Chapitre XXI : l'arrivée de Charles Ier d’Anjou
en Provence
et la soumission de Barral.
Saint-Louis et ses deux frères ont un immense domaine. Leur puissance
est incontournable et telle qu’aucun roi d’Europe ne prend une décision
sans savoir quelle va être leur réaction . Même le
pape s'associe à eux.
Les rapports de Barral avec
les Anjou, et en particulier avec le comte de Provence ne cesseront
plus d'être cordiaux et basés sur la confiance.
Tout
le monde a compris que l’on ne résiste pas à leur domination.
Barral et la ville de Marseille
Personne ne résiste sauf Marseille, l'insoumise, qui se révolte
encore en 1257 contre le Comte de Provence. Les marseillais tuent les officiers
du comte qui réduit la ville par la famine. Ce dernier donna le commandement
de ses troupes à Barral et l'envoya mater la rebellion. Il s'établit
dans l'église de Saint-Victor et réduisit toute opposition.
Marseille capitula en juin et Charles d'Ajou fit trancher la tête
aux chefs de la rebellion (13) et resta seul seigneur de la ville.
- Barral, est à Brignoles le 12 juillet
1257, et il intervient en faveur de Gilbert des Baux, seigneur de Marignane,
auprès de Charles d’Anjou, afin qu’il lui fasse donation d’une
partie des revenus de Pavie contre l’hommage de Gilbert pour son fief
de Marignane qu’il tenait en toute franchise .
- Il est à Riez,
cinq jours plus tard avec le comte de Provence, lorsque le comte de
Forez abandonne ses droits de suzerain et ceux du dauphin du Viennois
Guigues VII sur le Gapençais et le comté de Forcalquier,
s’ils meurent sans héritiers. Il fait cette donation sans effet
immédiat, afin d’éviter des contestations et reçoit
en retour l’investiture du comte de Provence pour ces mêmes terres
.
- Il est à Orange,
le 23 août 1257, témoin de la cession de l'ex-royaume d'Arles
à Charles d’Anjou, par Raymond Ier des Baux, prince d'Orange, au
dépend de l'empereur. On se souvient que l'empereur Frédéric
II avait donné ce titre, le 2 janvier 1215, à Guillaume
des Baux, père de Raymond. Le prince d’Orange estime que ce royaume
sera mieux défendu par Charles que par l’empereur.
Ce même jour, Raymond
prête hommage avec son neveu Raymond II pour tous leurs biens
dans la principauté d’Orange et se voient confirmer tous leurs
privilèges. Charles d’Anjou accepte la suzeraineté et
en récompense leur donne la partie d’Orange qui appartenant à
l’hôpital de Saint-Jean avec toutes ses dépendances
.
Barral est sûrement
intervenu pour suggérer l’opération à ces cousins
d’Orange. Il fut un temps où ceux-ci portaient haut le drapeau
de la grande famille des Baux. Maintenant, c’est Barral qui a repris ce
rôle.
- Il est à Saint-Rémy, le 30 août 1257, lorsque
l’évêque de Marseille, Benoît d’Alignano, abandonne
à Charles d’Anjou et à son épouse Béatrice
la juridiction sur la ville supérieure et tous ses droits
temporels.
Sceau de l'évêque Benoît
Alignan (1257)
Il conserve sa juridiction
sur les affaires ecclésiastiques et reçoit en échange
une pension annuelle de 500 livres qui a été définie
avec des experts, l’investiture pour de nombreux châteaux
de Provence et la reconnaissance de ceux que l’évêché
possède déjà hors de Marseille. Le comte de Provence
possédait déjà la juridiction sur la ville basse de
Marseille et donc devient le maître de la totalité de la
ville. L’archevêque d’Aix, l’évêque de Fréjus
sont présents lors de la signature de l’acte, et le lendemain l’évêque
d’Arles approuve la donation, en sa qualité de Métropolitain
et se croit obligé d’ajouter que cet échange doit être
profitable à l’église de Marseille.
Après la longue lutte
de ses parents Hugues et Barrale, puis de lui-même pour conserver
les droits vicomtaux, après la victoire militaire qu’il a remporté
sur eux au nom de Charles d’Anjou, cet acte marque la soumission définitive
de la ville au pouvoir comtal de Provence.
La dernière revendication
de Barral concernant la vicomté de Marseille datait de fin 1256.
Il avait fallu trouver des arbitres : le frère Laurens, pénitencier
du pape fut choisi pour résoudre le différend entre
Barral et la commune de Marseille. Il déclara alors que les prétentions
de Barral sur la vicomté étaient nulles sauf la pension
annuelle de 3 000 sous de royaux coronats que devait la ville depuis l’accord
passé entre son père, sa mère et son frère
Gilbert et la commune. L’arbitre prit des précautions pour l’avenir
: il demanda que ce compromis soit approuvé par son fils Bertrand
lorsqu’il aura 25 ans et par le comte de Provence, si la ville l’exigeait.
L’arbitre ajouta une pension
annuelle supplémentaire de 50 livres de royaux coronats, en faveur
de Barral, payée à moitié par la commune et à
moitié par le comte de Provence. Au cas où le comte de
Provence ne serait pas d’accord, la commune paierait seulement la moitié
de la somme.
Il demanda aussi à la
commune de lui verser une somme initiale de 600 livres dans les quatre
ans pour conclure cet accord.
Bertrand, fils de Barral
approuva (1).
Il réglera encore
en 1259 un différend avec l’abbaye de Saint-Victor sur leurs droits
à Ceireste et à La Cadière, définissant exactement
la propriété de la seigneurie, des cavalcades, de la juridiction,
des peines judiciaires, des corvées et des droits d’ancrage des
ports de Bandol et de l’Aigle et de pêche .
- Il est encore à
Tarascon, le 5 octobre quand ce même archevêque d’Aix et
le prévôt de l’église de cette ville donne la juridiction
de leurs biens .
Barral gère alors
ses biens traditionnels, ceux des Alpilles et de la Crau :
Quarante ans après
avoir signé une donation à l’abbaye de Pierredon, avec
ses parents, premier acte officiel où il a participé, il
achète les droits de cette abbaye sur Mouriès. Il doit alors
se souvenir de ces parents et peut-être fait-il un bilan de sa vie
et du chemin qu’il a parcouru depuis .
Sa fortune lui permet maintenant
d’augmenter son patrimoine provençal : il achète à
divers nobles d’Arles le château de Mouriès, leurs possessions
dans la vallée de cette commune et dans la Crau, avec tous les
droits de pêche, de chasse, les pâturages, le tout pour une
somme de 3 000 sous tournois . Il fait reconnaître ses droits
de seigneur sur d’autres terres de Mouriès qui appartiennent à
l’hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem et à celui de
Trinquetaille, lesquels ne payaient plus les droits. Il leur laisse les
terres contre un paiement de 50 livres tournois, émettant quelques
réserves en cas de vente . Il achète à Saint-Jean
de Grès ou se fait confirmer sa seigneurie .
En trois années,
de 1258 à 1260, il récupère ses terres ancestrales.
Entre tous ses voyages,
il habite souvent au château des Baux ou dans une maison qu’il
possède à Arles et qui lui sert principalement pour régler
les problèmes locaux. Avec les représentants de la commune
assemblés en conseil, Barral signe une convention de paix pour terminer
toute contestation sur les dommages causés de part et d’autres pendant
les guerres, du temps du comte de Toulouse et jusqu’en février 1259.
Il rentre en possession de tous les biens qu’il possédait avant les
guerres en seigneurie, péages, cens et tasques et accorde le libre
passage sur le pont d’Arles, à toute personne, de jour comme de nuit
(2).
L’hommage à l’archevêque
d’Arles du 2 décembre montre qu’il possède alors, outre
le château de Trinquetaille et ses dépendances, les ports
d’Arles, de Fourques et de Saint-Gilles, les péages, l’albergue
de Cornillon, la Crau et Barbegal, soit tous les fiefs traditionnels de
sa famille, toujours sous la juridiction de l’évêché
(3).
Si Barral augmente son patrimoine
et ses revenus, il en est de même pour Charles d’Anjou qui s’est
imposé en Provence, et commence à agrandir son comté
de l’autre côté des Alpes : il acquiert Vintimille, Demonte
et le Val de Stura en 1258, puis la haute vallée du Pô
l’année suivante. En Provence, il gère et accroît ses
droits. Cela est parfois source de conflit, en particulier sur le sel,
son extraction et son transport, une source de revenu importante pour tout
seigneur. Le seigneur de Berre, Guillaume des Baux doit céder ses
droits de gabelle à Istres, Vitrolles et Berre, contre une pension
annuelle de 170 livres tournois. Barral est témoin de cette convention,
à Aix, le 11 août 1259 (4)..
Il règle aussi les
problèmes de sa famille de Meyrargues pour des disputes au sujet
de Puyricard. Les esprits s’étant échauffés, on en
est venu aux injures, puis on a sorti les épées, fait un
prisonnier et l’archevêque d’Aix a dû sévir.
Il a toujours ses fiefs du
Venaissin et étend ses possessions plus au nord, par l’achat
de Mirabel, Vinsobres, Nyons au monastère de Saint-Césaire
d’Arles pour 3.200 sous tournois. L’acte du 2 décembre est signé
par l’abbesse Ermessende qui garde la haute seigneurie et un cens symbolique
(5). Six mois plus tard, cette vente sera contestée par la prieure
du monastère de Saint-Cézaire de Nyons, et désapprouvée,
car elle est menacée d’un appel au pape par le seigneur Dragonet
de Montauban et son frère religieux, Raymond de Mévouillon
qui possèdent la haute seigneurie sur le château de Nyons
et tout son territoire (6). L’archevêque d’Arles tranche l’affaire
aussitôt, s’appuyant sur un diplôme de l’empereur Frédéric
II qui lui donne la protection du monastère, et confirme à
Barral les châteaux de Nyons, Vinsobres et Mirabel dans le diocèse
de Vaison, d’une maison à Visan dans le diocèse de Saint-Paul-Trois-Châteaux
et diverses propriétés à Lagoy, Robions et Brignoles.
Il lui accorde en outre de nombreuses propriétés à
Arles et en Camargue (7).
Nous avons vu que Charles d'Anjou avait demandé à Barral
des Baux et à quelques autres personnages de l'aider contre l'insoumise
ville de Marseille. En mars 1262, il faut encore réprimer une rébellion.
Nommé Capitaine Général, Barral est à la
tête d'une armée provençale et assiège Marseille.
La ville lui députe son podestat, Colomb de Saint-Pierrex et ses
principaux citoyens dont Guillaume de Lauris pour fléchir sa colère
et implorer sa clémence (8) . Un accord, que l'on croit définitif
est signé avec le comte de Provence, mais l'année suivante
(1263), une nouvelle révolte de la cité phocéenne
devra encore être matée.
Le 21 mars 1262, Charles Ier
d’Anjou promet à Bertrand des Baux, seigneur de Meyrargues, de
lui rendre le château de Roquevaire lorsque la guerre sera terminée.
Bertrand vient de lui remettre ce château, avec toutes les munitions
qu’il contient, que son fils Hugues occupait. Hugues est partisan de Marseille
qui s’est soulevé contre le comte de Provence. Il a fallu que
Bertrand arrive à convaincre les habitants de Roquevaire et sa
belle-fille pour récupérer le château. Charles d’Anjou
lui abandonne aussi les domaines d’Eudiarde, mère d’Hugues et lui
indique qu’il pourra disposer de tout cela en faveur des enfants qu’il
a eu de sa femme Alix. Barral et Guillaume Ier des Baux de Berre cautionne
l’acte (9).
Trois mois plus tard, Bertrand
demande de lui faire remettre tout ce que sa femme Alix a acheté
à Puyricard ( acte 467) et l’année suivante révoque
toutes les donations, émancipation, concession faites à son
fils Hugues pour ingratitude envers sa personne ( acte 479) puis
donne à son fils Raymond Ier les châteaux de Meyrargues et Sambuc,
sauf 60 000 sous tournois réservés à Alix, sa femme
(10).
. Lorsqu’il fera son testament en 1266, Bertrand confirmera qu’il
déshérite complètement son fils Hugues à
cause de la guerre contre le comte de Provence, sauf s’il se réconcilie
avec lui, auquel cas il recevra le tiers de tous ses biens, sinon il laissera
tous ses biens à son fils Raymond (11).
Le 9 décembre 1262, Barral
des Baux achète à Giraude de Monteil ses droits à
Aubagne et le château d’Allauch pour un montant de 4 000 livre tournois.
Giraude est la fille des anciens vicomtes de Marseille, Mabile et son
mari Giraud-Adhémar, ceux-là même qui avaient vendus
leurs parts de la vicomté de Marseille à la commune. Giraude
est alors veuve de son mari Guillaume Anselme. Barral donne en garantie
de paiement ses châteaux de Ceireste, du Castellet et de La Cadière
et promet de faire ratifier cette transaction par son fils Bertrand.
Il obtient le même jour l’accord du prévôt du chapitre
et rentre en possession du tiers d’Aubagne (12).
Barral donnera à
Giraude le château du Castellet.
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