barral titre  

Chapitre XVI : Révolte de Barral contre les "français" 
Alphonse de Poitiers et Charles d'Anjou.


La Révolte de Barral pendant la croisade des "français" (1)  :

        Il nous faut revenir sur la situation avignonnaise qui s’est aggravée depuis 1246. On a peine à suivre les évènements sérieux qui s’y produisirent. Barral nommé podestat, l’évêque Zoen chassé de la ville, le mouvement populaire anticlérical s’était amplifié. Les Curiates, c’est à dire le podestat et son représentant le viguier, les juges, syndics et clavaires de la commune s’emparèrent  du palais épiscopal, s’y établirent, prirent le blé et le vin du palais et interdirent de payer à Zoen les revenus de la ville. De plus, ils imposèrent leurs gardes pour les quelques hérétiques que les inquisiteurs gardaient prisonniers au palais, libérant au passage le seul Avignonais détenu. Ils imposèrent d’assister à la procédure des inquisiteurs qui préférèrent abandonner plutôt que d’admettre l’ingérence du pouvoir public. C’était une véritable révolution.
        L’évêque Zoen Tencarari, ayant excommunié les rebelles se porta à Lyon et demanda l’aide du pape Innocent IV. Celui-ci envoya un émissaire négocier avec Barral et la commune. Ces derniers montrèrent les meilleures dispositions, promirent tout, s’engagèrent à obéir au pape et garantirent leurs bonnes intentions par une somme de 8 000 marcs d’argent et ... ne firent rien.
        Le juge nommé par le pape pour aplanir le conflit, le cardinal de Saint-Laurent in Lucina, Jean Tolet ou Toleto, un anglais cistercien, convoqua les deux parties devant lui, l’évêque et les rebelles, prit connaissance des faits que chacun lui documenta à sa façon, puis chargea des arbitres pour trancher : l’évêque d’Orange pour Barral et les siens, le sacriste d’Arles pour Zoen .
        Tout cela n’était que temporisation, poudre aux yeux, malice, ruse et Barral et les Avignonnais trouvèrent toutes les excuses pour ne rien faire, récusant l’évêque d’Orange et le sacriste d’Arles, qu’ils avaient pourtant accepté, et faisant directement appel au cardinal.
        Au contraire, leur position se radicalisa : ils expulsèrent le prévôt et les chanoines de Notre-Dame-des-Doms de leur église et de leurs habitations et ne perdirent pas une occasion pour montrer leur sentiment anticlérical et leur volonté de s’affranchir de la tutelle de l’évêque ; le peuple applaudissait lorsqu’un juge menaçait de mort quiconque prendra la défense de l’évêque ; un diacre fut jeté en prison et fut frappé par un juge communal ; le prieur de Saint-Etienne fut traîné dans les rues et menacé d’être jeté dans le Rhône ; un autre prêtre fut frappé ; d’autres étaient obligés de quitter leurs vêtements sacrés et étaient interpellés injurieusement dans les églises ; on interdisait de faire des offrandes trop élevées aux prêtres et aux autels ; la commune chassait les prieurs des établissements religieux comme la maison de Saint-Bénézet et l’hôpital de Durand Hugues pour y établir ses propres recteurs. Tous ces évènements nous sont connus par la défense que présentérent plus tard l’évêque et le cardinal délégués par le pape et sont peut-être exagérés pour appuyer cette défense. Quoi qu’il en soit la situation était des plus sérieuses à Avignon.
         On en est là au moment de la signature de l’accord avec Marseille et Arles qui confirme pourtant la volonté d’apaisement et de trouver un accord.
        Le cardinal Jean Tolet fait citer Barral et les Avignonnais à comparaître devant lui et s’appuie pour cela sur l’entremise de l’archevêque d’Arles, Jean Baussan, puisque la ligue des communes a promis de le défendre et le protéger. Barral et les Avignonnais ignorent cette demande et ne se rendent pas à la convocation, alors que l’évêque Zoen a fait le voyage. Peine perdu pour tout le monde. L’affaire remonte au pape qui est très ennuyé, pris entre le besoin de les punir et une prudence certaine pour éviter d’envenimer le conflit. Il est vrai que le mouvement anticlérical se propage en Provence et que le conflit avec l’empereur risque de pousser les rebelles dans ses bras.
        Zoen est confirmé le 29 juin 1247 pour deux ans dans son privilège d’exemption vis à vis de son métropolitain, mais le Saint-Père décide encore une fois de tenter une nouvelle conciliation en déléguant Martin de Parme, un de ses chapelains, vers les Avignonnais pour les supplier de restituer les biens de l’église à l’évêque et pour réparer les dommages causés par la rébellion et impose un délai pour se présenter (2). Encore une fois, personne ne comparaît devant le nouveau délégué.
        Le délai écoulé, le souverain pontife envoie les abbés de Saint-Gilles et de Franquevaux avec pour mission de dissoudre la confrérie avignonnaise. Devant l’échec de leur mission, ils renouvellent la sentence d’excommunication contre Barral et ses partisans, mettent la ville et ses faubourgs en interdit, avec défense d’y célébrer des offices divins, et donnent assignation aux Avignonnais de comparaître au plus tôt devant le pape sous peine de perdre les 8 000 marcs d’argent stipulés dans le compromis initial et d’être sévèrement punis.
        Cela n’effraie pas Barral qui, décidemment, est un habitué des excommunications. Mais il a compris qu’il est temps de calmer le pape même s’il reste, en sous-main, à la tête du parti anticlérical et anti-Charles d’Anjou. Il décide, avec les Avignonais de faire le voyage de Lyon, et devant la cour pontificale assure de sa bonne volonté pour résoudre le conflit, prononce un discours de paix et d'apaisement. Ses paroles pleines de miel et de soumission cachent sa volonté de persévérer. La Curie doit se méfier et juger sur les actes et les faits car il n’obtient pas l’agrément du pape et s’en revient à Avignon.
 

        Pendant ce temps, le roi de France continue ses préparatifs pour la croisade. Le port d'Aigues-Mortes est construit  et en 1247, il fait partir ses premiers bateaux avec des provisions pour Chypre.
        Il voudrait laisser derrière lui une situation politique saine et il essaie de rétablir la paix entre l’empereur et le pape afin qu’une querelle ne menace pas sa grande entreprise en Terre sainte. Sa piété ne lui masque pas les faiblesses du pape et il connaît la puissance de l’empereur avec qui il a toujours gardé des relations normales, même après son excommunication. Il sait aussi qu’il risque d’avoir besoin de se ravitailler en Sicile qui est un royaume impérial.
        En Languedoc maintenant français, il règle les derniers conflits : peut-être Barral apprend-t-il par son épouse ou sa belle-famille que le dernier des Trencavel, Raymond, a brisé le sceau familial devant le roi de France, marquant ainsi sa soumission définitive.

        L’empereur, quand à lui, après avoir un temps envisagé le rassemblement de ses vassaux à Chambéry et projeté de se rendre à Lyon pour une confrontation avec le pape, doit se replier sur l’Italie où la révolte de Parme (juin 1247) l’oblige à batailler. Il s’éloigne ainsi de son ancien royaume d’Arles et Barral et les communes alliées voient ainsi diminuer la probabilité d’un éventuel recours à l’empereur.

        Cela ne l’empêche pas de pousser encore ses pions dans son combat anti clérical. Avec les Avignonnai,  il organise une expédition armée contre Bédarrides, une seigneurie de l’évêque, coupant les arbres et les vignes, molestant les hommes du prélat, brûlant son moulin et de là il se porte à Châteauneuf, autre seigneurie épiscopale et à Barbentane fief de l’église d’Avignon où ils commettent les même dégâts. Le blé saisi dans les greniers de l’évêque est vendu pour payer les soldats de l’expédition.

         Toute cette agitation a son écho à Arles où déjà avant la signature du traité d’alliance le pape avait invité Jean Baussan et les délégués de la commune à se rendre auprès de lui (août 1246). Malgré la promesse de défendre l’Eglise confirmée encore le 5/3/1248 par le podestat Albert de Lavagne (il promet de défendre son archevêque, les églises et les abbayes, comme convenu dans l’acte d’alliance entre les trois grandes cités), un mouvement anticlérical commence à émerger (3).

La croisade de Louis IX (1248-1254)

         C’est vers cette époque qu’arrivent les armées du roi de France. Louis IX a confié la régence à sa mère Blanche de Castille et à ses conseillers, lui a aussi confié la garde de ses 5 jeunes enfants, car il a décidé d’amener son épouse Marguerite de Provence et descend la vallée du Rhône vers Aigues-Mortes avec 25 000 hommes et 8 à 9 000 chevaux environ, et l’élite de la noblesse française.
        L’armée des croisès arrive sous les murs d’Avignon dans ce contexte anticlérical, anti-français. Les Français connaissent les évènements récents d’Avignon et se souviennent du siège d’Avignon de 1226 et de ce que cela leur avait coûté en temps perdu et en souffrances. L’Histoire va-t-elle se reproduire ?
        Les injures françaises fusent vers la ville et ses habitants postés au sommet de leurs nouveaux remparts. Les esprits s’échauffent devant les accusations de traitres, d’Albigeois et même d’assassins car tous pensent que les Avignonnais sont pour quelque chose dans la mort subite du roi Louis VIII, mort suspecte survenue juste après le siège d’Avignon.
        Les Avignonnais exaspérés par cette armée qui représente la dévotion à l’Eglise, au Saint-Père, au clergé, à Charles d’Anjou, sortent leurs machines de guerre, envoient quelques boulets contre les croisés. Hugues de Châtillon, comte de Saint-Pol et de Blois est frappé à mort par un boulet et quelques croisés sont dépouillés ou tués dans quelques chemins étroits, pris dans des embuscades. Les barons français s’énervent et réclament au roi de faire taire ces insolents par un bon châtiment (4) .
        Louis XI pique son cheval, fait hâter la marche de l’armée en déclarant : «  Ce n’est pas pour venger mon père, ma mère ou mon propre honneur que je vais hors de France, mais pour venger les insultes faites à Jésus-Christ » (5) .
         Barral et Avignon respirent.

        Le roi de France poursuit son chemin. Il a alors 34 ans et son épouse Marguerite de Provence tout juste  27 ans. Le 28 août 1248, le couple royal, Robert et Charles d’Anjou, deux frères du roi, embarquent à Aigues-Mortes. Charles d’Anjou est accompagné de son épouse Béatrice : ils abandonnent la Provence au moment où celle-ci se révolte. Une flotte de 38 bateaux quitte le port, bientôt rejointe par les navires de Marseille et prend le large.


croisade
Croisade e Louis IX.

        Raymond VII de Toulouse, qui doit se joindre à la croisade, retarde son départ. Est-il déjà malade, ou bien pense-t-il que ses affaires ou sa situation politique nécessitent un délai ? Nul ne le sait.

        Alors que le 17 septembre, le roi est déjà arrivé à Chypre, son autre frère Alphonse de Poitiers et son épouse Jeanne de Toulouse sont encore en France : ils embarquent le  25 août 1249.
 
        Dès que les nouveaux comtes, Charles d'Anjou et son frère Alphonse de Poitiers, sont au loin, Barral, qui a tout préparé, espérant relever l'éclat de sa maison, prend le flambeau de la révolte, tentant de leur enlever le comté et le marquisat de Provence. Il s'appuie sur ses accords avec les villes signés en 1247, leur esprit d'indépendance, leur besoin de liberté pour leur commerce et la rébellion anticléricale. Il sait qu’un changement de dynastie s’accompagne toujours de difficultés et a évalué le mécontentement provençal face aux premières pressions fiscales
        C’est toute la région, déjà influencée par les évènements impunis d’Avignon, qui se soulève sous sa bannière.
        A Arles, les gens de  la commune s’emparent du péage et du château de la Trouille qui appartient au comte de Provence et de tous les droits qu’il peut revendiquer dans le bourg. Dans le voisinage, les Arlésiens armés pillent les biens provençaux, et le sénéchal de Provence, Amaury de Thury qui s’est avancé en Camargue est battu, à l’automne. En ville, la confrérie se reconstitue avec à sa tête un de ses anciens chefs les plus fougueux, Pons Gaillard. L’archevêque, qui avait pourtant admis les chefs de métier à la direction des affaires de la vill, doit s’incliner.
        Prenant exemple sur Avignon, la confrérie s’attaque aux Hospitaliers de Saint-Thomas de Trinquetaille et en massacre quelques-uns dans leur église ; elle détruit quelques maisons des Templiers. Les modérés qui essaient de s’interposer sont tués ou jetés en prison. L’archevêque, intervenant pour calmer les rébelles, est menacé par l’arme de Pons Gaillard.  Marseille offre son arbitrage, envoie des ambassadeurs, sans résultat.

        Barral est informé, bien sûr, de ces évènements. Pour l’heure, il est occupé par ses fonctions de podestat d’Avignon et ses affaires du Venaissin : le 15 décembre 1247, les chevaliers de Monteux, par l’intermédiaire de leurs syndics lui donnent les droits sur leur commune : ils lui cèdent leurs franchises et privilèges, le consulat sur les notaire, le sceau de la ville et il est reconnu comme leur seigneur  (6).
        En peu de temps, il récupère aussi tous les droits sur Entraigues : c’est Raymond Amorosi qui rend hommage, puis Guillaume Raynoard, et enfin la ville d’Avignon qui lui donne les droits sur le château contre remise d’une dette qu’elle a envers lui. Elzéar de Sabran, son vassal pour le château et la juridiction d’Entraigues, prête hommage (7).
        Il est arbitre et exécuteur testamentaire pour Guillaume II des Baux, coprince d’Orange qui lègue ses biens à son épouse enceinte pour le cas où elle accoucherait d’un garçon, y compris ses biens en Sardaigne, sinon il laisse son héritage à son frère Bertrand qui n’est pas encore marié et n’a donc pas de descendance. . Si celui-ci n’a pas d’enfant mâle, c’est son oncle le prince d’Orange Raymond Ier qui aura l’héritage, sauf Courthézon et Orange qu’il laisse à ses frères (8) .
        Il reçoit encore le droit de cavalcade sur Bédarrides du comte de Toulouse  (9).
        Bref, il s’impose en Venaissin, agrandissant son domaine.


        Trop, c’est trop ! le clergé réagit : réunis en concile à Valence sous la présidence de Pierre de Colmieu cardinal-évêque d’Albano et d’Hugues de Saint-Cher, cardinal-prêtre de Sainte-Sabine, le 5 décembre 1248, après avoir entendu les doléances de Jean Baussan et de Zoen Tencarari, le clergé prend des mesures contre les rebelles d’Avignon et d’Arles. Sont présents les archevêques de Narbonne, Vienne, Arles et Aix, les évêques d’Agde, Agen, Avignon, Béziers, Carpentras, Cavaillon, Die, Fréjus, Marseille, Nîmes, Lodève, Uzès, Vaison, Viviers et Saint-Paul-Trois-Châteaux.
        Les décrets visent les parjures, ceux qui s’étaient engagés à être fidèle à l’Eglise, à défendre ses libertés et qui font le contraire. Sont visés ceux qui troublent les inquisiteurs dans l’exercise de leur fonction, qui interdisent aux clercs le feu et l’eau, les fours et les moulins. Il est défendu expressément de confier des offices publics à des excommuniés, de les nommer consuls, podestats, recteurs, assesseurs, baillis ou bayles sous peine de nullité de leur nomination. Tout rapport avec les excommuniès est interdit ; ceux qui assassinent les clercs, s’emparent de leurs biens, violent les libertés, sont condamnés.
        La mesure majeure est l’interdiction des confédérations et des confréries, leur dissolution dans les deux mois sous peine d’excommunier les auteurs de ces associations et leurs complices. C’est une condamnation de Barral et de son alliance avec les trois communes.  
        La condamnation rappelle en outre que personne ne doit aider ou écouter les conseils de l’empereur Frédéric II et de ses délégués provençaux comme décidé à Lyon et que les fidèles doivent jurer tous les trois ans d’observer la paix et de ne pas favoriser les menées de l’Empereur.
        Mais il ne s’écoule pas trois mois avant que le pape lui-même ne revienne en arrière au moins sur la condamnation du traité de Barral et des trois villes : le 24 février, il intervient auprès de l’archevêque d’Arles et des évêques de Marseille et de Nîmes, leur indiquant qu’il souhaite rediscuter cet article et, en attendant, demande de suspendre les sentences menaçant les auteurs et complices de la confédération (10).
        Barral et les insurgés ne risquant que des peines spirituelles, continuent leur combat mais envoient quelques délégués vers le pape, à Lyon, pour protester à nouveau de leur volonté d’apaisement. Ils se déclarent prêts à entrer en discussion et à réparer les dommages subis par l’évêque, à condition d’être absous au préalable de toutes les sentences qui pèsent sur eux.
        La condition étant bien sûr inacceptable par le Saint-Père, il s’agit encore une fois de gagner du temps par des palabres, des assurances que personne ne tiendra, de faire diversion. Le pape dont la prudence est jugée comme une faiblesse, accorde quatre semaines pour voir des résultats de toutes ces promesses. Il semble que l’intervention des délégués marseillais et arlésiens contribue à l’obtention de ce répit de courte durée.
        Quatre semaines après, Barral et Avignon n’ont pas fait le moindre geste favorable à l’évêque ou à son église.
        Alors, Innocent IV fait envoyer une dernière citation et assignation, le jeudi saint (1er avril de l’année 1249), patiente encore un mois sans que personne ne bouge, puis donne entière liberté au cardinal de Saint-Laurent pour prononcer la sentence solennelle d’excommunication contre Barral et les Avignonnais, sentence qu’il confirme le 24 avril.
        Les conditions d’absolution sont inacceptables pour Barral et la commune : il faudrait donner entière satisfaction à l’évêque et au clergé d’Avignon ; il faudrait payer les dommages subis par l’Eglise, jurer obéissance, se soumettre et obéir à l’évêque. Il faudrait dissoudre la confrérie. Bref il faudrait faire exactement le contraire de tout ce qui a été entrepris depuis 1246 et mettre fin à la Révolution.
        L’évêque d’Avignon Zoen Tencarini lance l’interdit sur les villes alliées d’Avignon, Arles et Marseille (11). Il accuse la commune d’Avignon d’avoir créé des consuls, des podestats, des recteurs, sans respecter les droits de son église et de troubler l’exercice des fonctions sacerdotales de ses prêtres.

        En Arles, le résultat de cette condamnation au plus haut niveau de l’Eglise est contraire à celui qu’attend le pape : le peuple se déchaîne, refuse de payer la dîme au clergé, expulse les partisans de Charles d’Anjou ou des Français et bloque l’archevêque Jean Baussan, malade, dans son palais. Les conseillers de la commune et les chefs de métiers délibèrent et publient un décret interdisant à toute personne de communiquer avec l’archevêque (le 20 août), malgré l’opposition du podestat Alberto de Lavagna.
Jean Baussan est prisonnier de son propre palais avec quelques serviteurs.

Barral podestat d’Arles (1249-1251)

        Il est temps pour Barral de prendre la tête de ce mouvement arlésien. Il arrive dans la ville et se déclare hostile au clergé : «  Les excommuniés sont mes amis et ceux qui cherchent l’absolution sont mes ennemis ». Il n’en faut pas plus pour qu’il soit reconnu comme le chef principal du parti anticlérical.
        Jean Baussan décide alors de quitter la ville car sa situation est intenable. Il demande un sauf-conduit qu’on lui accorde volontiers et il se réfugie près de Beaucaire, à Saint-Pierre-du-Camp-Public Il ne lui reste plus qu’à se plaindre auprès du pape de ces mauvais traitements.
        Pierre de Colmieu est à nouveau envoyé pour tenter une réconciliation. Sa mission est encore un échec et Jean Baussan se voit refuser l’entrée de la ville lorsqu’il sollicite d’y venir célébrer les fêtes de Noël  (12).
        Barral maintenant bien établi à la tête du parti antifrançais et anticlérical, est nommé podestat de la commune d’Arles, rôle qu’il tient déjà à Avignon. Le conseil lui fait remettre son titre par douze citoyens de la ville.  
     L'archevêque proteste, le 12 janvier 1250, écrit à ses prieurs et prêtres d'Arles que Barral encourt la peine d'excommunication, tout comme ceux qui l'ont élu, pour ne pas lui avoir rendu hommage, ni jurer fidélité, alors qu'il exerce la charge de podestat et donc le gouvernement de la ville. Il ordonne à son clergé d'aller trouver les chefs de métiers, les conseillers de la ville et le peuple pour leur signifier qu'ils doivent enlever à Barral son titre de Podestat, sous trois jours
(13) .
        Ces prêtres, Pierre et Motet et le prieur de Sainte-Croix d'Arles, se transportent sans délai dans le palais de la commune d'Arles et veulent donner communication de la lettre à Barral, aux juges, au Grand-Conseil et aux chefs des métiers réunis en assemblée. Barral se fait livrer la lettre, promet d'en faire lecture au Grand-Conseil, d'en délibérer avec les semainiers et les juges et leur demande de partir. Il entre alors dans la salle du Conseil. Mais la clameur de la foule excitée par l’arrivée des envoyés de l'archevêque empêche toute discussion (13).
         Barral résiste à la menace, soutenu par les Arlésiens.
        L'archevêque attend un peu, puis lance son excommunication, le 9 mai 1250, contre Barral et les habitants d'Arles, contre la ville et son district, contre le château d'Aureille. L'interdit frappe tous les domaines de Barral  (14).

        Marseille, la troisième ville ayant signé le traité d’alliance, ne connaît pas de mouvement anticlérical aussi violent. Son évêque, Benoît d’Alignan est parti avec la croisade de Saint-Louis et seul son vicaire assure les fonctions de l’Eglise. Pourtant la ville a été excommuniée par le pape, comme ses alliés. Il est vrai que magistrats municipaux, conseillers et chef de métiers ont usurpé depuis longtemps les droits seigneuriaux de l’évêque sur la ville haute.  La ville est administrée par des agents de Charles d’Anjou qui ont l’intelligence ou le sens des négociations et qui parviennent à trouver des compromis avec la commune. Un traité est signé entre le cardinal d’Albano et approuvé par la commune en décembre 1249.


Fin des comtes de Toulouse ; Alphonse de Poitiers hérite du Venaissin

         D’ailleurs Marseille se retrouve en pleine possession de sa propre seigneurie. Ou se souvient que celle-ci avait été donnée au comte de Toulouse pendant sa vie durant. Or celui-ci vient de décéder. Ayant rédigé son testament le 23 septembre 1249 et ayant nommé comme exécuteurs testamentaires les évêques de Toulouse, d’Albi, d’Agen, de Cahors, de Rodez, de Cavaillon et de Carpentras, Raymond VII de Toulouse rend son dernier soupir le 27 septembre 1249, pleuré et regretté par tous les peuples de son comté.
        La fin de cette maison de Toulouse ou de Saint-Gilles est d’une importance majeure.
       Cette maison qui dominait le Midi, qui fut anéantie par la guerre des Albigeois, qui fut humiliée par les Français et les barons du Nord, qui fut si souvent un recours, une protection, un rempart pour la famille des Baux contre les comtes de Provence, cette maison s’éteint avec Raimond VII.
    Pourtant, depuis le traité de Paris il avait tout essayé pour reprendre pleine possession de son comté. Ses tentatives matrimoniales, ses guerres même contre le roi de France, son testament laissant le marquisat à Cécile des Baux, fille de Barral, ses associations avec les villes, il avait tout essayé pour sauver son patrimoine et éviter qu’il ne tombe dans les mains des capétiens.
 
            Sa fille Jeanne et son époux Alphonse de Poitiers, frère du roi de France héritent de tous ses domaines.

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Sceau de Jeanne de Toulouse


        Jeanne et Alphonse de Poitiers sont alors en Orient, à la croisade, ayant quitté la France depuis à peine un mois. 

        En tant que régente, la reine-mère, Blanche de Castille, fait occuper sans délai les domaines du comte de Toulouse et envoie les commissaires d'Alphonse en prendre possession : en Comtat Venaissin, que le pape avait rendu à Raymond VII, les commissaires français, informés que le légat pontifical Pierre de Colmieu, cardinal  d'Albano s'est précipité pour tâcher de faire restituer cette province au Saint-Siège (15), craignent des difficultés et dépêchent Raimond Gaucelin pour faire reconnaître le comte de Poitiers par les Comtadins. Raimond  Gaucelin, seigneur de Lunel était sénéchal du Venaissin depuis 1242, ayant succédé à Barral et à Massip de Toulouse et s’était rangé immédiatement sous la bannière d’Alphonse de Poitiers.
        Le cardinal d’Albano n’obtient aucun ralliement en Venaissin. Par une bulle adressée à l’évêque de Carpentras et aux autres prélats du comté, le 9 mars 1250, le pape  interdit qu’ils obéissent à d’autres qu’aux représentants de l’Eglise et leur demande d’excommunier les usurpateurs.
        Par contre, Raimond Gaucelin qui représentait encore récemment la maison de Toulouse, obtient l’hommage des principaux vassaux du  Venaissin pour le compte du capétien. Ancien compagnon d’armes de Barral, les contacts entre les deux hommes durent être nombreux et animés. On ne sait pas grand-chose sur les relations des deux hommes à ce moment-là et beaucoup pensent que le sénéchal joua un rôle majeur dans l’évolution de la position de Barral vis à vis du pouvoir français. Peut-être arrive-t-il à convaincre Barral que malgré sa forte position à Avignon, à Arles, en Provence et en Venaissin, il n’est pas de taille à affronter les trois frères capétiens qui prennent le pouvoir et qu’il a beaucoup à perdre en persistant dans ses positions.
        La partie du Languedoc, que le comte de Toulouse possédait encore, se soumet aux représentants envoyés par Blanche de Castille.


(1) Labande p. 125 à 131
(2) Hauréau p. 175 ; Berger N° 2772   (3) acte 339   (4) Labande p. 132   (5) Mathieu Paris. Chronica majora, T. V p 23-24 et 92 ; Philippon 1886 p. 411 ; Berger Tome II p. ccxxxiv    (6) acte 335    (7) actes 334, 337   (8) acte 341   (9)  acte 344    (10) Albanès, Gallia... Arles N°1125  (11) acte 346
(12) Albanès N°1129  (13). Actes 352, 353   (14) acte 354    (15) E. Boutaric p.74