|
|
|
|
...
TEXTE DE LA GRANDE CHARTE DES LIBERTES BRIANCONNAISES
(Traduite et résumée par Fernand CARLHIAN
RIBOIS)
Au Nom de Notre Seigneur Jésus Christ.
Amen.
Sachent tous présents et à venir qu’en
l’An de notre Seigneur, 1343, le 29 May, sous le Pontificat de notre Saint
Père Clément VI,
Le Seigneur Humbert II,
Dauphin de Viennois,
Prince de Briançonnais,
Marquis de Sézanne,
après mûres réflexions et nombreuses
délibérations, après avoir fait vérifier tous
les droits seigneuriaux qu’il possède en Dauphiné, après
avoir rappelé la bonne mémoire de ses Ancêtres qui
lui ont légué le pays et tous leurs droits,
Remet, Cède et Transporte à perpétuité
aux Universités et Communautés Briançonnaises, la
Jouissance pleine et entière de ses Droits et devoirs Féodaux
et Seigneuriaux, savoir,
les censes en blé, lods, tiers, treizains, vingtains,
bans, bois, usages, aisances, pâturages, eaux, fours et moulins,
le tout contenu dans la présente Transaction, signée par
Lui, Dauphin Humbert II d’une part,
et par les Consuls, Syndics et les Procureurs des Communautés
et des Universités de la Principauté du Briançonnais,
d’autre part.
Dessin de Christophe Bernard
montrant les consuls, en costume d'époque,
négociant avec le Dauphin
 |
Art. 1
Bien informé et sûr de ses droits, traitant
de son plein gré, en son Nom personnel et en celui de ses héritiers
et successeurs, le Seigneur Humbert II fait savoir que les officiers, greffiers,
secrétaires, et tous les habitants des Communautés Briançonnaises
sont habilités à posséder tous fiefs et arrières-fiefs,
biens et héritages, tant en groupes qu’en particuliers des deux
sexes et qu’ils ont désormais, le droit d’acheter ou de se succéder
avec ou sans testament.
Art. 2
Ils ont désormais le droit de se réunir où
et quand ils le désirent, sans autorisation et sans la présence
d’un officier, pour leurs affaires communes. Ils sont libres.
Art. 3
Ils ne pourront être jugés hors de leur Communauté
sans appel régulier et sans autorisation du Juge de Briançon.
Art. 4
Ils sont déchargés de tout impôt et de
toute taille. Ils en sont de même exemptés.
Art. 5
Les Juges de Briançon ne pourront plus prendre, plus
de 10 sols, pour les Jugements qu’ils rendront désormais ou pour
les actes d’émancipation qui seront dressés devant eux.
Art. 6
Le Dauphin remet toutes ses commissions personnelles et particulières.
Tous les droits ou taxes qui lui sont dûs, sont convertis en une
rente annuelle, payée en argent, chaque année le Jour de
la Chandeleur (2 Février). Le montant de cette rente est fixée
à : 4 000 Ducats d’or pour l’ensemble de la Principauté.
Le montant par Communauté sera fixé par conventions particulières
qui devront être établies et signées dans l’année
qui commence aujourd’hui, 29 Mai. |
Art. 7
Moyennant le paiement de cette rente, le Dauphin se démet
de tous ses droits seigneuriaux sur les fiefs qui lui appartiennent ou
pourront appartenir à ses successeurs.
Art. 8
Les Briançonnais pourront se réunir pour s’imposer,
et s’imposer sans avoir à rendre de compte.
Art. 9
Les habitants qui possèdent des biens devront contribuer,
pour ce qu’ils possèdent, à la rente dûe au Seigneur
Dauphin.
Art. 10
S’ils reconnaissant la transaction, les Briançonnais
pourront à l’avenir dire qu’ils tiennent leurs biens et leurs droits
par acquisition au moyen de la rente annuelle payée au Dauphin.
Les collecteurs de la dite rente seront payés,
pour ce travail, selon leurs qualités.
Art. 11
Les habitants sont déchargés de lettres de
clame ou criées pour leurs dettes. Ils seront en plus absous par
les juges, s’ils reconnaissant leurs dettes de bonne foi.
Art. 12
Chaque année, pour Chandeleur, les Briançonnais
pourront élire leurs officiers et Consuls. Ces derniers devront
jurer de bien servir et de rendre des comptes en fin d’année. Si
un Consul ou autre officier ne remplit pas bien ses fonctions, il ne sera
jamais réélu. Les habitants qui refuseront de payer leur
part de rente, seront punis d’une amende de 5 à 10 sols. Les criées
pour affaires communes sont permises.
Art. 13
Le Dauphin s’engage à obliger ses héritiers
et successeurs, qui pourraient être seigneurs en pays Briançonnais,
à respecter la présente et à s’engager à en
respecter toutes les dispositions. S’ils ne prêtaient pas ce serment,
ils ne pourraient rien posséder en Briançonnais.
Art. 14
Hors les cas de lèse-majesté, de faux, blessures,
rapts, adultères et violences, les officiers du baillage ne pourront
ouvrir aucune information.
Art. 15
Les châtelains ne pourront plus se faire payer lorsqu’ils
opposeront leur sceau sur les lettres des habitants de leur chatelainie.
Art. 16
Les habitants des Communautés du Briançonnais
pourront remettre ou donner ce qui leur appartient
sans l’autorisation ou le consentement de quiconque.
Art. 17
Les Briançonnais ont dès aujourd’hui le droit
de construire des canaux pour arroser leurs terres, prendre de l’eau aux
torrents et rivières sans avoir à payer le droit d’usage
ni au dauphin Humbert, ni à ses héritiers ou successeurs.
Art. 18
Défense est faite aux officiers, delphinaux et aux
nobles de couper du bois de charpente ou de chauffage dans les forêts
des Communautés et Universités du Briançonnais, du
Queyras, Vallouise, Cézanne, Oulx, Pinet, Chevalette, Fontenils
ni autres lieux du Baillage, car les coupes sont cause d’inondations, éboulements
et avalanches.
Cette interdiction est perpétuelle.
Art. 19
Les collecteurs d’impôts peuvent saisir les biens nobles
et roturiers de ceux qui refusent de payer leur part de rente, ou toute
autre taxe qu’ils doivent à la communauté.
Art. 20
Les Communautés pourront nommer leurs écrivains
ou greffiers et les choisir comme elles l’entendront pourvu que la personne
(ou les personnes) de leur choix soit un vassal, ou homme-lige du Seigneur
Dauphin.
Art. 21
Les Ecrivains, Greffiers, Notaires, receveurs, collecteurs,
devront prêter serment au Seigneur Dauphin et à leur Communauté.
Ils devront jurer d’être fidèles. Toutes les reconnaissances
écrites ou orales faites depuis peu par les Communautés,
ou particuliers devant des Commissaires nommés par le Dauphin sont
annulées par la présente.
Art. 22
Les Syndics ou Consuls pourront librement, lorsqu’ils le
jugeront utile, agrandir ou rétrécir les chemins, passages,
sentes forestières, sans l’autorisation de la Cour Delphinale. Aucun
travail autre que ceux d’amélioration ne pourra être fait
sur les chemins royaux. Sous réserve de prestation de serment les
Communautés pourront nommer librement leur garde-route, garde-forêts,
garde-champêtre, garde-troupeau, garde-canaux.
Art. 23
Les officiers Delphinaux du baillage ne pourront plus, désormais,
procéder à l’arrestation de quiconque en Briançonnais
pour des délits commis, si les délinquants donnent caution
franche et sûre.
Les crimes capitaux sont exemptés de cette mesure.
Un criminel même s’il donne caution ne sera jamais libéré.
Art. 24
Aucun officier Delphinal (ou autre Noble) n’a désormais
le droit d’arrêter ou saisir le bétail des marchands voituriers,
voyageurs ou autre briançonnais, pas plus qu’il n’a le droit de
vexer ou importuner les personnes qui voyagent en Briançonnais.
Art. 25
Le Seigneur Dauphin promet solennellement que, ni lui ni
ses héritiers ou successeurs, ne pourront porter atteinte en quoi
que ce soit aux articles contenus dans ce contrat.
Art. 26
La contribution au droit de surveillance exigée pour
la garde du Château Delphinal à Briançon est abolie.
Le Dauphin paye lui-même cette dette. La contribution de Garde du
Château Dauphin reste dûe, à moins que les habitants
s’engagent à payer leur part de rente annuelle.
Art. 27
Comme les habitants de ce pays, tous ceux qui ne se sont
pas libérés des 63 sols de taille delphinale, seront poursuivis
et contraints à payer par les officiers du Dauphin.
Cette taille et ses accessoires devront être reconnus
par tous.
Art. 28
Les habitants du Baillage ne pourront plus être obligés
à garder les Châteaux et les prisonniers, sauf dans les cas
urgents. Les Châtelains ou officiers qui feront arrêter quelqu’un
devront en donner avis au Bailli et juge du Briançonnais. Dans ce
cas la garde sera confiée au Juge le moins occupé et à
l’officier le plus habile.
Art. 29
Les Nobles ou gens de qualité ne pourront plus désormais
acheter ou affermer les revenus des églises du Baillage sous peine
d’une amende de 50 marcs d’argent fin.
Les achats antérieurs au présent contrat
sont valables.
Art. 30
Les habitants de Monestier auront à perpétuité
le droit à un marché ou à une foire, le mardi de chaque
semaine comme le veut le règlement établi par Dauphin Jean,
d’heureuse mémoire, qui accorda ce privilège.
Art. 31
Les officiers Delphinaux ou Châtelains qui imposeront,
ou feront imposer une amende par jugement, ne pourront rien exiger des
habitants sans l’accord du Juge Delphinal du baillage.
Art. 32
Les habitants du baillage pourront, avec bêtes et marchandises,
aller et venir jusques en Avignon par la route de leur choix, sans aucune
interdiction, excepté le Vicomté de Tallard, et celà
malgré les défenses qui pourraient être faites par
les Communautés d’Embrun, de Gap, du Champsaur ou autres lieux.
Art. 33
Le Dauphin Humbert II cède et remet pour lui, ses
héritiers ou ses successeurs et pour l’ensemble des habitants du
Briançonnais présents ou à venir (sauf les étrangers)
toutes les gabelles du Briançonnais, pour toutes choses, exceptée
la Gabelle du bétail. Rien n’est dû sur la nourriture de ce
dernier.
Art. 34
Les Juges Delphinaux devront désormais indiquer expressément,
dans les sentences qu’ils rendront que les amendes ou sommes dûes
seront payées en monnaie courante.
Art. 35
Les dits juges ne pourront recevoir que 12 deniers de monnaie
courante par livre de condamnation prononcée.
Le seigneur Humbert II désirant favoriser au maximum
ses fidèles sujets du Briançonnais,
DECIDE ET ORDONNE
Que tous, sans exception, seront désormais tenus
et considérés comme des hommes-libres, francs et bourgeois.
Ils rendront hommage au dauphin en baisant son anneau ou la paume supérieure
de sa main comme le font des hommes francs et libres, et non plus les deux
pouces comme le font les roturiers et manants de ce temps.
Art. 36
Les Syndics et procureurs présents remettent, au nom
des habitants, au Seigneur Dauphin toutes les injures, tous les torts ou
griefs qui leur ont été faits par le Dauphin ou par ses prédécesseurs
en vertu de leurs droits.
Ils promettent de faire accepter cette transaction dans
leur communauté.
Ils abandonnent toutes restitutions auxquelles ils sont
en droit de prétendre.
Ils acceptent de payer la Gabelle à laine.
Art. 37
En reconnaissance de toutes ces largesses, grâces,
faveurs, libertés, franchises comme de tous les avantages, privilèges
et bienfaits, les Syndics et Procureurs s’engagent à payer, en jurant
sur l’Evangile qu’ils touchent successivement de leurs mains, posées
à plat, les Douze Mille florins d’or à raison de Deux Mille
florins pendant 6 ans, le jour de la Fête de la Purification de Notre
Dame et en outre, chaque année, le même jour, la rente de
4 000 ducats d’or.
Il est entendu que :
8 000 florins seront payés par les Chatelainies de
Briançon, Queyras, Vallouise, Saint-Martin et les habitants de Montgenèvre
;
4 000 florins seront payés par les Communautés
et Chatelainies de Cézanne, Oulx, Salbertran exile, Bardonèche
et Val Cluson. Si ces derniers refusent de payer leur part, la somme de
12 000 florins serait réduite de 2 000 florins.
Art. 38
Considérant que les gens du Baillage du Briançonnais
sont tenus de fournir 500 gens d’armes, le Dauphin donne 1 000 florins
d’or, à déduire des 12 000 pour donner aux habitants la possibilité
d’acheter armes et poudre, et d’avoir des soldats prêts à
accompagner le Bailli dans ses tournées.
Après avoir touché le Saint Evangile, le
Seigneur Dauphin Humbert II,
Jure de maintenir l’exécution intégrale
des choses promises et accordées,
Il ordonne solennellement à tous ses officiers
de faire exécuter loyalement tous les articles et d’empêcher
toute violation des clauses par lui accordées à perpétuité
et ce en Son Nom et au nom de ses héritiers et successeurs.
Il précise que tous les extraits, toutes les copies
du contrat seront toujours aussi valables que l’original.
Et pour donner plus de valeur et toute authenticité
à la Grande Transaction, faite de deux peaux collées, le
Seigneur Dauphin Humbert II
Appose sur l’original dressé, le sceau de son anneau
secret.
Fait à Beauvoir en Royans, diocèse de Grenoble,
Château Delphinal, le 29 May 1343.
Signé : Humbert, second
Suivent les Noms et Qualités de tous les seigneurs,
religieux, Syndics, procureurs qui ont assisté à la signature
et qui ensuite ont rendu le premier hommage d’hommes francs et libres.
L’original a été dressé par Guigues
Froment, de Grenoble, Notaire public par Autorité, Apostolique,
Impériale, Royale et Delphinale.
L'original se trouve à
la mairie de Briançon.
Avec l'autorisation de M. BERTON Alex,
Associazione "La Valaddo"
Villaretto Chisone
ouvrage "Lous Escartoun".
|
|