et une demande d’exécution,
par les armes s’il le faut. Il revient à Saluces en 1405, espérant
la paix.
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