Chapitre
XIV : Le mariage de Cécile ; décès du père
de Barral ; Second mariage de Barral
Mariage de Cécile
Barral a une fille, Cécile.
Il s’agit probablement d’une fille qu’il a eu de son épouse Guihelmine
de Toulouse. Par sa mère, Cécile était la petite-fille
de Raymond VI et donc la nièce de Raymond VII de Toulouse.
Il est fait mention d’un
acte du 20 décembre 1239 dans lequel le pape Grégoire IX
accorde les dispenses nécessaires à son mariage avec le
dauphin du Viennois, Guigues VII, dispense nécessaire pour cause
de cousinage (1).
Raymond VII a son mot à
dire dans la préparation de ce mariage car il signe une convention
avec le dauphin Guigues (2).
L'Histoire ne nous renseigne
pas sur ce mariage qui ne dure pas longtemps. Nous verrons que Cécile
s'alliera un peu plus tard avec une autre grande Maison des Alpes.
Décès du père
de Barral.
Hugues, père de Barral,
de Gilbert et d’Alasacie décède en ce début d’année
1240. On n’a plus de trace de lui après avril 1239, date à
laquelle il était à l’Isle pour un hommage au comte de
Toulouse. En avril 1240, il n’est plus cité pour une vente de
Gilbert, son fils. En juillet 1240, Barral précise que son père
est décédé lorsqu’il obtient un prêt pour
trois ans des syndics de Marseille.
Hugues avait 67 ans et son
épouse Barrale est décédée depuis six ans.
Comme ses parents et grands-parents, il avait toujours défendu
l’abbaye de Sylvacane, donnant aux moines le privilège de traverser
ses terres ou ses péages sans payer de droits. Ses enfants le font
naturellement inhumer dans cette abbaye, près de son père.
Ses enfants disposent
alors des fiefs de leur père suivant le partage qu’il a effectué
six ans plus tôt
Gilbert des Baux, frère
de Barral vend son fief de Méjanes à l’Ordre du Temple d’Arles,
le 6 avril 1240, pour un prix de 43.000 sous de raymondins, donnant en
garantie ses droits sur le péage de Trinquetaille et Villeneuve
en Camargue jusqu’à la ratification de l’acte par son frère
(3).
Barral donne en garantie,
pour son prêt de 1100 livres de royaux coronats aux Marseillais,
les deux parts qu’il possède sur les châteaux d’Aubagne
et de Roquefort avec leurs revenus, autorisant la commune de Marseille
à établir des baillis, mais à condition de conserver
toutes les libertés et privilèges des habitants (4).
Un autre évènement
important et plus heureux survient dans la vie de Barral :
Mariage de Barral des Baux
Le 21 août 1240, il
épouse Sibylle d'Anduze, nièce du comte de Toulouse et
resserre ses liens avec cette Maison. Il a une quarantaine d'année
et son épouse moins de trente ans.
Sibylle est fille de Pierre Bermond VI d’Anduze (vers1192-1215) et de
Constance de Toulouse (vers1180-avril 1260). Ses parents se sont mariés
en 1198.
Par son père, elle
descend d’une branche cadette de la maison de Saint-Gilles connue depuis
le Xe siècle. "Princes des Cévennes", marquis ou comtes
d’Anduze, ils se sont toujours comportés comme des seigneurs souverains,
battant leur propre monnaie et soucieux de leur indépendance.
Par sa mère Constance
de Toulouse, elle est petite-fille du comte de Toulouse, Raymond VI et
de Béatrix de Trencavel , deuxième épouse du comte
dont elle divorça en 1193 après 18 ans d'un second
mariage. Elle avait été mariée avec le roi Sanche
VII de Navarre, avant 1195, mais elle fut répudiée et n’en
eut pas de postérité.
Le comte de Toulouse Raimond
V avait arrangé ce mariage de Pierre Bermond VI avec sa fille
Constance de Toulouse pour resserrer les liens avec la famille d’Anduze.
Pierre Bermond assista à la soumission du comte de Toulouse à
Saint Gilles et fut un des garants de cet acte vis à vis de l’Eglise.
Mais il profita de la guerre des Albigeois pour satisfaire ses propres
intérêts. Dès 1209, il passa du côté des
croisés et voulut profiter des difficultés rencontrées
par les raimondins pour faire valoir les droits de son épouse sur
le comté de Toulouse. Il écrivit au pape, le 12 décembre
1212, expliquant que Raimondet ne pouvait pas être l’héritier
du comté car il était "adultérin" et que d’autre part
Constance de Toulouse, son épouse, était l’aînée
de la dynastie toulousaine. Il étayait son argumentation par le
fait que sa belle-mère, Béatrix de Trencavel, n’avait pas
divorcé officiellement devant l’Eglise lorsque Raimond VI se remaria
avec Jeanne d’Angleterre et eut son fils Raimondet. Il trouvait aussi un
lien de parenté prohibé par l’Eglise entre Raimondet et Jeanne
d’Angleterre, parenté qui aurait dû interdire ce mariage. C’était
ignorer la loi Salique des raimondins qui excluait les femmes des successions.
Le pape Innocent III ne
répondit pas à cette demande, aussi Pierre Bermond persista
et alla plaider sa cause directement au concile de Latran en 1215. Il
ne fut pas écouté et mourut à Rome cette année-là.
Par sa grand-mère
Béatrix, elle est apparentée aux Trencavel, vicomtes d'Albi,
Nîmes, Béziers, Agde et Carcassonne. Cette famille s’est
toujours considérée comme indépendante du comte
de Toulouse, même si elle en fut parfois vassale. Elle eut une destinée
tragique. Pendant la croisade des Albigeois ses membres soutenaient les
Cathares et furent vaincus par les barons du Nord : certains furent assassinés
et d’autres s’exilèrent en Aragon.
La malédiction des Trencavel était gravée
dans la mémoire de sa mère, et nul doute que Sybille avait
été marquée par son histoire.
Raimond Trencavel, retiré de la Cour d'Aragon, ne renonçait
pourtant pas. En 1240, il leva une armée avec l'appui
de tous les grands faydits et vint mettre le siège devant
Carcassonne. La Cité était tenue par le Sénéchal
Guillaume des Ormes. Les opérations durèrent
25 jours, très durement, avec mines, sapes et assauts.
In extremis, lorsque Carcassonne allait tomber, Trencavel dut
lever le siège le 11 octobre 1240, à cause de l'arrivée
inopinée de renforts royaux. Il se retira à Montréal
où les troupes royales vinrent à leur tour l'assiéger.
Il s'en échappa avant la reddition de la place pour se retirer
à nouveau en Aragon. Les comtes de Foix et de Toulouse ne
l'avaient guère soutenu : sa tentative était-elle prématurée,
et celle de Raimond VII deux ans plus tard fut-elle trop tardive
? En septembre 1246, Raimond Trencavel céda tous ses droits
à Louis IX et en 1247, à Paris, brisa devant le roi son
sceau de vicomte de Béziers et Carcassonne.
Sceau - Trencavel- Vicomte de Bezins
(1247)
Photo trencabvel-Bezins
La situation de la Maison
d'Anduze après la croisade des Albigeois restait précaire.
En 1209, Pierre-Bermond, dernier prince souverain, a refusé de
prêter hommage à Simon de Montfort et a été
dépossédé de ses biens au profit de son oncle, Bernard
VIII d'Anduze. Vaincu par Amaury de Montfort, il n'a récupéré
ses fiefs qu'en prêtant l'hommage direct au roi Louis VIII.
Pierre Bermond VII d’Anduze,
frère de Sybille et sûrement l’aîné de la famille,
fut marié une première fois à Jausserande de Poitiers-Valentinois
fille du comte de Diois et une deuxième fois avec Alasacie de
Peyre. Il s'alliera en 1242 avec le roi d'Angleterre contre Louis IX et
ses fiefs seront confisqués définitivement après la
bataille de Taillebourg et rattachés à la couronne de France.
Elle a aussi pour sœur Béatrice
d’Anduze, née en 1215, épouse d’Arnaud de Roquefeuil depuis
1227.
Sibylle, par sa famille,
est fille du Languedoc, du Midi, nièce du comte Raymond VII puisque
sa mère était sa demi-sœur.
Barral des Baux, déjà
proche de lui par son premier mariage, par tous les combats de ses ancêtres
au côté de sa maison, par son rôle en Venaissin,
renforce sa position auprès de ce comte qui a repris pouvoir sur
les terres du Midi.
Barral, seigneur en Venaissin et
en Provence.
L’aide déterminante de Barral des Baux à la Maison de Toulouse
porta ses fruits : le comte lui fait donation, le 21 août 1240,
de nombreux fiefs en Venaissin : Monteux, Sarrians, Loriol, Caromb, Bédoin
et Entraigues.
La pression de l'empereur
et de la Maison de Toulouse sur le comté de Provence et l'Eglise
était à son maximum. On le constate à Avignon et
à Arles. Pendant l'été 1240, le comte de Toulouse
nommé podestat d’Avignon pour éviter la guerre civile, renonce
à ce poste et remet la podestarie d’Avignon directement à
l’empereur par l’intermédiaire de son vicaire général
dans le royaume d’Arles et de Vienne. Barral est témoin de cet
acte signé à l’Isle, le 11 août (5).
A Arles, le vicaire impérial
ayant été chassé, le comte de Toulouse et son armée
prennent la ville pour la placer sous la protection de l'empereur. Ils
se font remettre Trinquetaille par Barral. Les Arlésiens n'apprécient
pas et pour se venger s'emparent à leur tour de Trinquetaille
et de plusieurs autres places. Ils jurent de ne plus se soumettre ni à
Barral, ni à l'archevêque. Barral est traité de félon
par cette communauté qui confisque par droit de commise les revenus
des terres saisies.
Le 15 juillet de Zoen, vicaire
du cardinal-légat excommunie Barral. Il n’est pas le seul à
recevoir les foudres de l’évêque : le comte de Toulouse,
Dragonet de Montauban et d’autres, reçoivent la même sentence
pour avoir été coupable de vols et de dégâts
en Comtat, spécialement à Avignon, Barbentane et Vaucluse,
pour avoir favorisé les ennemis de l’Eglise et pour les grands dommages
subis par l’archevêque la ville d’Arles et le comte de Provence. (6)
Le roi de France Louis IX
décide d'intervenir pour arrêter cette guerre. Sous sa pression,
il demande à Raymond VII de renoncer à ses prétentions
sur la Provence, le force à faire la paix et à abandonner
le parti de l'empereur. Il fait rendre la ville d'Arles à Barral.
Au printemps 1241, le comte de
Toulouse comparaît devant Louis IX et est pardonné
grâce à Blanche de Castille
Sceau du comte de Toulouse en mars 1241.
le Comte, tête nue, vêtu d'une tunique et d'un manteau agrafé
sur l'épaule, est assis sur un banc ;
de la main droite, il tient une épée placée horizontalement
sur les genoux ; de la gauche, un château
Au revers, le Comte, coiffé du heaume, vêtu du haubert,
est vu de profil,sur un cheval caparaçonné aux armes de Toulouse.
Levée de l'excommunication encourue par le Comte de Toulouse,
pour ses méfaits
en Camargue et sur les terres de l'archevêque d'Arles.
Il est rentré en possession du Comtat depuis la conquête
de Barral et constate que le pape est prêt à le lui laisser
en pleine propriété. Mais, pensant à l’avenir, la situation
est encore moins claire : Qui héritera du Comtat Venaissin s’il
vient à décéder ?
Peut-être poussé
ou suggéré par Barral, le 24 février 1241, il semble
avoir trouvé une solution : il fait don, s’il meurt sans
enfant légitime, de tout ce qu’il possède au-delà
du Rhône, en châteaux, villes, fiefs, propriétés
et droit quelconques à Cécile, fille de Barral et épouse
du Dauphin Guigues. A-t-il pensé qu’il valait mieux lier
ses terres du Comtat avec le Dauphiné, plutôt que de laisser
ces terres à Alphonse de Poitiers ou bien au Saint père
?
En tout cas, devant une noble
assistance, au château de Monteil (Montélimar), qui appartient
à Giraud-Adhémar, il jure à Barral de respecter pour
toujours cette donation et d’agir de tout son pouvoir pour la faire confirmer
par l’empereur. Il y a là les princes d’Orange Raymond Ier et Guillaume
des Baux, Dragonet de Montauban, Guillaume de Sabran, son beau-frère,
tous fidèles alliés du comte et de Barral.
Le 23 avril, il signe une trêve
et une convention de paix avec Jacques Ier, roi d’Aragon, à Montpellier,
puis le 30 mai, à Cavaillon, il reconnaît l’archevêque
d’Arles comme suzerain du château de Beaucaire et des terres d’Argence.
Barral est témoin de ces deux actes qui marquent la réconciliation
avec la Provence et l’Eglise . Le 23 juin, Raymond VII fait hommage pour
le château de Mornas et promet à l’archevêque de l’indemniser
pour les dégâts subis par ses églises. Ses alliés
font de même : Guillaume de Sabran, beau-frère de Barral,
qui occupe toujours Pertuis, accepte la sentence de l’archevêque
qui partage ses droits sur cette ville avec l’abbé de Montmajour
. Barral est témoin pour l’hommage de ses vassaux de Ménerbes
.
Sachant qu’à sa mort son comté risque de passer à
Alphonse de Poitiers, Raymond VII cherche, toujours et sans relâche,
à trouver une solution qui lui permettrait de reprendre son comté
en pleine propriété ou du moins de le soustraire à
un avenir "français" et lui garder une certaine indépendance
par rapport au royaume de France.
Une solution serait peut-être un
nouvel héritier. Un nouveau mariage et un enfant mâle pourrait
changer les choses. Aussi propose-t-il au comte de Provence d’épouser
une de ses filles. Maintenant qu’ils ont signé la paix et puisque
celui-ci a encore des filles à marier, il choisit Sancie, troisième
fille du comte. Le compromis est signé le 2 juin 1241 en présence
de Raimond VII, du comte de Provence et du roi d’Aragon, les fiançailles
ont lieu les 10 et 11 août, à Aix, en présence des
évêques du marquisat et de Provence. La mort du pape
Grégoire IV, puis de son successeur Célestin IV empêche
Raimond VII d’obtenir la dispense papale indispensable pour son divorce avec
Sancie d’Aragon et son remariage avec Sancie de Provence.
Une autre solution pourrait
être la guerre contre les "Français". Il n’hésite pas
lorsqu’une opportunité se présente : il s’allie au roi d’Angleterre
qui possède les duchés d’Aquitaine et de Gascogne et participe
avec lui au soulèvement mené par le puissant seigneur de
la Marche, Hugues de Lusignan, contre le roi de France. Ils sont battus
à la bataille de Taillebourg, en juillet 1242.
Raymond VII se rend, en janvier 43, à Lorris pour faire la paix.
Encore une fois, le roi de France, décidemment bienveillant
à son égard, excuse sa conduite.
Décès de Gilbert,
frère de Barral
En mars 1243, Gilbert, frère
de Barral, reconnaît la suzeraineté de Raymond-Bérenger
V pour tous ses châteaux, se réservant l’usufruit
pendant sa vie et celle de son fils s’il en avait un avant sa mort. Il
interdit au comte de donner ses châteaux à quelqu'un de sa
race, sûrement pour donner plus de force à cette donation.
Il en soustrait une somme d’argent qu’il remet à sa sœur Alasacie
.
Le 25 juin, Gilbert est peut-être
déjà malade lorsqu’il fait son testament, dans la chambre
de sa femme Sibylle à Toulon : il fait de nombreux dons à
l’église de Toulon, aux religieuses de Saint-Pons et à divers
particuliers. A sa sœur Alasacie, il lègue ses terres et leurs revenus
à son épouse Sibylle de Trets, précisant que, si elle
se remarie, elle perdra ces domaines et touchera seulement une somme de
6 000 sous de royaux coronats.Il lègue à son frère
Barral son domaine d’Aubagne et tous ses châteaux.
Il meurt peu après
et le 25 juillet sa veuve Sibylle de Trets remet à Barral tous les
droits qu’elle pouvait avoir sur les terres baussenques avant et après
la mort de son mari.
Le 26 juin 1234, dans le cloître
de Beaucaire, Barral rend hommage à l’archevêque d’Arles
pour ses fiefs de Villeneuve et Méjanes. Trois jours plus tard,
il représente le comte de Toulouse, dans la maison du péage
de Jarnégues pour la signature de la trêve jusqu’à
la Toussaint, entre celui-ci , le comte de Provence et l’archevêque
d’Arles. Raymond VII est à Beaucaire et il accepte la trêve
.
En juillet, il rend hommage pour les biens qu’il vient d’hériter
de son frère à l’évêque, au prévôt
et au chapitre de Marseille .
Après
la normalisation des rapports avec l’Eglise chacun fait ses comtes :
l’évêque de Vaison évalue les dommages subis à
hauteur de 80 000 sous et 55 livres de raymondins et rappelle que Barral
et le comte de Toulouse lui ont pris les biens épiscopaux.
Il demande à l’évêque d’Avignon de lui faire restituer
ses biens et demande d’être indemnisé .
Reconstruction du château des Baux de Provence
Barral entreprend de reconstruire ce château prestigieux qui
est rasé depuis 1162.
Les sceaux de Barral des Baux
:
Alors que le sceau de son
père Hugues porte une étoile à seize raies (A) (1214,16,20),
celui de Barral porte le plus souvent une croix d’or vidée, cléchée
et pommetée qui est le sceau des vicomtes de Marseille. C’est aussi
le sceau des anciens comtes de Provence, celui qu’ils utilisaient, comme
les raimondins, pour les actes concernant le marquisat. Pithon-Curt précise
que celui de Barral vient de sa mère, vicomtesse de Marseille.
En 1241, la croix marseillaise
est cantonnée de quatre étoiles à huit raies (B).
Dix ans plus tard, le sceau se complexifie et la croix est accompagnée
de 8 étoiles de 8 raies et cantonnée d’aiglettes déployées
dont la tête est surmontée de la lettre B (C).
A partir de cette année là, on trouve un sceau plus
simple à deux parties : la croix vidée, cléchée
et pommetée et l ‘étoile à 16 raies de son père.
On trouve aussi un double
sceau, le premier à l’étoile à 16 raies et le second
à la croix de Toulouse.
Parfois, il s’agit d’un écartelé,
au I et IV à l’étoile traditionnelle, et au II et III à
la croix de Toulouse.
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