Chapitre VIII.
Législative et Convention (1791-1794).
La Législative
et la Convention Jacobine (1791 - 1794).
La Savoie rattachée
à la France
Création du département
des Alpes-Maritimes.
La guerre à la frontière
: Incursions, pillages et représailles en Queyras et Val Varaita
( 1793).
La Législative et la Convention
Jacobine (1791 - 1794).
La période est marquée par la déclaration de guerre à
l’Autriche (92), l’exécution de Louis XVI (93), les tribunaux révolutionnaires,
le Comité de Salut Public et la Terreur.
La Savoie rattachée
à la France
Victor-Amédée III prend parti pour l'Autriche en 1792, entraînant
des crises en Savoie et à Nice. En Savoie, le monde rural s’agite après
l’annonce de la Révolution française ce qui arrête l’émigration.
En 1792, les armées françaises entrent en Savoie et sont arrêtées
par les Sardes aux cols du Petit St Bernard et au Mont Cenis. Les savoyards
demandent le rattachement à la France et obtiennent la création du département du
Mont Blanc.
“Chambéry, 24 septembre
1792.
La cocarde royaliste
flotte... au bout de la queue des chiens. C'est ainsi que les Savoyards
ont choisi d'exprimer leur hostilité à la monarchie et au roi
de Sardaigne. Autant dire qu'ils ont accueilli avec une joie sincère
les troupes révolutionnaires du général de Montesquiou.
La conquête s'est déroulée sans violence. Les émigrés,
nombreux à Chambéry, avaient préféré
fuir avant l'arrivée des Français, rapidement imités
par les Piémontais. C'est pourquoi Montesquiou n'a pas eu grand peine
à prendre les redoutes qu'on lui opposait. Et sans attendre son armée
qui suivait lentement, le général est entré presque seul
dans la ville : gagnée aux idées révolutionnaires, la
Savoie est tombée comme un fruit mûr.”[18]
Les Savoyards fêtent
leur rattachement à la France
“Maurienne, 8 décembre 1792.
Ne tardant pas à emprunter au
comportement révolutionnaire ce qu'il a de plus symbolique, la municipalité
de Saint-Jean-de-Maurienne a décidé de fêter le
rattachement de la Savoie à la France. Libérés par les
armées de la Révolution, les Savoyards semblent ainsi accepter
de bonne grâce ce que, de toute façon, ils n'étaient
pas en mesure d'empêcher. Toute la population ainsi que les militaires
français sans armes ont été invités à
se réunir sur la place de la Liberté, ci-devant place de la
Cathédrale. A défaut d'originalité, les
festivités que les conseillers municipaux ont dignement présidé,
ont été marquées par la spontanéité de
leurs participants. Te Deum, bonnets rouges, “toute la
musique qu'on put trouver”, feu de joie, cocardes, ça ira, arbres
de la Liberté et étendards du même nom, rien ne manquait.
Les Savoyards, flanqués chacun d'un soldat français
en guise d'escorte, sont sortis en rangs de la cathédrale, l'esprit
définitivement révolutionnaire.”[18]
Création du département
des Alpes-Maritimes.
Dans le comté de Nice, l’écho des événements de
1789 ne parvient qu'assourdi et n'y suscite aucun mouvement. C'est l'émigration
française qui va entraîner la ville dans l'engrenage politique
et diplomatique. A partir de 1789, près de 10.000 émigrés
vont s'installer à Nice et y entretiennent une agitation permanente
favorisant la création d'un petit parti révolutionnaire.[19]
Victor-Amédée III, roi de Sardaigne, demeure longtemps à
l'écart des complications européennes de la seconde moitié
du XVIIIe siècle. Despote éclairé, il essaie de moderniser
ses Etats, règle tous les différends de frontière avec
ses voisins, centralise son administration. Depuis 1760 on peut même
écrire qu'il entretient les meilleures relations avec la France, et
trente années de paix et de grands travaux ont donné une
très grande prospérité à la région.
Les villes du comté de Nice apparaissent très calme et l'existence
laborieuse de ses habitants comme l'activité fébrile de ses
commerçants, de ses muletiers et de ses rouliers frappent tous les
voyageurs, qui, entre Nice et Turin empruntent les vallées Bevera-Roya.
Si les idées philosophiques répandues
en France réussissent à pénétrer en Savoie et
à y trouver de nombreux adeptes il n'en est absolument pas de même
dans l’arrière-pays niçois, en quelque sorte tout imprégné
de civilisation piémontaise, beaucoup plus que Nice, d'ailleurs.
Alors que les incidents éclatent en 1790 et 1791 à Thonon, Chambéry
et Montmélian, le comté de Nice demeure très attaché
au souverain. Plus encore, Nice et Turin sont devenus des centres d'accueil
d'émigrés français . On épouse plutôt des
idées contre-révolutionnaires, entretenues par un clergé
très puissant.
Les comtes de Provence et d'Artois, frères de Louis XVI, se trouvent
à Turin où ils intriguent et cherchent à obtenir l'assurance
que la cour ne tardera guère à intervenir contre les Révolutionnaires.
Les troubles qui éclatent en Provence dès mars 1790
ont quand même quelques échos. Dans le peuple - surtout dans
celui des agglomérations - on commence à parler du "tyran sarde",
et peu après le roi invite les sympathisants de la France à
ne plus s'assembler. En fait, la vie continue comme par le passé et
Victor-Amédée III attend que l'Autriche commence la guerre,
se sachant trop exposé tout au long de sa frontière savoyarde
et du cours du Var. II éconduit d'ailleurs les émissaires
français qui lui proposent une alliance contre l'Autriche et essaie
de confédérer les Etats italiens afin de contenir toute attaque
décidée à Paris.”[21]
Et c'est ainsi que quand la Législative déclare la guerre à
l'Autriche, alliée de la Prusse, le 20 avril 1792, les Sardes proclament
leur neutralité. Mais le comte d'Artois agit alors à
Turin et tout un complot se trame tendant à mettre au point l'invasion
de la Provence au départ du comté de Nice ; mais, la France,
méfiante, constitue une "Armée des Alpes et du Midi"
dès le 13 avril 1792. Quelques troupes stationnent alors sur la rive
gauche du Var. Aussitôt Victor-Amédéel III fait inspecter
la région niçoise et établir un plan défensif
du comté de Nice.
Le 16 mai le général Anselme est nommé commandant en
chef des forces françaises du Var et commence à rassembler
ses fantassins et son artillerie entre Antibes et Grasse. Des régiments
de Piémont, de Saluces et de Mondovi passent par le col de Tende. Les Sardes
mettent en défense le secteur de Levens à la Turbie, tout en
renforçant les garnisons de Nice.
Le 25 juillet 1792 Victor-Amédée III s'allie secrètement
à l'empereur d'Autriche et d'Anselme croit en l'imminence d'une
attaque piémontaise qui serait synchronisée avec une offensive
générale des coalisés.
En effet, le 19 août, 47.000 Prussiens et 29.000 Autrichiens franchissent
les frontières de l'Est et du Nord. aussi une démonstration
navale, conduite par l'amiral Truguet, se développe-t-elle tout au
long de la Baie des Anges et au large de Villefranche. La Sardaigne renforce
alors son alliance avec l'Autriche. Des détachements piémontais
passent à nouveau le col de
Tende.
Dans le comté de Nice, la situation s'aigrit : deux armées se
forment à partir de juillet 1792 sur le Var, 10.000 Sardes dont les
deux régiments niçois contre 6.000 Français commandés
par le général Anselme. A la suite de l'invasion de la Savoie
(22 septembre 1792), les autorités quittent Nice pour Saorge, et
on se prépare à la bataille.
A la suite de Valmy les armées françaises passent à
l'offensive et le 25 septembre 1792 le général Anselme reçoit
l'ordre de franchir le Var. Aussitôt averti le général
sarde prépare la retraite de son armée.
Au même moment, des émigrés, des notables, des magistrats,
hauts fonctionnaires, des riches commerçants quittent Nice, en direction
du col de Tende. Plus de 6 000 réfugiés passent ainsi,
terrorisés à la pensée de l'arrivée prochaine
des Français.
C'est alors que, sur un ordre affolé
de Turin, l'armée sarde abandonne ses positions et entraîne dans
sa débâcle près de 10.000 civils niçois et émigrés
qui se ruent vers le col de Tende (28 septembre). L’armée française
installe un premier pont sur le fleuve Var, une simple passerelle en bois
qui souvent détruite et reconstruite restera le seul lien entre Nice
et la Savoie jusqu’en 1864.
Dans la nuit, à partir de trois heures
du matin, les Français franchissent le Var et occupent prudemment
Nice, le 29 septembre 1792, alors que les pillages commencent dans la ville
en partie abandonnée[19]. Le fort de Mont-Alban capitule peu après
et Villefranche est prise dès le lendemain. Aussi, le 2 octobre
1792, les Républicains sont en vue de Sospel.
“Nice, 29 septembre 1792.
L'armée de la République
conquiert le comté de Nice. La conquête s'est effectuée
sans violence. Capitale du comté du même nom, refuge des
émigrés, des prêtres réfractaires et des nobles
de Provence et du comtat Venaissin, Nice n'a opposé aucune résistance.
Les troupes révolutionnaires de l'armée
du Var, commandées par le général Anselme, sont entrées
dans une ville partiellement évacuée par ses habitants. De
son côté, le roi de Sardaigne Victor-Amédée
III n'avait mobilisé à Nice et en Savoie que quelques troupes.
Sans soutien du Piémont, mal vus des populations, ses hommes ont
préféré un repli stratégique à une bataille
dont l'issue semblait aussi incertaine.”[18]
Victor Amédée III, opposé à la Révolution,
accueille les réfugiés français, après son alliance
avec l’Autriche et la guerre contre la France.
Ni sollicitée, ni souhaitée, l'irruption des armées révolutionnaires
françaises dans le comté de Nice, (28-29 septembre 1792) marque
le début d'une période difficile : une administration provisoire
fut nommée dans la confusion. Le 4 novembre, ces institutions fantoches
délèguent à Paris Blanqui et Veillon pour demander la
réunion du comté de Nice à la France. La Convention
exige que la population soit consultée. Le 28 novembre, un tiers seulement
des communautés du comté (les autres étant défendues
par l'armée alliée) votent la réunion à la France
et la création de la Convention nationale des colons marseillais,
organe qui gérera la région conquise dans l'intervalle. Le
15 janvier 1793, Blanqui et Veillon présentent ces résultats
comme le vœu unanime des habitants à la Convention. L’annexion est
votée le 31 janvier 1793. Le 4 février est créé
le département des Alpes-Maritimes dont le territoire recouvre le comté
de Nice (y compris Dolceaqua) et la principauté de Monaco annexée
le 14 février.[19]
“II faut noter que depuis
la fin du mois d'octobre, l’armée du midi était devenue l’armée
d'Italie. Elle complétait désormais l’armée des Alpes,
maîtresse de la Savoie. Son rôle militaire, dès la mi-novembre
cesse de prendre de l'importance. Mais tout d'abord, à la suite des
échecs essuyés, le général Anselme
est accusé de mollesse. Dès le 3 décembre Dagobert prend
alors le commandement.
Le front semble stabilisé et la
route de Turin bien verrouillée par les Sardes aidés des Autrichiens.”[21]
Le nouveau département est divisé en trois districts (Nice,
Menton et Puget-Théniers). Les finances sont exsangues, le ravitaillement
irrégulier, l'ordre public inexistant. Le département va à
vau-l'eau et la population souffre. Dans ce contexte, on ne s'étonnera
pas des difficultés à mettre en œuvre la législation
nouvelle. Les Niçois refusent les assignats, les biens nationaux
font l'objet d'innombrables trafics, les mesures politiques contre les émigrés
et le clergé n'ont aucun effet, la francisation par l'enseignement
est très limitée, les élites qui n'ont pas fui en Piémont
refusent de collaborer, la déchristianisation même est un échec,
les autorités françaises craignant d'accentuer l'hostilité
des Niçois, réputés fervents catholiques, contre le régime.
Au total, la politique révolutionnaire se heurte à une profonde
résistance passive de la population.
La France occupe le petit territoire d’Onéglia, sur la Riviéra
ligure, en 1793. Un grand nombre de révolutionnaires italiens en
profite pour s’échapper d’Italie, par ce passage, pour gagner la France.
Mais Onéglia devient un berceau de l’unité italienne, un centre
de propagande, avec des hommes comme Buonarroti, et de nombreux “fuoriscite”
venus du Piémont, qui font rayonner la révolution dans toute
l’Italie. Le Comtat Venaissin retourne à la France (1791).