Source : Bulletin de la Société
d'études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan
Auteur : Société d'études
scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var.
Date d'édition : 1894
La nomination du successeur d'Urbain de Fiesque à
l'évéché de Fréjus donna lieu à un regrettable
conflit entre le souverain Pontife et le pouvoir royal.
Deux compétiteurs se trouvèrent en présence
soutenus l'un par le Pape (Nicolas de Fiesque), l'autre par le Roi et par
Etienne de Vesc
(Rostan d'Ancézune)
NICOLAS DE FIESQUE, Evêque de Fréjus
(1485-1488)
Le premier, Nicolas de Fiesque, frère du prélat
défunt, après avoir obtenu la prévôté
de Fréjus et celle de Toulon, avait été élevé,
le 15 mars 1484, au siège épiscopal de celle dernière
ville. « Il n'avait que vingt-huit ans, dit M. Albanès, mais
il appartenait à une famille comtale, il était docteur dans
les deux droits, notaire apostolique et archiprêtre de Gênes.
Il ne fut pas possible à Nicolas de Fiesque de prendre possession
de son évêché de Toulon, où les officiers du
roi de France refusèrent de le recevoir. Croyant mettre fin à
une si fâcheuse situation, le pape Innocent VIII, cinq jours après
la mort d'Urbain de Fiesque, transféra Nicolas de l'évêché
de Toulon à celui de Fréjus; c'était le 14 octobre
1485. Mais pas plus dans cette ville que dans la précédente,
il ne fut permis à l'évêque nommé de jouir de
son titre; un commissaire envoyé par le roi se saisit des biens et
des revenus de l'évêché, comme s'il n'avait pas de titulaire,
nomma de nouveaux officiers et agit en tout comme dans une église
vacante ». L'autorité de Nicolas ne fut pas mieux reconnue par
le chapitre que celle d'Urbain ne l'avait été douze ans auparavant,
et jusqu'au 26 juin 1486 le diocèse fut administré par quatre
chanoines capitulaires dont le premier était Jean-Baptiste Denigris.
La conduite des chanoines leur valut, dit Antelmy, de nouvelles censures.
« La raison de cette résistance opiniâtre,
continue M. Albanès, c'est que
Etienne de Vesc , bailli de Meaux, conseiller et
chambellan de Charles VIII, voulait procurer ces évêchés
à Rostàn d'Ancésuno, son neveu ». Finalement,
après deux ans de laborieuses négociations avec le roi de
France, le Pape se décida, avec l'agrément de Nicolas de Fiesque,
« à nommer Rostàn d'Ancésune, non point évêque,
mais administrateur de Fréjus- jusqu'au jour où Nicolas aurait
été promu à une autre église; en attendant,
une double pension sur les revenus de Toulon et de Fréjus lui était
allouée pour son entretien. Cet arrangement provisoire dura une année
entière. Ce fut seulement le 22 octobre 1488 que Nicolas de Fiesque
nommé à l'évêché d'Agde abandonna l'église
de Fréjus à celui qui en avait l'administration. ».
ROSTAN D'ANCÉSUNE Evêque de Fréjus
(1488-1495)
Rostan d'Ancésune, originaire du Comtat Venaissin,
appartenait à la noble famille des Caderousse. Deux de ses frères,
Jean et Aimar, étaient à la cour de Charles VIII et son oncle,
qui y résidait aussi, avait une grande influence sur le roi.
Il occupait déjà les fonctions de prévôt
de la cathédrale d'Orange avec le titre de protonotaire apostolique,
quand son oncle fit décider, le 6 mars 1484, par le grand conseil
du roi, que l'on demanderait pour lui au Pape l'évêché
de Toulon et la prévôté de Pîgnans.
Plusieurs lettres furent adressées dans ce
but à Rome, au nom du roi, et l'ambassadeur qui s'y rendit
peu après eut ordre de solliciter avec instance. Mais déjà
le Pape avait disposé de cet évêché en faveur
de Nicolas de Fiesque. Un esprit moins brouillon aurait accepté le
fait accompli. N'écoutant que son dépit, le bailli de Meaux
fit mettre le séquestre sur les revenus de Pignans et de Toulon
et, pendant deux ans, un commissaire les administra au nom du roi.
La mort d'Urbain de Fiesque qui survint l'année
suivante sembla devoir mettre fin au conflit, car le Pape en profita pour
transférer Nicolas de Toulon à Fréjus.
Ce fut alors l'évêché de Fréjus
que Rostàn demanda. Poussant la condescendance jusqu'à satisfaire
une exigence si déraisonnable, le Saint-Siège adopta une
combinaison qui conciliait les intérêts des deux prélats;
il donna à Rostàn,
nous l'avons vu, l'administration de l'évêché
de Fréjus, dont Nicolas conservait le litre, pour en devenir titulaire,
à son tour en cas de mort, de démission ou de promotion de
l'évêque à un autre siège.
Ce qui arriva lorsque, le 22 octobre 1488, Nicolas
de Fiesque fut transféré à l'évêché
d'Agde.
Rostàn d'Ancésune passait, le 27 avril
1489, avec les habitants de la ville épiscopale une transaction
pour régler les droits temporels des évêques.
Rostàn d'Ancésune vint, le 17 juin 1489,
recevoir l'hommage-lige des habitants de Montauroux qui relevaient de la
seigneurie temporelle de l'évêque.
Il promit de leur donner des officiers de justice
spéciaux pour les soustraire à l'action du bailli de Fayence
dont ils avaient à se plaindre.
Plus tard il eut à protester contre l'ingérence
du viguier de Draguignan qui vint visiter, au nom du roi, les remparts
de Fayence, le 4 mars 1490, et ceux de Fréjus, le 13 mars 1493.
Entre temps il avait donné, le 28 mai 1491,
le vicairie de Châteauvieux à Jean de Montaigu, son grand
vicaire, qui devint trois ans après évêque d'Api.
Au mois de mars 1492, il assistait aux Etats de Provence
tenus à Aix, dans le réfectoire des Frères Prêcheurs.
Le 8 octobre 1494, il changea le clavaire et
reçut de ses mains les titres et les livres d'administration de
l'évêché.
Enfin, le 26 novembre 1494, Rostàn d'Ancésune
fut promu à l'archevêché d'Embrun. Il était encore
évêque dé Fréjus lorsque Charles VIII l'envoya
à Rome comme ambassadeur auprès du pape Alexandre VI
et il s'y trouvait lors de sa translation que le roi
avait sollicitée et pour laquelle il avait écrit deux lettres
au chapitre d'Embrun.
Il garda seize ans ce siège archiépiscopal
et mourut à Rome le 27 juillet 1510 ; il y est enseveli dans le
sanctuaire de l'église des Saints-Apôtres, du côté
de l’épitre.