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Chapitre I : Baral des Baux, une vie mouvementée,
    Barral chevauchait déjà depuis deux bonnes heures et le jour commençait à baisser. Les ombres s’allongeaient sur ce grand chemin du royaume de Sicile. Il se retourna pour tenter d’apercevoir une dernière fois le château impérial de Lucera, mais il était déjà trop loin. Ces fils étaient restés là-bas avec Charles Ier d’Anjou, le plus jeune frère du roi de France, qui terminait la conquête du royaume de Sicile.
    Il avait quelques difficultés à rester bien assis sur sa selle et il savait que son heure était venue. Son mal avait empiré ces derniers temps mais il avait essayé de le cacher pour tenir son rôle de Grand Justicier du royaume auprès de Charles d’Anjou. Celui-ci avait compris que la vie de Barral ne tenait plus qu'à un fil, et ce 21 mai 1268, pendant le siège de Lucera, il ordonna à son justicier de la terre de Bari en Basilicate d’acheter, à ses frais, un bon cheval afin que Barral puisse rentrer à Naples. Barral n’avait pas insisté. Il avait tout juste pris le temps d’embrasser ses fils avant de prendre la route. Ses affaires étaient réglées depuis longtemps et chacun savait ce qu’il y avait à faire. Aussi sa décision fut immédiate.
    Le royaume de Sicile n’était pas encore complètement soumis à la domination angevine. Après les grandes batailles gagnées sur les troupes impériales, Charles d'Anjou devait assurer sa domination partout dans le royaume. Lucera était un des derniers bastions de l’Empire, du Saint-empire romain-germanique, dans les collines proches de l’Adriatique. Le grand battu, l’empereur Frédéric II y avait fait construire un palais-forteresse et avait regroupés là tous les Sarrasins de l’île de Sicile après les avoir vaincu. Il leur avait laissé la possibilité de pratiquer leur religion et leurs coutumes, de construire une mosquée, ce que l’Eglise n’avait pas apprécié. Ces Sarrasins devinrent des guerriers de confiance que Frédéric II avait souvent employés dans sa garde personnelle. Ils avaient résisté jusque-là aux attaques des angevins et des provençaux qui formaient le gros des troupes de Charles d'Anjou.
    Ce dernier avait décidé de faire le siège de cette forteresse réputée imprenable. Sa forme carrée, sa hauteur, le fait qu’il n’y a aucune porte au niveau du sol et la présence de nombreux défenseurs sarrasins expliquaient cette réputation.
    Barral accompagnait le roi lors de ce siège de longue durée. Il n’avait plus l’âge de participer aux combats puisqu’il avait plus de 60 ans, mais il avait tenu à assumer son rôle jusqu’au bout. Sa présence auprès du roi lui semblait nécessaire pour résoudre les affaires du royaume. 
    Maintenant éloigné du champ de bataille, libéré des soucis de sa fonction de Grand Justicier du royaume,, il se laissait bercer par le trot de son cheval. Accompagné seulement par quelques serviteurs, il n’avait plus à tenir son rang. La fatigue aidant, il se détachait du présent et se remémorait les principaux évènements de sa vie. Qu’elle était loin la Camargue de son enfance, la Provence enflammée par ses ancêtres, Arles, Avignon, et Marseille où il avait tenu les premiers rôles. Il savait qu’il avait encore relevé le nom déjà glorieux de ses ancêtres et de sa famille, les Baux. Sa mémoire avait enregistré aussi bien son vécu que l'histoire de sa famille.

        Barral des Baux avait souvent raconté qu'il ne connaissait pas précisément sa date de naissance. C'était vers l'année 1200, au château de Trinquetaille, près de la bonne ville d'Arles, sur les bords du Rhône. Construit sur la rive droite du fleuve dans ce faubourg de commerçants, ce château appartenait à son père Hugues des Baux, le quatrième du nom, en pleine force de l'âge puisqu'il avait environ 27 ans, et à sa jeune épouse Barrale de Marseille. Leur mariage avait eu lieu quelques années auparavant, vers 1195, associant deux familles des plus importantes de la région.
    Sa mère était fille du vicomte de Marseille et d'Alasacie Porcellet et elle avait été richement dotée.

   Hugues des Baux, sont père, avait rendu hommage à l'archevêque d'Arles (1192) pour le château de Trinquetaille et ses dépendances, le domaine de Barbegal, les ports de Saint-Gilles et du petit Rhône et pour tout ce que ses ancêtres tenaient de l'église d'Arles.

    La ville d'Arles vivait principalement de son port car la mer était toute proche, et les bateaux remontaient le Rhône jusqu'à Lyon. La traversée du fleuve été payante et le péage contribuait à la richesse du pays.

trinquetaille
Arles, rive gauche et Trinquetaille, rive droite.

   Le plus vieux souvenir de Barral datait de 1217. Le 8 avril de cette année-là, son père Hugues et sa mère confirmaient une vente à l'abbaye de Pierredon. Barral et son frère Gilbert étaient présents lors de cette formalité et à la signature de l'acte,  au château de Trinquetaille.


Notes :