Chapitre XII.
Le Consulat (1799-1804).
Deuxième
Campagne d’Italie.
Les départements
transalpins.
L’aménagement des
voies alpines.
Au soir du 18 brumaire, un coup d'état a confié le sort de la
République au général Bonaparte alors que Charles-Emmanuel
IV et sa famille arrivent le 3 mars 1799 à Cagliari. II est le premier
Savoie à se rendre en Sardaigne. L’accueil y est chaleureux, malgré
la rude politique conduite à l'égard de l'île en rébellion
depuis 1794 et matée depuis 1796. Cependant, en Piémont, les
Russes ont écrasé l'armée française et libéré
Turin le 26 mars. Les Savoie se préparent à y revenir. Mais
les Autrichiens n'acceptent leur retour dans leur capitale que s'ils restituent
toutes les conquêtes faites à leurs dépens depuis 1713
!
Deuxième Campagne
d’Italie.
Une deuxième Coalition se dresse contre Bonaparte. La Ligurie échappe
pendant assez longtemps à l’occupation austro-russe. L’armée
française se replie et s’enferme dans Gènes. Les autrichiens
ne s’emparent de Cunéo que le 13 décembre et n’occupent la Riviéra
ligure que très lentement, isolant Gênes de la France. Ils arrivent
jusqu’à Nice (1800) [54].
En mai 1800, Bonaparte franchit le col du Grand St Bernard avec 40.000 hommes
et 100 canons pour secourir Masséna, assiégé dans Gênes
par les autrichiens. Il profite de la présence française en
Suisse pour préparer cette expédition. Entreprise téméraire,
le passage du col à 2.472 m d’altitude, par une armée importante,
alors que celui-ci est encore enneigé, qu’il n’y a pas de route carrossable,
qu’il faut démonter, transporter, remonter voitures et canons, qu’il
faut bivouaquer au moins une nuit en altitude, restera un fait militaire
remarquable.[54]
Pendant les journées des 16, 17, 18, 19, 20 mai, les divisions continuent
à passer avec les vivres, les munitions et l'artillerie. Le Premier
consul se décide alors à passer le Saint-Bernard de sa personne.
Il se met donc en marche pour traverser le col le 20, avant le jour. L'aide
de camp Duroc et son secrétaire de Bourrienne l'accompagnaient. Les
arts l'ont dépeint franchissant les neiges des Alpes sur un cheval
fougueux, voici la simple vérité : il gravit le Saint-Bernard,
monté sur un mulet, revêtu de cette enveloppe grise qu'il a
toujours portée, conduit par un guide du pays, montrant dans les passages
difficiles la distraction d'un esprit occupé ailleurs, entretenant
les officiers répandus sur la route, et puis, par intervalles, interrogeant
le conducteur qui l'accompagnait, se faisant conter sa vie, ses plaisirs,
ses peines, comme un voyageur oisif qui n'a pas mieux à faire.[9]
Le 2 juin, il rentre dans Milan, coupant la retraite des autrichiens.
Masséna et ses troupes, ravitaillées par le corsaire niçois
Bavastro, sont assiégés dans Gênes.
Les autrichiens prennent Gênes et remontent vers le nord, alors qu’une
autre partie des troupes se regroupe autour de Mantoue. Le 14 Juin 1800, c’est
la bataille de Marengo, près d’Alexandrie, que Bonaparte gagne. Le
15 juin il signe une convention avec les autrichiens battus : ceux-ci doivent
abandonner le Piémont, la Lombardie, Gênes et les Légations
et se replier.
Les Savoie négocient avec le soutien des Russes, quand arrive la nouvelle
de la défaite de Marengo (14 juin 1800) : Nice et le Piémont
sont reperdus. Charles-Emmanuel IV part pour Rome, où meurt sa femme
le 4 juin 1802. Désespéré, sans postérité,
il abdique au profit de son frère qui devient Victor-Emmanuel ler.
Le roi déchu mourra à Rome, aveugle, le 6 octobre 1819. Dans
ce premier exil, il avait déjà perdu deux frères (le
duc de Monferrat, mort sans postérité le 2 septembre 1799 et
le duc de Maurienne le 28 octobre 1802) et surtout le fils de Victor-Emmanuel,
héritier présomptif du trône (9 août 1799).
Les départements
transalpins.
Après Marengo, Bonaparte décida de poursuivre le processus,
qui fut conclu par le décret d'annexion du 11 septembre 1802 : le
Piémont fut divisé en six départements (Pô, Stura,
Doire, Agogna, Marengo, Sesia) et Turin, avec ses 80.000 habitants, devint
la quatrième ville de France! Tous les sujets sardes doivent rentrer
chez eux sous peine de bannissement.
Cependant, Victor-Emmanuel ne renonce à aucune de ses possessions.
Installé à Gaète, puis à Naples, il doit retourner
en Sardaigne quand les Français menacent cette ville. II y restera,
avec sa famille, jusqu'au 2 mai 1814. La pauvreté de l'île rend
la dynastie et sa politique très dépendante des subsides russes
et anglais, et l'humiliation de cette période fondera de cruels ressentiments.
L’annexion du Piémont, si elle mécontente les patriotes unitaires
italiens et les royalistes partisans de la dynastie de Savoie, n’entraîne
aucune réaction des paysans piémontais et les commerçants
sont plutôt satisfaits des perspectives d’amélioration du commerce
avec la France. Nice et la Savoie reviennent à la France.[54]
L’aménagement
des voies alpines.
Dès 1800, Bonaparte, premier consul, met en chantier les
grandes traversées alpines. A l'automne 1800, quelques mois seulement
après l'aventure du Grand-Saint-Bernard, Bonaparte signait un décret
décidant d'une route au Simplon.
"En 1802,dix-huit communes briançonnaises
se levèrent en masse (sic) à la voix du Préfet Ladoucette
pour ouvrir la route du Montgenèvre ; elles furent secondées
par les soldats de la garnison de Briançon, qui décidèrent
ainsi la question de savoir si l’on pouvait leur devoir comme aux Romains,
de grands monuments qui attestent la force et le génie des peuples."
Cette phrase doit être extraite du discours prononcé par l'excellent
préfet, qui poursuit en ces termes : "Pour perpétuer le souvenir
de l'ouverture de ce chemin, que le gouvernement nomma route d'Espagne en
Italie, le département éleva...un obélisque de 20 mètres
de hauteur... Pour !'inauguration, je fis célébrer une fête
brillante sur la montagne... On devait amener à ses pieds les eaux
réunies de la Durance et de la Doire que les Romains appelaient riparia...
".
Au Mont Cenis, les montagnards, presque tous porteurs, guides ou muletiers,
tiraient leur revenu principal des nombreuses difficultés du profil.
Aussi se gardaient-ils d'améliorer d'une façon quelconque le
tracé de la voie, qu'ils conservaient jalousement dans un mauvais
état d'entretien. C'est pourquoi Bonaparte décida, dès
1802, d'y construire une route “praticable pour toutes les voitures, comportant
une largeur convenable ainsi que des pentes modérées”.[9]
Les travaux, pour passer du sentier à la route débutent cette
année là. Les ouvriers occupés à la construction
de la route étaient, pour la plupart, originaires du Piémont.
Ils émigraient par villages entiers vers les chantiers du Mont-Cenis
et constituaient autant de petites équipes indépendantes travaillant
sous la direction d'un des leurs, qui avait su s'imposer par ses capacités
techniques ou, simplement, par son aptitude au commandement.
Attirés par des salaires nominaux très élevés,
ces hommes ne pouvaient, pratiquement, retirer aucun avantage pécuniaire
de cette situation, vu le prix des denrées et des autres objets de
consommation courante, dans une région quasi désertique et,
par surcroît, brusquement surpeuplée. Logés dans des baraquements,
nourris par des “marchands de soupe” qui se réservaient
un bénéfice usuraire, ils menaient une vie toute rustique,
voire misérable. Leur activité fiévreuse
cessait avec les beaux jours. Dès l'apparition des
premières neiges, tout ce peuple de travailleurs refluait vers la
vallée, se répandant, le dimanche, dans les auberges et les
guinguettes des villages d'alentour.
Après quatre ans de travaux, en 1806, le gros oeuvre de la route était
presque terminé.
Pour améliorer la sécurité des voyageurs, l'empereur
décida aussi qu'il serait construit, entre Lanslebourg et Suse, un
certain nombre de refuges où les voyageurs surpris en chemin par le
mauvais temps pourraient s'abriter. Toutes les dispositions prises pour assurer
la sécurité des voyageurs faisaient du Mont-Cenis l'un des
passages les plus fréquentés des Alpes françaises. Au
cours de l'année 1805, par exemple, l'hospice, agrandi
par les soins de l'empereur, hébergea
10.585 voyageurs civils, dont 4.745 à
cheval ou en voiture. Ce nombre s'accrut au fur et à mesure que les
travaux de construction ou de rectification de la route rendaient la circulation
plus aisée. En 1810, année considérée
comme moyenne du point de vue économique, près de 17.000
voitures civiles franchirent le col, drainant vers la haute vallée
de la Maurienne un formidable courant d'échanges commerciaux.
Avant même que les travaux complémentaires prévus tout
le long de la route ne fussent complètement terminés, un service
régulier de diligences et de courriers s'établit.
En 1811, un décret impérial institua, sur la route, un droit
de péage. Le produit de cette taxe était versé en totalité
aux religieux de l'hospice ; ceux-ci devaient,
en échange, “maintenir la route en bon état de viabilité
et déblayer les neiges, de manière que le passage soit toujours
facile et ne soit jamais interrompu”. Pour faire face à cette charge,
le père supérieur embauchait pendant les mois d'hiver des cantonniers
auxiliaires, recrutés, le plus souvent, parmi les voyageurs en quête
d'un viatique.
Il faudra 13 ans pour que la route
et les équipements annexes soient parfaitement opérationnels.[9]
Outre la route du Mont Cenis, l’axe Genoble-Turin par l’Oisans, Briançon et le Montgenêvre est
modernisé. A cette époque, de lourdes diligences attelées
à la montée de douze ou quatorze mules parvenaient à
relier Turin à Lyon en trois ou quatre jours, tandis que les rouliers,
de Chambéry à Turin, en prenaient 10, au tarif de 15 à
16 francs par 100 kilos.
Le Val Varaita est français, et à cette date on compte 1.024
habitants à Bellino. Il fait partie probablement partie du département du Pô, ou bien du département
Stura et est donc français. Personne,
pas plus Bonaparte, premier consul, que d’autres ne se soucie d’améliorer
les communications en Val Varaita.