Raymond Ier, son arrière grand-père,
était un chevalier ambitieux, qui n'avait pas froid aux
yeux :
fort de ses fiefs, bourgs, châteaux, et places fortes
des "terres baussenques", entre le Rhône et Aix et, vers
le sud, jusqu'à Berre, ce remuant seigneur et ses amis Guillaume
de Sabran ou Raymond de Meynes guerroyaient sans cesse, allant jusqu'à
ravager l'abbaye de Saint Gilles et jusqu'à confisquer ses biens.
Cela leur valut d'être excommuniés par le pape Calixte II en
1122 et condamnés à rendre les biens acquis par la force.
Reconstitution du château des Baux
Sa grande affaire fut l'héritage de
son épouse, qui l'opposa aux comtes de Provence. Il avait épousé
Etiennette, fille du comte de Provence, alors que sa belle-sœur Douce,
avait épousé le comte Raymond-Béranger de la maison
de Barcelone. Il y avait de quoi faire une belle querelle de famille,
avec, comme enjeu, tout le comté de Provence !
Il voulut faire valoir les droits de
son épouse, à la mort du comte de Provence : il réussit
à mobiliser une bonne moitié des seigneurs provençaux
contre Bérenger Raymond et déclencha une formidable
guerre qui enflamma toute la Provence.
Avec le comte de Toulouse Alphonse Jourdain,
allié à la maison de Forcalquier, il fut le chef de
la résistance au fils cadet du comte décédé,
qui, lui, s'appuyait sur les évêques provençaux,
une partie des barons et les comtes de Barcelone, ses oncles.
A partir de 1135, les guerres,
dites "baussenques", déchirérent le pays pendant 14
ans. Il combattit avec vaillance pour faire valoir ses droits, à
la tête des armées qui avait su rassembler. Tous
les seigneurs du pays durent choisir leur camp, celui de Douce
ou celui d'Etiennette. Les forces se répartirent en deux camps
à peu près égaux et les guerres s'éternisèrent.
Il sut faire vibrer la fibre patriotique
des Provençaux contre les comtes "étrangers", ceux
de Barcelone.
Le sommet de sa gloire fut atteint
lorsque Bérenger Raymond fut tué en 1144, ne laissant
pour héritier qu'un enfant de sept ans. Il pensa alors que
l'affaire était réglée et qu'il allait pouvoir
récupérer tout le comté de Provence. Mais
le roi d'Aragon, oncle et tuteur de ce jeune comte prit sa défense.
Raymond Ier avait le soutien de l'empereur
Conrad III, qui voyait là une bonne occasion de faire
valoir sa souveraineté si lointaine sur les terres de Provence.
Dès le 4 août 1145, il lui avait accordé,
ainsi qu'à son épouse, le privilège de battre
monnaie à Arles, Aix, et à leur château de Trinquetaille
avec droit de circulation dans tout le royaume de Provence. Il
lui avait fait donation en fief de tous les domaines de son père
Guillaume-Hugues, de tout ce qu’il avait acquis depuis la mort de
ce dernier, et de toutes les possessions des parents d’Etiennette,
avec pouvoir de les disputer contre toute personne (1).
Il
ne pouvait être plus clair quant à son support
pour la conquête de comté de Provence.
Mais le roi d'Aragon s'imposa, profitant
du fait que le comte de Toulouse Alphonse Jourdain était
en croisade et n'apportait plus son soutient.
Raymond Ier dut finalement s'incliner
en 1150 , en se rendant à Barcelone
avec sa femme et ses fils pour faire la paix avec le nouveau comte
Raymond-Bérenger II ; il fit soumission, pour toutes ses
terres y compris le château de Trinquetaille. Le comte lui
rendit ce château en fief (2).
Raymond des Baux étant mort avant
de quitter l’Espagne, sa femme et ses fils Hugues, Guillaume,
Bertrand et Gilbert durent attendre l'arrivée du nouveau
comte en Provence pour se soumettre à leur tour.
En septembre 1150, à
Arles, ils déclarèrent abandonner définitivement
leurs droits et prétentions sur le comté de Provence,
prêtèrent le serment de fidélité pour
leurs châteaux de Trinquetaille, de Portaldose (bourg neuf d'Arles)
et pour la ville d'Arles, et abandonnèrent de nombreux
droits féodaux sur les péages terrestres ou fluviaux,
sur Meyrargues, Trans, Cordolor, Ledinans, Aix, Berre, Méjanes
et plusieurs autres châteaux acquis récemment. Ils renoncèrent
aux foires et marchés de Trinquetaille, aux droits sur les pâturages
de la Crau et sur la navigation ou la pêche sur le Rhône. Dépouillés
de ces richesses, ils conservèrent leurs possessions héréditaires
ainsi que la dot initiale d'Etiennette.
Barral frémissait lorsqu'on lui racontait
cette défaite, cette tragédie et ses conséquences
pour sa famille.