Mise à jour 4/05 Copyright JG © 2005

 - Le Col de l'Autaret ou
     Histoire de Bellino
 - Les Thèmes associés
 - Bataille de la   Battagliola
    1743-1744
 - Blason de Bellino

 - Breve cronologia della
 Castellata E de l' Escartoun
   de CHASTEL DELFIN
      (Italiano)
 - Brève chronologie du
 Castellar et de l' Escarton de
  CHÂTEAU DAUPHIN

 - République de Briançon (F)
 - Republica di Briancon (It)

 - Autres



 
 
 
 

 

Chapitre I.  L’EVOLUTION DES ETATS AU DEBUT DU XIIIe SIECLE .
La population :
Pays d'Oc.
L’extension du  Dauphiné.
La Castellata.
Saluces et la succession de Manfredo II .
Extension de la Savoie.
La Maison d’Anjou en Provence.
Les Anjou passent en Piémont.
Les cols alpins.
Thomas Ier, de Saluces.
Le dauphin en Briançonnais, en Queyras et Castellata.
Présence de nos noms de famille (1260).

La population :
       La population, à cette époque n’est pas très nombreuse, l’Italie entière compte environ dix millions d’habitants. Par contre les Alpes sont déjà très peuplées. 

Pays d'Oc. 
       Du point de vue linguistique, dans les provinces du sud et jusqu’aux plaines piémontaises, on utilise la langue d’oc. Dans les écrits, le latin est détrôné par l’occitan : c’est la langue utilisée, dès le XIIe ou XIIIe siècle pour les délibérations et les comptes municipaux. 
        Notons qu’à cette époque, un grand Etat Occitan aurait pu se créer, des Pyrénées aux contreforts alpins piémontais, lors de la constitution de la grande coalition occitano-catalane (13 janvier 1213) qui regroupait le comte de Toulouse (Raymond VI) avec ses terres de Provence, le comte de Foix, le comte de Comminges, le vicomte du Béarn et le roi d’Aragon. Opposés au roi de France et bien supérieurs en nombre, ils subissent une imprévisible défaite à la bataille de Muret, près de Toulouse, le 13 septembre 1213 qui arrête leur domination sur le Sud de la France. 

L’extension du  Dauphiné.  
       Au moment ou la vallée de Bellino devient dauphinoise, poursuivons l’histoire de la Maison des Dauphins. Les historiens distinguent trois « souches» de dauphins :. 

  • La première, déjà vue, s’est terminée vers l’an 1146,
  • La deuxième, commencée à cette date, sous Guigues Andréa, fils de Ugo III duc de Bourgogne et de Béatrice, dauphine se poursuit jusqu’à 1282, à la mort de Jean Ier.
  • Nous verrons plus tard la troisième souche, qui commence lorsque la sœur de Jean Ier, Anne, donne en dot tout le Dauphiné à Humbert de la Tour du Pin.
        Pendant le règne de la première «souche», l’extension dauphinoise a commencé par l'installation en Grésivaudan (l'ancien “ Pagus Gratianopolitanus” ou pays de Grenoble) au détriment des évêques de  Grenoble, notamment de saint Hugues, titulaire du siège de 1080 à 1132.  La rivalité fut longue, le succès longtemps incertain et bien des étapes en restent obscures. Toujours est-il que Guigues III “le comte” signa en 1116 avec saint Hugues, un  accord  qui  stipulait un  partage d'autorité sur la ville de Grenoble, mais la souveraineté du comte d'Albon était reconnue sur le Grésivaudan, « qui doit s'entendre au sens large, c'est-à-dire non seulement l'Isère moyenne, mais les passages qui tendent vers le Briançonnais et la Durance, Oisans d'une part, Mateysine et Trièves de l'autre ».         Le mariage, moyen politique bien connu des monarchies, est utilisé par les dauphins : Guigues VI épouse, en ce début du XIIIe siècle (1202), la petite-fille du comte de Forcalquier qui lui apporte en dot l 'Embrunais  et  le  Gapençais,  heureux prolongements  du Briançonnais. 

        Sous la deuxième souche, Guigues Andréa épouse Béatrice de Monferrat et a deux fils, Guigues (qui lui succède) et Giovanni (mort jeune) et une fille Anne qui épouse Amédée IV, comte de Savoie. Il prend part à la Croisade des Albigeois, s’allie avec Monferrat contre Milan et, en 1228, est un opposant à Turin, Pinérol et Tortona. Il meurt le 14 mars 1237. 
         Le mariage de son fils, Guigues VII avec Béatrice de Savoie, fille du comte et d’Agnés de Faucigny (descendante de St Louis), en 1241, apporte au Dauphiné le Faucigny, les vallées de l'Arve et du Giffre. Ceci sera la source de conflit brutaux avec les comtes de Savoie.         Un troisième mariage agrandira encore le  Dauphiné : celui d’Anne avec Humbert Ier, de La-Tour-du-Pin. Ce sera le début de la troisième «souche». 

La Castellata.         Lorsque le dauphin de Vienne apparaît dans la Castellata, vers 1210, celle ci est divisée en deux parties : 

  • Le dauphin du Viennois, occupe les montagnes centrales limitées par les deux Varaita. La limite, va du col de Maurin jusqu’à Château-Dauphin. Le territoire est constitué des deux versants de ces montagnes : celui qui descend vers la Varaita de Pont et celui du descend vers la Varaita de Bellino. On y trouve les bourgs de San Eusébio, et dans la vallée de Bellino, ceux de Celle, Prafauchier et Gardetta. Les granges de Vautour, le col de Bondormir sont alors au centre de ce domaine.
  • Le marquis de Saluces garde le reste de la Castellata, avec les bourgs Chaudanes et Bertines sur la commune de Château-Dauphin, S. Giacomo de Bellino (Ribiera), et le bourg de Castello de Pont.

        Il existe d’autres bourgs dans les vallées, mais ceux-ci sont les plus cités dans les documents historiques. 
        Le marquis, comme le dauphin, se sont donnés le libre-passage sur leurs terres car, avec un tel découpage, chacun doit transiter sur les terres de l’autre : de Celle di Bellino à San Eusébio, le chemin traverse la Varaita, par un pont. 
        Pour le Dauphin, cette acquisition partielle de la Castellata n’est pas d’une grande valeur, mais sur le plan politique, le site, de l’autre côté des Alpes,  va lui permettre de surveiller ce qu’il se passe entre les divers petits Etats divisés du Piémont, d’être à l’écoute des litiges et d’être prêt à intervenir si l’occasion se présente, pour accroître son domaine. 
         Il est certain que le dauphin Guigues Andréa, en 1228, améliore ses défenses dans la vallée par la construction du fortin Ponte Bellini, à Bellino, sur les premiers gradins des contreforts de Piétralunga,  face au bourg de  Ribiera, pour défendre le pont qui enjambe la Varaita et relie les deux Etats. C’est un petit château, avec une cour intérieure entourée de murs, qu’il fait construire avec sûrement quelques idées d’expansion derrière la tête. Un document officiel de la Maison du Dauphiné «Castrium Delphinatus Pontis Bellini », c’est à dire «château du dauphin au Pont de Bellino » décrit  cette construction. Certains historiens confondent Pontis Bellini avec Pont de Pontéchianale , en particulier Casalis dans son «dictionnaire géographique et historique » indique que Pontes-Bellini est le château de Pont.
          On attribue la construction du château de Saint-Eusèbe, sur le rocher qui domine les deux vallées Varaita, au dauphin Guigues André VI qui gouverna de 1228 à 1237. Le fort s’appelait Château-Dauphin et la ville de Saint-Eusèbe prendra bientôt ce nom.
 

Saluces et la succession de Manfredo II.

        Après la cession d’une partie de la Castellata au dauphin, par Alasia son épouse, Manfredo II, revenu à Saluces, réunit des troupes pour s’opposer aux provençaux qui, en 1210, assiègent Cunéo. Après diverses batailles, il est contraint d’évacuer le lieu, n’ayant pas obtenu l’aide escomptée du marquis de Monferrat. Celui-ci est occupé à guerroyer contre les « Astigiani ». La ville de Cunéo passe à Raimond de Provence, est détruite et ses habitants dispersés. Elle sera reconstruite en 1231. 
        Mélancolique d’avoir perdu une place si importante, Manfredo meurt quelques années après, en février 1215. Ce fut un homme de grande valeur, de grande religion et de piété. 
        Lui succède son petit-fils Manfredo III, Manfredino, qui a à peine plus de 10 ans. Le marquisat est alors gouverné par Alasia et Guido di Piossasco, seigneur et vassal principal du marquisat. 

        La régente, avisée et sage, mène une politique d’alliances, unit ses anciens confédérés et après une dure bataille, conclue la paix, côté savoyard, puis se tourne vers Cunéo. Elle fait réduire cette place en 1216, et Cunéo revient à son petit-fils. Cette noble dame souhaite revenir à la tranquillité sur son domaine, sert l’Eglise en compensant, par exemple, les dommages causés au monastère de Staffarda par les guerres récentes, et pense agrandir le domaine du marquis par l’acquisition de nouvelles terres.

        Elle reçoit l’hommage de Baldretto, seigneur de Venasque et de ses frères Manfredo et Guiglielmo pour toutes les terres qu’ils possèdent dans le Val Varaita, c’est à dire pour les terres situées entre la ville de Venasque et le bas de la vallée. Acceptant cet hommage, elle leur accorde aussitôt l’investiture sur ces domaines. 
        Sur le plan religieux, Manfredino, qui était pupille en 1220, donna Rifreddo à Agnés pour qu’elle fonde un monastère de religieuses de l’ordre de S. Benedetto, sous le titre de Santa Maria di Rifreddo. C’est le premier monastère de religieuses connu dans le marquisat de Saluces.         Le 5 mai de l’année suivante, Alasia reçoit de l’empereur Frédéric II, l’investiture pour le marquisat de Saluces, avec ses droits, raisons et pertinences, le droit de tutelle, de défense et de protection de l’Eglise, de duel, de combattre et de tournoi, et la faculté de battre monnaie. Ce diplôme impérial montre que le marquisat de Saluces est entouré des comtés de Provence, du Dauphiné, du comté de Savoie par ses terres du Piémont, et du marquisat de Monferrat. 
        Poursuivant son objectif de paix, la régente ne supporte pas les dissensions entre le marquisat et le comte Thomas de Savoie. Elle négocie un nouvel accord, et par le traité du 4 mars 1223, on convient que, à brève échéance, le marquis épousera Béatrice, petite fille du comte et qu’il prêtera hommage pour ses terres et ses nouvelles acquisitions. Par cet acte, le comte se fait reconnaître comme seigneur supérieur pour une partie du marquisat. Cela soulèvera de graves discordes pour le renouvellement de l’acte d’hommage et de terribles guerres entre le marquisat et la Savoie. 

        Mais Alasia n’est pas au bout de ses peines : à peine cinq ou six années après ce traité conclu avec la Savoie, des divergences apparaissent avec Guigues André, le dauphin, au sujet de possessions en haute vallée Varaita : le dauphin, pour étendre son Dauphiné cisalpin et avoir plus libre accès à ses terres par le col Agnel, a acheté à un certain Amédéo Fantino, les terres qu’il possède sur la commune de Pontechianale, a augmenté, de façon exorbitante, les droits de passage, et pousse les limites de son domaine. Le marquis réagit, déclare qu’il possède le lieu de Pont et présente, entre autres, les actes de donation d’Urtica de Verzuolo à la comtesse Alasia et les concessions des seigneurs de Venasque. 
        Pour trancher dans ce conflit, les deux parties en appellent, amicalement, à la décision de Boniface, marquis de Monferrat, lequel examine attentivement la question, étudie les documents fournis par chacun et rend sa sentence à Pignerol, en août 1230 : Manfredo garde ses biens tels qu’indiqués par Daniele de Verzuolo et Girardo de Venasque, et le dauphin conserve ce qu’il a acheté à Amédéo Fantino. Ayant réglé le problème, les partis nomment des observateurs (30)   : 

  • Guido de Piossasco, Guglielmo de Moretta, les frères Manfredo et Guglielmo de Venasque, pour le marquis de Saluces,
  • Guizo Alamanno, Oberto Manzio, Isert de Bremont et Bonifacio de Valle pour le dauphin.


        La comtesse Alasia meurt en 1232. Elle aura marqué son époque par sa compétence politique et sa gentillesse. 

        Manfredo III, maître d’un Etat en paix, épouse, l’année suivante, Béatrice, fille d’Amédée comte de Savoie et lui apporte en dot diverses terres du marquisat qui passent ainsi aux mains de la Savoie.
         En 1244, Manfredo, sentant sa mort prochaine prend des dispositions : il désigne son fils Thomas pour lui succéder, demande qu’on lui fasse le serment d’hommage et de fidélité, et par acte notarié, donne la tutelle à Bonifacio, marquis de Monferrat et à son épouse Béatrice de Savoie. Dans son testament, il lègue de nombreux biens au monastère de Staffarda, où il a choisit d’être enterré. Il meurt cette même année. 

Extension de la Savoie.  
         La Savoie, elle aussi, continue à s’agrandir : au début du XIIIe siècle, Thomas Ier acquiert la ville de Chambéry, accorde son soutien à l’empereur Frédéric II et en tire des avantages : il devient vicaire impérial en Lombardie et agrandit ses terres vers la Bresse,  au nord du Lac Léman et, après une longue guerre contre Turin et les marquis de Saluces et de Monferrat, arrive aux environs de Turin, ainsi qu’à Pignerol. 

La Maison d’Anjou en Provence.

        Raimond Bérenger V (1205 - 1245), reprend les pouvoirs en Provence : le comte réduit la puissance des villes : s’inclinent tour à tour, Brignolles (1220), Grasse (1227) et Nice, arraché à l’orbite de Gênes (1229). 
        Des colons catalans, à la demande de Raimond Bérenger, s’installent dans la vallée de l’Ubaye afin de faciliter les échanges entre les bergers du haut Var, ceux d’Embrun et ceux du marquisat de Saluces. Ils créent la ville de Barcelonnette. Très vite, en 1231, 
        Barcelonnette devient un comté. [52] 
        C’est aussi la période des luttes contre les hérétiques : venant d’Italie ou chassés du Languedoc par les barons du nord lors de la guerre des Albigeois, les Vaudois et les Cathares s’installent dans les Alpes-Maritimes et particulièrement, à La Gaude, près de Nice. Les bandes errantes des Albigeois, qui courent le pays de Provence après la défaite de Muret, sont forcées de fuir. Ils se réfugient alors dans les Alpes, dans les lieux les plus escarpés, dans les vallées du Dauphiné, des Basses et des Hautes Alpes, dans les montagnes du Piémont. Ils y resteront jusqu’à la réforme. [52] 

        Notons encore qu’à cette époque, Pierre Guillaume de Vintimille -Tende rançonne les voyageurs au col de Tende. 
        En 1245, la fille de Raimond Bérenger hérite de la Provence. Elle épouse Charles Ier d’Anjou, frère de St Louis qui devient comte de Provence (1262). 

Les Anjou passent en Piémont.

        Charles d’Anjou, ayant assis son autorité sur la Provence (1251-1265), mène une politique d’agrandissement, surtout vers l’est, en Ligurie occidentale et dans le sud du Piémont : 
      -  en  1254, il achète la souveraineté des Marches de Vintimille, [52] 
      -  en  1258, il acquiert Sospel, Saorge, Tende et la Brigue. 
      -  en 1259, il étend sa domination sur plusieurs villes et villages du Piémont, au premier rang desquels, Cunéo, qu’il reprend donc à cette date. 
        Devenu roi de Naples et de Sicile, Charles d’Anjou pousse son avantage en Piémont. Son nom est si grand, que les villes du Piémont, se soustrayant au protectorat de Manfredo et des princes allemands, se donnent au comte de Provence. Les habitants de Mondovi, de Limon, de Chierasco,  lui prêtent le serment de fidélité et reconnaissent ses lois. [72] 
        Charles passe le col de Tende et les villes d’Asti, de Turin, de Sevillan, d’Ivrée, d’Alba, et d’Alexandrie lui ouvrent leurs portes, sollicitent sa protection car il est du côté du pape. Il se déclare le défenseur des Guelfes. [72] 
        Depuis Amédée III, les comtes de Savoie sont, on le sait, des partisans avoués de l’empereur, donc Gibelins. A Turin, pourtant les Guelfes triomphent en s’insurgeant contre la Savoie et, non content de secouer le joug, ils emprisonnent le comte Thomas qui, livré à ses ennemis, meurt peu après. Notons que la libération du comte est la conséquence des pressions du roi de France, Saint Louis, qui fait arrêter tous les banquiers d’Asti installés en France et saisir 27 millions d’argent jusqu’à sa sortie de prison. 
        Boniface de Savoie, neveu de Thomas lui succède. Agé de 18 ans, il se prépare  la guerre pour châtier les rebelles et venger son oncle. Il passe les monts, suivi de ses barons et de leurs vassaux ; arrivé à Rivoli, il combat les Angevins, les met en fuite et va mettre le siège devant Turin. Durant les premiers jours, le jeune comte a l’avantage ; il va emporter Turin d’assaut, quand les Montferrains et les Astésans arrivent au secours des assiégés ; l’armée savoyarde est prise entre deux feux ; Boniface combat avec rage ; ses barons tombent autour de lui ; tombé de cheval et blessé, il est fait prisonnier et meurt à Turin, peut-être de la lèpre qui sévit à cette époque. [72] 
        Du Buttet, historien, nous indique que le marquis de Saluces, allié de Boniface, est aussi fait prisonnier dans ces combats. [72]         Jusqu’en 1382, Cunéo fait partie du domaine angevin piémontais, érigé vers 1300 en comté. Avec quelques retours au marquis de Saluces (1281-1305), puis plus tard à la Savoie ou encore à Saluces. Par mariage de sa fille avec Manfredo, marquis de Suse, Charles d’Anjou reçoit l’hommage de ce seigneur, pour ses fiefs de Cintal, du Val Stura, Fossan et Cunéo, et prend le titre de comte du Piémont. [52] 
        Cela entraîne des conflits armés avec la République Ligure (1260-1262 et 1273-1276), qui, finalement conserve l’est du comté de Vintimille et la bande côtière de Menton à Monaco. En Piémont, après dix années de luttes, la domination angevine se termine par un échec. [40] 

Les cols alpins.

        Rapportons encore quelques anecdotes sur les traversées des Alpes : “Au Mont-Cenis, en  1259,  comme à Larche ou au Genèvre,  l'hiver n'arrête pas les gens ! A ces rudes époques où les nécessités ne sont pas moins instantes, la seule façon de franchir la montagne, c'est, n'importe la saison, de la surmonter corps et biens, avec l'aide de Dieu, de la Vierge, des Saints, puis des officieux marronniers qui, du côté aostin, attendent le client à la Thuile. En Tarentaise, c'est à Saint-Germain où, depuis la mémorable apparition de la "plus belle que rose" comtesse Cécile de Savoie, traversée sans dommage en plein mois de février 1259, les hommes dudit village se trouvent exempts pour toujours (sic !) de toute exaction, taille et autre coutume... " et eux, en correspectif de cette franchise, sont tenus de servir de guides par le Mont-Jou à Nous et à nos envoyés ; de secourir les voyageurs qui se trouvent en danger sur la montagne ; de porter ceux qui y mourront jusqu'au lieu où il sera possible de les ensevelir ; de marquer les chemins publics du Mont avec des perches ou jalons, pour que les passants ne s'y égarent point.

Thomas Ier, de Saluces.

        Thomas a 4 ans à la mort de son père, en 1244. A l’âge de 7 ans, il est abandonné par sa mère qui se remarie avec Manfredo Sancia, fils naturel de l’empereur Frédéric ; à 14 ans, il perd son tuteur Bonifacio, subitement. La tutelle passe alors à Thomas de Savoie. 
Vers 1260, nous l’avons vu, Charles d’Anjou occupe le sud Piémont. Deux ans plus tard, lors d’une bataille sous les murs de Turin, Thomas est fait prisonnier et est enfermé dans une tour de la porte de Suse. Tout le monde s’unit pour le sortir de cette situation. Par un legs aux Astesi, il récupère toutes ses terres jusqu’au Val Stura et reçoit l’hommage spontané de nombreux seigneurs. 
        Thomas Ier confirme toutes les donations faites par ses prédécesseurs et agrandit son domaine, soit par la conquête, soit par l’achat de terres. Il fait édifier un nouveau château à Saluces, sur les hauteurs de la ville. En 1278, il reçoit l’hommage des seigneurs de Venasca pour les biens qu’ils possèdent à Sampeyre et à Bellino dans le Val Varaita et pour une partie de la ville et le château de Villanova. 
        A 17 ans, en 1257, il a épousé Aloisia, fille de Giorgio et de Menzia, marquis de Ceva, une des plus belles donnes de cette époque. Cette union est féconde : elle donne cinq fils et neuf filles. 

        En 1279, le premier fils du marquis, Manfredo, a 20 ans et n’a pas encore l’âge de la majorité fixée alors à 25 ans. Mais son père décide de l’émanciper, par acte notarié rédigé dans son château de Revello, le 12 septembre. En l’an 1286, Thomas marie ce fils aîné avec Béatrice, fille du second lit du roi Manfredo de Sicile, et par acte public du 3 juillet, à Cunéo, avec le consentement de son épouse Aloisia, il lui lègue le marquisat, avec pour traitement les revenus de Centallo, Busca, Acceglio, d’autres lieux du Val Macra, Sampeyre et Pont du Val Varaita et l’hommage de nombreux vassaux. L’épouse, Béatrice, alors veuve, reçoit, pour augmenter sa dot, le château et la ville de Scarnafigi et les lieux d Piasco, Melle et Casal de Pont, c’est à dire, Castello de Pont, et d’autres bourgades de Pontéchianale. 
Le marquis Thomas, qui meurt le 3 décembre 1296, a demandé, par testament, que son cœur soit placé dans la tombe de son épouse décédée trois années auparavant, dans l’église du monastère de S. Maria Nuovo di Revello, et que son corps repose au monastère de Staffarda . 

Le dauphin en Briançonnais, en Queyras et Castellata.

        Guigues VI achète les droits de divers particuliers sur des terres de Pont, de Castello de Pont au col Agnel. L’acte original porte la date du 4 novembre 1247 et se trouve aux Archives départementales de l’Isère, à Grenoble. 
        Revenons quelques années en arrière, pour nous intéresser au Dauphiné : suite à un arbitrage du Dauphin lors d’un différent entre notables de Briançon, un premier acte est rédigé, en 1262, réglant les rapports entre les briançonnais et le Dauphin. Conservant leurs droits traditionnels, les briançonnais prêtent serment de fidélité au Dauphin et s’engagent à le servir. 
Pour établir les impôts, on établit des listes de «feux» ou liste de familles, sorte de recensement des populations. Le Queyras fait partie du Briançonnais et nous connaissons les premières listes de «feux». 

Présence de nos noms de famille (1260).

        Dès 1260/1265, nous constatons que les noms de famille de nos ancêtres de Bellino,  sont présents dans les archives du Queyras : on retrouve, parmi les noms des délégués de paroisse ou de communautés pour les déclarations des redevances du Queyras, des Arnaud (Jean, Daniel, Jo) à Ristolas ou Château Queyras, un  Brun à Château Queyras,  un Roux ( Pierre) et un Martin à Molines, un Guillaume Richard à St Véran ou encore un Jean Martin à St Véran. 

        En 1265, le dauphin Guigues VI étend son domaine cisalpin : on en trouve trace aussi dans les Archives : la déposition de plusieurs gentilshommes mentionnés dans un acte, indique que le dauphin, depuis quelques années, a accru de beaucoup son domaine primitif et qu’outre d’être maître du territoire de Pont, il étend ses possessions au-delà de la bourgade de Chaudannes de Casteldelfino et probablement jusqu’à la limite qui sépare Casteldelfino de Sampeyre. Il est maître de toutes les terres de Bellino et de presque toutes celles de San Eusébio. 
        On note, dans un acte de 1277, une vente d’une pièce de terre à San Eusébio,  (Château Dauphin) où Guillaume de Solier, châtelain du Pont, agit au nom du Dauphin. Cet acte sera produit, plus tard, par le Dauphin, comme pièce justificative dans un conflit avec Saluces pour prouver son appartenance au territoire de Château Dauphin, en Briançonnais. 
        Jean Ier, successeur de Guigues VI, meurt à 20 ans d’une chute de cheval et ne laisse pas d’enfant de son mariage avec Bone de Savoie. C’est sa sœur Anne qui hérite du Dauphiné : elle épouse Humbert Ier de la Tour du Pin. 
        La Maison de Bourgogne était restée maître du Dauphiné de 1184 à 1282. 
        Le mari d’Anne devient donc dauphin en joignant à ses nouveaux états sa baronnie qui englobe, outre La Tour, les régions de Bourgoin, Crémieu et même Coligny dans le Jura. Diverses manœuvres ou d'avantageux héritages apportent en outre au Dauphiné le pays d'Allevard,  le territoire des Baronnies (région de Nyons et de Buis), la seigneurie de Sassenage, celle du Royans, la ville de Romans. Cette dernière annexion, en 1342, précède de peu le rattachement du Dauphiné à la France. Le Dauphiné s’étend alors sur le Grésivaudan, le Viennois, le Valentinois, le Diois, le Gapençais, l’Embrunais et le Briançonnais. 

        Ayant acquis des vastes domaines, les dauphins n'y règnent  pas  en  maîtres pour  autant.  Si la suzeraineté impériale ne leur pèse guère, ils doivent l'hommage du vassal aux comtes de Savoie et aux comtes de Provence pour le Faucigny et le Gapençais. L'action et la puissance territoriale des évêques contraint les comtes d'Albon à composer et à partager l'autorité sur les villes épiscopales de Grenoble, Gap et Embrun. La cité de Vienne leur échappe totalement. 

        Le conflit delphino-savoyard, lui, reste virulent et ne prendra fin qu'après le rattachement du Dauphiné à la France.  Parmi ses racines multiples, on peut d'abord évoquer les enclaves grandes ou petites  que  chacun  des  deux  adversaires  possède  chez l'autre : au dauphin le Faucigny, mais au comte de Savoie un croissant de territoires allant de Saint-Jean-de-Bournay à Sermorens  (Voiron)  sans parler de l'imbrication  de plus menues parcelles. La détention par chaque seigneurie d'un grand passage des Alpes - et le débouché commun de ces deux cols au pas de Suse - aiguise encore leur rivalité. En deux siècles, cinq guerres opposent violemment le Dauphiné et la Savoie, avec des fortunes diverses. Deux Dauphins tombent en combattant : Guigues  V périt au siège de Montmélian en 1142 et Guigues VIII est tué d'une flèche devant le château de La Perrière en 1333. Mais au moment du «transport» à la France, Humbert II possède toujours solidement le Faucigny et son autorité dépasse le Rhône vers le Bugey. [55]


Suite


© Copyright JG 2005