Chapitre VII. Troubadours
Le Midi de la France
était alors une terre de culture où on avait le goût
des plaisirs de l'esprit.. Les peuples du Midi se distinguaient profondément
de ceux du Nord qui s’appelaient Français : de l’Aragon
au Piémont, ils avaient une langue commune, des mœurs communes,
une prospérité commune, des intérêts communs,
des usages et des lois basés sur le droit romain.
Les troubadours allaient de château
en château, contre gîte et couvert, de Saragosse à
Toulouse, de Marseille à Montferrat. Interprètes d’une
poésie nouvelle, provençale, inspirée de la chevalerie,
vantant le culte de la femme, l’amour courtois. Protégés
par les seigneurs, ils étaient partout accueillis avec plaisir
dans la grande salle des châteaux. Leur langue provençale
était comprise de tous. Raimbaut de Vacqueiras était l'ami
de Guillaume des Baux, prince d'Orange ; Bertrand de Lamanon soutenait
Hugues des Baux et même Foulques de Marseille célébrait
les vicomtes de Marseille, Alasacie et Barral ; Peire Vidal,
après des débuts à la cour de Toulouse était
tombé amoureux d'Alasacie mais aimait retrouver son ami Barral
de Marseille qu'il appelait
Rainier de Marselha ,
Mon cor sent alegrezit,
Qu'ar me cobrara N Barrals.
Je sens mon cœur
plein d'allégresse, car
voilà que Barral m'aura de nouveau.
E car no vei mon Rainier de Marselha,
Sitot me viu, mos viures no m'es vida
Comme je ne vois pas mon Rainier de Marseille,
bien que je vive, mon vivre n'est pas pour moi une vie.
Du point de vue linguistique, dans toutes les provinces
du sud de la France, on utilisait la langue d’oc. Dans les
écrits, le latin était détrôné
par l’occitan : c’était la langue utilisée, dès
le XIIe ou XIIIe siècle pour les délibérations
et les comptes municipaux. Les troubadours, comme Raimbaud d’Orange,
Raimbaut de Vacqueyras, Gui de Cavaillon ou Cadenet d’Apt, donnèrent
naissance à un mouvement littéraire provençal.
Leurs
Cansó vantaient l’amour chevaleresque, leurs Sirventes louaient
les bons et censuraient les méchants alors que la bravoure était
glorifiée dans les plaintes (planhs). Tensons, Pastourelle, Alba
(chant d’aube), la Serena, la Balada étaient autant de chants
qu'accompagnaient souvent la musique de la mandore ou de la rote. Les
tournois, l'armement de chevalier, les cérémonies de donation
tout était occasion pour rassembler quelques troubadours et poètes
et célébrer les évènements dans la joie
et le plaisir.
C'est dans ce milieu-là que baigna
l'enfance de Barrale de Marseille, auprès de sa mère
Alasacie. Les conteurs racontaient que Peire Vidal avait réussi
à voler un baiser d'Alasacie et qu'il avait été
réprimandé par son mari Barral de Marseille. Reconnu
comme étant un peu fou, l'incident fut rapidement oublié.
Sceau de Raymond de Mondragon :
Hommage à la dame.
Frédéric Mistral rendra hommage aux dames des Baux chantées
par les troubadours :
« O princesses des Baux,
Huguette, Sibylle, Blanchefleur, Baussette, vous qui là-haut pour
trône aviez des rochers d'or, corps exquis en beauté, âmes
allègres, donnant l'amour, versant la joie et la lumière, les
monticules de Montpahon, les landes azurées de la Crau dans leur mirage
d'aujourd'hui reproduisent encore votre image. Les thyms eux-mêmes
ont conservés l'odeur de vos traces ; et il me semble que je vois encore,
guillerets, coutois, coureurs et guerroyeurs, que je vois à vos pieds
chanter les troubadours ».
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Les Baux avaient leurs cours d'amour qui se tenaient
dans le pavillon de la Tour de Brau de leur fief ancestral. Là fut
créé "l'Amour Courtois" pour célébrer et
conquérir la '"Dame", obtenir ses faveurs, sa main ou simplement un
sourire. La cité des Baux comptait environ 4 000 habitants et
était l'un des principaux foyers de la civilisation occidentale avec
une intense vie culturelle.
Ecoutons Nostradamus rendre hommage à un troubadour et à une
dame des Baux : "Il fest moult belles chansons auxquelles il meist
lui même le chant... Il avait pris un tel crédit et autorité
sur les dames qu'après avoir récité ses chansons, il
recevait un baiser de celle de la compagnie qui lui était la plus
agréable et le plus souvent il s'adressait à la dame des Baulz
comme la plus belle et la plus gracieuse".
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