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Chapitre III.
L’évolution politique en Piémont-Sardaigne.
Un roi autoritaire.
A la fin des guerres de succession, le Piémont se trouve dans une
situation certainement plus favorable que celle qu'il connaissait au début
du siècle : “il s'est considérablement renforcé
et étendu”, sans compter le titre royal qu'ont acquis les ducs
de Savoie. Ces résultats correspondent pleinement aux ambitions
des souverains, puisque deux idées essentielles semblent guider
Victor
Amédée II : “grandir
son Etat dans l'Europe, et son propre pouvoir dans l'état.”
Or, le premier impératif ne peut se réaliser qu'en fonction
des succès du second : seul un pays soumis à l'autorité
du souverain peut espérer rivaliser avec de puissants voisins. Et
pour obtenir cette adhésion et cette obéissance indispensables,
l'état est conduit, au travers d'une administration centralisatrice,
tutélaire et omniprésente, à dominer les contre-pouvoirs
traditionnels.
En
définitive, il s'agit pour l'état tout puissant, armé
d'une administration moderne, de maîtriser tout ce qui représente
le passé : féodalité, clergé, comme libertés
communales. Pour y parvenir, l'état dispose de deux moyens : un
commandement autoritaire incarné par le souverain, d'où vient
l'impulsion réformatrice, et une structure administrative bureaucratique
qui en fait application.
Victor Amédée II
14e duc de Savoie
roi de Sicile (1713-1720)
roi de Sardaigne (1720-1732)
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L'état
piémontais est surtout fondé sur un gouvernement personnel
de ses souverains. Victor Amédée II, (qui règne de
1675 à 1730) s'est d'ailleurs largement inspiré de l'absolutisme
dont Louis XIV a donné le modèle : “il est peu de souverains
en qui la plénitude et la puissance réside avec plus de prééminence
et de supériorité”. Le souverain est imbu du sens de sa propre
responsabilité, mais aussi de son propre pouvoir, au point d'affirmer
: “notre autorité est despotique, sans qu'elle ait besoin du concours
d'aucun corps”.
Ce
prince “ambitieux, inquiet, dissimulé et jaloux de son autorité”
tel qu'on le considère à Versailles au début de son
règne, sait toutefois doser l'absolutisme avec une certaine forme
de “paternalisme”. Précisons que Victor-Amédée II
est doté de qualités personnelles indéniables pour
conduire les intérêts de l'état : “élévation
de son génie, étendue de ses lumières, profondeur
de ses vues et multiplicité de ses talents qui l'égalent
aux plus grands souverains de son siècle”. il laisse en héritage
les succès d'une politique extérieure habile et les fondements
d'une réforme administrative profonde, d'une réorganisation
et d'un renforcement de la machine de l'état et de son pouvoir (41). |
Cette carte montre encore Château Dauphin,
qui fait alors partie du royaume de Piémont-Sardaigne
Carte J E Bernard 1734.
Victor Amédée abdique en faveur de son fils Charles
Emmanuel III (1730), puis revient sur
sa décision et doit lutter contre lui, sans succès, jusqu’à
sa mort. Il laisse un état très centralisé et parfaitement
organisé. Allié à la France de Louis XV, Charles Emmanuel
III prend Milan en 34/35 qu’il ne pourra pas conserver au traité
de Worms (1739). Par contre, la Savoie s’agrandit à nouveau avec
Novare et Tortone (à l’est d’Alexandrie).
Comtes de Bellino et comtes de Casteldelfino
:
L'inféodation de la Castellata par les “Savoies” " est très
tardive : C'est seulement en février 1734 que Bellino, comme Casteldelfino
deviennent des "fiefs".
Le fief de Bellino
est acheté par Biago Alfassio, un militaire, capitaine d'un régiment
de fusiliers qui avait épousé Lucrèce Grimaldi, la
sœur du comte
Joseph Grimaldi de Busca. Cette branche des Grimaldi est un rameau de la
branche des seigneurs d'Antibes, branche qui s'était installée
à Busca.
La famille Alfassio est originaire de Busca. Antonio Alfassio fut porte-enseigne
d'une compagnie de milice en 1568 et capitaine du comte de Camerano (1589).
Biago obtient l'investiture pour Bellino avec le titre de comte pour son
fils Joseph-Jean en 1734.
Devise : "Ursus ne tentes"
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Ce dernier prit le nom d'Alfassio-Grimaldi.
Veuf de Victoire Marie Elizabeth Gazelli de Selve, son épouse, il
rentra dans les ordres, mais obtint de conserver son fief.
Louis (Luigi) d'Alfassio-Grimaldi (1746-1825), son fils, hérita
du titre. Il était syndic de Busca. Pendant la période républicaine,
il fut accusé de crime contre l'Etat, fut conduit à Cuneo
pour y être guillotiné mais fut sauvé au dernier moment
par le commandant de la "Guardia Nazionale". A sa mort, le titre ne passa
pas à son fils Carlo Biago (1768-1823) déjà décédé
mais à ses petits-fils. Carlo Biago avait eu, de son épouse
Lucie Mathilde Berzetti de Mulazzano, trois fils : Louis (Luigi), Léopold,
et Joseph. |
L'aîné, Louis, comte de Bellino, épousa Louise Bocchiardo
de San Vitale, déménagea à Asti et laissa à
son tour trois fils : Louis (né en 1824), Maximilien (né
en 1825) et Hugues (né en 1836).
Louis, l'aîné, fut militaire, décoré pendant
la guerre du Risorgimento. De son épouse la comtesse Alexandrine
Morozzo della Rocca, il laissa un fils qui lui succéda en 1906.
Ce dernier, Hugues Alfassio Grimaldi (1863-1933) fit une grande carrière
universitaire et laissa trois fils : Grimoaldo (° 1914), Ildebrando
(° 1914), un militaire, et Ugoberto (° 1915).
Frédéric, fils d'Ugoberto est né en 1944.
Il a un fils, Edouard, né en 1977.
Voilà pour les comtes de Bellino, les Alfassio-Grimaldi, qui continuent
à porter le titre.
Pour Casteldelfino, c'est une branche
de la famille de Saluces qui obtint le fief en 1734.
Thomas-Albert de Saluces (+ 1752) fut le 1er comte de Casteldelfino, recevant
l'investiture le 17/2/1734. Ce dernier était déjà
comte de Mombarone depuis 1731. Il descendait de la branche des comtes
de Paesana et Castellar par son père Charles Marie de Saluces et
des comtes de Ricaldone par sa mère Marie Catherine Gandolfi. Il
avait épousé en 1720 une autre "Saluces", Marie Thérèse,
fille du 2ème marquis de Garessio et Farigliano et d'Ange Thérèse
Carron des marquis de St Thomas.
Le fief passa ensuite à son fils, Azzone de Saluces (+ 1767), 2ème
comte de Casteldelfino, puis au frère de celui-ci, François-Hyacinthe
(+ 1811), 3ème comte de Casteldelfino, qui le laissa à son
fils Gaétan (1773-1831).
Blason de la famille de Saluces-Paesana
En
1735, lors des préliminaires de la paix de Vienne, Victor-Amédée
II, agrandit encore son royaume par quelques fiefs situés près
d’Oneglia, vers Albenga et même au-delà. [49]
Charles Emmanuel III
2ème roi de Sardaigne
(1730-1773)
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Durant les
règnes de Charles Emmanuel III
(1730-1773) et de Victor Amédée
III (1773-1796), l'absolutisme accentue
encore sont caractère bureaucratique et militaire, les deux préoccupations
essentielles de la monarchie étant d'accroître les forces
militaires, et de parachever l'œuvre de centralisation administrative entreprise
au début du siècle.
Charles
Emmanuel III, considéré comme n'ayant pas la même sensibilité
politique que son père, n'en est pas moins un excellent continuateur
de l'œuvre entreprise par ce dernier. La structure administrative et financière
de l'état et les orientations économiques étant déjà
tracées, il ne lui appartient pas d'innover mais de continuer, ne
pas explorer de nouvelles voies mais suivre les traces paternelles.
Et
il s'acquitte très dignement de cette tâche, car il paraît
animé “par une passion presque fanatique du renforcement de la machine
de l'état, selon les formes de l'absolutisme le plus pur”. La même
application se retrouve dans l'organisation militaire du pays, comparé
à “une immense caserne”. |
La politique des trois souverains, tout au long du XVllle siècle,
qui vise à renforcer le pouvoir monarchique et à affirmer
la place de l'état à l'échelon européen, se
répercute au niveau des communautés : pour satisfaire ses
ambitions européennes, le petit Etat piémontais doit disposer
de forces militaires et de contributions matérielles conséquentes.
Pour y faire participer tous les sujets à travers les communautés,
il doit disposer d'une structure administrative solide et disciplinée.
Victor Amédée III
3ème roi de Sardaigne
(1773-1796)
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Seule une bonne administration est capable “de mettre les communautés
dans un état à trouver les charges qu'elles payent à
S.A.R. plus légères par le moyen de l'économie de
leur revenu”. Cela se traduit par une structure administrative hiérarchisée
et solide, marquée par la stricte dépendance des administrateurs
vis-à-vis du souverain, la primauté de l'administratif sur
le judiciaire, le développement de la bureaucratie. Mais cette
évolution n'est pas précisément novatrice, et l'esprit
réformateur reste fidèle à la ligne d'un absolutisme
bureaucratique et militaire, centralisateur et tutélaire, donc essentiellement
conservateur. Toutefois, le succès pratique de cette politique réformatrice
est indéniable : “l'état tiré au cordeau” devient
un exemple d'uniformité et d'efficacité : “une administration
honnête et rigoureuse, dotée d'organes disciplinés
prompts et efficaces centralise, dans une forte unité, toute la
direction du gouvernement ; une comptabilité détaillée,
systématique, scrupuleuse, préside à la gestion contrôlée
et sévère des deniers publics ; une certaine tournure positive
et pratique dispose les esprits aux considérations concrètes
de l'expérience et des faits”.
Les
structures directement concernées par ce courant réformateur
ne sont pas seulement les hautes sphères de l'état ; sous
leur impulsion, les moindres communautés deviennent les sujets de
cette évolution. D'ailleurs, si l'état admet l'existence
d'administrations locales, il ne les conçoit plus que comme la conséquence
du pouvoir qu'il veut bien leur reconnaître (18). Cet aboutissement
de l'absolutisme centralisateur en matière d'administration locale
n'est pas seulement la victoire d'un Etat omnipotent sur des pouvoirs locaux
affaiblis. Elle est la conséquence d'une lente et tenace mise en
tutelle des communautés, par le biais des moyens les plus efficaces
et les plus appropriés (42).
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