Le 29 juin 1265, Charles
d'Anjou et son épouse Béatrice de Provence sont
couronnés roi et reine de Sicile
Mainfred fit proposer à son rival un accommodement. Charles d'Anjou
lui fit répondre : « Retournez à votre
maître,
et dites-lui que dans peu je l'aurai mis en enfer, ou qu'il m'aura
mis au paradis. »
Blason de Manfred
En janvier 1266, Barral étant toujours podestat
à Milan et alors que les batailles se préparent en
royaume des Deux-Siciles, le pape Clément IV écrit à
Charles d’Anjou pour lui demander de le faire remplacer par un autre
podestat et de le rapprocher de sa personne où il pourra rendre
de grands services (2) acte 507
.
Il est déjà trop
tard les armées sont face à face, pas très loin
de Naples.
La bataille de Bénévent
Les deux armées se rencontrent
près de Bénévent, le 26 février 1266.
Raymond et Hugues, fils de Barral
participent à la bataille : Raymond commande l'avant-garde de l'armée
et accomplit des exploits qui seront récompensés par Charles
d'Anjou.
Bataille de Bénévent
Hugues des Baux écrit
à son père à Milan pour le rassurer sur leur sort
après cette grande bataille. Peut-être lui raconte-t-il,
dans le détail le déroulement de la bataille et le rôle
qu'il a joué, comme il le fait dans une autre lettre envoyée
à ses amis d’Anjou et de Touraine (3).
Toute la valeur de Manfred
ne peut soutenir ses troupes contre l'impétuosité française.
Après avoir combattu avec courage et l’énergie du désespoir,
il est tué dans la mêlée par un chevalier français.
Son cadavre n’est découvert que plusieurs jours après,
parmi les nombreux morts qui couvrent le champ de bataille. Ses amis
prisonniers le retirent de sous les morts et l’enterre près du
pont de la Liris à Bénévent et les soldats jettent
des pierres sur sa tombe, en hommage à sa valeur. On raconte que
le pape, rancunier, fait exhumer le cadavre par l’archevêque de
Cosenza et le fait enfouir dans le sable de la rivière afin que
les eaux emportent jusqu’à ses ossements.
Tous les membres de sa famille
sont emprisonnés dans les cachots de Naples. La reine, femme de
Manfred y restera toute sa vie. Sa fille y passera 18 ans, ses fils y
resteront une quarantaine d’années.
Un des participants à
cette formidable bataille, à son retour en Provence, vers 1275,
dessinera les peintures de la tour Ferrande à Pernes, une véritable
bande dessinée qui raconte la conquête. Charles Ier
d’Anjou est dessiné avec sa couronne royale, sa robe blanche parsemée
de fleurs de lys lorsque le pape lui remet la couronne. On y voit le choc
de deux chevaliers en armure, les lances en avant. La lance du chevalier
français transperce la gorge de Manfred et se brise sous la violence
du coup. Le cadavre de Manfred est ensuite traîné par un cheval
jusqu’au roi Charles Ier majestueusement installé sur son trône.
Belle illustration des mœurs
de l’époque !
Peintures de la tour Ferrande (Pernes-les-Fontaines),
vers 1270
L'investiture de Charles d'Anjou. Le pape Clément IV, assis
sur un trône à têtes
de lion, coiffé de la tiare et portant une énorme clé
sur l'épaule, remet la bulle au frère de Saint-Louis, agenouillé,
les mains jointes, vêtu d'une robe blanche semée
de lys.
La mort de Manfred à la bataille de Bénévent.
La peinture représente le combat d'un chevalier français
contre un chevalier germanique
La lance française a transpercé le cou de son adversaire
et s'est cassée sous le choc.
Le cadavre de Manfred est traîné vers Charles d'Anjou.
Ayant pris Naples, Charles d'Anjou se fait apporter
le trésor de Manfred afin de régler le partage avec ses
chevaliers.
On apporte la balance afin de peser or
et bijoux.
Bertrand des Baux, fils de
Barral, est chargé de cet office. Il se contente de dire «
Qu'est-il besoin de balance? ». Il fait trois portions à
peu près égales avec le pied et déclare «
Sire, l'une est pour votre
Majesté, l'autre pour Madame la reine, et la troisième
pour vos barons et chevaliers ».
A Milan, Barral peut
être fier de ce geste remarquable et généreux, digne
de ses ancêtres.
En tout cas, le roi Charles
Ier apprécie et lui donne un revenu de 400 écus d'or et douze
châteaux dans les Abruzzes.
Le pape se désole de
voir Barral toujours à Milan, dans l’arrière garde et demande,
une nouvelle fois à Charles d’Anjou, de le rappeler auprès
de lui. Charles répond qu’il a engagé Philippe de Montfort
pour occuper le poste de podestat et qu’il pourra venir le rejoindre dès
que Philippe sera en place. Le pape informe Barral le 10 mars 1266 de ces
nouvelles et l’engage à écrire à Charles, nouveau
roi de Sicile, pour obtenir qu’il le fasse venir (4).
.
Le mois suivant, il est toujours
en poste à Milan, rongeant son frein et le pape demande à
son légat l’évêque d’Albano d’enlever l’excommunication
qui pèse sur lui, puisqu’il n’est pas lui-même l’auteur des
méfaits envers l’église (5).
En mai, il lui demande de garder
confiance envers Charles d’Anjou en l’informant de la levée de
son excommunication. Peut-être Barral remue-t-il un peu trop et
commence-t-il à chercher de lui-même une solution, car le
pape toujours bien informé lui demande aussi de s’abstenir d’exercer
aucune charge en Lombardie sauf ordre formel (6).
Enfin, en juin, il est relevé
de ses fonctions.
Barral,
Grand justicier du royaume de Sicile.
Barral devient Grand
justicier du royaume de Naples, titre qu'il garde jusqu'à sa mort
Le premier acte auquel il assiste
en tant que témoin, à Lagopesole, dans le royaume des Deux-Siciles,
date du 30 juin 1266 . Il s’agit du testament de la reine Béatrice
de Provence, épouse de Charles d’Anjou (7).
Charles d'Anjou, roi de Naples et son épouse Béatrice de
Provence
Béatrice de Provence, la plus jeune fille des
filles de Raymond-Bérenger V et de Béatrice de Savoie,
celle qui avait longtemps rêvé de devenir reine comme ses
trois sœurs aînée, celle qui avait apporté le comté
de Provence à Charles d’Anjou et qui l’avait suivi dans son ambition,
parfois précédé, allant jusqu’à vendre, dit-on,
ses bijoux pour payer son armée, ne vécut en tant que reine
que quelques mois de juin 1265 à 1267. Elle meurt à l’âge
de 33 ans. Charles d’Anjou n’est même pas présent lors de
son décès et lui survivra longtemps.
Le 27 mai 1267, Barral est
à Viterbe, témoin au traité d’alliance entre Baudoin
II et Charles Ier d’Anjou.
Baudoin II, comte de Namur,
seigneur de Courtenay et de Montargis, était le dernier empereur
latin de Constantinople et sa capitale était tombée sous la
coupe de Michel Paléologue. Il avait épousé Marie de
Brienne fille de Jean qui était co-roi titulaire de Jérusalem.
Réfugié à Rome, il avait fait appel à toutes
les autorités occidentales pour retrouver ses Etats.
Urbain IV avait publié
une croisade. Le roi de France Louis IX lui avait apporté une aide
pécuniaire. Il avait cédé ses droits de suzeraineté
sur la principauté de Morée et d’Achaïe, où les
français se maintenaient, à Manfred, mais depuis la mort
de celui-ci à Bénévent, il se tournait vers Charles
d’Anjou.
Michel Paléologue avait
vaincu le despote d’Epire puis le prince d’Achaïe, Guillaume de
Villehardoin, avant de prendre Constantinople, profitant de la minorité
de Jean de Lascaris pour s’accaparer du pouvoir et fonder une nouvelle
dynastie..
Par ce traité, Charles
d’Anjou, toujours prêt à agrandir son domaine et avec l’accord
du pape, promet à Baudoin de l’aider à recouvrer ses états
et de donner en mariage sa fille Béatrice à Philippe fils
de Baudoin lorsqu’elle sera arrivée en âge de puberté,
à condition que ce dernier lui cède en toute souveraineté
les principautés de Morée et d’Achaïe et diverses terres
en Grèce .
Le 7 juillet 1267, Barrral
est présent lors de la ratification de ce traité.
Barral exerce son rôle
de Grand Justicier lorsque le pape Clément IV, son ami qui l’a
tant aidé à revenir à Naples, lui écrit pour
lui apprendre que le plus grand ennemi de l’église, Laurens Tiepolo,
vient d’être nommé podestat de Fermo, qu’il s’appuie sur des
lettres qu’aurait écrit Barral considérant cette nomination
comme très utile à Charles d’Anjou. Espérant conserver
l’amitié de Barral, il le prévient que s’il perd ses amis il
en trouvera des nouveaux et qu’il soutiendra la guerre qui lui est fait, confiant
que Dieu ne peut pas abandonner son Eglise.
Nous ne connaissons pas les
raisons exactes de cette nomination, ni en quoi Barral a contribué
ou s’il s’agit simplement d’une affabulation de ce podestat pour obtenir
le pouvoir . Quoi qu’il en soit, Barral doit rassurer le Saint père
et jurer de sa fidélité.
Victoire de Tagliacozzo.
Conradin (ou Conrad V), grâce
à l’illustre nom de sa famille, entreprend alors de reconquérir
la terre de ses ancêtres, accompagné de son oncle, Frédéric
d'Autriche-Baden et d'une armée allemande. A peine adolescent,
il part d’Allemagne, est bien accueilli par les cités et les Etats
d’Italie du Nord qui l'avaient appelé à la rescousse et
lui promettaient leur aide. Vérone, Pise ou Sienne
sont gibelines. Il arrive à Rome où la commune se donne spontanément
à lui.
Déjà les barons
de Lucera, insoumis, se lèvent pour l’aider.
A peine a-t-il franchi la frontière
du royaume de Sicile, dans les Abruzzes qu’il se trouve face à
l’armée angevine. Il cherche refuge auprès d'un partisan
gibelin, Jean Frangipane, mais celui-ci le livre traîtreusement
au roi alors que ses troupes perdent la bataille de Tagliacozzo, le 23
août 1268. Il est fait prisonnier.
Charles d’Anjou, cruel, décide
de le faire décapité sur l’échafaud avec son oncle
Frédéric. Cet acte odieux est exécuté sur
la place du marché de Naples, devant la foule et en présence
du roi.
Ainsi meurt le dernier des
Hohenstaufen, à l’âge de seize ans. Les poètes racontent
« qu’alors que
sa tête roule par terre, un aigle, d’un vol précipité
fond du haut du ciel, passe tout près du sol en laissant traîner
son aile droite dans le sang de Conradin et, ainsi tâché
du sang du divin empereur, s’élance de nouveau comme une flèche
dans le ciel ».
Après Frédéric
II, Conrad et Conradin, l’empire n’existe plus. La papauté l’a
anéanti.
Aucun poète ne chante
la sentence décidée par Charles d’Anjou.
La cour que Charles d’Anjou
assemble pour juger cet enfant, roi légitime de Sicile, prend elle-même
parti pour l’accusé : « Conradin n’était pas un
criminel, c’était un prisonnier de guerre ; comment faire un crime
au fils de réclamer l’héritage de ses aïeux ? »
Nous savons que la majorité
de ses juges refuse de s’associer à cette décision qui
est faite pour marquer les esprits dans le pays conquis. Deux seules voix
se prononcent pour la mort, celle du cruel Charles d’Anjou exalté
par le fanatisme religieux et celle du pape Clément IV dont le biographe
trouve ce meurtre juridique parfaitement légitime (8).
.
Par son rôle de Grand
Justicier du royaume, Barral a été confronté au problème
le plus critique de sa vie. Pouvait-il aller contre la décision
du roi alors qu’il commençait seulement à jouer le rôle
que celui-ci lui avait promis depuis longtemps ? A-t-il écouté
ses juges qui étaient opposés à l’exécution
? S’est-il sorti de cette situation en entérinant la décision,
ou a-t-il trouvé un moyen de ne pas signer l’acte d’exécution
? Nul ne le sait.
Charles d'Anjou, actif et décidé,
n'est pas homme à se faire aimer des Siciliens. Dès le
début, le régime français fait des mécontents.
Tagliacozzo
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