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Chapitre III.
Les Romains.
Conquête de la Gaule.
Les
romains, après la conquête de la vallée du Pô
sur les gaulois, traversent les Alpes et livrent leurs premières
batailles contre les ligures (Salyiens), à Æegitna (Biot,
Alpes-Maritimes) en 154. En 125, Marseille, colonie grecque, demande l’aide
de Rome, qui vient à son secours. Le danger écarté,
les romains font main basse sur une région qui s’étend de
Genève aux Pyrénées.
En
122 avant J-C., les romains construisent la via
Domitia, pour assurer une voie de passage
vers l’Espagne, fondent Aix et la Provincia Romana ( première province
transalpine), qui laissera son nom à la moitié orientale
(Provence), mais sera appelée Narbonnaise (fondation de Narbonne
en 118). La conquête de la Gaule par Jules César commence
en 58 et dure jusqu’en 51. La reddition de Vercingétorix, assiégé
dans Alésia (-52), marque la fin de la guerre.
Pendant
cette conquête de la Gaule, les Romains n’ont fait que passer : les
Alpes ne sont pas occupées.
Campagnes romaines en Provence (-200 à
-120)
L’empire Romain ( de -120 à + 415)
; conquête des Alpes.
Il faut attendre encore quelques années avant que les peuples alpins
soient soumis à Rome : les Romains y parviendront grâce à
quelques rois alpins, comme ceux de Suse. Ils se sont d'abord contentés
de négocier le passage : « Ce fut César, nommé
proconsul d'Illyrie, de Cisalpine et de Transalpine, qui réalisa
le vieux rêve des généraux romains. L'occasion en fut
l'annonce d'une véritable migration des Helvètes, prétendant,
des bords du Léman, aller coloniser le centre de la Gaule. Averti
de ces intentions, il se hâta en - 58 de passer le Montgenèvre
avec cinq légions, pour parvenir de Rome à Genève
en huit jours, soit une moyenne de 150 km par jour. Elle donne une idée
du bon état des routes jusqu'au pied des pentes, peut-être
jusqu'au sommet du passage, car au-delà, on entrait en pays barbare.
Au cours des huit campagnes qui suivirent, César passa et repassa
à plusieurs reprises le Mont Genèvre, aussi, sans doute,
suivant les nécessités du moment, le Petit Saint-Bernard.»
Campagnes romaines dans les Alpes
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L'Emprire romain
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La conquête définitive fut
l'œuvre d'Octave Auguste (24-14 avant J.-C. ).
En –7 est crée la Province des Alpes Maritimes, une province militaire
sous la dépendance directe de l’empereur. Cemenelum (Cimiez), mise
en place en 13 avant J.C., en devient la capitale. Elle s’étend
jusqu’à Barcelonnette et déborde sur le Val Stura italien.
En -6, les romains édifient le Trophée
de La Turbie, pour célébrer la victoire sur tous les peuples
alpins : Ceutrons de Tarentaise, Grafocéles de Maurienne, Caturiges
du Mont Genèvre, Salasses du Val d’Aoste, Quariates du Queyras,
Vagienni ou Venisani du Val Varaita.
Ce Trophée énumère les 48 peuples vaincus. Ce
qui permet de constater l’extrême morcellement de la population dû,
sans doute, au relief difficile. Ce trophée est construit au point
le plus haut de la « Via Julia Augusta
» qui relie l’Italie à l’Espagne par la Narbonnaise. Cette
grande voie romaine joue un rôle économique et militaire important.
On trouve encore les bornes qui jalonnaient cette voie entre Vintimille
et Fréjus, par La Turbie, Cimiez et Vence. Nice, port grec, est
laissé à l’écart.
Les
arcs de triomphe d'Aoste et de Suse témoignent encore de ces victoires
romaines.
Arc de triomphe d'Aoste
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Arc de triomphe de Suse
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Nos vallées « romaines ».
En
ce qui concerne nos vallées, Cozio,
qui gouverne alors les vallées alpines, se soumet volontairement
aux Romains, sous Octave. Du Monviso au Mont-Cenis, les peuples dépendent
en grande partie du gouvernement de ce Cozio, installé à
Suse. Il reçoit, en récompense, le titre de roi et un petit
royaume, tributaire de Rome, qui comprend 14 populations réparties
sur les deux versants des Alpes occidentales. Cozio fait ériger
un arc de triomphe, à Suse, visible encore aujourd’hui, et sur lequel
sont notés les noms des 14 peuples [4]. Celui d’Aoste marque aussi
la soumission à Rome.
Sur
les cartes géographiques des Alpes occidentales, les habitants du
Val Varaita de l’époque gallo-romaine sont appelés Venicamori
: ce nom est probablement dérivé de Venica (Venasque) de
la basse vallée, qui était, en ces temps là, le centre
principal du commerce de la vallée (7).
Avec
Néron (37-68 après J-C), les Ligures passent complètement
sous le domination romaine, leurs territoires devenant une Province d’Etat
de l’empire romain. [4]. Diverses monnaies romaines trouvées à
Sampeyre et dans d’autres lieux de la vallée, et l’existence de
quelques inscriptions, attestent la communication et les relations politico-commerciales
que les Venicamori
ont avec Rome.
Voie romaine dans les Alpes
Les grands cols alpins romains.
La
faible altitude du col du Montgenèvre
et l’insécurité régnant sur la zone côtière
en ont fait le passage majeur des Romains.
« Après la mise au pas, plus
ou moins brutale, des différentes tribus montagnardes, une vraie
route, fut édifiée à l'initiative des vainqueurs par
Cottius, fils de Donnus, commensal de César, dont le petit royaume
enjambait la crête des Alpes, d'où les noms Alpes Cottiennes
et "Via Cottia per Alpem". Cette voie, à partir de Turin, gagnait
Valence par "Fines Cottü" (frontière cottienne, douanes, où
les marchandises payaient le quarantième de leur valeur...), Suse
(Segusium), capitale, Oulx, Cesana (Gaesao), les redoutables gorges placées
plus tard sous le patronage de Saint Gervais, Matrona, point culminant
du passage, où il existait une importante station routière
avec mansio, et aussi, d'après la chronique de la Novalaise, un
temple dédié à un certain Cacus, jadis vaincu par
Hercule avec l’aide de Jupiter "monument d'une remarquable architecture,
construit avec des blocs de pierre reliés entre eux par des barres
de fer scellées avec du plomb" et dont on a retrouvé quelques
vestiges au siècle dernier. »
Au
bas de la descente, la route passait à Briançon (Brigantium),
à Embrun (Eburodunum), à Chorges (Caturigomagus), puis à
Gap. Un prolongement de la Domitienne descendait directement par le sillon
de la Durance (navigable à l'époque à l'aide de radeaux
montés sur outres).
Au Montgenèvre, il reste aussi quelques vestiges de la grande artère
"in alpe Cottia" dont les lacets raides tracés sous Clavière
forçaient à démonter les chars et laissaient un souvenir
ému aux "traverseurs" surtout en période d'enneigement...
"Le voyageur venant des Gaules écrit Ammien Marcellin, qui dut
faire l'aller et le retour vers 335 après J.C., trouve en effet
une pente assez douce, mais, sur l’autre versant, les murailles de rochers
en surplomb offrent un spectacle terrifiant : surtout au printemps, lorsque
les glaces et les neiges fondent au souffle plus chaud des vents et qu'à
travers les gorges, entre deux à pic et les ravins dissimulés
par les congères, hommes et bêtes descendent à pas
hésitants et s'abattent ainsi que les attelages. Et le seul remède
que l'on ait trouvé pour éviter leur perte est celui-ci :
la plupart des véhicules sont attachés par de grosses cordes,
retenus par derrière par l'effort vigoureux des hommes et
des bœufs, et, marchant à peine d'un pas traînant, descendent
les pentes avec un peu plus de sécurité".
Le Col de Larche,
culminant à 1991 m, présente des pentes douces, boisées
de mélèzes, et la seule difficulté est un défilé,
côté italien, mais il est assez souvent balayé, l’hiver,
par des vents furieux. “Nul doute qu'une voie romaine, établie sur
l'ancienne piste Ligure, passait déjà par là avec
un embranchement à Gleisolles pour le dit Col de Vars, au confluent
de l'Ubaye et de l'Ubayette. C'était après tout le plus court
chemin entre l'Espagne et Plaisance, et certains tiennent que Pompée,
retournant en Italie pour combattre Sertorius, emprunta cette route vers
-70. En tous cas, les indigènes qui se nommaient Esubiani, les Esubiens,
passaient pour aussi farouches que leurs ours ou leurs chamois. Ils supportèrent
si mal le joug des légions qu'ils préférèrent
émigrer”
La
Table de Peutinger,
un parchemin médiéval, copie d’une carte d’Agrippa, qui fut
mise à jour jusqu’au III ou IVe siècle, montre ses passages
alpins.
Malgré ces turbulences, et les fréquents passages des troupes,
le peuplement alpin ne subit pas beaucoup d’influence. L’élevage
reste l’activité la plus importante, de bovins lorsque l’herbe et
les pâtures le permettent ou des ovins dans les alpes du sud. La
population ne varie guère : dans le Queyras, par exemple, la principale
immigration vient du Piémont. On notera, plus tard, un enracinement
solide de la couche primitive de population, avec transmission, pendant
un millénaire au moins, de nombreux noms de famille.Pax
Romana.
Les
romains apportent la paix (Pax Romana), la création d’un état
centralisé et une période de stabilité pour les populations.
Ils établissent des circonscriptions, créent un réseau
urbain assez dense, mettent en valeur les voies de communication, et améliorent
la circulation (routes avec relais) en créant une infrastructure
nécessaire à l’unité des nouvelles provinces. Les
routes convergeant vers Lyon, n’utilisent que faiblement les traversées
alpines, le trafic principal restant maritime, avec principalement les
ports d’Arles et de Narbonne. La longue période de paix gallo-romaine
n'a pas ajouté une nouvelle couche de peuplement mais développé
l'agriculture (nombreux noms de lieux dérivant de propriétaires
de villas, surtout dans les plaines).
L'occupation
romaine en Dauphiné, à partir de –121, durera 575 ans environ,
imprégnant fortement la civilisation.[55] La majeure partie du Dauphiné
est rattachée à la province Narbonnaise, administrée
par un proconsul de rang sénatorial, tandis que la haute Durance
et le col du Mont Genèvre, de première importance, maintenue
par Néron dans les Alpes Cottiennes relevaient directement de l'empereur.[55]
L'ensemble
se subdivise en pagi (nos actuels “pays”) autour de vici, bourgades
souvent médiocres comme Cularo (future Grenoble) ou Augusta (Aoste).[55]
Dans
les régions montagneuses le portage pour le franchissement des cols
fournit certainement du travail dans bien des villages au pied des crêtes.
Surtout, les habitants utilisent les ressources particulières des
massifs, le bois (pour la construction navale), les filons métalliques
ou l'élevage, dont le cuir et la laine alimentent une industrie
prospère.[55]
La langue d’oc dans les vallées.
Avec la domination romaine, tout le monde méditerranéen utilise
le latin. Ce latin devient populaire dans nos régions par l’influence
des colons et des soldats romains. Cette langue se diversifiera par l’influence
des parlers. Entre les Pyrénées et les Alpes se développe
la langue d’oc,
dépassant même les Alpes dans quelques vallées italiennes.
Ces
vallées de la province de Cunéo et quelques autres qui font
aujourd’hui partie du Turinois, suivent la Provence et le Dauphiné
méridional, dans cette évolution du latin. Une des causes
profondes, de nature historique, est que les Romains, depuis la conquête
des Alpes, ont fixé la frontière, entre l’Italie et la Gaule,
le long d’une ligne qui sépare la plaine piémontaise des
premiers contreforts des Alpes. Des bourgs comme Borgo San Dalmazzo ou
Piasco sont devenus des postes de douane où se paie la taxe de 2,5%
de la valeur des marchandises qui entrent en Italie. Il est probable que
l’antique division du territoire a continué à exercer une
influence importante sur les communications et donc sur les parlers. La
langue d’oc se développe donc à l’intérieur des frontières
de l’antique division romaine, de chaque côté des Alpes. La
communauté d’intérêts des montagnards, de chaque côté
des Alpes a maintenu une langue commune. L’influence du Piémontais
a été faible.
La
langue de nos ancêtres des vallées occidentales doit quelque
chose aux romains et à leurs péages.
Suite
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