Chapitre XVIII : le retour
des français, et la soumission de Barral
.
Le retour des "français"
:
Barral, à Avignon
ou à Arles, suit les nouvelles de l’Orient. Il apprend, sûrement
avec quelques retards, qu'en février 1250, Louis IX, Alphonse de
Poitiers et Charles d’Anjou Ier ont été fais prisonniers
à la bataille de Mansourah. Puis que Marguerite de Provence, épouse
du roi, a sauvé la croisade, de Damiette où elle s’est
réfugié, en payant une importante rançon. Il
apprend peu après que le roi de France et ses frères ont
été libérés et que le roi, avec le reste
de ses chevaliers ont rallié Saint-Jean d'Acre.
De l’autre côté
de la mer Méditerranée, en Palestine, les rares nouvelles
de France décident le roi Louis IX à renvoyer ses frères
en France. Il s’agit d’abord d’aider leur mère, l’énergique
Blanche de Castille, dans la gestion des affaires royales qu’elle assure
seule avec son conseil depuis le départ de la famille royale.
En août 1250, Charles d’Anjou
et Alphonse de Poitiers embarquent vers la France avec la bénédiction
du roi. Louis IX reste en Terre sainte, fait fortifier les places fortes
des croisés, impose son autorité, réorganise les
défenses, sans jamais essayer de reprendre Jérusalem car
il n’a plus les forces nécessaires pour une conquête.
Les évènements
provençaux, la révolte des villes, sont connus des deux
comtes et il leur tarde de prendre possession de leur comté.
Alphonse était déjà parti en croisade lors du décès
du comte de Toulouse et Charles avait tout juste commencé à
imposer son autorité. Mais ils sont chargés par le roi
de missions plus importantes concernant le royaume et la croisade.
En octobre 1250, Charles
d’Anjou et Alphonse de Poitiers débarquent à Aigues-Mortes
fermement résolus à reprendre le pouvoir de leur comté.
Quelques chevaliers s’empressent d’apporter la nouvelle de leur arrivée
et Barral et les villes alliées sont probablement surpris par
ce retour anticipé.
Il est déjà
trop tard et les nouveaux comtes s’empressent de remonter vers la vallée
du Rhône. A Beaucaire, le 30 octobre, Alphonse reçoit l’hommage
de quelques vassaux qui se sont empressés de venir à sa
rencontre. Il confirme Raymond Gaucelin dans sa charge de sénéchal
du Venaissin (1) et d’autres vassaux qui se sont ralliés
après le décès du comte de Toulouse et qui ont montré
leur fidélité. Tel est le cas de Pons Astoaud, comme de
Raymond Gaucelin (2) (3) .
Il passe rapidement en
Venaissin où le clergé et les comtadins lui accordent
un vingtième des fruits de l’année pour rembourser la
rançon qu’il a dû payer en Orient afin de recouvrer la liberté.
Il ne s’y attarde pas car, avec son frère Charles d’Anjou, ils
doivent aller en Angleterre voir le roi à la demande de leur frère
Louis IX.
Charles d’Anjou, lui, fait
un détour par Aix où il est obligé, pour le moment,
de laisser un droit de regard sur son gouvernement aux aristocrates provençaux.
Le 29 octobre, il est au château de Tarascon où tout le
clergé banni l’accueille comme le sauveur. Il y a là l’archevêque
d’Arles, Jean Baussan, qui n’a pas pu remettre un pied dans sa ville,
l’évêque Zoen Tencarari, qui est depuis encore plus longtemps
interdit à Avignon, et aussi l’évêque de Riez, Foulques
de Caille, Romée de Villeneuve, celui-là même qui
a négocié son mariage provençal, Alberta de Tarascon
et quelques autres seigneurs et ecclésiastiques attachés
à son parti.
L'archevêque d'Arles
lui rend hommage pour les biens à Arles qu’il tient de sa suzeraineté,
notamment pour le bourg des Porcellets (4). Cela est la moindre
des choses et cela ne suffit pas à Charles d’Anjou qui exige
plus : l’évêque doit revenir vers lui, alors qu’il a déjà
passé le Rhône et se trouve à Nîmes, le 7 novembre.
L’archevêque doit concéder à perpétuité,
pour lui et ses successeurs, toute seigneurie et juridiction, tous droits
et revenus appartenant à la commune et doit l’aider à s’en
emparer. L’archevêque accepte tout, trouvant l’excuse de la défense
de l’Eglise contre l’empereur Frédéric II (qui décédera
le mois suivant). Charles d’Anjou promet de le défendre, lui,
ses chanoines et son église dès qu’il sera en possession
de la ville d’Arles.
Zoen Tencarari n’a pas
suivi le comte jusqu’à Nîmes car la situation d’indivision
d’Avignon est différente et nécessite l’accord des deux
comtes.
Charles d’Anjou est pressé
de remonter vers le Nord pour accomplir les missions confiées
par son frère le roi, mais il a eu le temps de se faire expliquer
la situation arlésienne et il prend d’urgence quelques mesures :
il ordonne à ceux de son parti de préparer les hostilités
contre Arles. Le 13 novembre, il se fait livrer, pour la durée de
la guerre les châteaux d’Albaron et de Notre-Dame-de-la-Mer, ainsi
que la terre de Camargue, par sa belle-mère, Béatrix de Savoie
(5).
Disparition de l’Empire
L’année 1250 est
marquée par la mort de l’empereur Frédéric II (13
décembre) à Castel Fiorentino et la fin du conflit entre
empereur et pape. Ce dernier, toujours réfugié à
Lyon, se réjouit de cette mort qui anéantit les espoirs
impériaux d’ajouter la Lombardie à l’empire. Le Patrimoine
de Saint Pierre ne risque plus d’être intégré à
un empire continu des mers du Nord à la Sicile.
Le corps de l’empereur est
transporté à Messine, puis à Palerme où il
est déposé dans un majestueux sarcophage en porphyre rouge
foncé qu’il avait lui-même fait venir de Céfalu, prés
des tombeaux de ses parents Henri VI et la Grande Catherine.
Deux ans auparavant, à
Verceil, l’empereur envisageait encore de se rendre à Lyon en
traversant les Alpes, pour s’imposer sur toute l’Italie, sur ses terres
de la rive gauche du Rhône et pour dominer l’Eglise. Ses délégués
étaient encore très influents en Provence. Mattieu Paris,
chroniqueur de ce temps, dans sa Chronica majora (6), raconte que
Marseille et Avignon venaient juste de prêter serment de fidélité
à l’empereur Cela n’est pas certain mais est possible.
L’Empire s’effondre et,
après la fin de la Maison de Toulouse, cette disparition fait
perdre à Barral une deuxième possibilité de recours,
un recours que sa Maison avait si souvent utilisé.
La résistance
Après la surprise
du retour anticipé des comtes français, Barral des Baux
a très vite réagi. Il a décrété la
mise en défense des villes d’Arles et d’Avignon et de ses propres
châteaux. Il a compris que l’heure de la guerre a sonné et
il fait jouer les alliances. Marseille envoie de l’artillerie aux Avignonnais
et aux Arlésiens (7). On se prépare à un affrontement
décisif, à une lutte sans merci.
Les premières actions
de Charles d’Anjou ont montré sa volonté de reprendre en
main tous les pouvoirs provençaux et l’affaire de l’archevêque
d’Arles a dissipé les quelques doutes qui auraient pû apparaître
à ce sujet.
Du côté de
l’Eglise, le pape essaie encore de trouver une solution aux révoltes
arlésiennes et avignonnaises : en juillet 1250, c’est par l’archidiacre
de Maguelone qu’il fait des propositions pour retrouver une situation
plus normale en Arles, puis au début de 1251, il envoie un de ces
chapelains, le frère dominicain Etienne en Provence en lui demandant
de s’appuyer sur les hommes du comte d’Anjou, sur les prélats
et les villes du pays. Le Saint-Père appuie cette intervention
par des bulles adressées aux archevêques d’Arles et de Narbonne,
aux évêques d’Avignon et de Marseille, au sénéchal,
aux baillis et procureurs du comte de Provence (8).
Il s’adresse trois bulles
aux habitants de Marseille, d’Avignon et d’Arles, aux podestats et aux
conseillers de ces villes. Barral des Baux est directement concerné
par deux d’entre elles, celle adressée à Marseille étant
très modérée.
Celle qu’il reçoit
comme podestat d’Arles est un appel à la raison : «
L’ancienne dévotion envers l’Eglise romaine qui a fait votre
honneur, nous sollicite instamment à nous préoccuper de
votre salut et de vos intérêts. Votre cité avait l’habitude
de se distinguer par sa grande sincérité envers le Saint-Siège
apostolique ; en fille bien aimée de l’Eglise, elle avait l’habitude
de nous vénérer ; entre toutes les autres villes portant l’emblème
de la dévotion et de la foi, la vôtre brillait d’un éclat
encore plus pur. Mais depuis un certain temps elle a chancelé quelque
peu hors du chemin du salut, et le grand amour, dont elle brûlait
jadis pour l’Eglise s’est maintenant attiédi, comme sa charité
s’est refroidie … Nous savons que vous supportez de multiples souffrances,
que vous subissez des attaques du dehors, que la tranquillité à
l’intérieur de votre ville vous a été enlevée.
Nous compatissons à vos peines et nous nous préoccupons
d’y apporter un remède salutaire. Voici que nous vous envoyons le
frère Etienne, chargé de travailler à la paix. Recevez-le,
écoutez-le. » .
Le Saint-Père
essaie de calmer les esprits arlésiens et fait appel à leur
raison en minimisant la gravité des évènements. Il
n’en est pas de même dans la bulle adressée à Avignon,
et, à nouveau, à Barral.
Le ton est plus sévère : « La dureté
de votre cœur, votre éloignement de l’Eglise et votre fourberie
nous indisposent grandement … nous endurcissent très justement à
l’égard de votre cité … Nous ne pouvons pas nous dépouiller
de notre amour paternel et vous oublier complétement … Nous savons
que vous êtes tourmentés au dedans et au dehors, que vous
avez perdu tout repos… Recevez le père Etienne… ».
Aucune de ces bulles n’eut
le moindre effet.
Tous étaient en attente
du retour des comtes et se préparaient au combat final pour leur
liberté. La situation dans les villes était très
ambigüe, les divisions apparaissaient entre ceux qui voulaient résister
et ceux qui avaient une attitude plus modérée, plus conciliante.
L’histoire ne nous a pas laissé de traces de ces luttes
intestines face à l’adversité, la menace si proche.
C’est le moment que Barral
choisit pour s’effacer, pour laisser sa place de podestat dans les deux
villes, jugeant sûrement qu’il est trop exposé dans ce rôle.
Il est remplacé, à Arles, par trois recteurs et nous savons
qu’il n’est plus podestat d’Avignon à la fin du mois d’avril. Il
s'écarte bien vite avant le retour des frères de Louis IX,
ayant intérêt à faire oublier ses prises de position
contre les Français ou du moins à ne plus jouer un rôle
primordial.
La soumission
Les deux comtes
et leur force militaire revinrent au début du mois d’avril 1251.
Il était temps pour eux de s’imposer, peut-être par la force,
sûrement par des négociations. Ce fut rapide. Les révoltés,
sans Barral, n’avaient pas les ressources nécessaires, ni même
la volonté de s’opposer à la force. Il y eut probablement
quelques escarmouches, le siège d’Arles, mais rien que l’Histoire
nous ait conservé.
Quoi
qu’il en soit, ce fut Arles qui capitula en premier : le 29 avril 1251,
la ville se soumet à Charles Ier d'Anjou. S'en est fini de la république
communale. Dans le palais d'Arles, le Comte s'engage à procurer
la paix à la ville et à sauvegarder ses intérêts
et ceux de ses habitants. Il pardonne les offenses faites à sa
personne et pour les dommages causés à ses biens .
Par contre, il ne
pardonne pas à Barral, et ses domaines baussenques sont exclus
de l'accord. Il précise même que le prix des objets
pillés par Barral et pour lequel il a donné en gage ses
domaines à la commune, sera pris sur les biens propres de Barral
et non sur ceux qu'il tenait du comte de Provence, directement ou indirectement.
Avignon se soumet
le 7 mai aux deux frères, Alphonse et Charles, coseigneurs de la
ville. Le traité signé à cette date précise
que les comtes gardent la haute et la moyenne justice et qu’ils auront
un viguier commun. Les Avignonnais sont exemptés de tailles et
de péages. Ils ratifient cet accord trois jours plus tard.
L'hommage du Venaissin nous
est parvenu sous forme d'un registre dont plusieurs copies existent.
Une d'entre elles est à Carpentras. Raimond d'Agoult, baron
de Beaumes, seigneur de Sault, Durban et de la Roque-Alric fait hommage
le 5 mai 1251.
Barral
propose alors une trêve à Charles d’Anjou, le 21 juin 1251,
jusqu'au lendemain de l'Ascension, donnant en garantie, pour la durée
de cette trêve, le château et la ville des Baux, jurant de
respecter les terres du comte, pouvant se déplacer dans le Comté
de Provence ou celui de Forcalquier, pouvant résider à Marseille
ou à Aubagne, sans rien attenter contre le comte.
La trêve est
acceptée par acte signé du sceau de Barral à Saint-Rémy
; les prisonniers des deux camps sont libérés. Les habitants
des Baux, de Castillon et de Monpaon ont la liberté de cultiver
leurs terres.
Si Arles et
Avignon sont soumises au comte, il reste Marseille, toujours érigée
en République.
Le 30 octobre 1251,
dans le Castelet de Montmajour, Barral fait rédiger deux actes
(9) :
- le premier est
une préparation à sa soumission, une déclaration
aux envoyés de Charles d'Anjou, au sénéchal de Provence
Hugues d'Arsis et à Philippe, l'archevêque d'Aix, que dans
les quinze jours il reconnaîtra au comte d'Anjou et de Provence
toutes les terres qu'il possède dans son comté, y compris
le château des Baux, mais à l'exception de celles qu'il tient
de l'église de Marseille. Il promet de rendre hommage, de fournir
les cavalcades dues au suzerain, il promet de ne plus invoquer les droits
que sa famille tenait de l'empereur pour s'affranchir de ses obligations
envers le comte. Il donne des gages de sa bonne foi, promet 2 000 marcs
d'argent. Il donne pour caution Bertrand des Baux, le seigneur de Meyrargues
et Guillaume, seigneur de Berre, les seigneurs de Trets et d'Hyères
et celui de Castellane. Il promet de faire prêter le même serment
à ses vassaux dans le courant du mois, et s'il devenait parjure, leur
rendrait leur liberté. La partie adverse, les conseillers de Charles
d'Anjou, promettent de lui faire rendre les bonnes grâces du comte
de Provence.
- le deuxième
concerne Marseille, l'insoumise. Il promet aux mêmes personnes
d'agir pour amener la paix entre Marseille et le comte, et en cas d'échec,
de faire la guerre aux Marseillais, en personne, avec ses vassaux et
partisans, et cent chevaux qu'il tiendra équipés à
ses dépens jusqu'à Pâques. Il promet, en outre, de
faire rentrer dans le giron du comte le comté de Gap. Là
aussi il donne des gages : son fils unique et son neveu Guillaume de Pertuis.
S'il se parjure, il perdra Pertuis et ses domaines du vicomté de
Marseille.
Ce deuxième
acte est renouvelé le 19 novembre, à Aix .
Finalement, le 22
novembre 1251, dans le palais du comte, en présence de l'archevêque,
de l'évêque de Marseille et du prévôt de Grasse,
Vicedominus, il signe l'acte de soumission en des termes identiques à
ceux qu'il avait préparés avec les envoyés du comte.
Il donne pour caution comme prévu, Bertrand des Baux, le seigneur
de Meyrargues, Guillaumme des Baux de Berre, les seigneurs de Trets
et d'Hyères, celui de Castellane, les frères Foulques de
Pontevès et Isnard d'Entrevennes, et Guillaume de Sabran, frère
du feu le comte de Forcalquier. Au sujet de ses vassaux, il ajoute que
l'hommage direct au comte de Provence sera renouvelable tous les dix ans
(10).
Sont témoins aussi : Othonde Grasse, évêque
de Gap (11) et Fouques de Caille, évêque de Riez
(12) .
Le 26 décembre 1251, à
Beaucaire, il se présente devant l'archevêque d'Arles, accompagné
de trois chevaliers de Tarascon députés par Charles d'Anjou
pour obtenir la révocation des sentences d'excommunication lancées
contre lui, promettant d'obéir à ses ordres dans l'avenir
(13).
Cette soumission de Barral des Baux marque la fin du long conflit
qui , depuis un siècle, oppose sa Maison à celles des comtes
de Provence. Après lui, personne ne relèvera à nouveau
le flambeau patriotique de Provence contre leurs souverains angevins ou,
plus tard, français.
S'étant
soumis au comte de Provence pour ses terres relevant de ce comté,
il restait à Barral à faire la même chose pour
ses biens du marquisat de Provence. Il attendit que la promesse
faite en 1249 et l'accord avec la reine mère de France, Blanche
de Castille, décédée, portent ses fruits. Alphonse
de Poitiers, souverain du comté de Toulouse et du marquisat
lui annonça la restitution de ses fiefs, par lettre signée
à Vincennes. Elle arriva en janvier 1253 et il s'empressa de
rendre hommage et serment de fidélité, jurant d'être
un bon vassal. Il récupéra ainsi ses fiefs de Loriol,
Monteux, Bédarrides, Entraigues, Caromb, Bédoin, St Léger,
Flassan, Brantes, Auban, St Saturnin, Frontinian, Augens et Parroyan et
fit savoir la nouvelle à ses vassaux du comtat.
(14)
Il précise dans l'acte d'hommage les rôles joués
dans cette restitution par Blanche de Castille et Charles d'Anjou.
L'évêque de
Carpentras se déplace jusqu'à Riom, en Auvergne, en juin
1252, pour prêter hommage à Alphonse de Poitiers pour les
fiefs de son évêché.
Barral
des Baux avait joué "
gros" dans cette
période troublée de changement de dynastie et finalement
son plan (pensé cinq ans auparavant) avait réussi pleinement.
Malgré le changement de souverains pour le comté et le
marquisat, il conservait tout ses biens des deux côtés
de la Durance. Il avait pourtant été le représentant
du clan anti-français, le meneur des troupes et du peuple contre
l'arrivée des capétiens dans notre région,
ces étrangers que le monde du Midi n'acceptait pas. Les
biens données par le dernier comte de la Maison de Toulouse,
Raymond VII, restaient en sa possession.
Evidemment,
des clauses prévoyaient que tout cela serait annulé
s'il ne respectait pas ses engagements, qu'il serait banni de Provence
et que ses souverains reprendraient les fiefs concédés.
Il
s'engage à partir en Terre Sainte, d'équiper et d'armer
dix chevaliers et dix arbalétriers à cheval, à
ses frais, avant le mois d'août 1254, sauf si cet engagement
ètait revu par les princes, et s'il décédait
avant cette date, son fils Bertrand le remplacerait pour ce voyage-croisade.
Rétabli dans ses
droits, il pourrait alors mener une vie plus paisible.
Il
n'en est rien. Le nouveau pouvoir a compris qu'il ne pouvait pas se passer
de lui et qu'avec ses nombreuses relations, en particulier avec les villes,
il pouvait être utile. Le 26 juillet 1252, Charles d'Anjou et son
épouse Béatrice de Provence nomment Barral des Baux et d'autres
personnes comme leur procureur afin de recevoir, en leur nom, le serment
de fidélité des Marseillais, des conseillers, des chefs de
métiers et autres officiers de la ville car un accord a été
signé avec le comte (15).
Fin 1252, celle qui fut son interlocutrice majeure auprès de
la Maison de France, la reine Blanche de Castille meurt.
Saint Louis au loin, Alphonse
et Charles la pleurent. Elle a eu un rôle déterminant dans
ce grand changement qui touche le Midi.
Pendant l’absence
de Saint Louis, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou prennent en charge
la responsabilité du royaume de France : Alphonse s’occupe de l’administration
et Charles des affaires étrangères. En fait, ils s’occupent
surtout de leurs intérêts personnels.
Barral profite de cette accalmie pour s'occuper de son patrimoine et l'augmenter
de quelques nouveaux fiefs.
-
En 1253, il avait
ajouté à ses fiefs la seigneurie de Cavaillon, les
châteaux de Villars et de Roussillon vendus par Bertrand
de Cavaillon et obtenu le droit de lods concédé par le
sénéchal du Venaissin (16).
-
Son bailli Raymond
Etienne le représente à Monteux lors du partage
des biens saisis sur les hérétiques vaudois de
cette ville car il a sept parts de cette seigneurie et de la juridiction.
La huitième part appartient à deux frères
de la Maison de Venasque, Rostang et Geoffroy, vassaux de
l'évêché de Carpentras.
(17).
-
En janvier 1254, il reconnaît
tenir en fief le château de Monteux de son suzerain
Alphonse de Poitiers. L'évêque de Carpentras,
Guillaume Béroard, proteste car un huitiéme de
cette seigneurie, acheté par Barral à Imbert d'Agoult
relève de son évêché. Barral lui prête
hommage. (18).
-
En février,
il est à Arles où il règle, avec le conseil
de la ville, les problèmes des droits de péage sur
le pont du Rhône et sur les ports de la ville. Il convient qu'en
cas de mauvais temps, gel ou vent violent, les habitants pourront
traverser ports et ponts sans acquitter de droits.
-
En mars il est de
retour à Monteux pour prendre possession du château
remis par Jean de Monteux (19).
-
En mai, il
est au château des Baux et nomme Guillaume Castellan comme
bailli de la vallée de Moriès et lui concède
quelques droits. (20).
-
Il surveille les transactions
de ses vassaux, afin de conserver ses droits, comme celui
de recevoir sept livres tournois, 300 anguilles claires
et une livre de poivre de Rostang de Saint-Hilaire, de Tarascon
(21)
ou encore de recevoir la tasque
de tous les fruits de trois terres de la vallée de Mouriès
(22).
Il a besoin de se dépenser,
non seulement pour lui mais encore pour les autres. Il est de tous
les conflits, de tous les arbitrages, souvent avec l'archevêque
d'Aix. Il est présent, témoin ou arbitre en Provence
et en Comtat.
-
Il est à Aix,
le 23 août , témoin de l'hommage de son cousin
Bertrand des Baux, le seigneur de Meyrargues, à l'archevêque
de cette ville, pour ses fiefs de Puyricard, Sambuc et Eguilles
et régle des différents survenus entre coseigneurs.
(23).
-
En septembre, il est
arbitre entre ce même Bertrand et la communauté de
Gardanne qui défend les privilèges acquis des
vicomtes de Marseille
-
Sa belle-fille, Philippine
de Poitiers, est à Monteux en octobre avec son fils
Bertrand, et reconnaît que son père a payé
sa dot à Barral. (24).
-
Débordant d'activité, il est de partout ; à
Aix en février 1255, il arbitre un conflit
entre les deux frères des Baux, seigneurs de Berre.
Le
17 des calendes de novembre 1255, un accord est passé dans le
cloître de l'église de St-André-des-Baux, reçu
par Pierre Brémond, notaire public de Provence, achevant
la réconciliation de Barral avec l'archevêque d'Arles
Jean Baussan. La négociation fut certainement difficile
car il existait un certain nombre de désaccords avec l'archevêque.
En particulier, Barral cèda sur l'usage de Palud Majeure
près de Mouriès par les habitants de Castillon
comme le demandait l'archevêque.
Pendant
ce temps, Louis IX décide de quitter la Terre Sainte. Il rembarque
à Saint-Jean-d’Acre le 24 avril 1254, passe par Chypre avec l’intention
d’arriver à Aigues-Mortes, en terre française, mais retardé
par le mauvais temps, il débarque sur les terres de son frère
Charles d’Anjou, à Hyères. Après un pèlerinage
à la Sainte-Baume, par Aix-en-Provence et Beaucaire, il regagne son
domaine.
Le 5 septembre 1254, le roi est
à Vincennes. Le 7, il arrive à Paris. A partir de ce moment
là, il reprend en main les affaires du royaume et sa notoriété
est telle qu’il doit s’occuper de toutes les affaires européennes.
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