barral titre  

Chapitre XV. La fin de la Maison de Barcelone et l'arrivée des "Français" en Provence.


P
remière Soumission de Marseille (1243)

    Le roi de France est aussi intervenu à Marseille qui s’était donné au comte de Toulouse. La ville doit reconnaître la suzeraineté de Raymond-Bérenger V. Par traité, elle obtient de celui-ci le droit de s’administrer à sa guise. La commune semble alors se soumettre au nouveau comte, elle qui a lutté pendant des années pour s’en débarrasser.

saint-Louis
Le roi de France rencontre le pape à Cluny (1244)

    Le pape, en 1243, restitue officiellement le Comtat au comte de Toulouse qui, comme les précédents souverains s’empresse de faire recenser ses terres et ses droits dans le Comtat dans le "livre rouge des comtes de Toulouse". Le nouveau pape Innocent IV enlève l’excommunication qui pesait de façon permanente sur le comte de Toulouse.

    La guerre entre l’empereur Frédéric II et le pape Innocent IV bat son plein. Devant la menace de la prise de ses terres, "le Patrimoine de Saint Pierre", le pape quitte l’Italie et s’installe à Lyon (juin 1244) où il se sent plus en sécurité, aux limites de l’empire et proche des terres de Louis IX.
 
Mariage des enfants de Barral :

    L’année 1244 est surtout marquée par les évènements familiaux : Barral marie ses enfants et adopte une politique matrimoniale pour assurer leur avenir et leur garantir leur sécurité, si possible en ouvrant de nouveaux horizons et de possibles accroissements de patrimoine familial.
    D’abord il s’agit de son jeune fils aîné, Hugues qui  doit avoir moins de 5 ans
    Il passe un accord avec Aymar III de Poitiers, le comte de Valentinois pour qu’Hugues épouse sa fille quand ils seront en âge de le faire. Si cela n’était pas possible, c’est son fils cadet Bertrand, qui vient de naître, qui épousera Philippine de Poitiers.  Evidemment, le comte de Poitiers promet de donner son comté à sa fille s’il n’a pas d’autre enfant mâle et Barral promet que le jeune époux sera l’héritier de tous ses biens. La dot promise par le comte de Poitiers est très importante : 10.000 sous le jour du mariage et une somme identique tous les dix ans jusqu’au paiement complet de la dot que le comte de Toulouse doit fixer. La jeune promise sera sous la garde des Baux, de Barral ou de ses cousins les princes d’Orange, jusqu’au mariage. Tous les barons de la Drôme provençale et les amis et parents de Barral sont présents à cette occasion dans l’église de l’hôpital de Saint-Jean de Monteux  .
 
    Ensuite, il s’agit de sa fille Cécile, héritière en puissance pour le marquisat de Provence, celle-là même qui avait épousé le dauphin Guigues. Son mariage avec le dauphin ayant été cassé, des négociations commencent pour un remariage avec le comte de Savoie, Amédée IV. Les envoyés du comte sont à Toulouse, le 22 novembre 1244, et se mettent d’accord avec le comte sur le montant de la dot,  6.000 sous de viennois qui seront donnés le jour du mariage, et 1.000 marcs d’argent que le comte de Savoie assigne sur les châteaux de Chambéry et de Montmeillan.
    La convention de mariage est signée et scellée de six sceaux pendants sur cordelette de soie rouge : ceux de Barral, du comte de Toulouse, d’Amédée IV, d’Adhémar, le sire de Bressieux, d’Humbert de Seyssel et d’Aimon de Compeis. 
    Amédée IV, 47 ans à l’époque, a déjà été marié avec Anne de Bourgogne et a eu deux  filles, Béatrice et Marguerite, mais pas de fils. Son comté dépasse largement les possessions savoyardes de ses ancêtres car il s’est agrandi de l’autre côté des Alpes : Il est marquis en Italie. Il a compris l’intérêt qu’il y a à épouser une héritière potentielle du marquisat de Provence.
    Le mariage est très vite célébré, le 18 décembre, par procuration. Humbert de Seyssel procureur d’Amédée IV, le remplace pour la cérémonie qui a lieu à Orange. Les princes de cette cité sont présents avec Guillaume de Sabran et d'autres de la grande famille des Baux  .La cérémonie religieuse a lieu à Carpentras dans un grand déploiement de faste.
    Cécile aura très vite un fils, Boniface qui succédera à son père comme comte de Savoie et trois filles.
    Beaucoup plus tard, le dauphin Guigues aura besoin de justifier la légitimité de son second mariage  avec Béatrice de Savoie, fille du comte Pierre, et de ses enfants. Le pape Alexandre IV demandera (1261) à l’abbé de St-Chaffre de vérifier les faits et les dires de Guigues. Celui-ci lui a écrit que lors de son premier mariage, avec Cécile, il était en prison loin de ses domaines et qu’il n’avait donc pu consommer ce mariage et qu’en sortant de prison, il avait déclaré que ce mariage lui déplaisait  .

Le pape ou l'empereur ?

    L’année 1245 est d’abord marquée par le concile de Lyon. Le pape Innocent IV y est réfugié, ayant passé les Alpes pour se mettre à l’abri des attaques de Frédéric II. Le principal objectif du conflit est de préparer l’excommunication définitive de l’empereur. Tout le clergé est mobilisé pour atteindre ce but.
    L’évêque d’Avignon, Zoen, nommé vicaire apostolique pour tout le royaume d’Arles, doit assurer la paix et la tranquillité de la région jusqu’au concile.
    Il est vrai que la situation a changé depuis la première excommunication de l’empereur et les Provençaux se sont rangés du côté de la papauté, à commencer par le comte Raimond Bérenger. Avignon, Arles et Marseille se sont éloignés de l’empereur, prenant parti dans ce conflit des plus hautes autorités du temps, pour le Saint-père. Ils répondent par cela à la demande du pape du 9 mars 1245 exigeant leur concours sous l’autorité du légat Zoen.
    Il reste le comte de Toulouse. Le pape lui demande dès le mois de février 1245 de se tenir tranquille et lui accorde par avance quelques privilèges et une protection spéciale de Saint-Siège contre d’éventuelles sanctions de ses prélats.

    La grande affaire du concile de Lyon est le procès de l’empereur, la déclaration de sa déchéance et son excommunication solennelle (17 juillet 1245).
    En marge du concile, Innocent IV réussit à réunir les comtes de Provence et de Toulouse et à leur faire admettre une paix définitive. Pour sceller cet accord, le comte de Toulouse doit épouser la dernière fille du comte de Provence, Béatrice, et le pape s’engage à donner à Raymond VII la dispense nécessaire pour le libérer officiellement de son union avec Marguerite de la Marche. Il ordonne aussi de commencer l’enquête nécessaire pour épouser Béatrice.
    Raymond VII se voit déjà à la tête du comté de Provence qui, ajouté au marquisat et aux quelques terres languedociennes, lui rendrait un domaine considérable.

    La première fille du Comte de Provence a épousé le roi de France, la seconde, le roi d'Angleterre ; la troisième, Sancie de Provence, qui vient d'avoir 18 ans, épouse Richard de Cornouailles. Reste la quatrième et dernière fille, Béatrice encore très jeune mais c'est déjà un enjeu  considérable.

Décès de Raymond-Bérenger V ; mariage de sa fille Béatrice ; l'arrivée des "Français" en Provence. 

    Le testament de Raymond-Bérenger V, rédigé à Sisteron le 20 juin 1238, montre clairement qu'il voulait conserver un comté de Provence (et de Forcalquier) autonome et indépendant des grandes nations qui l'entouraient. Il écarta ses deux filles aînées, Marguerite car femme du roi Louis IX, et Eléonore, épouse du roi d'Angleterre. Il préferra tout laisser à Béatrice, à défaut à ses enfants mâles, à défaut à sa soeur Sancie et ses enfants mâles, ou encore en dernier recours à Jacques d'Aragon. Ses filles aînées recevraient seulement les 10 000 marcs d'argent promis en les dotant mais qu'il avait été incapable de payer.

béatrice
Béatrice de Provence


    Lorsqu'il mourut, le 19 août 1245 , les prétendants furent nombreux.

    Louis IX, quoique poussé par son épouse qui aurait bien voulu récupérer sa Provence natale, ne pouvait pas prétendre à cet héritage. Il ne souhaitait pas non plus voir arriver la maison d'Aragon qui aurait été gênante pour ses nouvelles sénéchaussées de Béziers-Carcassonne et de Nîmes-Beaucaire tout juste intégrées au royaume après la guerre des Albigeois. Elles risquaient d'être prises en tenaille entre les terres du roi d'Aragon. Pourtant Pierre, fils du roi d'Aragon était un prétendant au mariage avec Béatrice.

    Il ne pouvait pas non plus accepter un autre prétendant, Raymond VII de Toulouse qui, malgré une différence d'âge exagérée avec la jeune comtesse, voyait là une bonne occasion de briser le traité de Paris en ayant d'autres enfants pour hériter de son comté de Toulouse  dont il avait seulement l'usufruit, et par la même occasion, du comté  de Provence.

    Il fallait aussi se méfier de Conrad, fils de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen qui pouvait être un prétendant sérieux à ce comté. L'empereur venait de rappeler, en 1239, ses prétentions sur le comté de Forcalquier.

    Il restait la solution de marier son frère Charles d'Anjou à la jeune comtesse. Charles était jugé par son frère comme quelqu'un d'ambitieux, peu obéissant, et il fallait l'éloigner. 

    Le conseil de régence provençal examina toutes ses prétentions, toutes les alternatives et toutes les conséquences que l'assocaition avec une dynastie européenne aurait sur la Provence. La pression du clan savoyard  de la comtesse douairière Béatrice, veuve de Raymond Bérenger, l'aide de Philippe de Savoie, archevêque de Lyon qui négocia avec le pape Innocent IV (en novembre ), l'intervention de Blanche de Castille ( aussi en novembre ) en faveur de Charles, son fils, firent que celui-ci emporta la décision. Amédée, comte de Savoie se chargea de faire accepter cette décision par le roi d'Angleterre, Henri III.

    Il restait le roi d'Aragon. Il menaça d'envahir le comté de Provence et fit avancer ses troupes. Mais, promptement, Charles vint occuper la Provence avec ses propres troupes. On était en décembre 1245. Le roi d'Aragon n'insista point.

     Le comte de Toulouse s’aperçoit qu’il a été trompé pendant ses négociations ; mais avec seulement quelques chevaliers, il ne peut rien faire et s’en retourne, déçu, à Toulouse.
  Marguerite de Provence, épouse de Louis IX, est mécontente d'avoir laissé sa Provence à sa soeur cadette et aussi que ce soit Charles qui en devienne souverain c ar elle ne l'aime pas. Elle contestera.

     L'arrivée d’un nouveau comte de Provence, un Français, n’est pas appréciée des Provençaux et encore moins de Barral des Baux. Il n’est plus temps de se disputer pour des enjeux mineurs et locaux alors que la menace, cette fois, est sérieuse et arrive au plus haut niveau provençal.
    Barral, opportuniste l’a compris : il s’empresse de régler les derniers litiges qui le gènent pour avoir les mains libres. Au mois de décembre 1245, il signe un traité de paix avec la commune d’Arles, chaque partie acquittant l’autre pour les méfaits et dommages occasionnés par sa guerre au côté du comte de Toulouse. Il récupère ses possessions confisquées depuis 1240, le pont sur le Rhône, la tour qui commande l’entrée du pont et laisse libre de droits le passage du Rhône (1)

    Pourvu rapidement des dispenses apostoliques, le jeune Charles d’Anjou, 20 ans, épouse Béatrice, tout juste 12 ans, en ce 31 janvier 1246, à Aix, en Provence.

charles d'Anjou
Charles d'Anjou

    Le 27 janvier, soit quatre jours avant le mariage, Barral avait fait hommage à Béatrice pour ses biens de Provence, de Marseille et d’Arles, sauf pour ceux qui dépendaient du chapitre de Marseille (2)
    Béatrice, le 5 février, accepte l’hommage, confirme les droits de Barral sur ses fiefs, lui restitue ceux que son frère Gilbert avait laissé au comte décédé, mais rappelle qu’il doit encore 1 000 marcs d’argent, somme donnée en garantie de ses châteaux provençaux par son père (3)
    Barral n’a pas rendu hommage à Charles d’Anjou. Il a sûrement compris qu’un tel changement de dynastie comporte beaucoup de risques, qu’il vaut mieux ne pas s’engager dans l’immédiat et préserver l’avenir.

    Très vite, Charles d’Anjou demande l’hommage à ses vassaux et fait entreprendre une enquête sur ses droits en Provence. Le zèle des enquêteurs pour qui " tout appartient au comte " soulève l’indignation de nombre de vassaux, Boniface de Castellane en tête, et les troubadours locaux s’expriment ouvertement dans quelques pamphlets que l’Histoire nous a laissé.
 
     Le 27 mai 46, Charles est adoubé chevalier et en août, son frère Louis IX lui cède en apanage le comté d’Anjou et le Maine. Il devient "Charles Ier d’Anjou".

    La réaction des communes, à l’arrivée de Charles d’Anjou, est diverse : Marseille, qui avait reconnu la souveraineté du comte de Provence, semble accepter le nouveau comte et prête hommage pour les droits qu’il possède à Marseille. Dans le même temps, Barral qui reçoit toujours la rente de 3 000 sous royaux de la part de la ville pour la cession de la vicomté est au mieux avec la commune et lui emprunte de l’argent  (juillet 1246). C’est le deuxième prêt des syndics de la ville, le premier ayant eu lieu en 1240. Il donne en gage ses parts du château d’Aubagne et celui de Roquefort  .
    Bien que Barral se rappele de tous les démêlés de ses parents avec la commune au sujet des droits sur la vicomté,  il prend le risque de se placer en position délicate.

Barral, podestat d’Avignon (1246-1251)

    Avignon n’est concerné qu’en partie par le pouvoir provençal mais avait signé des accords d’alliance avec le comte de Provence. L’arrivée de Charles d’Anjou entraîne la montée d’un parti anti-provençal, anticlérical qui réussit à prendre le pouvoir et à nommer un nouveau podestat. Le choix du podestat se fixe sur Barral des Baux. On sait à Avignon qu’il est capable de défendre la ville contre la pression "française", lui le grand seigneur du Venaissin, l’ancien sénéchal du Venaissin pour le comte de Toulouse. Cela n’est pas du goût de l’évêque Zoen qui doit s’incliner et quitter la ville, s’empressant de faire appel au pape et excommuniant la commune. Barral n’a que faire d’une nouvelle excommunication et détient le pouvoir dans la ville.
        D’ailleurs la réaction du pape, empêtré dans son conflit avec Frédéric II, est tout autre : le 20 octobre 1246, le Saint père reconnaît la donation faite par le comte de Toulouse à Barral de tous ses fiefs comtadins (4). Innocent IV cherche alors à contrer l’influence de l’empereur dans l’ancien comté d’Arles et la Curie juge que cela est d’une importance plus grande que les affaires avignonnaises. Frédéric II multiplie les négociations dans la région, en Savoie, en Viennois et demande à tous ses vassaux, villes comprises, de se préparer à le rejoindre à Chambéry en juin 1247 pour une explication avec le pape, essayant par cette démarche de reprendre en main la situation de ce côté-ci des Alpes. Zoen est quand même confirmé par le Saint-siège pour ses possessions avignonnaises, mais n’obtient rien de plus.

    La situation financière de Barral ne doit pas être mauvaise puisqu’il achète, le 9 février 1247, la troisième partie de la juridiction d’Entraigues en Comtat (5).
    Podestat d’Avignon, seigneur en Venaissin, en Provence et à Arles, au mieux avec Marseille, Barral attend l’opportunité qui lui permettrait de profiter d’une faiblesse du nouveau pouvoir : il connaît la décision du roi de France de partir en croisade et prévoit déjà l’éloignement du roi et de ses fréres vers la Terre Sainte. Il est à l’écoute des évènements et ses relations l’informent sur les projets des français.

    D’ailleurs, en cette année 1246, la grande affaire de la région est la création d'Aigues-Mortes : Louis IX se prépare pour la croisade et a besoin d'un port pour embarquer. Il fait acheter toutes les terres nécessaires, creuser un canal reliant la lagune à la mer, aménager un port, monter les murailles et les tours de la ville, et accorde des privilèges pour attirer des habitants. En deux ans, la nouvelle ville est construite et commence à recevoir vivres et armes pour la croisade. Bientôt les premiers bateaux que le roi fait construire apparaissent dans le port.
 
L’alliance de Barral avec Marseille, Arles et Avignon :

        Les communes sont inquiètes de l’arrivée de Charles d’Anjou qui menace leur indépendance. Il n’a pas la réputation d’être un tendre et son caractère autoritaire est déjà connu. Mieux vaut s’unir pour résister, sauver les privilèges obtenus et si possible les augmenter. Barral a compris qu’il peut s’appuyer sur les villes. Il représente la force armée, la capacité à rassembler suffisamment de chevaliers, d’hommes en arme, la garantie que le comte de Toulouse sera de leur côté. Ses alliances avec les comtes de Savoie, du Valentinois, ses cousins d’Orange, en font une force incontournable pour s’opposer à ce "français" qui prend le contrôle de la Provence.

        Arles a chassé son archevêque Jean Daussan, car il est jugé comme favorable à Charles d'Anjou lequel souhaite s'imposer aux villes. Les douze consuls et la population refusent de payer la dîme. L'archevêque excommunie tout le monde et se réfugie près de Beaucaire, puis met de l’eau dans son vin, négocie avec la commune et reprend des relations normales avec les Arlésiens.
Barral n’a jamais été dans une position aussi avantageuse. En avril 1247, ses conseillers sont en contact avec les pouvoirs communaux et préparent un traité d’alliance afin d’associer leurs forces et résister énergiquement à toute atteinte aux droits acquis, franchises, libertés ou privilèges.
        C’est à Arles, le 29 avril 1247, qu’est signé en premier ce traité d’alliance par les recteurs et le conseil général. Le traité est approuvé le 1er mai par tous les Arlésiens. L’archevêque Jean Baussan est présent lors de la signature du traité, dans son palais épiscopal.

        Huit jours plus tard, Avignon, son conseil et son Parlement approuvent le traité et les 25 et 26 mai, Marseille fait de même par son conseil, ses chefs de métiers et par le parlement de la commune (6). Le viguier représentant les intérêts du comte de Toulouse ne s’oppose pas à l’accord.

        Ainsi ce sont  les trois communes de Marseille, d’Arles et d’Avignon et Barral des Baux qui signent ce traité offensif et défensif.
        L’article premier est la promesse de s’entaider et de se défendre mutuellement autant qu’ils le pourront contre toute personne, investie de fonction publique ou agissant à titre privé, baron ou prince, cité, communauté, château ou village, qui entreprendrait d’enfreindre leurs droits, libertés, franchises et immunités, de les leur enlever ou de les diminuer, enfin, de leur porter tort en quelque façon ; sauf le respect et l’honneur dus à l’Eglise romaine et à l’Empire.
        Elles s’engagent, avec Barral, à se prêter un appui mutuel pendant cinquante ans et à se défendre réciproquement, en cas de guerre, contre toute puissance, à l’exception seulement de la cour de Rome, envers laquelle les parties doivent rester neutres.
Barral et les communes prennent la précaution de préciser que ce traité n’est pas contre l’Eglise, ni contre l’Empire. On ne saurait être plus clair sur l’autorité visée, celle des nouveaux comtes qui prennent le pouvoir sur le Midi de la France, principalement Charles d’Anjou, mais aussi sûrement son frère Alphonse de Poitiers.
        En même temps, l’acte est presque une invitation à l’Empire pour venir soutenir la cause des communes. Charles d’Anjou n’a pas demandé l’investiture de son comté à l’empereur excommunié et n’a pas reconnu sa suzeraineté.
        Le traité précise qu’il faut oublier les anciennes querelles, celles qui sont vieilles d’au moins un an et déclare une amnistie complète pour les dommages et injures anciennes.
        L’article 2 précise qu’il s’agit d’assurer la paix, de garantir la sécurité publique et de favoriser le commerce. Les contractants doivent se soutenir mutuellement contre toute personne, communauté,… qui ferait la guerre à l’un d’eux, à ne pas faire d’accord, à ne pas conclure de traité et à ne pas concéder de trêve sans l’assentiment et la volonté de tous ; Ils ne cesseraient les hostilités que si l’ennemi se rendait à leur décision unanime, s’en remettrait à l’arbitrage d’amis communs ou du représentant de l’Empire   (7).
        Le principe de solidarité est étendu aux relations commerciales, obligeant chaque commune à respecter l’interdiction de relations commerciales si l’une d’entre elles le décide. La protection des routes, la sûreté des marchands et des voyageurs doivent être assurées sur le domaine des contractants. Une indemnisation est prévue si un voyageur est attaqué et détroussé. Tous les droits de péages, tous les impôts sur le transit et l’échange de marchandises établis depuis moins de 30 ans sont supprimés. Une commission à laquelle Barral est associée est prévue afin de résoudre les éventuels conflits liés à ce dernier article et définir exactement ce qui est conservé et ce qui est aboli. La liberté du commerce est garantie dans les trois communes comme dans les seigneuries de Barral. Quelques articles listent les cas où une limitation de cette liberté s’applique : prix trop élevé pour le blé, l’avoine et l’orge à Arles, autorisation préalable pour l’importation et la vente des raisins et du vin à Marseille, par exemple.
        Les forces militaires devant garantir cet accord et la contribution de chacun sont définis : Marseille, Arles et Avignon mettront sur pied 50 cavaliers armés, le double en cas de guerre ; Barral des Baux équipera 30 cavaliers pour partir en expédition si nécessaire ; dix navires de course de cinquante rames seront à Arles, autant à Avignonet pendant les moissons, huit d’entre eux protégeront la Camargue et Marseille prêtera 25 grosses arbalètes à Arles. 
        L’accord prévoit la possibilité d’être étendu à d’autres cités ou d’autres seigneurs s’ils adoptent les mêmes règles de solidarité et d’accueillir sous condition les nouveaux venus.
        En ce qui concerne les relations avec le pouvoir ecclésiastique local, la confédération s’engage à défendre l’archevêque d’Arles, son église et à faire la guerre à ses ennemis. L’archevêque Jean Baussan est alors au mieux avec la commune arlésienne. Il n’en est pas de même à Avignon avec l’évêque Zoen Tencarari, mais l’accord prévoit un arbitrage et la possibilité de faire appel à l’archevêque en cas de non-conciliation.   

(1) acte 316   (2) acte 317   (3) acte 318   (4) Berger N° 2168  (5) acte 325  (6) Labande p. 119    (7) Labande p. 120-124